لا أنام
إخراج : صلاح ابو سيف
Salah Abou Seif a réalisé Je ne dors pas en 1957.
D'après un roman d'Ihsan Abdul Quddus
Distribution : Mariam Fakhr Eddine (Safia), Yehia Chahine (Ahmed), Faten Hamama (Nadia), Hind Rostom (Kawsar), Imad Hamdi (Mostafa), Rushdy Abaza (Samir), Omar Sharif (Aziz)
Scénario : Salah Ezz Eddin, Saleh Gawdat, El Sayed Bedeir
Musique : Fouad El Zahry
Mariam Fakhr Eddine, Yehia Chahine, Faten Hamama |
Hind Rostom et Faten Hamama |
Hind Rostom, Yehia Chahine, Faten Hamama |
Faten Hamama |
Rushdy Abaza et Hind Rostom |
Rushdy Abaza et Omar Sharif |
Hind Rostom, Faten Hamama, Yehia Chahine |
Yehia Chahine et Faten Hamama |
Faten Hamama |
Faten Hamama et Imad Hamdi |
Imad Hamdi |
Mariam Fakhr Eddine et Yehia Chahine |
Faten Hamama |
Imad Hamdi |
Résumé
Nadia Lotfi vit avec son père, Ahmed, qui a divorcé de sa mère quand elle était encore petite fille. Il ne s’est jamais remarié pour se consacrer entièrement à son éducation. Mais alors qu’elle a 16 ans, Ahmed rencontre Safia, une jeune femme à la beauté aristocratique. Il en tombe follement amoureux et l’épouse. Nadia ne supporte pas qu’une femme puisse prendre sa place auprès de son père. Pour oublier ses tourments, elle noue en secret une relation amoureuse avec Mostafa, un homme beaucoup plus âgé qu’elle. Un soir, lors d’une fête, Mostafa fait la connaissance d’Ahmed et de sa nouvelle épouse. Il est sous le charme de Safia et Nadia s’en aperçoit. La jeune femme, folle de jalousie, décide d’éliminer cette encombrante belle-mère. Elle fait croire à son père que sa femme entretient une relation adultère avec son jeune oncle Aziz qui vit avec eux. Le cocu imaginaire chasse sa femme de son domicile. Nadia peut reprendre sa place dans le cœur d’Ahmed, la première. Mais au fil du temps, la jeune femme comprend qu’elle a mal agi. Le sentiment de culpabilité la ronge. Alors quand à Alexandrie, elle retrouve Kawsar, une amie de lycée au sex-appeal dévastateur, elle s’empresse de la présenter à son père. Le quadragénaire est aussitôt séduit par la camarade de sa fille. Il l’épouse. Nadia croit avoir réparé la faute qu’elle avait commise en calomniant Safia, mais elle découvre très vite que Kawsar a un amant et qu’elle projette de s’accaparer la fortune de son mari pour vivre avec cet homme. Nadia ne sait plus que faire : elle ne veut pas ruiner le tout nouveau bonheur de son père. Comble de malheur pour la jeune femme : un jour, Ahmed surprend sa femme et sa fille en compagnie de Samir, l’amant de la première. Nadia est obligée de faire croire à son père que l’homme est amoureux d’elle et qu’il souhaite l’épouser. Ahmed est enchanté : il décide d’organiser le mariage au plus vite. Ne sachant comment réagir, Nadia se rend chez Mostafa pour obtenir une aide, un soutien. Dans l’appartement de celui-ci, elle trouve Safia, son ex-belle-mère qui partage désormais la vie de son vieil amoureux. Elle fuit aussitôt et retourne chez elle. Elle se résigne à accepter le mariage. Heureusement, Aziz, son jeune oncle, reparaît. Elle lui explique la situation. Aziz est indigné. Il fera tout pour annuler la cérémonie. Le jour J, grâce à son intervention, les deux amants son démasqués. Nadia s’est réfugiée dans sa chambre. Par un malheureux concours de circonstances, un cierge enflamme sa robe de mariée. Son père et son oncle parviennent à la sauver mais son corps restera à jamais marqué par cet accident.
Ce film est donc l'adaptation d'un roman d'Ishan Abdul Quddus, auteur très célèbre dans le monde arabe mais totalement inconnu en Occident. Ce qui est troublant dans ce Je ne dors pas ce sont les similitudes avec Bonjour Tristesse, le premier livre de la romancière française Françoise Sagan, paru en 1954. Les ressemblances sont si nombreuses qu'on peut douter qu'elles soient uniquement le fruit du hasard. Il serait excessif de parler de plagiat mais on peut penser à juste titre qu'Ishan Abdul Quddus s'est inspiré de l'oeuvre de sa jeune consoeur.
Critique
Le film de Salah Abou Seif est un chef d’œuvre qui non seulement marquera l’histoire du cinéma égyptien mais connaîtra un immense succès populaire dès sa sortie.
Les raisons de ce succès sont diverses : c’était l’un des premiers films en couleur, il réunissait sept des plus grandes stars du moment et parmi elles, le couple mythique du cinéma égyptien : Faten Hamama et Omar Sharif, les décors, les costumes évoquaient un univers luxueux et chatoyant très proches de celui représenté dans les drames hollywoodiens de la même époque, enfin l’intrigue avait tout pour attirer un large public : de l’amour, de la séduction, de la jalousie, de la trahison, de la vengeance. Un soap opera à l’Egyptienne enrobé d’une partition somptueuse avec envolées de violons mélodramatiques, une partition signée Fouad Al Dhahery, l’un des plus grands compositeurs de musique de films.
Mais si ce film constitue une étape importante dans le cinéma égyptien, c’est surtout parce qu’il ose briser les règles de la bienséance et les conventions qui régissaient la construction des personnages jusqu’alors. Salah Abou Seif et son scénariste font preuve d’une audace toute particulière pour l’héroïne incarnée par Faten Hamama. On raconte que la star fut un peu effrayée par son personnage et qu’elle craignait beaucoup les réactions de son public. Qu’on en juge : elle doit jouer une jeune fille qui éprouve un amour presque incestueux pour son père, un amour qui la conduit à tout faire pour saccager le bonheur de celui-ci, une jeune fille qui se jette dans les bras d’un homme deux fois plus âgé qu’elle, une jeune fille qui ment à ceux qui l’aiment, une jeune fille malheureuse qui répand le malheur autour d’elle. Et malgré cela, le personnage doit garder toute l’innocence et la fraîcheur de l’adolescente à peine sortie de l’enfance. Seule, Faten Hamama était capable de rendre toute la complexité de cette Nadia par son incroyable talent et notamment grâce à cette voix inimitable qui nous raconte sur le ton de la confession cette terrible histoire. Ce personnage, loin des clichés de l’époque, reste l’un des plus mémorables de sa longue carrière.
Je ne Dors Pas est rarement diffusé à la télévision car il choque encore. Des scènes ont soulevé l’indignation des traditionalistes comme celle on l’on voit Nadia, l’héroïne, se changer dans l’ascenseur avant de retrouver son amant, ou bien encore celle où elle écoute à travers la porte son père et sa nouvelle épouse dans l’intimité de leur chambre. Et le châtiment qu’elle s’inflige dans la dernière partie du film ne suffira pas à calmer le courroux des censeurs.
Il n’empêche que le personnage de Nadia Lotfi marquera profondément les esprits au point que la jeune actrice Paula Mohammed Shafiq choisira ce nom comme pseudonyme dès son premier film en 1958.
Appréciation : 5/5
*****En 1957, Salah Abou Seif et Ishan Abdul Quddus collaborent à un autre film : l'Impasse, avec de nouveau dans le rôle principal, Faten Hamama.
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin