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mercredi 16 juin 2021

Rêves de jeunesse (Ahlam Al-Shabab, 1942)

أحلام الشباب
إخراج : كمال سليم


Kamal Selim a réalisé Rêves de Jeunesse en 1942.
Distribution : Farid Al Atrache (Farid), Taheya Carioca (la danseuse Bahiya Shakashak), Madiha Yousri (Ilham), Mary Moneib (Falah Hanim, la tante d’Elham), Bishara Wakim (Ghadban Al Absi), Abbas Fares (Basiouni, l’oncle d’Elham), Mohamed Kamal El Masry (le vendeur de cigarettes), Hassan Fayek (Wagdi), Abd El Fatah El Kosary (le garde du corps de Ghadban), Sayed Suleiman (le serviteur de Farid), Fouad Fahim (le comptable de Farid), Abdel Halim Morsy (le médecin), Hassan Kamel (le propriétaire du cabaret), Gina (une danseuse du cabaret)
Scénario : Youssef Wahby et Kamal Selim
Dialogues : Badie' Khairy
Paroles des chansons : Ahmed Rami, Youssef Badrous, Aboul Seoud Al Ibiary, Bayram Al-Tunsy
Musique : Farid Al Atrache
Production : les films du Nil

Farid A Atrache et Taheya Carioca



Taheya Carioca et Bishara Wakim


Hassan Fayek



Madiha Yousri et Farid Al Atrache



Abd El Fatah El Kosary et Bishara Wakim



Farid Al Atrache et Mary Moneib



Abbas Fares et Mary Moneib



Madiha Yousri et Mohamed Kamel El Masry


















Résumé

Farid est un jeune homme riche et insouciant. Il a une passion : la musique et la chanson. Il passe l’essentiel de son temps à sortir et à courtiser les femmes. Il est un habitué du cabaret le Salon de la Gazelle Rouge et il est devenu l’amant de la danseuse Bahia, une personne au caractère bien trempé et à la jalousie féroce. Sa vie dissolue l’entraîne parfois dans des situations périlleuses. Un soir qu’il doit fuir au plus vite un appartement, il tombe du balcon et termine sa chute dans le salon du voisin du dessous, non sans avoir brisé en mille morceaux la grande fenêtre de la pièce. Ce voisin, c’est le marchand Basiouni. Il était en train de dîner avec sa femme et sa nièce qu’il a recueillie depuis qu’elle est orpheline. Pour expliquer cette arrivée spectaculaire, Farid prétend qu’il est atteint de somnambulisme. Son pied le fait atrocement souffrir. On fait venir le docteur Metwalli qui habite l’immeuble. Celui-ci impose à Farid une immobilité totale. Basiouni accepte de le garder à son domicile jusqu’à son rétablissement. Et comme Farid a prétendu qu’il était au chômage, il lui propose de donner des cours de piano à sa nièce. La jeune fille qui se prénomme Ilham n’est pas insensible au charme de leur invité surprise et ce n’est pas sans tristesse qu’elle le voit repartir chez lui, une fois qu’il peut à nouveau poser le pied à terre. Dans son hôtel particulier, Farid tombe nez à nez sur son comptable qui une nouvelle fois veut l’alerter sur sa situation financière très inquiétante. Le jeune homme n’écoute que d’une oreille car il n’a qu’une seule idée en tête rejoindre Bahia au Salon de la Gazelle Rouge. 

On découvre que Bahia est aussi courtisée par un très riche marchand, Ghadban Al Absi, qui la couvre de cadeaux et celui-ci n’apprécie guère la présence de Farid. Et quand il surprend les deux amants en train de s’embrasser, il veut aussitôt tuer son rival. Bahia lui fait croire qu’ils étaient en train de répéter un numéro pour le spectacle. C’est ainsi que Farid chante pour la première fois devant un public. Il suscite l’admiration de tous les spectateurs et le directeur du cabaret lui propose un contrat qu’il refuse.
Le lendemain, Farid se rend chez Ilham mais il y retrouve Ghadban Al Absi et son fidèle garde du corps. Basiouni, l’oncle d’Ilham et l’amoureux fortuné de Bahia avaient un rendez-vous d’affaires. Ce dernier révèle à toue la famille que Farid est un chanteur de cabaret. Cette nouvelle n’est pas du tout du goût de Basiouni qui chasse aussitôt le jeune homme. Mais Ilham ne veut pas renoncer à celui qu’elle aime passionnément. Elle se rend au Salon de la Gazelle Rouge et découvre Farid en train de sabler le champagne avec des femmes. Ilham décide de rompre. 

Pour ne rien arranger, les créanciers du jeune homme ont perdu patience. Ils s’emparent de tous ce qui lui appartenait : son hôtel particulier, ses meubles et même sa voiture. Il ne lui reste plus rien. Quand Ilham apprend la nouvelle, elle rejoint Farid pour le soutenir. Ce dernier lui offre la dernière chose qu’il possède encore : un titre de propriété sur des terres que son grand-père avait achetées dans le désert pensant y trouver des gisements d’hydrocarbures. Pour vivre, Farid accepte la proposition du directeur du Salon de la Gazelle Rouge et il devient le partenaire de scène de la volcanique Bahia. Ghadban Al Absi a enfin compris que Farid n’est plus un rival car il aime ailleurs. Il va même intervenir pour que Basiouni accepte de marier sa nièce à son amoureux. Las ! la cérémonie est gâchée par un fâcheux contretemps. La danseuse invitée n’est autre que Bahia et quand celle-ci découvre que le fiancé est Farid elle entre dans une rage folle, apostrophant son ex-amant et cassant tout ce qui se trouve à sa portée. Devant un tel scandale, Ilham s’évanouit. Basiouni chasse Farid pour la seconde fois. 

Ghabdban Al Absi décide de donner une leçon à Bahia. Avec des complices, il perturbe sa prestation sur la scène du cabaret et tout se termine par une bagarre générale. Face à ce déchaînement de violence, Bahia s’évanouit et elle est secourue par Farid. Elle comprend alors qu’elle avait été trop loin lors du mariage. Le lendemain, elle se rend chez Ilham pour s’excuser. Entretemps, la jeune orpheline et son oncle ont découvert que les terres du grand-père de Farid recèlent effectivement des gisements importants d’hydrocarbures. Farid est donc riche. Basiouni se rend lui-même au cabaret pour restituer au chanteur ses actes de propriété. Farid refuse de les reprendre. Alors Basiouni accepte de lui donner la main d’Ilham.


Critique

Rêves de jeunesse est d’abord le film d’une génération. Il réunit un petit groupe de jeunes artistes très talentueux. Le metteur en scène , Kamel Selim, n’a pas encore trente ans (Il mourra à trente-deux ans en 1945) et il a attribué tous les rôles principaux de son film à des acteurs de son âge. A part Taheya Carioca qui a déjà une solide expérience du cinéma bien qu’elle n’ait que 27 ans, tous les autres sont des débutants. Farid Al Atrache a commencé sa carrière cinématographique l’année précédente et c’est son deuxième film. Madiha Yousri a vingt-quatre ans. Elle a été découverte par Mohamed Karim cette même année et comme pour Farid Al Atrache, c’est son deuxième film.

Cette comédie musicale s’intitule Rêves de Jeunesse, un titre à la Charles Trenet et, effectivement, on retrouve dans ce film la légèreté et la fantaisie de l’univers du chanteur français. Dans ce monde, rien n’est grave, rien ne pèse, même la mort est envisagée avec une certaine désinvolture. Le personnage incarné par Farid Al Atrache aurait fort bien pu reprendre à son compte l’un des premiers succès du fou chantant « Je chante » , enregistré en 1937 : "Je chante/Je chante!/Je chante soir et matin,/Je chante sur mon chemin,/Je chante, je vais de ferme en château/Je chante pour du pain je chante pour de l'eau"
Le héros de Kamel Selim connaît des revers de fortune sans en être réellement affecté et pour survivre il devra chanter, comprenant alors que la chanson est sa seule raison de vivre.

On notera que ce personnage est ouvertement inspiré de la propre vie de Farid Al Atrache. A cette époque, le chanteur syrien est devenu une vedette grâce à la radio mais aussi grâce à son premier film, Victoire de la Jeunesse d’Ahmed Badrakhan. . Comme le héros de Rêves de Jeunesse, Farid Al Atrache passe ses nuits dans les cabarets, collectionne les conquêtes féminines et accumule les dettes (il était un joueur impénitent !)

Le héros de Rêves de Jeunesse se montre léger, frivole et parfois très maladroit , mais en toutes circonstances il garde son optimisme et surtout sa générosité. Il n’hésite pas à venir en aide à une maîtresse qui pourtant a fait échouer son mariage et il refuse qu’on lui restitue un acte de propriété qui ferait de lui un homme riche. D’ailleurs dans ce film même les méchants ont un cœur : ils sont capables de pleurer au spectacle de deux êtres qui s’aiment ! Et comme dans les contes de fées, on assiste dans le dénouement à une réconciliation générale faisant le bonheur de tous les personnages.

L’interprétation est bien sûr excellente, aussi bien pour les rôles principaux que pour les secondaires. Farid Al Atrache manifeste une agilité et une exubérance qu’il perdra au fil des années. Bishara Wakim et Abd El Fatah El Kosary forment un duo comique plein de saveur : les deux acteurs semblent beaucoup s’amuser à jouer les méchants d’opérette. Mais c’est Taheya Carioca qui emporte tout : son immense talent et sa sensualité explosive sont les atouts majeurs du film. Pour que le plaisir du spectateur soit complet, elle arbore des costumes qui ne cachent rien de sa plastique impressionnante.

Avec la Volonté sortie en 1939, Kamel Selim avait réalisé le premier film réaliste égyptien. Il y affichait ses préoccupations sociales à travers l’évocation d’un quartier populaire du Caire touché par la crise économique. Avec Rêves de Jeunesse, il prouve qu’il est tout aussi talentueux dans la comédie et il ouvre la voie à d’autres cinéastes comme Abbas Kamel ou Helmy Rafla. Ces deux réalisateurs plus âgés que lui ne tourneront leurs premiers films qu’après sa mort. A la fin des années quarante, ils offriront au public arabe des comédies spirituelles et brillantes, dans le même esprit que Rêves de Jeunesse, avant que ne s’impose sur les écrans un comique plus farcesque et plus populaire avec le règne sans partage d’Ismaïl Yassin.

Appréciation : 4/5
****


Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

lundi 24 juillet 2017

Je ne reviendrai pas (Lan A'Oud, 1959)

لن أعود
إخراج : حسن رضا



Hassan Reda a réalisé Je ne Reviendrai pas en 1959.
Distribution : Samira Ahmed (Nahed), Kamal Al Shennawi (Fathi), Abbas Fares (Shakar), Abdel Moneim Ibrahim (Mohsen), Taheya Carioca (Alya), Rhaireya Rhairy (la tante Zeinab), Shafik Nour El Din (l’oncle Radwan), Fayza Ibrahim (la chanteuse), Fifi Salama (la danseuse), Layla Yousri, Nadia Nour, Soheir El Bably, Abdel Hamid Badawi
Scénario : Hassan Reda et Kamal El Hafnawi
Musique : Abdel Aziz Salam et Baligh Hamdy
Production : Ahmed Kamal Hafnawi

Samira Ahmed et Kamal Al Shennawi


Shafik Nour El Din et Kamal Al Shennawi

















Samira Ahmed

















Taheya Carioca

















Kamal Al Shennawi

















au centre, Abdel Moneim Ibrahim

















Taheya Carioca


















Résumé

Shakar est un industriel prospère. Il s’est pris d’affection pour un jeune ingénieur Fathi. Il lui a confié le poste de directeur général adjoint et l’a logé dans un appartement près du sien. Ce qu’il ne sait pas, c’est que le jeune ingénieur est aussi l’amant de sa femme, Alya. Fathi s’absente pendant trois mois afin d’ acheter des machines ultra-modernes pour la nouvelle usine en construction. Durant son absence, un ami de son patron meurt laissant derrière lui une jeune fille, Nahed. Shakar décide de lui venir en aide. Il l’emploie chez lui comme intendante. Fathi est revenu de l’étranger et a repris son existence de jeune ingénieur brillant et séduisant. Outre sa relation avec la femme de Shakar, il se rend régulièrement avec l’un de ses collègues dans un cabaret où il se divertit entouré de danseuses aux mœurs légères. 
La présence de Nahed ne laisse pas indifférent Fathi. Il entreprend de la séduire et un jour, croyant sa nouvelle proie prête à succomber, il tente de l’embrasser. Celle-ci se débat, le gifle violemment et s’enfuit. Fathi comprend qu’il est tombé amoureux de la jeune femme et qu’il a fait fausse route. Il tente par tous les moyens de se faire pardonner. Il invite régulièrement l’élue de son coeur à sortir avec lui et il parvient à la convaincre de la sincérité de ses sentiments. Malheureusement, un soir, de sa fenêtre, Nahed voit Alya se rendre en cachette chez Fathi. Celui-ci n’est jamais parvenu à rompre avec sa vieille maîtresse et il continue à la recevoir régulièrement dans son appartement. Nahed est bouleversée. Elle décide de quitter la maison de Shakar et de s’installer chez son oncle Radwan et sa tante Zainab. Radwan qui travaille à l’usine révèle à Fathi où s’est réfugiée la jeune femme. L’ingénieur prend deux décisions : il rompt avec sa maîtresse et demande en mariage Nahed. La jeune fille cette fois-ci croit en l’amour de son soupirant et accepte sa proposition. Quand Shakar apprend la nouvelle, il est aux anges et son épouse est obligée de cacher la fureur qui l’étreint. Après leur mariage, le jeune couple doit s’installer en Syrie car Fathi doit superviser le lancement d’une nouvelle usine. Le patron veut profiter de la création de la République Arabe Unie pour étendre son activité. 
Mais Alya n’a pas pour autant renoncer à récupérer son amant. Elle s’est toujours ingéniée pour conserver la confiance de Nahed . Elle lui a même appris à conduire. Un jour, alors qu’elles se trouvent toutes les deux dans un restaurant situé tout en haut d’une falaise à Mokattam, elle trouve un prétexte pour que l’épouse de son ex-amant prenne seule le volant. Elle a auparavant sectionné le tuyau du liquide de frein. Alors que Nahed s’apprête à démarrer, surgit Fathi qui se propose de faire lui-même la course dont l’a chargée Alya. La jeune femme accepte et retrouve son amie à l’intérieur de l’établissement. Désespérée, cette dernière se précipite à l’extérieur du restaurant et assiste à la sortie de route de la voiture qui plonge dans le vide. Elle-même se jette du haut de la falaise. Elle meurt. Fathi survivra à l’accident et pourra fonder une famille avec la femme qu’il aime. 


Critique 

Ce n’est pas la première fois que Taheya Carioca joue les vieilles maîtresses abusives et cela ne sera pas non plus la dernière. Evidemment, on pense d'abord à son rôle dans La Sangsue de Salah Abou Seif en 1956 mais il y en eut bien d'autres. Et il faut avouer que dans ce registre, elle est tout bonnement magistrale. Il aura fallu qu’elle arrête de danser pour que le public comprenne à quel point, c’était une remarquable actrice qui dans son jeu atteignait une vérité et une profondeur peu communes. Dans Je ne reviendrai pas, Taheya Carioca montre la grande tragédienne classique qu’elle aurait pu être (On aurait rêvé la voir dans le rôle de Phèdre !) notamment, dans les scènes où, seule, sans témoin, elle exhale sa souffrance et sa fureur.
Je parlais plus haut des grandes similitudes entre les deux personnages joués par l’actrice dans La Sangsue et dans ce film. Mais ici s’arrêtent les convergences entre les deux œuvres. En effet, Salah Abou Seif et Hassan Reda font évoluer leurs personnages dans des univers radicalement opposés. Très loin du réalisme cher au premier, le second nous offre un mélodrame hollywoodien. Nous sommes entre gens aisés, roulant en grosses voitures et résidant dans des villas modernes. En soirées, les femmes portent des robes élégantes et en leur compagnie, les hommes boivent et fument sans modération pour oublier leurs longues journées de travail. 
Mélodrame ne signifie pas roman-photo : Hassan Reda s’intéresse à la société de son temps et à son évolution. Il brosse ici le tableau d’une classe sociale, celle de ces bourgeois diplômés qui sont bien décidés à profiter du nassérisme, du panarabisme et de la création de la république arabe unie (union de l’Egypte et de la Syrie) pour développer leurs activités et s’enrichir. Fathi, le jeune héros du film, est un jeune égyptien ambitieux qui a tout pour réussir : c’est un ingénieur brillant et un redoutable séducteur. Il est le représentant de tous ces jeunes loups qui à l’aube des années soixante, dans le monde arabe et au-delà, nourrissent des rêves de puissance et de fortune, le représentant de tous ces petits Rastignac à qui la prospérité économique semble donner des ailes. Pourtant le réalisateur refuse de tomber dans la caricature. Il fait de son héros un portrait tout en nuance, loin des stéréotypes attendus. Au contraire, on assiste à sa rédemption et ce qui sauve Fathi du cynisme et de la vanité, c’est tout simplement l’amour. 
Dans ce film, Hassan Reda manifeste un grand sens de la progression dramatique. Chaque scène est une nouvelle étape vers la catastrophe, et ce n’est que dans les ultimes instants du dénouement que tout bascule. C'est aussi un fin psychologue : il montre comment l’adultère, jeu mondain entre adultes consentants, se transforme inexorablement en passion destructrice conduisant au meurtre et au suicide.
Enfin, il faut absolument évoquer la beauté sidérante de certains plans, de certaines séquences, que ce soit les scènes nocturnes de la première partie où l’on voit la vieille maîtresse, folle de désir, filant sans bruit à travers la maison ou le jardin pour retrouver son jeune amant, que ce soit dans la seconde partie, les scènes de plein jour, dans le paysage blanc et minéral de Mokattam, hommage à la Grèce antique, mère de la Tragédie.
Dans les dernières minutes du film, le réalisateur adopte une esthétique proche de celle des grands classiques d'Alfred Hitchcock : le héros est au volant d’un splendide cabriolet et il roule à vive allure dans la lumière éblouissante du jour. Il se sent heureux et léger, alors que sur la route qui serpente parmi les rochers, il devra affronter la mort.

Appréciation : 4/5 
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin


dimanche 9 octobre 2016

Leila, Fille de la Plage (Laila bent el shateaa, 1959)


ليلى بنت الشاطئ 
إخراج :حسين فوزي


Hussein Fawzi a réalisé Leila, Fille de la Plage en 1959.

Distribution : Leila Fawzi, Abbas Fares, Mohamed Fawzi, Fayza Ahmed, Anwar Mohamed, Wedad Hamdy, Kamal Hussein, Thuraya Fakhry, Abdel Moneim Ismaïl, Anwar Mohamed, Ahmed Bali, Hafez Amin, Helen 
Scénario : Hussein Fawzi
Dialogues : Al Sayed Ziada
Musique : Mohamed Al Mogi et Mohamed Fawzi



Leila Fawzi

















Fayza Ahmed et Mohamed Fawzi

















Mohamed Fawzi et Abbas Fares

















Leila Fawzi et Wedad Hamdy

















Kamal Hussein


















Résumé

Mohsin Ahmed travaille comme pêcheur sur un bateau appartenant au vieux Aweys. Il est amoureux de la fille de son patron tandis que son meilleur ami Karmouti fréquente Narguis, la femme de chambre de celle-ci. Le soir, Mohsin chante dans un café du village. Son talent a fait de lui une personnalité très populaire.
Un jour apparaît dans cette petite communauté de pêcheurs, le jeune Attia, fils de Maître Abu Saïd, un ancien collègue du vieux Aweys. Ce dernier l’accueille chaleureusement. Attia est arrivé avec des projets bien précis : prendre la direction des affaires d’Aweys et épouser Leila. Ce qu’il n’a pas dit à l’ami de son père, c’est qu’il travaille pour un gang dirigé par Maître Hassouna. Son intention est d’utiliser le bateau pour convoyer de la drogue.
Entretemps, Mohsin a fait une rencontre qui va changer sa vie. Karmouti a invité Ilham, une célèbre chanteuse et son impresario (joué par le réalisateur du film, Hussein Fawzi) à venir écouter son ami dans le café où il se produit tous les soirs. Les deux étrangers sont impressionnés par les dons de Mohsin. Ils lui proposent de les suivre au Caire. Le jeune homme refuse car il ne veut pas s’éloigner de celle qu’il aime. Mais quand le vieux Aweys lui signifie avec des mots blessants que jamais il n’acceptera de lui donner la main de sa fille, il décide de rejoindre ses nouveaux amis. Il fait part à Leila de sa décision. Celle-ci a une violente discussion avec son père. Le vieil homme fait un malaise. Leila décide de ne plus le contrarier. Mohsin quitte le village en compagnie de son ami Karmouti. Grâce à Ilham, Mohsin devient vite une vedette. Sa protectrice lui manifeste une affection de plus en plus grande mais il parvient à maintenir leurs relations sur le plan amical. Au village, Leila passe ses journées à lui écrire des lettres qui restent sans réponses : Karmouti les intercepte de peur que Mohsin décide d’abandonner sa carrière. N’y pouvant plus, Leila se rend au Caire avec Nargis. Elle rencontre Ilham qui lui annonce qu’elle et Mohsin sont fiancés. La jeune femme rentre au village, totalement désespérée. Elle accepte d’épouser Attia. A peine la cérémonie a-t-elle commencé que la police fait irruption dans la salle de mariage. Le vieux Aweys est arrêté, soupçonné d’être à la tête du trafic de drogue sur lequel les policiers enquêtaient depuis quelque temps. Attia disparaît. Informé de la situation, Moshen se rend au village et parvient à faire libérer Aweys. Karmouti apprend où se cachent Attia et son gang. Moshin et lui les retrouvent. Entre le chanteur et le bandit une lutte s’engage tandis que Karmouti prévient la police. Moshin et Leila sont à nouveau réunis.


Critique

C’est une comédie musicale bien conventionnelle que cette Leila, Fille de la Plage. Pour composer son histoire, le scénariste a puisé dans le gros catalogue des clichés à la disposition des auteurs fatigués. Il en a sélectionnés quelques-uns et les a mis bout à bout, ce qui nous donne ce gentil navet. On a donc la fille qui veut épouser celui qu’elle aime, un jeune chanteur à la voix d’or mais à la bourse bien plate, et un papa qui ne veut pas. La fille aime bien son papa qui est de santé très fragile. La moindre contrariété provoque aussitôt un malaise. Leila est une gentille fille, elle obéit donc. Le chanteur pauvre s'éloigne mais heureusement il reviendra au village couvert de gloire pour corriger le méchant garçon qui avait abusé de la crédulité du papa. On a aussi l’opposition traditionnelle entre le village de pêcheurs et la grande ville. Devenu citadin, le héros est à deux doigts de succomber au charme de la célèbre chanteuse qui allie élégance et sophistication mais il saura résister et retrouver sa robuste villageoise qui l’a toujours attendu.
Ce joli conte est prétexte à entendre les roucoulades de Mohamed Fawzi qui est un grand chanteur et un compositeur estimé mais un acteur limité. D’ailleurs, l’ambiance rappelle certaines comédies chantées réalisées en France dans les années cinquante, notamment celles avec Luis Mariano. Nous sommes dans l’univers acidulé de l’opérette avec ses bons sentiments et ses artifices.
Le choix de Leila Fawzi pour jouer le rôle principal est un peu étonnant. On la découvre ici à contre emploi. Considérée comme l’une des plus belles actrices égyptiennes, elle est rarement employée pour jouer les femmes du peuple mais plutôt les princesses et les aristocrates. On se souvient notamment de son interprétation de la princesse de Krak de Moab, épouse de Renaud de Châtillon, dans le Saladin de Youssef Chahine (1963).
Plus étonnant encore, son personnage est celui d’une toute jeune fille alors qu’en 1959, l’actrice a tout de même trente-six ans et on peut trouver un peu cocasse cette scène où sur son petit lit de vierge candide, elle écrit une lettre d’amour à son chéri parti chercher la gloire et la fortune au Caire.
Mais après tout Mohamed Fawzi qui joue le jeune chanteur a quarante-un ans au moment du tournage. Alors au diable le réalisme et la vraisemblance !

R : Le réalisateur, l’acteur et l’actrice principaux de ce film portent le même nom Fawzi mais, à ma connaissance, ils n’ont aucun lien de parenté.

Appréciation :2/5
**

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin


lundi 30 novembre 2015

La Fin du Chemin (Nihâyat al tariq, 1960)

نهاية الطريق
إخراج : كمال عطية


Kamal Attiya a réalisé La Fin du Chemin en 1960.
Distribution : Hoda Soltan (Sharbat), Rushdy Abaza (Hussein), Tawkik El Deken (Fathi), Wedad Hamdy (Bita), Abbas Fares (Haj Abdo), Omar el Hariri (Fouad), Adawy Gheith (le directeur de l’usine), Thuraya Kakhry (la mère de Sharbat), Fawzia Mohamed (danseuse)
Scénario : Kamal El Hefnawi
Musique : des emprunts divers Mogi (La musique du générique est un enregistrement de Pérez Prado, le roi du Mambo et on entend dans quelques scènes, des extraits de la B.O.de Sueurs Froides d’Alfred Hitchcock, une B.O. composée par Bernard Herrmann.)
Musique de danse : Attia Sharara
Chansons : Mohamed Al Mogi
Abbas Fares et Hoda Soltan

Rushdy Abaza et Hoda Soltan

Hoda Soltan

Hoda Soltan et Wedad Hamdy

Tawfik El Deken

Hoda Soltan

Omar El Hariri et Hoda Soltan

Hoda Soltan et Rushdy Abaza

Hoda Soltan

Hoda Soltan

Résumé

Sharbat, une jeune femme d’origine modeste vit seule avec sa mère dans un petit appartement. Elle est tombée amoureuse d’Hussein, un jeune ouvrier qui réside dans le même immeuble que le sien. Elle multiplie les occasions de rencontres et parvient à s’introduire dans le logement de son bien aimé. Celui-ci cède aux avances réitérées de Sharbat. Ils se marient. Au début, l’entente entre les deux jeunes mariés est totale. Fathi, un jeune étudiant riche, tourne autour de la jeune femme Il n’hésite pas à venir la voir chez elle quand Hussein est à l’usine mais Sharbat reste insensible à ses propositions. Avec son mari, elle est heureuse, d’autant plus que celui-ci a repris des études à l’université : il veut devenir avocat. Elle fait tout son possible pour l’aider. Le jour où Hussein doit recevoir son diplôme, Sharbat a réuni des voisines dans leur salon pour fêter l’événement. Le retour du futur avocat se fait attendre. Alors que les convives ont quitté l’appartement, Hussein reparaît enfin. Il annonce qu’il a échoué à l’examen. Sharbat entre dans une rage folle. Tous ses rêves d’ascension sociale sont brisés. Elle éclate en imprécations méprisantes à l’encontre de son mari. Ce dernier est terrassé. Peu après ils divorcent. La jeune femme a renoué avec Fathi, le jeune homme riche. Celui-ci est en mauvais termes avec son père qui lui reproche son oisiveté. Il doit travailler et quitter pour quelque temps la ville. Pendant son absence, Sharbat fait la connaissance du père du jeune homme. Séduite par la fortune de l’entrepreneur, elle l’épouse. Fathi n’apprend la nouvelle du mariage qu’à son retour. Il est désespéré. Après avoir passé la soirée à boire dans un cabaret, il retourne au domicile paternel et tente de violer Sharbat. Son père s’interpose. Dans la bagarre, le vieil homme fait une chute mortelle. Fathi est arrêté et condamné à mort. Devenue veuve, Sharbat vit dans la grande maison du défunt avec une amie. Le soir, elles sortent dans les cabarets à la mode. Un jour, un homme se présente chez elle. Il s’appelle Fouad et prétend être un homme d’affaires fortuné, ami de son mari. En fait, c’est un escroc. Il parvient à gagner la confiance de Sharbat et lui propose de s’occuper de ses affaires. La jeune veuve accepte. Quand elle comprend qu’il s’est accaparé sa fortune, il est trop tard. Elle tente de renouer avec Hussein qui est devenu un brillant avocat. Malheureusement, il a refait sa vie et ne peut plus rien pour elle. Désormais, elle est seule et pauvre.


Critique


Tout le film est construit autour de l’actrice principale, Hoda Soltan.
On peut diviser la carrière de cette grande artiste en trois périodes : dans la première, au début des années cinquante, elle joue les jeunes filles modestes un peu naïves ; dans la seconde, la plus intéressante, elle devient une séductrice sans scrupules détruisant les hommes qui ont le malheur de croiser son chemin ; à la fin de sa vie, elle sera dans de nombreuses séries télévisées la mère très pieuse qui protège et console (Rappelons que Hoda Soltan a pris le voile au milieu des années quatre-vingt, comme beaucoup de ses consœurs vieillissantes.)
La Fin du Chemin qui appartient à la seconde période est un très bon film injustement oublié. Le réalisateur nous dépeint un cas de bovarysme à l’égyptienne. Sharbat est une jeune fille qui rêve d’ascension sociale. Elle croit que son premier mari va lui permettre de réaliser ses ambitions. Hussein est un jeune homme qui travaille dur afin de devenir avocat. Dans ce rôle de garçon gentil, volontaire et un peu laborieux, on trouve Roshdy Abaza. Un contre-emploi étonnant pour cet acteur habitué à jouer les séducteurs hédonistes un peu veules mais il s’y révèle très à l’aise avec un jeu tout en nuance. Comme Emma se lasse de Charles, Sharbat abandonne très vite son étudiant pour le fils puis le père d’une famille fortunée. C’est là que s’arrêtent les similitudes entre le film de Kamal Attia et l’œuvre de Flaubert. Emma et Sharbat éprouvent au départ la même insatisfaction mais la première rêve d’une existence aristocratique et « romantique » alors que la seconde n’aspire qu’à un confort petit-bourgeois avec grosse voiture et maison moderne.
Dans la seconde partie de la Fin du Chemin, l’étude psychologique bascule dans le drame avec la séquence la plus réussie du film : le meurtre du père. L’atmosphère n’est pas sans rappeler celle des films noirs américains. C’est la nuit, les visages sont violemment éclairés tandis que tout autour l’espace est envahi par des ombres mouvantes. Il y a d’abord la scène du café dans lequel Fathi, le fils (l’excellent Tewfik El Dekn), s’est réfugié après avoir appris son infortune. Il est seul à une table, il boit et fume, les yeux mi-clos comme pris d’une torpeur mauvaise. Dans la scène suivante, il est dans la chambre de sa « belle-mère ». L’air hagard, il regarde Sharbat qui dans son lit est plongée dans un profond sommeil. Tentative de viol puis lutte entre le père et le fils sous les yeux épouvantés de la jeune femme. Des scènes brèves sans dialogues avec un crescendo dans la violence et la folie.
Dans la dernière partie, le film semble emprunter la voie de la comédie sentimentale pour évoquer l’existence insouciante de la jeune veuve. Mais c’est au moment même où celle-ci pense retrouver l’amour qu’elle va être piégée et vaincue par un homme d’affaires trop séduisant. Morale on ne peut plus conventionnelle : malheur à la femme qui se joue des hommes !
La Fin du Chemin est un film brillant avec des comédiens au sommet de leur art. Il offre l’un de ses plus beaux rôles à Hoda Sultan, la plus hollywoodienne des actrices égyptiennes.

Appréciation : 4/5
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin