lundi 7 août 2017

Tawhida (1976)

توحيده
إخراج : حسام الدي مصطفى


Houssam Al-Din Mustafa a réalisé Tawhida en 1976.
Distribution : Magda El Khatib (Tawhida), Nour Al-Sherif (Hussein), Rushdy Abaza (Saïd Bey), Sanaa Gamil (la mère de Tawhida), Hussein Abdel Fattah (le fils de Tawhida), Farid Shawki (le père d’Hussein), Farouk Youssef (l’ami d’Hussein), Amira (Hasnah) 
Scénario de Naguib Mahfouz d'après la pièce de théâtre Fanny (1931) du dramaturge et cinéaste français Marcel Pagnol 
Musique : Mohamed Noah
Magda El Khatib

Nour Al-Sherif

Magda El-Khatib

Rushdy Abaza

Sanaa Gamil

Nour Al-Sherif et Magda El-Khatib

Nour Al-Sherif et Magda El-Khatib

Hussein Abdel Fattah

Rushdy Abaza et Magda El-Khatib

Nour Al-Sherif et Magda El-Khatib

Farouk Youssef et Nour Al-Sherif

Nour Al-Sherif et Farid Shawki

Amira et Magda El-Khatib


Résumé

Tawhida et Hussein résident à Alexandrie, ils s’aiment et souhaiteraient se marier. Malheureusement, Hussein n’a pas un sou. Il décide de partir à l’étranger pour travailler. Il espère ainsi devenir riche ce qui lui permettrait d’épouser Tawhida. La veille de son départ, ils font l’amour. Avec son meilleur ami, Hussein embarque sur l’ Achille Lauro (paquebot resté célèbre en raison du détournement dont il fut l’objet en 1985). Quelque temps après, Tawhida a un malaise alors qu’elle est en grande conversation avec le père d’Hussein : on découvre qu'elle est enceinte. La mère de la jeune femme est atterrée. Un ami, Saïd Bey,  propose d’épouser la future maman. C’est un homme d’âge mûr, fortuné et d’une grande gentillesse. Tawhida accepte la proposition. Les années passent. Tawhida est heureuse : elle mène une vie aisée et consacre tout son temps à l’éducation de son fils. Mais un jour, Hussein reparaît. Il tente de reprendre contact avec celle qu’il a toujours aimée.  Celle-ci  accepte de le recevoir chez elle mais rejette toute idée d’abandonner Saïd Bey pour reprendre la vie avec lui, même si ses sentiments n’ont pas changé. Hussein découvre l’existence de leur enfant. Il veut le récupérer  et le ton monte entre les deux ex-amants. Entrent dans la maison les parents de Tawhida puis Saïd Bey. La situation devient très délicate. Malgré l’amour qu’il porte à son épouse et l’affection toute paternelle qu’il éprouve pour le jeune garçon, Saïd Bey décide de se retirer. Hussein  pourra vivre avec  son fils et la mère de celui-ci.
L'année précédente, en 1975, la même pièce de théâtre de Marcel Pagnol avait fait l'objet d'une adaptation sous le titre Mélodie dans ma vie. Elle était signée Henry Barakat et le rôle principal était tenu par Farid Al Atrache. Signalons que la première adaptation arabe de cette oeuvre de Pagnol est un film libano-égyptien de 1967, Un Homme sur le Chemin (Fil Tariq Rajul), réalisé par Saïd Tatawi avec l'actrice libanaise Randa.



Critique 

Pour ce film, nous trouvons à la réalisation Houssam El-Din Mustafa et au scénario, Naguib Mahfouz. Le premier est un spécialiste du film d’action et l’un des représentants les plus prolifiques du cinéma populaire. Le second est l’emblème de la littérature égyptienne, prix Nobel de littérature. Cette association qui put sembler contre-nature a fonctionné pendant une vingtaine d’années et nous a donné des films très divers. Parfois ce sont des adaptations des œuvres romanesques de Naguib Mahfouz ; d'autres fois ce sont des scénarios originaux conçus par l’écrivain pour le cinéaste. Avec Tawhida, nous sommes devant un troisième cas de figure : Naguib Mahfouz adaptant l’oeuvre littéraire d’un autre écrivain pour Houssam El Din Mustafa. 
Des critiques se sont désolés de cette union entre un écrivain prestigieux et un réalisateur pour le moins inégal (franchement médiocres diront certains), la considérant comme le mariage de la carpe et du lapin. Pourtant on doit à ce partenariat de belles réussites comme La Quête en 1964, avec Rushdi Abaza et Shadia et comme ce Tawhida en 1976. 

L’œuvre de Marcel Pagnol fut souvent adaptée par les cinéastes égyptiens et tout particulièrement, comme nous le rappelions plus haut, les deux premières parties de sa trilogie marseillaise. 
L’auteur provençal écrit Marius (1929) et Fanny (1931) pour le théâtre mais peu après leur création, ces pièces font l’objet d’une adaptation cinématographique, à chaque fois sur un scénario de l’auteur. Marius est réalisé en 1931 par Alexander Korda et Fanny en 1932 par Marc Allégret. Pour écrire son propre scénario, Naguib Mahfouz a réuni les deux drames de Pagnol mais en privilégiant le second, d’une plus grande intensité narrative que le premier. 

Si l’on compare le film d'Houssam Al Din Mustafa à la version tournée l’année précédente par Henri Barakat avec Farid Al Atrache, on voit combien il lui est en tous points supérieur. En effet, avec Mélodie dans ma vie, Henri Barakat s’est servi de l'histoire du dramaturge français pour réaliser un mélodrame conventionnel, laborieux et excessivement figé. Mais sans doute, a-t-il été embarrassé par la santé vacillante de son acteur principal ( Ce film sera le dernier de Farid Al Atrache). 
Naguib Mahfouz et Houssam Al Din Mustafa, eux, ont tout misé sur le mouvement, la couleur et la lumière naturelle. 
Tawhida est une œuvre méditerranéenne, plus grecque qu’égyptienne ; il est vrai que nous sommes à Alexandrie ! La mer est donc omniprésente : à la fois cadre et thème central. Les scènes où les deux héros se retrouvent pour leurs colloques amoureux face à la mer agitée sont parmi les épisodes plus mémorables du film. Tout naturellement, Ibrahim Saleh, le directeur de la photographie magnifie la couleur bleue qu’il sature à plaisir : le bleu du ciel et de la mer, le bleu du vélo de Magda El Khatib, le bleu des murs et des façades. 
Le cinéaste et son scénariste ont dégraissé le mélodrame de Pagnol, lui insufflant un rythme nerveux, sans temps morts ni longueurs. Ainsi, ils lui donnent une fraîcheur et une vigueur qui, avouons-le, faisaient défaut aux films de Korda et d'Allégret. On pourrait avancer, sans attenter au génie de Marcel Pagnol, que Naguib Mahfouz et Houssam Al Di Mostafa ont « corrigé » le caractère théâtral (dans le sens péjoratif du terme) et un peu suranné de Marius et de Fanny pour adopter une esthétique résolument cinématographique (situation paradoxale quand on connaît le goût prononcé des cinéastes égyptiens pour les scènes statiques et bavardes.). Les deux artistes ont réussi ce tour de force de suivre scrupuleusement la trame des deux pièces de l’auteur français tout en parvenant à faire un film très personnel qui ne doit rien aux adaptations précédentes. 
Enfin, l’interprétation d’une grande qualité dans son ensemble est néanmoins dominée par Magda El Khatib. L’actrice est au zénith de sa beauté et de son talent. Chaque plan est comme une déclaration d’amour du cinéaste à sa vedette féminine (qui rappelle à maintes reprises Sophia Loren au début de sa carrière), ce qui nous vaut des scènes d’une très grande sensualité, comme celle qui ouvre le film. Magda El Khatib fut l’une des plus douées et des plus belles actrices égyptiennes, aussi à l’aise dans le drame que dans la comédie. Ce Tawhida en est une illustration éclatante. 

Appréciation : 4/5
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

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