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jeudi 30 septembre 2021

Interdit pendant la Nuit de Noces (Mamnou' Fi Layla Al Dokhla, 1975)

ممنوع في ليلة الدخلة
إخراج: حسن الصيفي





















Hassan El Seifi a réalisé Interdit pendant la Nuit de Noces en 1975.
Distribution : Soheir Ramzy (Mona), Adel Imam (Tahsin, le professeur d’arabe), Mohamed Reda (Achour, le père de Mona), Nabila El Sayed (Madame Zarifa, la mère de Mona), Samir Ghanem (Khamis, le professeur d’arabe), Adly Kasseb (le directeur de l’école), Nagwa Fouad (Zuba), Wahid Seif (le psychiatre), Fadia Okasha (la prostituée), George Sedhom (Lola, une prostituée), Tawfik El Deken (le sorcier), Naima Al Saghir (la mère de Tahsin), Nelly (Danseuse), Nagwa Sultan (Danseuse), Fifi Abdo (Danseuse)
Scénario : Farouk Sabry
Musique : Helmi Bakr, Mounir Mourad, Fathy Koura

Mohamed Reda et Nabila El Sayed


Soheir Ramzy et Adel Imam


Samir Ghanem


Soheir Ramzy et Adel Imam


Samir Ghanem et Wahid Seif


Adel Imam et Fadia Okasha


George Sedhom


Soheir Ramzy et Nagwa Fouad














Résumé

Madame Zarifa est une femme autoritaire, au fort caractère. Elle se conduit en véritable tyran domestique à l’égard de son mari Ashour et de sa fille Mona. Cette dernière est tombée amoureuse de leur voisin, Tashin, un jeune professeur d’histoire. Ashour qui voit d’un très bon œil cette union, invite l’enseignant à venir chez lui pour faire sa demande officielle. Malheureusement, Madame Zarifa est catégoriquement opposée à ce mariage. Elle considère que sa fille mérite mieux qu’un petit professeur comme mari. Non seulement, elle met à la porte sans ménagement le prétendant mais elle interdit à sa fille de le revoir. Tashin fait alors appel à son collègue Khamis pour contourner l’interdit maternel. Déguisés en agents des télécommunications, ils vont pénétrer dans l’appartement de Madame Zarifa et Tashin va pouvoir passer quelques instants en compagnie de Mona. Ils vont être très vite démasqués par la maman irascible et celle-ci ne va pas hésiter le lendemain matin à se rendre à leur école pour porter plainte auprès de leur directeur. Ce dernier engage ses deux professeurs à tenter de calmer l’ire de la dame. Alors qu’ils la raccompagnent pour la convaincre de retirer sa plainte, Madame Zarifa disparaît dans une bouche d’égout dont le couvercle avait été retiré. Elle meurt noyée. Cette disparition soudaine fait beaucoup d’heureux. Bien sûr, Tashin et Mona qui vont enfin pouvoir se marier mais aussi Ashour qui désormais est libre de s’unir à Zuba, la femme qu’il a toujours aimé et qui elle aussi est désormais veuve. Il y aura donc deux noces à la suite. Les premiers à convoler sont les plus jeunes. La cérémonie se déroule sans accroc mais la nuit venue, quand les deux époux se retrouvent pour la première fois dans la même chambre, le fantôme de la mère se dresse devant Tashin et lui fait perdre tous ses moyens. L’infortuné mari croit que c’est l’effet du vin mais le lendemain, le phénomène paranormal se reproduit de la même manière. Il en parle à tous ses proches mais personne ne croit à la réalité de ces apparitions surnaturelles. Son ami Khamis le conduit chez un psychiatre. Celui-ci se demande si Tashin ne souffre pas d’impuissance. Pour en avoir le cœur net, il organise une rencontre de son patient avec une prostituée particulièrement affriolante. Pendant la « séance », le médecin s’est installé dans une autre pièce avec Khamis et le beau-père. Les trois compères peuvent suivre les performances de Tashin grâce à un compteur relié à un capteur placé dans le lit. Les résultats balaient toutes leurs inquiétudes : le marié est un homme, un vrai. Le médecin prescrit alors au jeune couple un séjour au calme, loin de la capitale. Mona et Tashin s’installent dans un grand hôtel d’Alexandrie mais cela n’arrange en rien la situation. Au contraire : Madame Zarifa se manifeste aussi auprès de sa fille et elle a bien l’intention de ne pas les quitter d’une semelle. La vie des deux jeunes gens devient un enfer, ils décident de rentrer. Madame Zarifa, aussi retourne au Caire. Entretemps, Ashour et Zuba avaient décidé de se marier sans plus attendre. Le fantôme arrive juste à temps pour gâcher leur nuit de noces. En désespoir de cause, les deux couples décident de s’adresser à un sorcier. Celui-ci explique qu’il faut opposer au fantôme de Zarifa un fantôme au caractère encore plus fort. Ce sera celui de la mère de Tashin. On assiste alors à un combat sans merci entre les deux défuntes. Tout se termine par l’arrivée de la police de l’au-delà qui arrête Madame Zarifa. Les deux couples peuvent enfin s’unir charnellement.



Critique

Interdit pendant la Nuit de Noces est une comédie typique des années 70. Le rôle principal a été confié à Adel Imam qui à trente-cinq ans à peine est devenu le Roi de la Comédie Arabe. Dans tous ses films, cet acteur exceptionnellement doué incarne l’Egyptien moyen, peu courageux mais débrouillard, qui ne peut compter que sur lui-même pour se sortir de toutes les difficultés de l’existence. Dans Interdit pendant la Nuit de Noces, Adel Imam est entouré d’actrices et d’acteurs avec qui il a l’habitude de tourner : Soheir Ramzy, Nagwa Fouad, Samir Ghanem ou encore George Sedhom. Ensemble et avec quelques autres, ils formèrent dans ces années soixante-dix ce qu’on pourrait appeler une « joyeuse bande » que le public avait plaisir à retrouver de film en film.

A cette époque, la mode est à la comédie de mœurs et l’intrigue est à chaque fois à peu près la même : de jeunes citadins, plutôt d’origine modeste, rêvent d’amour et de liberté mais pour accéder au bonheur il leur faudra combattre la morale traditionnelle incarnée par les parents. Ce schéma est bien sûr déjà présent dans le cinéma égyptien des années cinquante et soixante mais la grande différence, c’est que désormais quand on parle d’amour, on pense sexe. Ce que souhaitent obtenir tous ces personnages d’une vingtaine d’années ou plus, les femmes comme les hommes, c’est le droit d’avoir des relations sexuelles avec qui bon leur semble. En effet, le sexe est la grande affaire de la comédie des années soixante-dix et elle l’aborde comme dans ce film de manière explicite. A chaque fois on est étonné par la liberté de ton et par l’audace dans la représentation de certaines situations intimes. L’air de rien, ces productions accompagnent et même promeuvent une véritable révolution dans les mœurs, une révolution portée par le climat politique de l’époque qui est à la libéralisation dans tous les domaines (Cela ne durera pas : les islamistes sont en embuscade et ils remporteront une première victoire avec l’assassinat d’Anouar el Sadate.). Rappelons tout de même que ces auteurs de comédies ne font que poursuivre la tâche accomplie par le grand cinéaste des années cinquante et soixante, Fateen Abdel Wahab qui dans ses films n’hésitait pas à railler les défenseurs de la vertu et de la tradition.

Le réalisateur d’ Interdit pendant la Nuit de Noces est Hassan El Seifi. C’est un cinéaste qui a déjà une longue carrière derrière lui : il débute comme assistant réalisateur en 1947, alors qu’il a à peine vingt ans et à partir des années cinquante, il réalise ses propres films dont un grand nombre sont devenus des classiques du cinéma égyptien. En voyant cette comédie de 1975, on ne peut qu’admirer la capacité d’Hassan El Seifi à s’adapter au changement même si nous y retrouvons des thématiques ou des procédés qui firent le succès des films comiques des années cinquante. Dans Interdit pendant la Nuit de Noces, le cinéaste reprend notamment la caricature de la belle-mère acariâtre et autoritaire qui s’immisce dans la vie du jeune couple pour la rendre insupportable. On pense bien sûr à Ma belle-mère est une bombe atomique (hamati kombola zorria, 1951) et aux Jolies Belles-Mères ( Al Hamawat Al Fatenat, 1953), deux comédies d’Helmy Rafla mais aussi ,dans une version plus dramatique, à La Photo de Mariage de Hassan Amar (Soreat al zefaf, 1952).

Mais ce qui fait la modernité de ce film, c’est la dimension psychanalytique que les auteurs ont tenu à donner à leur histoire. La belle-mère est dépeinte comme une figure castratrice qui réduit à l’impuissance les hommes de son entourage et à la frustration leurs compagnes. Et une fois morte, son fantôme continue à combattre impitoyablement toute manifestation du désir sexuel au sein de sa famille, s’invitant dans les chambres des couples pour interdire tout rapprochement. Cette idée de fantôme tyrannique illustre de manière plaisante comment une instance répressive continue à agir même après la disparition du membre de la famille qui l’incarnait. En l’occurrence la mort physique de la belle-mère n’apporte pas la libération escomptée car il faut aussi la tuer dans les têtes et là c’est plus difficile.

Interdit pendant la Nuit de Noces est un très bon divertissement pour adultes (avertis ?), bien dans l’esprit des productions de Mohamed Abdel Aziz, le cinéaste qu’on présentait comme le Fateen Abdel Wahab des années soixante-dix. On pourra néanmoins regretter quelques scènes d’un goût douteux. Celle dans laquelle apparaît George Sedhom travesti en fille de joie et accumulant les chutes grotesques ne restera pas dans les annales de la comédie égyptienne.


Appréciation : 3/5
***


Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

jeudi 18 février 2021

Où Fuir ? ( Ayna Almafar, 1977)

أين المفر ؟
ﺇﺧﺮاﺝ: حسين عمارة


Hussein Emara a réalisé Où Fuir ? en 1977.
Distribution : Mahmoud Yassin (Ali), Soheir Ramzy (Layla), Mohamed Subhi (Abbas), Mimi Gamal (Salwa), Sayed Abdel Ghani (Samir), Aziza Helmy (la mère d’Ali), Abdallah Farghaly (Mansour), Farouk Youssef (Hamido), Fakry Abaza (Shawki), Fifi Youssef (la mère de Layla), Hussein Orabi (docteur Ibrahim), Abdel Moneim El Marsafy (Suleiman)
Scénario : Hussein Emara et Mostafa Moharam
Production : les Films Mohamed Emara

Soheir Ramzy



Mahmoud Yassin



Sayed Abdel Ghani



Aziza Helmy et Mahmoud Yassin



Mahmoud Yassin et Soheir Ramzy



Mimi Gamal



Farouk Youssef et Mohamed Subhi



Abdallah Farghaly et Mohamed Subhi














Résumé

Ali Abdel-Ghaffar est professeur à la Faculté d’Agriculture. Il se rend à l’aéroport pour accueillir son collègue Samir qui rentre d’une mission à l’étranger. Samir est accompagné de sa femme Salwa. Ali n’a jamais beaucoup apprécié la compagne de son ami. L’attitude très libre de celle-ci choque ses valeurs conservatrices. A l’aéroport, il fait la connaissance de Layla, une grande amie de Salwa qui a tenu elle aussi à accueillir le couple. Après cette première rencontre, il faut très peu de temps pour que Layla et Ali se retrouvent mari et femme. Mais entre les deux tourtereaux, les premières tensions ne tardent pas à faire leur apparition. Ali ne goûte guère le comportement en public de sa femme. Elle fréquente toujours le même groupe d’amis qui affichent en paroles et en actes une liberté, une audace qui déplaisent foncièrement à Ali. Quand ils vont en boîte, Ali refuse qu’elle danse avec d’autres hommes. Et il n’apprécie pas non plus les tenues qu’elle arbore au sein de leur club. Un jour, alors qu’elle joue au tennis, Ali surprend une conversation entre deux inconnus. Ils commentent de manière trop élogieuse les formes de sa femme mises en valeur par une jupe très courte et un sweatshirt moulant. Cela met Ali hors de lui. Quand il se retrouve tous les deux, l’ambiance devient irrespirable. Layla ne supporte plus la jalousie de son mari et Salwa l’encourage à rompre. Layla se réfugie chez sa mère. 
Pour sauver son couple, Ali a une idée. Avec l’autorisation de son président, il part en mission dans un endroit reculé près d’Alexandrie pour y étudier la nature des sols. Layla accepte de l’accompagner. Ils résideront dans une villa isolée au bord de la mer. Dans cet environnement estival, leur amour semble renaître. A leur service, il y a un jeune homme, Abbas, plein de bonne volonté malgré son léger handicap physique et intellectuel. Abbas se rend souvent dans le village voisin où il retrouve ses deux amis, Hamido, le vendeur de journaux et Mansour, le projectionniste du cinéma de la commune. Ensemble, ils passent leurs soirées à boire de l’alcool pour tromper leur ennui.
Dans sa nouvelle maison, Layla commence à trouver le temps long. Ali est accaparé tout le jour par ses recherches loin de chez eux. Abbas est donc la seule compagnie de la jeune femme. Avec lui, elle s’occupe de son intérieur, joue au ballon dans le jardin ou bien va sur la plage. Si Layla n’éprouve aucune attirance pour Abbas, il n’en est pas de même pour le jeune homme. A force de côtoyer cette jeune femme séduisante, arborant toujours des tenues légères ne cachant rien de son anatomie avantageuse, il a fini par ressentir sinon de l’amour, du moins un désir sans cesse croissant. Le jour où elle s’est intéressée à son apparence en lui prodiguant des conseils pour être plus séduisant, Abbas a cru qu’elle était attirée par lui. Il est vrai qu’entre eux, la complicité est devenue totale.
Un soir, Laya a une heureuse surprise : tous leurs amis du Caire sont venus faire la fête dans leur villa. On danse, on chante, on boit et on flirte. Si Ali reste très en retrait devant le spectacle de tous « ces excès », Layla ne cache pas sa joie de pouvoir de nouveau s’amuser. Abbas lui aussi se mêle aux invités et boit sans mesure. Ali finit par intervenir et lui ordonne de retourner dans sa chambre. Abbas, la mort dans l’âme, obéit.
Le lendemain matin, tous les convives repartent pour Le Caire tandis qu’Ali prend la direction de son lieu de travail. Après avoir fumé et bu avec ses deux amis, Abbas rentre à la villa où il retrouve Layla. Le jeune homme finit par tenter le tout pour le tout : il embrasse celle qu’il désire depuis si longtemps mais elle le repousse et le gifle violemment. Abbas se confond en excuses et Layla lui promet de ne rien dire à son mari.
Ali veut mettre terme à sa mission, il comprend que maintenir sa femme dans une telle solitude finira par avoir raison de leur couple. Il se rend au Caire pour accomplir toutes les formalités nécessaires à leur retour. Il retrouve son ami Samir et il est avec lui quand celui-ci reçoit un coup de téléphone lui révélant que sa femme lui est infidèle. Accompagné d’Ali, il retourne à son appartement où il surprend Salwa et son amant.
Pendant ce temps-là, la villa s’apprête à être le théâtre d’un drame. Les deux amis d’Abbas ont décidé d’aider leur camarade à se venger. Layla est dans la salle de bain quand la sonnerie du téléphone retentit. Quand elle se rend au salon pour répondre, elle voit deux hommes grimaçant à sa fenêtre. Prise de peur, elle appelle Abbas qui apparaît et se jette sur elle. Elle parvient à décrocher le téléphone : au bout du fil, c’est Ali. Il entend les hurlements de sa femme. il reprend aussitôt la route et fonce vers la villa. Layla est parvenue à se débarrasser d’Abbas mais ses deux compagnons se sont introduits dans la maison. Ils l’entraînent dans la chambre et la violent.
Pris de remords d’avoir laissé ses deux compères abuser de sa patronne tant aimée, Abbas les tue à coups de carabine puis se noie dans la mer. Quand Ali arrive enfin chez lui, il découvre sa femme, toujours vivante mais le corps ensanglanté.


Critique

Avec Où Fuir ?, Hussein Emara a voulu faire un film ambitieux qui embrasserait les grands problèmes moraux de son époque : le conflit entre modernité et valeurs traditionnelles ; les relations compliquées entre hommes et femmes avec un machisme vacillant sous les coups d’un féminisme naissant ; les relations tendues entre les classes sociales ; la question de la sexualité dans la société égyptienne des années soixante-dix avec ce tableau contrasté : libération dans les classes aisées, frustration dans les classes plus modestes.
 
Même si la mise en scène n’est pas toujours à la hauteur de l’ambition, reconnaissons à ce film le souci de présenter honnêtement tous les aspects des problèmes évoqués, sans parti pris et sans apriori. Le dénouement d’ailleurs reste d’une grande ambiguïté et c’est en cela qu’il est intéressant. Il semble dans un premier temps pencher du côté d’une morale conservatrice : le collègue d’Ali découvre que la liberté qui régnait au sein de son couple a fait son malheur puisque sa femme le trompe. Dans un deuxième temps, la dernière séquence semble accabler le mari conservateur qui en voulant garder pour lui sa femme l’a jetée dans les griffes de deux violeurs. En fait, Hussein Emara ne propose aucune morale définitive car il est un observateur avant d’être un moraliste.
 
Le réalisateur s’intéresse à une classe sociale qui a profité comme d’autres de l’ouverture de la société sous le règne d’Anouar El Sadate. Les personnages d’Où Fuir ? appartiennent à la bourgeoisie intellectuelle. Ils sont assez proches de ceux que l’on retrouve à la même époque dans les films du réalisateur français Claude Sautet. Ce sont des personnages qui ont réussi leur vie professionnelle, qui sont bien insérés dans la société mais qui sont confrontés à des problèmes de couple, à des problèmes personnels. Ils sont plongés dans des situations qui les fragilisent et certains d’entre eux, ont la sensation angoissante qu’â tout moment leur univers confortable peut vaciller. 

Ali, le héros de Où Fuir ? est un universitaire brillant qui reste pourtant attaché à certaines valeurs et il condamne la libération des mœurs qu’il voit se répandre tout autour de lui. Ali est en fait la réplique moderne d’Alceste, le personnage principal du Misanthrope de Molière : même dégoût de ses contemporains, même désir de fuir la société corruptrice, même raideur morale, mais aussi même ambivalence à l’égard de la femme aimée : Ali comme Alceste condamne sa « coquetterie » alors que c’est sans doute cette « coquetterie » qui a séduit et continue de séduire l’un et l’autre. Quand se termine le film, la question posée par le titre n’a pas trouvé de réponse définitive. Encore quelques années et sans doute qu’Ali opterait pour la voie religieuse, comme bon nombre de ses contemporains.

Quant au personnage d’Abbas, disons d’abord que c’est une copie fidèle de Kenawi, le héros de Youssef Chahine dans Gare Centrale (1958). On a dans les deux œuvres, un homme disgracieux, légèrement infirme qui est obsédé par l’amour et le sexe au point de tapisser sa chambre d’images féminines. Il devient passionnément amoureux d’une femme très désirable et la frustration sexuelle le conduira à envisager le pire. Hommage ou plagiat ? Peu importe car ce personnage d’Abbas est vraiment le point faible du film. Dans de nombreuses productions des années soixante-dix dès qu’il s’agit d’évoquer un individu handicapé ou fou ou simplement marginal, les acteurs adoptent un jeu outré et caricatural parfois pénible à voir. C’est le cas ici avec ce personnage grotesque joué par Mohamed Subhi. La chronique sociale verse alors dans le Grand Guignol et c’est bien dommage !

Appréciation : 3/5
***

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

lundi 29 avril 2019

Miramar (1969)

ميرامار
إخراج : كمال الشيخ


Kamal El Sheikh a réalisé Miramar en 1969.
Distribution: Shadia (Zohra), Youssef Wahby (Taleb Marzouq), Youssef Chaban (Sahran El Beheiry), Imad Hamdi (Amer Wagdy), Abdel Moneim Ibrahim (Mahmoud Abou Abbas), Abou Bakr Ezzat (Hosny Allam), Abdul Rahman Ali (Mansour Bahi), Nadia El Gendy (Sofia), Nazim Sharawi (Général Ibrahim Bahi), Ismet Raafat (Mariana), Ahmed Tawfiq (Ali Bakir), Soheir Samy (Alia), Soheir Ramzy (Doria), Ibrahim Saafan
Scénario : Mamdouh El Leithy
D’après le roman éponyme de Naguib Mahfouz publié en 1967
Musique : Michel Youssef
Production : Organisation générale égyptienne pour le cinéma

Youssef Wahby et Abou Bakr Ezzat

Ahmad Tawfiq et Youssef Chaban

Youssef Wahby et Imad Hamdi

Abdul Rahman Ali et Soheir Ramzy

Abdul Rahman Ali et Imad Hamdi

Youssef Chaban et Abdel Moneim Ibrahim

Ismet Rafaat

Soheir Samy

Youssef Chaban et Shadia


Résumé

Zohra a fui son village car son grand-père voulait la marier à un vieil homme. Elle arrive à Alexandrie et trouve un emploi de femme de ménage à la pension Miramar dans le quartier Mahatet El Raml. Cet établissement est dirigé par Mariana. C’est feu le père de Zohra qui lui apportait des œufs et des poulets . Zohra fait la connaissance des clients de la pension mais aussi d’autres personnalités du quartier, comme Mahmoud Abou Abbas, le vendeur de journaux qui est tombé amoureux d’elle. 

Parmi les pensionnaires, il y a ceux qui résident à Miramar depuis déjà un certain temps et ceux qui font leur apparition dans la première partie du film.

Les anciens sont Amer Wagdi, écrivain et journaliste proche du Wafd et Taleb Marzouk, un aristocrate, ancien ministre dont la révolution a confisqué toutes les propriétés. C’est un homme aigri qui n’a de cesse de harceler Zohra. 

Les nouveaux sont, par ordre d’apparition :Sarhan El Bahiry, Hosny Allam, Mansour Bahi

Sarhan El Bahiry est un homme que la révolution a corrompu. Il travaille comme agent comptable dans une entreprise de textile et il fait partie de son conseil d’administration. Il est aussi membre du bureau politique de l’Union Socialiste (parti fondé en 1962 par Nasser). Il a une liaison avec une danseuse Sofia. Zohara l’intéresse beaucoup et il commence à tourner autour. Il la poursuit à tous les étages de la pension. La servante ne se montre pas insensible au charme du jeune homme. C’est le début d’une idylle. 

Hosny Allam est un aristocrate, propriétaire terrien, sans emploi. Amateur de femmes, lui aussi va vouloir séduire Zohra.

Sofia a appris que Sarhan a une relation avec Zohra. Elle fait irruption dans la pension et manifeste bruyamment sa rage et sa rancœur. On parvient, non sans mal, à l’expulser. Hosny Allam profite de l’occasion pour séduire Sofia mais il n’a pas abandonné pour autant l’idée de conquérir Zohra. Un soir, alors qu’il a bu plus que de coutume, il fait irruption dans la chambre de la servante et se jette sur elle. La femme crie. Tous les résidents accourent. Une bagarre éclate entre Sarhan et Hosny. 

Mansour Bahi est le dernier arrivé. C’est un jeune militant anti-gouvernemental. Son frère, le général Ibrahim Bahi, lui interdit de poursuivre ses activités subversives. Il le place dans la pension car tous les membres de sa cellule vont être arrêtés dont Fawzy , le mari de Dari, la jeune femme que Mansour avait beaucoup aimé. Après l’arrestation de leurs compagnons, Dari rejoint Mansour à Miramar. Ils passent une nuit ensemble et le jeune homme incite sa maîtresse à divorcer. Elle y consent, elle divorce mais juste après, Mansour rompt avec elle. 

Entretemps, Zohra a demandé à une jeune institutrice de lui apprendre à lire. La jeune femme vient donner ses leçons à la pension, dans le salon où se tient souvent Sarhan. Ce dernier est tout de suite conquis par la beauté de l’enseignante. Leurs regards se croisent. Sarhan a décidé de l’épouser, il se rend chez ses parents pour faire sa demande. Il est chaleureusement accueilli et il multiplie ses visites.

Zohra finit par découvrir la liaison entre son bien aimé et l’institutrice. Elle est désespérée. La conduite de Sahran fait l’objet de la désapprobation de tous les pensionnaires du Miramar. 

Pour autant, le comptable inconstant ne jouira pas longtemps de son tout nouveau bonheur. Avec la complicité d’un ingénieur de son entreprise, il avait organisé le vol de tout un camion de laine. Malheureusement, la nuit où doit avoir lieu l‘opération, la police intervient : ils ont été dénoncés.

Sarhan comprend que tout est fini : il sera d’un moment à l’autre arrêté. Il boit de l’alcool dans un bar et sort en titubant dans les rues. Il s’effondre. Mansour qui l’avait suivi, l’achève à coups de pied. 

Zohra est finalement renvoyée de la pension, la directrice ne supportant plus l’agitation que sa présence crée parmi les résidents. Dans la rue, elle est rejointe par le marchand de journaux, Mahmoud Abou Abbas qui l’aime toujours...

mardi 27 novembre 2018

Tout le monde veut aimer (El Kol Awez Yeheb, 1975)

الكل عاوز يحب 
ﺇﺧﺮاﺝ: أحمد فؤاد 


Ahmed Fouad a réalisé Tout le monde veut aimer en 1975
Distribution : Soheir Ramzy, Nour Al Sherif, Adel Imam, Hassan Hamed, Nabila El Sayed, Nadia Arslan, Ibrahim Saafan, Seif Allah Mokhtar, Medhat Gamal, Dina Abdallah, Mohamed Shawky, Gamal Ismail, Qadria Kamel, Motawa Owis, Ibrahim Kadri, Mazhar Abol Naga, Saleh Al-Eskandrani
Scénario : Yahya Al Leithi

Nabila El Sayed

Nour Al Sherif

Medhat Gamal et Hassan Hamed

Adel Imam et Mohamed Shawky

Soheir Ramzy et Ibrahim Saafan

Hassan Hamed et Adel Imam

Nadia Arslan


Nour Al-Sherif et Soheir Ramzy

Soheir Ramzy



Résumé

Ahmed, un playboy de la capitale, rend visite à son ami Abdel Salam, un instituteur qui réside à Fayoum. Il est accompagné par deux jeunes femmes, Diana et Maria. Celles-ci vont à l’hôtel tandis qu’Ahmed traverse la vile pour rejoindre Abdel Salam dans son école. En cheminant, il rencontre Layla. C’est le coup de foudre immédiat. Quand il retrouve enfin son ami, Ahmed lui raconte aussitôt ce qui vient de lui arriver. Abdel Salam lui conseille de ne pas tenter d’approcher à nouveau celle dont il est tombé amoureux. La jeune femme habite en face de chez lui et elle est étroitement surveillée par son cousin qui rêve de l’épouser bien qu’il soit déjà marié. Un détail qui a son importance : ce cousin, du nom de Massoud, est un commerçant prospère et une force de la nature qui effraie tout le monde par sa violence. Ahmed n’a cure de l’avertissement d’Abdel Salam. Il veut revoir Layla. Il pense écarter le danger en envoyant Massoud rencontrer ses deux amies, séduisantes et peu farouches, dans leur chambre d’hôtel. Pendant ce temps-là, il rejoint l’appartement d’Abdel Salam et se met à la fenêtre pour converser avec Layla. Malheureusement, Massoud est averti par le portier et il se rue avec ses hommes dans l’appartement de l’instituteur. Ahmed a juste le temps de fuir en s’accrochant à la gouttière. S’ensuit une course poursuite, à pied, en carriole, à cheval et même à dromadaire. Pour revoir sa bien-aimée, Ahmed a une idée : il se déguise en vieux professeur inoffensif. Massoud n’y voit que du feu et accepte la présence de ce vieillard dans l’entourage de sa cousine. De son côté, Abdel Salam ne reste pas inactif : il s’est rapproché de Maria, l’une des deux amies d’Ahmed tandis que la seconde, Diana, continue de s’occuper du redoutable Massoud A la fin, Ahmed retrouvera sa véritable identité et épousera Layla. Quant au cousin, il retournera auprès de son épouse. .



mercredi 5 juillet 2017

Le Plaisir et la Souffrance (Al Motaa Wal Azaab, 1971)

المتعة والعذاب
إخراج : نيازى مصطفى
 

Niazi Mostafa a réalisé Le Plaisir et la Souffrance en 1971.
Distribution : Chams Al Baroudi, Sohier Ramzy, Nour El Sherif, Safaa Abo El-Saoud, Mohamed Hamdy, Mahmoud Rashad, Anwar Madkor, Kamal Al Zini, Ghasan Matar, Samir Sabri, Rawya Ashour, Nawal Hashim, Sayed Abdallah Hafez, Amin Antar, Helmy Halim, Gamil Ezz Eddin, Mokhtar El Sayed
Scénario : Niazi Mostafa et Faysal Nada

Soheir Ramzy

Nour Al-Sherif

Soheir Ramzy, Safaa Abou El Saoud,
Chams Al Baroudi, Rawya Ashour

Ghasan Matar

Chams Al Baroudi et Nour Al-Sherif

Chams Al Baroudi

Rawya Ashour

Ghasan Matar, Samir Sabri, Nour Al-Sherif

Safaa Abou El Saoud et Nour Al-Sherif

Soheir Ramzy et Safaa Abou El Saoud

Soheir Ramzy

Chams Al Baroudi

Safaa Abou El Saoud et Chams Al Baroudi

Chams Al Baroudi

Nour Al-Sherif et Chams Al Baroudi

Rawya Ashour, Chams Al Baroudi, Soheir Ramzy

Nour Al-Sherif


Résumé

Quatre jolies filles sont amies depuis le lycée. La première, Nana (Chams Al Baroudi) est une styliste de mode. L’atelier qu’elle dirige connaît un grand succès. Depuis son enfance, elle hait les hommes car, enfant, elle fut souvent le témoin de la cruauté de son père à l’égard de sa mère. Elle ne croit pas en l’amour et pense que les hommes n’ont qu’un désir : asservir les femmes.
La seconde s’appelle Salwa Saleh (Rawya Ashour). Elle travaille comme modèle pour Nana. Son père est un petit employé et son salaire sert à améliorer le quotidien de la famille. Elle hésite à épouser un garçon qui a les faveurs de ses parents. Nana lui conseille de refuser cette union. La styliste fait tout pour que Salwa éprouve les mêmes sentiments qu’elle à l’égard des hommes. Elle la menace même de la licencier si elle se marie. Salwa se soumet au désir de Nana mais elle souffre de cette solitude forcée.
La troisième est Fifi (Safa Abou Saoud). Elle veut devenir célèbre. Elle rêve d’être actrice. En attendant, elle vit dans l’illusion et prétend tourner dans plusieurs films en même temps.
La quatrième, Ilham Asim (Soheir Ramzy) a souffert petite de la préférence marquée par son père pour sa sœur cadette. Elle est devenue kleptomane et cette manie a plongé fréquemment le groupe d’amies dans des situations embarrassantes.
Dans une boîte, les quatre amies font la connaissance d’Adel (Nour Al-Sherif). Le jeune homme est employé dans une usine de cigarettes. Il a beaucoup d’ambition et rêve d’une réussite éclatante. On apprendra plus tard qu’il est entre les mains d’Atwa (Ghassan Matar) un criminel qui lui a prêté de l’argent et qu’il est incapable de rembourser.
Adel est tout de suite attiré par Nana malgré l’attitude réservée de celle-ci. Pour la revoir, il se rend même à son atelier. La jeune femme ne reste pas insensible à la persévérance de son soupirant. Et pour entrer davantage encore dans les bonnes grâces des quatre amies, Adel leur présente Sabri (Samir Sabri) un ami qu’il fait passer pour un grand cinéaste. Fifi est aussitôt conquise. Lors d’une conversation en tête à tête, Sabri prétend que pour l’engager, il doit la voir dans dix robes différentes. Fifi est très embêtée : elle n’a pas ces dix robes. Nana et Ilham refusent de l’aider.
Un jour les quatre filles se retrouvent chez un bijoutier car Nana souhaite faire un cadeau à Salwa pour la consoler d’avoir dû renoncer à son mariage. Evidemment, Ilham en a profité pour se livrer à son passe-temps favori : le vol. Cette fois-ci, Fifi a suivi son exemple, voyant dans ce petit délit un moyen commode d’acheter les robes dont elle a besoin. Malheureusement pour elles, Atwa, le créancier d’Adel, est présent. Il les prend en photo avec un polaroïd puis il leur demande 5000 livres contre son silence. Les quatre filles sont au désespoir. Suite à la seconde entrevue qui a lieu entre le maître-chanteur et ses quatre victimes accompagnées cette fois-ci d’Adel et de Sabri, il est décidé de cambrioler l’entreprise dans laquelle travaillent les deux garçons. Ce que ne savent pas Nana et ses amies, c’est que ceux-ci sont en fait des complices d’Atwa.
Adel voit dans ces événements la possibilité de se rapprocher de Nana qui est totalement désemparée. Ils passent une soirée ensemble puis ils font l’amour.
Le cambriolage est mis en œuvre. Les filles se travestissent en hommes et pénètrent dans l’usine. Elles s’emparent de tout l’argent destiné aux salaires du personnel puis s’enfuient après avoir ligoté et assommé Adel pour qu’il soit mis totalement hors de cause.
Dans leur fuite, elles retrouvent Atwa. Constatant le succès de leur mission il leur donne les photos compromettantes. Il leur demande de prendre sa voiture et de rapporter le butin à son domicile. Lui rentrera avec leur voiture après avoir changé les plaques d’immatriculation.
En fait, les quatre filles ont décidé de rendre l’argent à l’usine. Elles partent se cacher à Alexandrie. Elles s’installent à l’Hôtel du Parc. Nana apprend qu’Adel appartient au gang d’Atwa et qu’il l’a trompée. Elles est sous le choc . Quant à Salwa elle est furieuse d’apprendre que Nana avait un amant alors qu’elle lui avait interdit toute relation avec les hommes. De leur côté, Fifi et Salwa décident de mettre l’argent en lieu sûr, dans un chalet isolé près de la plage.
Pendant ce temps là la police a continué son enquête et a été informée de l’arrivée des filles à l’hôtel du Parc. Un inspecteur s’y rend aussitôt pour piéger la bande. Il se fait passer pour l’architecte qui a construit l’hôtel. Il entreprend de courtiser Salwa pour mieux surveiller les quatre femmes. Quand arrivent à l’hôtel Sabri et Atwa suivi d’Adel. Ce dernier, rongé par les remords, avoue tout à Nana qui lui pardonne. Il accepte de rendre l’argent à son entreprise. Le dénouement rassemble tous les protagonistes de l’histoire dans le chalet où avait été caché le magot. Les trois hommes se battent pour le récupérer. Survient la police qui arrête tout le monde.


Critique

J’ai tenté de résumer le plus clairement possible cet incroyable imbroglio, ce fatras baroque. Il n’est pas difficile de saisir l’objectif de Niazi Mostafa et de son scénariste : en une heure quarante, inclure la matière d’une dizaine d’épisodes d’une série policière à l’américaine. Mais prenons garde à ne pas commettre un anachronisme qui serait bien injuste pour les auteurs de ce film : Le Plaisir et la Souffrance évoquera à bon nombre de spectateurs un univers qui leur est familier, celui des grandes séries américaines des années soixante-dix et au-delà mais en fait ce film qui date du tout début de la décennie n’a pu s’en inspirer, il faut plutôt le considérer comme un précurseur de cette esthétique rutilante qui fera les beaux jours de la télévision couleur à ses débuts.

Si le kitsch est l’art de la saturation, alors nous sommes devant un modèle du genre. Le réalisateur se permet tout sans se soucier de l’avis des gardiens du bon goût et de la morale. D’abord le générique du début qui nous annonce clairement la couleur : on nous offre une succession de photographies de gros bouquets de fleurs avec comme accompagnement musical, une reprise cheap de la Chanson de Lara composée par Maurice Jarre pour le Docteur Jivago de David Lean. Oui, le réalisateur va tout oser, le meilleur comme le pire. On a commencé par le pire ? Rassurez-vous : le meilleur est à venir.

Dans ce film, tout flamboie, les couleurs, les corps, les esprits. Commençons par le plus futile (qui n’est pas le plus insignifiant, bien au contraire !) en rendant hommage au créateur des costumes. Ce dernier nous offre une collection printemps/été 1970 d’une liberté, d’une extravagance que peu de grands couturiers ont atteint. Le costumier du film raffole de  la dentelle, du drapé et de la soie, nostalgie sans doute de l’élégance des grands de la cour du temps du roi Farouk. Il a le souci du détail : les couleurs des costumes sont raccord avec celles des tapisseries et même avec celles des nappes et des serviettes. Et pour finir de nous convaincre de son talent, il nous présente une collection complète, masculine et féminine : de la robe de soirée à la nuisette, de la chemise à la chaussette. Attribuons une mention toute spéciale au maillot de bain à franges porté par Shams Al Baroudi dans les jardins de l’hôtel. Un must !

Mais passons à l'essentiel qui n'est ni l'étude psychologique, ni la direction d'acteur (même s'il y aurait beaucoup à en dire.) mais la dimension charnelle de l'univers imaginé par les auteurs.  Dans ce film, les corps sont luisants et les lèvres scintillent. Le réalisateur scrute sans se lasser la peau de ses acteurs et il la magnifie à la manière d’un peintre. Car le grand sujet du film, au-delà de la petite intrigue policière rapidement troussée, c’est le corps. Le corps dans tous ses états, ce que dit bien le titre à la tonalité toute sadienne, « Le Plaisir et la Souffrance ». Effectivement, les personnages souffrent et jouissent, alternativement ou simultanément. Pulsions et traumatismes, désirs et frustrations tourmentent les corps et les esprits en quête de plaisirs infinis. Une scène résume bien l’atmosphère du film : Nana (Shams Al Baroudi) est seule au lit, très agitée, et elle atteint l’orgasme en se remémorant un précédent orgasme que lui avait donné un amant. Pour cette séquence, le réalisateur joue avec la surimpression : l’image de l’orgasme passé venant se confondre avec celle de l’orgasme présent pour une double jouissance qui ainsi démultiplie l’effet produit par la fameuse scène de masturbation féminine dans Le Silence d’Ingmar Bergman (saturation, encore !).

Même dans ses errements les plus douteux, Naizi Mustapha étonne toujours par sa vitalité et sa candeur. Dans La Plaisir et la Souffrance, son génie brouillon peut donner toute sa mesure.
Bref, ce film mériterait d’être culte. Bien sûr, nous pourrions déplorer une fin banale qui repose sur l’intervention de la police assurant le retour de l’ordre et de la loi. Mais après tout, ce dénouement vu et revu est une convention au même titre que le mariage qui vient clore la plupart de nos comédies classiques. C’est aussi un gage donné aux censeurs pour qu’ils tolèrent les scandaleuses excentricités qui ont précédé.

Appréciation : 4/5
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Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin