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mercredi 31 mai 2023

La Rue du Polichinelle (Share'e Al-Bahlawan, 1949)

شارع البهلوان
إخراج : صلاح ابو سيف


Salah Abou Seif a réalisé La Rue du Polichinelle en 1949.

Distribution : Camilia (Amina Shawkat), Kamal El Shennawi (Saïd), Lola Sedky (Mervat), Hassan Fayek (Kamel), Ismail Yassin (Khamis), Zinat Sedki (Zahira), Abdel Hamid Zaki (Ibrahim), Elias Moadab (le propriétaire de l’appartement), Hassan Kamel (le médecin), Gracia Qassin (la tante de Saïd), Mohamed Abu El Saoud (le chef cuisinier), Abdel Moneim Ismail (le policier), Hosna Solomon (la servante), Aly Abd El Al (l’amoureux d’Amina)
Scénario : Salah Abou Seif, Ali El-Zorkani, Abdel Halim Morsy
Musique : Fathy Qoura, Mohamed Hassan Al Shugai
Production : les films Gabriel Talhami

Lola Sedky



Kamal Al Shennawi et Camilia



Kamal Al Shennawi et Camilia



Kamal Al Shennawi et Hassan Fayek



Zinat Sedky et Shafiq Nour El Din



Ali Abd El Al et Kamal Al Shennawi



Abdel Hamid Zaki et Hassan Fayek



Gracia Qassin



Ismaïl Yassin et Hosna Suliman

















Résumé

   Saïd, Kamel et Ibrahim sont trois amis qui dirigent ensemble une grande entreprise. L’histoire commence le jour du mariage d’Ibrahim avec une jeune femme prénommée Mervat. Saïd et sa jeune épouse Amina se préparent pour la cérémonie. Comme d’habitude, la tension est extrême entre les deux époux à cause de la jalousie féroce du mari. Ce dernier reproche à sa femme de tout faire pour susciter le désir des autres hommes en portant des tenues provocantes. Pour ne rien arranger, la vieille tante de Saïd vit avec eux et celle-ci n’a qu’un objectif : inciter son neveu à divorcer pour qu’il épouse sa fille.

Pendant ce temps là, la cérémonie nuptiale a commencé. Kamel est déjà là avec sa femme Zahira, une artiste peintre au caractère bien trempé. Quand il découvre Mervat, l’épouse de son ami Ibrahim, il en tombe instantanément amoureux et ne s’en cache pas, mettant dans l’embarras la jeune femme. Arrivent enfin Saïd et Amina. Immédiatement, cette dernière attire le regard des hommes présents et suscite leurs commentaires flatteurs. Très vite, un certain nombre d’invités fait cercle autour d’elle. Saïd, fou de rage, se jette sur les admirateurs de sa femme. La bagarre est générale.

Peu de temps après, Saïd pense avoir trouvé le moyen infaillible de surveiller sa femme. Kamel a des dons d’hypnotiseur et il a plongé dans un sommeil profond un acolyte qui ainsi peut suivre en esprit les faits et gestes d’Amina. Le compte-rendu de l’hypnotisé est sans ambiguïté : Saïd a un rival ! Sans attendre, l’infortuné rentre chez lui et évidemment Amina ne s’y trouve pas. Quand elle rentre, la crise est terrible mais Saïd finira par comprendre qu’il s’est trompé. Malheureusement le jaloux devra affronter une autre épreuve : encouragée par Zahira et Mervat, Amina se présentera à un concours de beauté et sera élue reine de l’année. Un magazine publiera même sa photo en première page !

Mais revenons aux deux autres couples. Les nouveaux mariés se sont rendus chez Kamel et Zahira car Ibrahim souhaite que la femme de son ami fasse un portrait de Mervat. Quand Kamel découvre celle-ci posant en maillot de bain dans l’atelier de sa femme, il n’y tient plus : il faut qu’elle devienne sa maîtresse. Pour cela, il a une idée : il va lui envoyer une lettre d’amour mais pour ne pas être démasqué, il demande à Saïd de la recopier et de la signer sous un faux nom sans lui révéler que c’est pour la femme de leur ami. Saïd entrevoit une nouvelle occasion de tester sa propre femme : il lui enverra la lettre originale écrite de la main de Kamel. Pour parfaire leur plan, les deux amis décident de louer un appartement qui sera l’adresse d’Hassan Al-Muhallab, l’auteur fictif de la double déclaration d’amour. 

Comme Kamel l’espérait, Mervat est touchée par la lettre et elle accepte un rendez-vous dans l’appartement. En revanche, Amina n’est pas du tout séduite et elle n’hésite pas à se confier à Zahira en lui montrant ce qu’elle reçoit. L’artiste peintre reconnaît l’écriture de son mari. Elle veut le confondre et demande à Amina de l’accompagner à l’adresse indiquée sur la lettre.

C’est ainsi que tout le monde va se retrouver dans l’appartement, soit pour y débuter une relation adultère, soit pour y surprendre les conjoints infidèles. Pour Ibrahim qui est venu comme témoin à la requête de Saïd, la découverte de sa femme dans cette garçonnière est une cruelle désillusion, lui qui croyait avoir une épouse soumise et vertueuse. Kamel qui était arrivé les bras chargé de cadeaux peut difficilement cacher la raison véritable de sa présence ici et il va lui falloir subir l’ire de sa femme. En revanche, tout est bien qui finit bien pour Saïd et Amina : Saïd est définitivement convaincu de l’amour et de la fidélité de celle qui partage sa vie.

............

A propos du tournage de ce film, on retrouve dans moult publications, une anecdote très célèbre impliquant Camilia et Kamal Al Shennawi, les deux vedettes de cette comédie. Ce serait le réalisateur lui-même qui l’aurait révélé dans un entretien ou peut-être dans un récit (Je n’ai pas pu vérifier.) Salah Abou Seif raconte qu’il s’apprête à tourner une scène dans laquelle les deux acteurs doivent s’embrasser de manière passionnée. Malheureusement, Kamal Al Shennawi refuse de jouer car c’est le mois du Ramadan et il est impensable pour lui d’embrasser sa partenaire, du moins avant l’iftar. Salah Abou Seif devra déployer des trésors de diplomatie pour convaincre le jeune premier de tourner la scène. Entretemps, Camilia a appris que Kamal Al Shennawi ne veut pas l’embrasser et elle le prend très mal, refusant à son tour de jouer. La scène se fait enfin et, aux dires du réalisateur lui-même, ce baiser fut l’un des plus beaux qu’il ait tourné, un baiser d’une telle fougue et d’une telle sensualité que les censeurs ne manquèrent pas de s’en émouvoir.




Critique

Salah Abou Seif est surtout connu pour ses drames réalistes. Cette Rue du Polichinelle est l’une de ses rares comédies parmi lesquelles on trouve tout de même l’un de ses chefs d’œuvre Entre Ciel et Terre qui date de 1959.

Ce film de 1949 est bien dans l’air du temps . A la fin de ces années 40, la mode est à la comédie légère et brillante à la manière du grand maître du genre, Helmy Rafla. Et l’une des vedettes que l’on retrouve dans bon nombre de ces productions, c’est la délicieuse Camilia. Cette dernière fait ses premiers pas au cinéma en 1947 et elle devient une star en 1949, un statut dont elle jouira très brièvement puisqu’elle mourra tragiquement en 1950 dans un accident d’avion. En quelques années, elle va tourner avec les cinéastes les plus renommés : Hussein Fawzi, Niazi Mostafa, Helmy Rafla, Ezzel Dine Zulficar et donc Salah Abou Seif. Une question nous vient à l’esprit : ce dernier a-t-il choisi Camilia parce qu’il allait tourner une comédie ou choisit-il de faire une comédie parce qu’il veut (doit ?) tourner avec Camilia ? Dans tous les cas il se lance dans l’aventure avec la détermination et avec la rigueur qui le caractérise.

Salah Abou Seif et ses scénaristes ont certainement beaucoup étudié les vaudevilles français du XIXe siècle où se succèdent les quiproquos et les situations les plus farfelus. Cette dimension théâtrale est clairement revendiquée : ce film a été tourné exclusivement en intérieur à l’exception d’une scène. Aucun procédé du vaudeville n’est oublié : on retrouve le rythme effréné des actions, les traditionnels jeux de cache-cache d’une pièce à l’autre, la minutie dans le réglage du mouvement afin que tous les effets fassent mouche. On retrouve aussi la satire du monde bourgeois avec sa galerie de personnages haut en couleur, maîtres ou valets. Certains se livrent avec plus ou moins de succès à l’adultère (dans le rôle du bourgeois à la recherche d’une bonne fortune, Hassan Fayek est inégalable.), d’autres défendent sans relâche la vertu assiégée de leurs épouses (l’excellent Kamal Al Shennawi qui d’ordinaire joue plutôt les amants.). Et comme il se doit, un personnage féminin en dessous affriolants sera surpris dans une situation très compromettante (Ici, c’est Lola Sedki qui s’y colle et elle est épatante !). En fait cette Rue du Polichinelle se présente comme l’équivalent égyptien de l’Hôtel du Libre Echange de Georges Feydeau. On notera enfin le caractère très féministe du film : tous les hommes sont dépeints de manière ridicule et ceux qui ont voulu attenter à la liberté de leurs femmes sont sévèrement punis.

Bref, La Rue du Polichinelle est une comédie irrésistible qui n’a aucunement vieilli.

Appréciation : 5/5
*****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

mercredi 15 mars 2023

Plus Belle que la Lune (Qamar arbatachar, 1950)

قمر ١٤
إخراج : نيازى مصطفى





















Niazi Mostafa a réalisé Plus Belle que la Lune en 1950.
Distribution : Camilia (Qamar), Mahmoud Zulficar (Mohsen), Hassan Fayek (Mansour Pacha, le père de Mohsen), Ferdoos Mohamed (Khadija, la mère de Shafiqa), El Sayed Bedeir (le domestique Awais), Abd El Fatah El Kosary (le père de Shafiqa), Wedad Hamdy (Shafiqa), Samia Roshdi (la mère de Qamar), Ahmed Ghanem (Saleh, le fils cadet du Pacha) , Mimi Aziz (une servante), Fawzya Ibrahim (la femme de chambre), Ragwat Mansour (une servante), Rashwan Mostafa (le chauffeur)
Scénario : Abdel Fatah El Sayed
Production : les studios Misr


Camilia et Samia Roshdi



Ferdoos Mohamed et Wedad Hamdy








Camilia








El Sayed Bedeir








Hassan Fayek



Mahmoud Zulficar et Wedad Hamdy







Camilia et Mahmoud Zulficar







Abd El Fatah El Kosary et Camilia

















Résumé

   Mohsen est un jeune aristocrate, fils de Mansour Pacha. Il s’est marié secrètement avec Qamar, la fille de la propriétaire de la pension dans laquelle il vit. Pour officialiser sa situation, il envoie une lettre à son père lui signifiant son intention de se marier et lui demandant son consentement. La réponse de Mansour Pacha ne tarde pas : il lui ordonne de revenir au domicile familial car il lui a déjà trouvé une épouse. C’est la fille d’un riche marchand de poisson. Son père a besoin de ce mariage pour échapper à la faillite qui le menace. 

   A l’insu de Mohsen, Qamar a pris connaissance de la lettre du Pacha et elle a décidé de se battre. Elle se rend seule chez son beau-père et se fait embaucher comme femme de chambre. Son arrivée coïncide avec celle de la famille du marchand de poisson venue présenter leur fille à Mohsen dont on attend la venue pour le lendemain. A peine installée dans la propriété, Qamar enflamme le cœur de tous les hommes qui la croisent. Le Pacha et son jeune fils Saleh ne sont pas les moins épris et le second, malgré son jeune âge, multiplie les guet-apens pour conquérir l’accorte servante. Tous les mâles de la maison, qu’ils soient maîtres ou bien domestiques, n’ont plus qu’une seule obsession : obtenir les faveurs de Qamar. Et quand elle feint un malaise, chacun veut être le seul à avoir le privilège de la soigner. Plus incroyable encore : pour qu’elle puisse se reposer, tous les hommes, y compris Mansour Pacha, se chargent du ménage, sous l’œil incrédule de la fille et de la femme du marchand de poisson. 

   Mohsen arrive enfin pour le déjeuner et sa surprise est grande de retrouver Qamar parmi le personnel de la maison. Le jeune homme veut absolument éviter le scandale et supplie la fausse servante de ne rien révéler de sa véritable identité. Evidemment, Qamar est bien décidée à n’en faire qu’à sa guise. Elle veut que Mansour Pacha renonce à ce mariage avec la fille du commerçant et l’accepte comme seule bru légitime. Elle y parviendra en donnant secrètement rendez-vous à tous les hommes de la maison dans sa chambre à vingt-trois heures. En découvrant la présence de tous les autres, chacun tentera de justifier sa venue par un motif de la plus haute fantaisie. Seul Mohsen dira la vérité, il est dans la chambre de sa femme. Tout est bien qui finit bien : le Pacha accepte le mariage de son fils aîné avec Qamar et c’est Saleh qui épousera la fille du marchand de poisson.

Par la suite, on retrouvera cette intrigue dans deux autres films. En 1965, dans Tout le Monde l’Aime (Habibet Al-kol), un film libanais de Reda Myassar et en 1973, dans La Voix de L’Amour (Sawt El Hob), un film égyptien d’Helmy Rafla.



Critique

Camellia est l’étoile filante de la comédie égyptienne. Elle commence sa carrière en 1947 grâce à Youssef Wahbi qui la fait jouer dans son film Le Masque Rouge. Son ascension est fulgurante. Les cinéastes se l’arrachent et elle devient très vite l’actrice la mieux payée d’Egypte. Elle est adulée par le public et courtisée par les personnalités les plus illustres, dont le roi Farouk lui-même. Son aisance, son naturel et sa beauté font merveille à l’écran. C’est ainsi qu’elle éclipse toutes ses rivales, même celles qui sont « techniquement » plus douées qu’elle. Son portrait se retrouve en couverture de tous les magazines, attisant la passion des uns et la jalousie des autres. Tout cela se terminera tragiquement le 31 août 1950 par sa mort dans un accident d’avion.

Dans Plus Belle que la Lune qui sort quelques mois avant sa disparition, Camellia accède au statut de star. Elle ne partage plus le haut de l’affiche avec ses consœurs, c’est uniquement sur son nom que tout le film a été construit. Le personnage qu’elle joue n’est pas un rôle de composition. Qamar lui ressemble et se retrouve dans des situations qui sans doute lui ont été familières : des hommes de tous âges et de toutes conditions virevoltant autour d’elle et rivalisant entre eux pour la conquérir. On pourra noter une très grande similitude avec notre Brigitte Bardot nationale qui n’était jamais aussi convaincante que quand elle jouait Brigitte Bardot. Camellia jouait à la perfection Camellia et il aurait été saugrenu de vouloir lui faire jouer autre chose. Dans ce film, elle suscite la convoitise de tous les hommes de la maison. Ceux-ci n’ont plus qu’une seule obsession : la voir, lui parler, la toucher. Et pour redoubler le caractère fantasmatique de son personnage, le metteur en scène n’a pas hésité à l’affubler d’un costume de soubrette dont le bas est suffisamment court pour ne rien cacher des dessous de la belle.

Le désir rend fous tous ces hommes qui en oublient leur situation, leur statut. Le maître de maison finit par s’occuper lui-même du ménage pour complaire à celle qu’il prend pour son employée tandis que le commerçant au physique ingrat oublie femme et fille à marier pour conter fleurette à cette même jeune beauté. Mais le plus enragé est l’adolescent au physique d’enfant sage qui multiplie les stratagèmes pour obtenir les faveurs de Qamar. Le plus drôle dans ce film, c’est bien sûr la manière dont l’héroïne manipule tous ces mâles en rut. Elle les mène par le bout du nez jusqu’au happy end final au cours duquel apparaît une nouvelle servante devenant à son tour l’idole de tous ces messieurs.

On est frappé, aujourd’hui encore, de la liberté de ton de cette comédie et on est soufflé par l’audace de certaines scènes que d’aucuns jugeront scandaleuses comme cet épisode dans lequel Qamar s’enferme avec son futur beau-père dans une chambre afin de se livrer à une danse lui permettant d’exhiber sa culotte et son porte-jarretelles. (1) Le réalisateur, Niazi Mostafa, semble se soucier des convenances comme d’une guigne et un seul principe semble le guider, le plaisir : le sien bien sûr, celui des spectateurs mais aussi celui de ses acteurs qui s’en donnent à cœur joie et se prêtent à toutes les fantaisies du scénario. Camellia est entourée d’actrices et d’acteurs rompus à toutes les arcanes du jeu comique et du burlesque : Hassan Fayek, El Sayed Bedeir, Abd El Fatah El Kosary sans oublier Wedad Hamdy, épatante dans un rôle inhabituel.

Bref, ce film est une belle réussite. Niazi Mostafa et ses acteurs déchaînés nous offre un vaudeville à la française très divertissant, un Feydeau sur le Nil.


(1) Dans cette comédie, comme dans d’autres de cette époque, on retrouve la même atmosphère « libertine » que dans le cinéma hollywoodien pre code Hays.
Avant que le sénateur William Hays n’y mette bon ordre en 1930, le cinéma américain jouissait d’une très grande permissivité et les réalisateurs ne s’interdisaient rien : actrices en tenues légères, dialogues truffées d’allusions sexuelles, situations scabreuses et pour pimenter tout cela, du glamour et encore du glamour.
Toutes proportions gardées, ce sont un peu les mêmes recettes qu’exploitent les réalisateurs de comédies égyptiens à la fin des années quarante. Pourtant, en 1947, le roi Farouk a édicté ses soixante et onze ordonnances qui dressent la liste de tout ce qui désormais est interdit de montrer à l’écran et on sait qu’il s’inspire du code Hays. Ces ordonnances abordent le domaine sexuel mais en fait ce n’est pas la préoccupation majeure du souverain. La plupart des interdits concernent les sujets politiques, sociaux ou religieux et en matière de mœurs, les cinéastes ont conservé une liberté certaine. Les autorités les laissent tourner comme ils l’entendent à condition qu’ils ne mettent pas en cause le régime ou bien la religion.

Appréciation : 4/5


Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

mardi 1 février 2022

Victoire de la jeunesse (intisar al-shabab, 1941)

انتصار الشباب
إخراج : أحمد بدرخان


Ahmed Badrakhan a réalisé Victoire de la Jeunesse en 1941.
Distribution : Asmahan (Nadia), Farid al-Atrache (Wahid), Abdel Fattah El Kosary (Maïtre Al Attar), Fouad Shafik (Gouz, l’un des membres du trio), Hassan Fayek (Louz, l’un des membres du trio), Hassan Kamel (Boundouk, l’un des membres du trio), Mary Mouneib (Oum Ismaïl), Bishara Wakim (le directeur du cabaret, Les Etoiles de la Nuit), Anwar Wagdi (Mahi, le fils du Pacha), Stephan Rosti (Taha Taha, le professeur de musique), Abdel Salam Al Nabulsi (Fawzy, l’ami de Mahi), Rawheya Khaled (Ehsan, la sœur de Taha), Olwya Gamil (la mère de Mahi), Aziz Sadek (le chef d’orchestre), Lotfi El Hakim (le régisseur du théâtre), Mahmoud Ismaïl (Mahmoud, l’employé du cabaret), Samia Gamal (une danseuse)
Scénario : Ahmed Badrakhan, à partir d’une histoire d’Omar Gamae
Dialogues : Badie’ Khairy
Musique : Farid Al Atrache
Production : Les Films du Nil

Abdel Fatah El Kosary

















Hassan Fayek


















Hassan Kamel

















Asmahan

















Bishara Wakim

















Anwar Wagdi

















Anwar Wagdi et Abdel Salam Al Nabulsi

















Farid Al Atrache
















Asmahan

















Stephan Rosti

















Mary Moneib

















Fouad Shafik
















Olwya Gamil

















Asmahan et Anwar Wagdi

















Farid Al Atrache

















Asmahan

















Rawheya Khaled

















Résumé

Wahid et sa sœur Nadia ont quitté la Syrie pour se rendre en Egypte. Ils sont tous les deux chanteurs et ils n’ont pas réussi à percer dans leur pays. Ils espèrent qu’en résidant au Caire, ils auront plus de d’opportunités pour faire reconnaître leur talent. Dans le train, ils font la connaissance de Maître Al Attar qui, une fois arrivés au Caire, les conduit à la pension tenue par Oum Ismaïl. Wahid et Nadia s’y installent. Ils ont pour voisins de chambre, un trio d’artistes sans le sou, Gouz, Louz et Boundouk. Les trois hommes ont entendu chanter Wahid et Nadia et ils incitent ceux-ci à présenter leur candidature avec eux au cabaret Les Etoiles de la Nuit. Bachar, le directeur, hésite puis engage les cinq artistes. Nadia sur scène fait sensation. Dans la salle, se trouve Mahi, un fils de Pacha avec Fawzi, son meilleur ami et quelques connaissances. La beauté de la chanteuse bouleverse le riche héritier et il transmet à la jeune femme une invitation à venir à sa table prendre un verre. Nadia refuse. Mahi se plaint aussitôt au directeur. Ce dernier tente de fléchir Nadia mais elle reste intraitable. Bachar décide de renvoyer le frère et la sœur. Quand Mahi l’apprend, il supplie le directeur de reprendre dans son établissement les deux chanteurs. C’est ainsi que Nadia peut à nouveau chanter sur scène sans avoir à rejoindre dans la salle les clients du cabaret après sa prestation. Un peu plus tard, Mahi invite Nadia à se produire dans son hôtel particulier lors d’une soirée entre amis. Il en profite pour lui exprimer son amour et la demander en mariage. Devenue l’épouse d’un fils de grande famille, Nadia renonce à sa carrière artistique. Bachar n’apprécie guère ce retrait et en représailles, il met à la porte Wahid et le trio comique. Pour eux, la situation devient difficile : ils ne peuvent plus payer leur loyer. Heureusement, Wahid découvre dans le journal une petite annonce informant qu’on recherche des chanteurs pour le cinéma et que des auditions ont lieu chez le professeur de musique Taha Taha. Wahid se rend aussitôt à l’adresse indiquée. Il chante devant le professeur et plusieurs personnalités du monde de la musique. Taha Taha est impressionné par le talent du jeune chanteur mais il se garde bien de lui en faire part. Au contraire, mu par la jalousie, il donne un avis très sévère sur ce qu’il vient d’entendre. Pour autant, Wahid est satisfait de son audition. Il a fait la connaissance d’Ehsan, la jeune sœur du professeur de musique et il en est instantanément tombé amoureux. Mais ce n’est pas tout : l’un de ses auditeurs, le directeur d’une maison de disques a tenu à lui exprimer toute son admiration et veut l’aider à se lancer dans le monde de la musique. C’est ainsi que Wahid se produit à la radio et devient célèbre. Il a pu louer un grand appartement pour lui tout seul mais il n’a pas rompu avec les trois artistes qui sont devenus de véritables amis. De leur côté, la situation s’est aussi améliorée : l’un d’entre eux a épousé Oum Ismaïl et à la pension ils sont désormais chez eux. En revanche, pour Nadia, son bonheur aura été de courte durée : sa belle-mère a appris que son frère était chanteur et qu’elle-même s’était produite sur des scènes de cabarets. La vieille femme ne peut accepter que des saltimbanques fasse partie de sa famille et elle ne cache pas son indignation à sa belle-fille. Elle exige que son fils divorce sur le champ. Malgré l’amour que lui porte son mari, Nadia décide de le quitter et de retourner au Caire. Découvrant la fuite de sa femme, Mahi prend sa voiture et se lance à sa poursuite. Malheureusement, arrivant en trombe sur un passage à niveau, il heurte un train et se retrouve à l’hôpital. Nadia lui rend visite et lui demande de retourner auprès de sa mère. La jeune femme s’installe dans l’appartement de son frère et peu après elle se retrouve nez à nez avec Ehsan, la sœur du professeur de musique. Elle lui fait croire qu’elle est l’épouse de Wahid. Bouleversée par cette nouvelle, Ehsan accepte d’accompagner son frère pour un grand voyage hors d’Egypte. Dans le même temps, Wahid a terminé la composition de son opérette mais il désespère de pouvoir la monter. Pour l’aider, les trois artistes comiques font croire à Bachar, le directeur des Etoiles de la Nuit, que Nadia va divorcer et qu’elle accepterait de l’épouser. Les trois compères conseillent à Bachar de produire le spectacle de Wahid s’il souhaite obtenir au plus vite la main de Nadia. Le directeur de cabaret accepte. La dernière partie du film est entièrement consacrée à la représentation de l’opérette de Wahid. Dans le public se trouvent Ehsan ainsi que Mahi et sa mère. Happy end : Taha Taha accepte que Wahid épouse sa sœur et la mère de Mahi ne s’oppose plus au bonheur de son fils et de Nadia.


Critique

Victoire de la Jeunesse constitue la première apparition d’Asmahan au cinéma. Elle joue avec son frère, Farid Al Atrache qui a aussi composé la musique du film. En 1941, cela fait à peine deux ans que la jeune chanteuse est de retour en Egypte. En 1939, elle a quitté mari et enfant restés en Syrie pour reprendre ses activités artistiques au Caire.

Victoire de la Jeunesse a été réalisée par Ahmed Badrakhan, un pionnier du cinéma égyptien qui a une expérience solide en matière de comédie musicale. Il avait déjà réalisé deux films avec Oum Kalthoum. On raconte d’ailleurs que la diva est entrée dans une colère noire en apprenant que son réalisateur allait tourner avec cette rivale, jeune, belle et terriblement talentueuse.

Dans les années quarante, la comédie musicale est le genre roi en Egypte. Le public populaire va au cinéma pour admirer les danseuses, les chanteuses et les chanteurs qui ont commencé à se faire un nom dans les cabarets de la capitale. La plupart du temps, l’intrigue est secondaire, ce qui importe ce sont les séquences chantées et dansées. Ainsi, dans Victoire de la Jeunesse, l’histoire n'est pas d'une folle originalité. : un frère et une soeur, tous les deux chanteurs, ont quitté leur pays pour s'installer au Caire en espérant y connaître le succès et la gloire. L’intrigue repose sur un cliché que le cinéma usera jusqu’à la corde : les parents fortunés qui s’opposent à ce que leur enfant se marie à un ou une «saltimbanque». Dans Victoire de la Jeunesse, le thème est doublement exploité, le frère et la sœur étant tous deux confrontés à l’hostilité de la famille de leurs bien aimés. Une hostilité qui finira par se dissiper devant le talent éclatant des deux jeunes chanteurs.

Il y a une dimension clairement autobiographique dans ce film, notamment concernant Asmahan. Nadia, le personnage qu’elle joue, a dû abandonner la chanson pour épouser l’homme qu’elle aime. Il lui a fallu aussi quitter son frère, les amis et la vie trépidante du Caire pour se cloîtrer dans la maison de la famille du mari, maison dirigée d’une main de fer par une belle-mère acariâtre. Cela fait écho au mariage d’Asmahan avec son cousin Hassan Al Atrache en 1932. Elle aussi a dû quitter Le Caire et renoncer à ses activités artistiques pour s’enfermer dans le palais de son mari, loin de tout.
A noter que l’art et la réalité continueront à s’ « alimenter » l’un l’autre puisque à l’issu de ce tournage Asmahan épousera le réalisateur Ahmed Badrakhan et que leur brève union (à peine deux mois !) déplaira à leurs familles respectives.

Le film comporte huit chansons, toutes composées par Rachid Al Atrache et les paroles de six d’entre elles ont été écrites par le poète Ahmed Rami. On retiendra surtout la grande réussite sur le plan musical de la dernière partie du film, celle consacrée à l’opérette. Solos, duos, chœurs se succèdent dans un équilibre parfait. Les mélodies mêlant les styles occidental et oriental permettent aux deux chanteurs de donner la pleine mesure de leur talent et la virtuosité vocale d’Asmahan laisse pantois.

Si le frère et la sœur sont des chanteurs exceptionnels, en revanche comme acteurs, ils se révèlent plus limités. L’un comme l’autre semble peu à l’aise et leur jeu manque de naturel. Le visage d’Asmahan est certes d’une grande beauté mais il n’est guère expressif. Pour signifier qu’elle est triste , elle tamponne sans conviction ses yeux avec un mouchoir : service minimum ! Heureusement, ils sont entourés d’acteurs plus aguerris et Beshara Wakim, le Saturnin Fabre égyptien, est incroyable en directeur de théâtre fantasque.
Mais le caractère hiératique du jeu de Farid et d’Asmahan est sans doute dû aussi à la mise en scène. Au début des années quarante, en Egypte, le modèle n’est pas encore la comédie musicale américaine mais l’opérette , d’où le style très théâtral de l’interprétation. Après la guerre, les choses changeront rapidement et l’emblème de ce changement c’est le couple artistique que Farid Al Atrache formera avec la danseuse Samia Gamal : désormais le mouvement doit primer et le drame laisse la place à la comédie. A l’aube des années cinquante, l’Egypte se convertit à l’Entertainment hollywoodien, grâce notamment au réalisateur Henry Barakat.

Victoire de la Jeunesse connut un succès considérable pendant des mois et propulsa Asmahan et Farid au rang de stars. En revanche l’accueil fut plus tiède en Syrie, notamment auprès du peuple druze (Asmahan et Farid Al Atrache appartiennent à l’une des familles les plus puissantes de la communauté druze). Le comportement d'Asmahan était unanimement condamné. Elle avait divorcé et s’était remariée à un non-druze (ce qui est formellement interdit par la tradition) et maintenant, il y avait un deuxième divorce. La coupe était pleine ! Quand Victoire de la Jeunesse fut projetée à Damas et qu'Asmahan fit son apparition sur l'écran, un spectateur dit-on se leva et tira à plusieurs reprises des coups de pistolet dans sa direction, ou du moins en direction de son image. Ambiance !

Appréciation : 4/5
****

 Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin


mercredi 16 juin 2021

Rêves de jeunesse (Ahlam Al-Shabab, 1942)

أحلام الشباب
إخراج : كمال سليم


Kamal Selim a réalisé Rêves de Jeunesse en 1942.
Distribution : Farid Al Atrache (Farid), Taheya Carioca (la danseuse Bahiya Shakashak), Madiha Yousri (Ilham), Mary Moneib (Falah Hanim, la tante d’Elham), Bishara Wakim (Ghadban Al Absi), Abbas Fares (Basiouni, l’oncle d’Elham), Mohamed Kamal El Masry (le vendeur de cigarettes), Hassan Fayek (Wagdi), Abd El Fatah El Kosary (le garde du corps de Ghadban), Sayed Suleiman (le serviteur de Farid), Fouad Fahim (le comptable de Farid), Abdel Halim Morsy (le médecin), Hassan Kamel (le propriétaire du cabaret), Gina (une danseuse du cabaret)
Scénario : Youssef Wahby et Kamal Selim
Dialogues : Badie' Khairy
Paroles des chansons : Ahmed Rami, Youssef Badrous, Aboul Seoud Al Ibiary, Bayram Al-Tunsy
Musique : Farid Al Atrache
Production : les films du Nil

Farid A Atrache et Taheya Carioca



Taheya Carioca et Bishara Wakim


Hassan Fayek



Madiha Yousri et Farid Al Atrache



Abd El Fatah El Kosary et Bishara Wakim



Farid Al Atrache et Mary Moneib



Abbas Fares et Mary Moneib



Madiha Yousri et Mohamed Kamel El Masry


















Résumé

Farid est un jeune homme riche et insouciant. Il a une passion : la musique et la chanson. Il passe l’essentiel de son temps à sortir et à courtiser les femmes. Il est un habitué du cabaret le Salon de la Gazelle Rouge et il est devenu l’amant de la danseuse Bahia, une personne au caractère bien trempé et à la jalousie féroce. Sa vie dissolue l’entraîne parfois dans des situations périlleuses. Un soir qu’il doit fuir au plus vite un appartement, il tombe du balcon et termine sa chute dans le salon du voisin du dessous, non sans avoir brisé en mille morceaux la grande fenêtre de la pièce. Ce voisin, c’est le marchand Basiouni. Il était en train de dîner avec sa femme et sa nièce qu’il a recueillie depuis qu’elle est orpheline. Pour expliquer cette arrivée spectaculaire, Farid prétend qu’il est atteint de somnambulisme. Son pied le fait atrocement souffrir. On fait venir le docteur Metwalli qui habite l’immeuble. Celui-ci impose à Farid une immobilité totale. Basiouni accepte de le garder à son domicile jusqu’à son rétablissement. Et comme Farid a prétendu qu’il était au chômage, il lui propose de donner des cours de piano à sa nièce. La jeune fille qui se prénomme Ilham n’est pas insensible au charme de leur invité surprise et ce n’est pas sans tristesse qu’elle le voit repartir chez lui, une fois qu’il peut à nouveau poser le pied à terre. Dans son hôtel particulier, Farid tombe nez à nez sur son comptable qui une nouvelle fois veut l’alerter sur sa situation financière très inquiétante. Le jeune homme n’écoute que d’une oreille car il n’a qu’une seule idée en tête rejoindre Bahia au Salon de la Gazelle Rouge. 

On découvre que Bahia est aussi courtisée par un très riche marchand, Ghadban Al Absi, qui la couvre de cadeaux et celui-ci n’apprécie guère la présence de Farid. Et quand il surprend les deux amants en train de s’embrasser, il veut aussitôt tuer son rival. Bahia lui fait croire qu’ils étaient en train de répéter un numéro pour le spectacle. C’est ainsi que Farid chante pour la première fois devant un public. Il suscite l’admiration de tous les spectateurs et le directeur du cabaret lui propose un contrat qu’il refuse.
Le lendemain, Farid se rend chez Ilham mais il y retrouve Ghadban Al Absi et son fidèle garde du corps. Basiouni, l’oncle d’Ilham et l’amoureux fortuné de Bahia avaient un rendez-vous d’affaires. Ce dernier révèle à toue la famille que Farid est un chanteur de cabaret. Cette nouvelle n’est pas du tout du goût de Basiouni qui chasse aussitôt le jeune homme. Mais Ilham ne veut pas renoncer à celui qu’elle aime passionnément. Elle se rend au Salon de la Gazelle Rouge et découvre Farid en train de sabler le champagne avec des femmes. Ilham décide de rompre. 

Pour ne rien arranger, les créanciers du jeune homme ont perdu patience. Ils s’emparent de tout ce qui lui appartenait : son hôtel particulier, ses meubles et même sa voiture. Il ne lui reste plus rien. Quand Ilham apprend la nouvelle, elle rejoint Farid pour le soutenir. Ce dernier lui offre la dernière chose qu’il possède encore : un titre de propriété sur des terres que son grand-père avait achetées dans le désert pensant y trouver des gisements d’hydrocarbures. Pour vivre, Farid accepte la proposition du directeur du Salon de la Gazelle Rouge et il devient le partenaire de scène de la volcanique Bahia. Ghadban Al Absi a enfin compris que Farid n’est plus un rival car il aime ailleurs. Il va même intervenir pour que Basiouni accepte de marier sa nièce à son amoureux. Las ! la cérémonie est gâchée par un fâcheux contretemps. La danseuse invitée n’est autre que Bahia et quand celle-ci découvre que le fiancé est Farid elle entre dans une rage folle, apostrophant son ex-amant et cassant tout ce qui se trouve à sa portée. Devant un tel scandale, Ilham s’évanouit. Basiouni chasse Farid pour la seconde fois. 

Ghabdban Al Absi décide de donner une leçon à Bahia. Avec des complices, il perturbe sa prestation sur la scène du cabaret et tout se termine par une bagarre générale. Face à ce déchaînement de violence, Bahia s’évanouit et elle est secourue par Farid. Elle comprend alors qu’elle avait été trop loin lors du mariage. Le lendemain, elle se rend chez Ilham pour s’excuser. Entretemps, la jeune orpheline et son oncle ont découvert que les terres du grand-père de Farid recèlent effectivement des gisements importants d’hydrocarbures. Farid est donc riche. Basiouni se rend lui-même au cabaret pour restituer au chanteur ses actes de propriété. Farid refuse de les reprendre. Alors Basiouni accepte de lui donner la main d’Ilham.


Critique

Rêves de jeunesse est d’abord le film d’une génération. Il réunit un petit groupe de jeunes artistes très talentueux. Le metteur en scène , Kamel Selim, n’a pas encore trente ans (Il mourra à trente-deux ans en 1945) et il a attribué tous les rôles principaux de son film à des acteurs de son âge. A part Taheya Carioca qui a déjà une solide expérience du cinéma bien qu’elle n’ait que 27 ans, tous les autres sont des débutants. Farid Al Atrache a commencé sa carrière cinématographique l’année précédente et c’est son deuxième film. Madiha Yousri a vingt-quatre ans. Elle a été découverte par Mohamed Karim cette même année et comme pour Farid Al Atrache, c’est son deuxième film.

Cette comédie musicale s’intitule Rêves de Jeunesse, un titre à la Charles Trenet et, effectivement, on retrouve dans ce film la légèreté et la fantaisie de l’univers du chanteur français. Dans ce monde, rien n’est grave, rien ne pèse, même la mort est envisagée avec une certaine désinvolture. Le personnage incarné par Farid Al Atrache aurait fort bien pu reprendre à son compte l’un des premiers succès du fou chantant « Je chante » , enregistré en 1937 : "Je chante/Je chante!/Je chante soir et matin,/Je chante sur mon chemin,/Je chante, je vais de ferme en château/Je chante pour du pain je chante pour de l'eau"
Le héros de Kamel Selim connaît des revers de fortune sans en être réellement affecté et pour survivre il devra chanter, comprenant alors que la chanson est sa seule raison de vivre.

On notera que ce personnage est ouvertement inspiré de la propre vie de Farid Al Atrache. A cette époque, le chanteur syrien est devenu une vedette grâce à la radio mais aussi grâce à son premier film, Victoire de la Jeunesse d’Ahmed Badrakhan. . Comme le héros de Rêves de Jeunesse, Farid Al Atrache passe ses nuits dans les cabarets, collectionne les conquêtes féminines et accumule les dettes (il était un joueur impénitent !)

Le héros de Rêves de Jeunesse se montre léger, frivole et parfois très maladroit , mais en toutes circonstances il garde son optimisme et surtout sa générosité. Il n’hésite pas à venir en aide à une maîtresse qui pourtant a fait échouer son mariage et il refuse qu’on lui restitue un acte de propriété qui ferait de lui un homme riche. D’ailleurs dans ce film même les méchants ont un cœur : ils sont capables de pleurer au spectacle de deux êtres qui s’aiment ! Et comme dans les contes de fées, on assiste dans le dénouement à une réconciliation générale faisant le bonheur de tous les personnages.

L’interprétation est bien sûr excellente, aussi bien pour les rôles principaux que pour les secondaires. Farid Al Atrache manifeste une agilité et une exubérance qu’il perdra au fil des années. Bishara Wakim et Abd El Fatah El Kosary forment un duo comique plein de saveur : les deux acteurs semblent beaucoup s’amuser à jouer les méchants d’opérette. Mais c’est Taheya Carioca qui emporte tout : son immense talent et sa sensualité explosive sont les atouts majeurs du film. Pour que le plaisir du spectateur soit complet, elle arbore des costumes qui ne cachent rien de sa plastique impressionnante.

Avec la Volonté sortie en 1939, Kamel Selim avait réalisé le premier film réaliste égyptien. Il y affichait ses préoccupations sociales à travers l’évocation d’un quartier populaire du Caire touché par la crise économique. Avec Rêves de Jeunesse, il prouve qu’il est tout aussi talentueux dans la comédie et il ouvre la voie à d’autres cinéastes comme Abbas Kamel ou Helmy Rafla. Ces deux réalisateurs plus âgés que lui ne tourneront leurs premiers films qu’après sa mort. A la fin des années quarante, ils offriront au public arabe des comédies spirituelles et brillantes, dans le même esprit que Rêves de Jeunesse, avant que ne s’impose sur les écrans un comique plus farcesque et plus populaire avec le règne sans partage d’Ismaïl Yassin.

Appréciation : 4/5
****


Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

vendredi 24 avril 2020

La Veuve Joyeuse (El armala el tarub, 1956)

الأرملة الطروب
إخراج : حلمى رفلة



Helmy Rafla a réalisé La Veuve Joyeuse en 1956.
Distribution : Leila Fawzi (Samira, la fille d’Abdel Aal), Kamal Al Shennawi (Magdy), Abdel Salam Al Nabulsi (Asim Bey Kayamakli), Zinat Sedki (la femme de chambre de Samira), Hassan Fayek (Abdel Aal, le père de Samira), Adly Kasseb (Mahdi Effendi), Mohamed Gamal (Hechmat), Zeinat Olwi (danseuse), Kitty (danseuse), Victoria Hobeika (la mère d’Hechmat)
Scénario : Aboul Seoud Al Ibiary, Helmy Rafla, Mustafa El Sayed, Fathy Qoura
Musique : Mohamed Gamal et Mahmoud El Sherif

Hassan Fayek et Kamal Al Shennawi

Leila Fawzi

Mohamed Gamal

Leila Fawzi et Kamal Al Shennawi

Hassan Fayek

Kamal Al Shennawi et Mohamed Gamal

Abdel Salam Al Nabulsi et Leila Fawzi

Zinat Sedki et Leila Fawzi

Kitty




Résumé

Abdel Aal aime l’argent et la bonne chère. Il a forcé sa fille Samira à épouser Rostom Bey Kayamakli, un riche turc de quarante ans son aîné. Samira s’est installée dans le pays de son mari et a mené une vie luxueuse mais sans amour. 
Au bout de cinq ans de vie commune, son mari meurt. Toute la famille est réunie pour entendre les dernières volonté du défunt : sa veuve jouira de sa fortune tant qu’elle restera seule. Si elle se remariait, l’héritage reviendrait à sa famille. Au cas où elle mourrait, en étant restée célibataire, c’est son père qui récupérerait l’argent de Rostom. Asim Bey Kayamakli, le frère du défunt, est prêt à tout pour que cette fortune reste dans leur famille. Il a trouvé la solution : il va épouser Samira. Quand cette dernière lui signifie son refus d’un tel « arrangement », il menace de la tuer. Elle est obligée d’accepter. Mais profitant de l’absence de son beau-frère, elle fuit en compagnie de Lawahiz, sa servante et rentre en Egypte. 
 Asim Bey constatant le départ de sa « future femme », contacte un parent résidant en Egypte, Mahdi Effendi, un haut fonctionnaire, sous-secrétaire d’état. Celui-ci a une idée : il convoque Magdy, un parent lui aussi, qui travaille dans l’administration et qui est célèbre pour ses conquêtes féminines. Il lui donne une mission : il sera généreusement récompensé s’il parvient à séduire Samira et à l’épouser. Magdy se présente au domicile de l’héritière tant convoitée. Dans le jardin, il voit une femme courir après une poule : c’est Samira. Il est frappé par sa beauté et il est très étonné d’apprendre pas la bouche de celle-ci qu’elle n’est qu’une simple servante. Elle le devance dans la maison pour prévenir sa maîtresse, dit-elle. Samira demande à sa femme de chambre de se faire passer pour elle. Lawahiz reçoit avec rudesse le visiteur qui est interloqué par cet accueil. Ils sont rejoints peu après par le père de Samira qui lui aussi est mis dans la confidence. Il est enchanté de ce tour, ne souhaitant évidemment pas que sa fille se marie et que son héritage tombe dans l’escarcelle d’Asim Bey Kayamakli. 
La difficulté, c’est que Magdy est tombé amoureux de Samira, toute servante qu’elle prétend être et Samira, elle aussi finit par succomber au charme du nouveau venu. Naturellement, Magdy refuse de rester le complice d’Asim er de Mahdy et quand le frère du défunt arrive en Egypte pour vérifier le bon déroulement des opérations, le jeune homme lui annonce qu’il est désormais impossible pour lui d’épouser Samira. Heureusement, le remplaçant est tout trouvé : c’est Hechmat, un jeune collègue de Magdy qui accepte la mission. Le lendemain, Asim, déguisé en vieille femme et accompagné d’Hechmat, rencontre le père de Samira. Il prétend être la mère du garçon et il vient demander en son nom la main de la jeune fille. Il précise que la dot sera importante. Abdel Aal, sachant qu’il n’est pas question de sa fille mais de Lawahiz, accepte volontiers ce projet d’union. 
Une réception est organisée pour officialiser les fiançailles. Asim Bey Kayamakli y paraît, toujours déguisée en vieille femme. Malheureusement pour lui, la véritable mère d’Hechmat fait son apparition et le démasque. C’est alors que tous les masques tombent. Magdy comprend que la femme qu’il aime est bien Samira, l’héritière de Rostom, Abdel Aal découvre que sa fille est amoureuse de Magdy, ce qui compromet leur chance de conserver l’héritage. Abdel Aal chasse Magdy de chez lui et enferme sa fille dans sa chambre. Pendant ce temps-là, Asim Bey Kayamakli ne s’avoue pas vaincu. Il enlève Samira mais celle-ci parvient à s’échapper. Elle se rend aussitôt chez Magdy pour tenter de s’expliquer sur les raisons qui l’ont poussé à lui cacher son identité. Son bien-aimé n’ a guère apprécié d’avoir été ainsi trompé et il lui marque une très grande froideur. Tous les autres protagonistes de l’histoire font leur apparition et chacun veut faire valoir ses revendications à l’imam qui les a accompagnés. Il faut que Samira menace de se jeter dans le vide pour qu’enfin on accepte de prendre en compte ses propres désirs et volontés.


Critique

Cette Veuve Joyeuse est un petit chef d’œuvre, une comédie brillante qui illustre admirablement ce que l’âge d’or du cinéma égyptien fut capable de produire grâce aux talents conjoints de ses acteurs, de ses réalisateurs et de ses scénaristes. Pendant une vingtaine d’années, ces artistes offrirent au public d’innombrables films qui sont aujourd’hui devenus des classiques, aussi bien dans le drame que dans la comédie. La formule « Hollywood sur le Nil »n’ était alors nullement galvaudée. A partir des années soixante-dix, le secret de ce savoir-faire semble progressivement se perdre et dans les années quatre-vingt, le cinéma égyptien n’est plus que l’ombre de lui-même, tentant de survivre en proposant des films dont on dissimulait la médiocrité par un discours prétendument « engagé ». Evidemment, il y eut des exceptions mais trop peu nombreuses pour influer en quoi que ce soit sur une tendance bien regrettable. 
Revenons donc à notre Veuve Joyeuse, paradigme de la comédie pétillante de ces années cinquante. C’est un divertissement, certes mais un divertissement haut de gamme. Nous avons d’abord une intrigue à la Marivaux : la servante et la maîtresse qui échangent leur rôle, un séducteur cynique qui découvre soudain l’amour véritable. Le scénariste, Aboul Seoud Al Ibiary (ici, au zénith de son talent) multiplie les rebondissements, sans tordre le cou à la vraisemblance mais sans rien s’interdire : les deux héros font connaissance en poursuivant une poule ! Nous avons aussi un réalisateur, Helmy Rafla, qui filme cette histoire, avec une légèreté, une élégance hors pair, ce qui permet à cette Veuve Joyeuse de rivaliser avec les meilleures comédies d’Hollywood. On pense plus d’une fois à Howard Hawks, le réalisateur de Chéri, je me sens rajeunir ou des Hommes préfèrent les Blondes. Autre qualité du film : Helmy Rafla parvient à faire rire son public tout en veillant à garder une touche romantique à son histoire et certaines scènes sont d’une grande beauté comme celle du baiser dans l’arbre ou bien celle de l’héroïne au bain entourée de ses servantes. 
Si l’intention première des auteurs de ce film est d’amuser le public, ils ne s’interdisent pas d’évoquer des sujets graves, comme celui de la condition féminine dans la société musulmane. En effet, cette Veuve joyeuse est tout sauf joyeuse. Non seulement, elle a été « vendue » par son père à un homme qui a quarante ans de plus qu’elle, mais celui-ci mort, il lui est interdit de refaire sa vie comme elle l’entend et elle retombe sous l’autorité d’un beau-frère et d’un père qui ont pour seul souci, non son bonheur mais leur intérêt personnel. Et l’un comme l’autre n’hésite pas à la menacer d’une arme pour obtenir de sa part soumission et obéissance. Pour l’héroïne, la situation devient insupportable et elle devra menacer à son tour de se suicider pour qu’on daigne enfin l’entendre. 
Enfin, la grande réussite de ce film tient aussi à la qualité de l’interprétation et notamment à la prestation époustouflante de Leila Fawzi dont le naturel, la sensibilité et bien sûr la beauté en font l’égale de Katharine Hepburn. 
A propos d’interprétation, on notera l'absence d’Ismaïl Yassin au générique. A l’époque, c'est tout à fait exceptionnel car cet acteur règne sans partage sur la comédie populaire. Helmy Rafla tournera avec lui 22 films et, rien qu'en 1956, année de la sortie de La Veuve Joyeuse, Ismaïl Yassin est présent sur les écrans de cinéma égyptiens avec pas moins de neuf films ! Une omniprésence qui finira d’ailleurs par lasser son public. Sans vouloir offenser quiconque, on peut supposer que cette absence a sans doute contribué à la qualité de notre comédie : si Ismaïl Yassin y avait participé, nul doute que l'atmosphère et l'esprit en eussent été radicalement changés, la vedette comique y aurait imposé son style, celui de la farce parfois un peu grossière, à mille lieues donc de cette Veuve Joyeuse (Même si on peut considérer le travestissement d'Abdel Salam Al Nabulsi dans la dernière partie du film comme un hommage à l'interprète de Mademoiselle Hanafi !) .

Appréciation : 5/5
*****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin