Affichage des articles dont le libellé est Naguib Mahfouz. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Naguib Mahfouz. Afficher tous les articles

vendredi 15 novembre 2024

De grands classiques au festival du Caire

مهرجان القاهرة السينمائي الدولي

Entre Deux Palais d'Hassan Al Imam

Lors de cette 45ème édition du festival international de cinéma du Caire seront pojetés quatorze classiques du cinéma égyptien dans des versions restaurées. Le président de la manifestation, Hussein Fahmy, a rappelé lors de sa conférence de presse à quel point il était essentiel de maintenir un lien fort avec le prestigieux héritage du septième art égyptien.

Sur les quatorze films restaurés, sept sont des adaptations d'une oeuvre du prix Nobel de littérature, Naguib Mahfouz. 

Deux adaptations d'Hassan Al Imam :

Entre deux palais (Bayn El-Kassrayn, 1964) 

Le palais des désirs (Kassr El-Chouk, 1966)

Le Caire 30 de Salah Abou Seif

Deux adaptations de Salah Abou Seif :

Le début et la Fin (Bidaya Wa Nihaya, 1960) 

Le Caire 30 (Cairo 30, 1966)


Le Mendiant d'Houssam Al DIn Mustafa

Deux adaptations d'Houssam Al Din Mustafa

La Caille et l'Automne (Al-Seman W Al-Kahrif, 1967)

Le Mendiant (Al Shahat, 1973)

L'illusion d'Anwar El Shenawy

Une adaptation d'Anwar El Shenawy :

L’illusion (El-Sarab, 1970)


Et voici la liste des sept autres films égyptiens qui ont fait l'objet d'une restauration et qui seront projetés durant le festival :

Le Costaud de Salah Abou Seif (Al-Fituwa , 1957)

La Seconde Epouse de Salah Abous Seif  (Al-Zawja.Al-Thania, 1967)

Le Péché d'Henry Barakat (Al-Haram, 1965)

L'Impossible d'Hussein Kamal (Al Mostaheel, 1965)

Un Soupçon de Peur d'Hussein Kamal (Shai’ min Al-Khowf, 1969)

Le Chauffeur de Bus d'Atef El Tayyeb (Sawwaq Al-Utoubis, 1983)

Coqiuille de Noix de Khairy Bishara (Qashr albunduq,1995)

vendredi 17 février 2023

Le Festival Naguib Mahfouz au cinéma "Zawya"

" مهرجان نجيب محفوظ فى "زاوية


Du 15 février au 2 mars, le cinéma d'Art et Essai "Zawya" organise la première édition du Festival Naguib Mahfouz. L'écrivain, prix Nobel de littérature en 1988, a toujours entretenu des rapports étroits avec le cinéma. Ses romans les plus célèbres ont fait l'objet d'adaptations, il a lui-même écrit des scénarios originaux  et a même adapté pour le grand écran des oeuvres d'autres écrivains. Ajoutons qu'il occupa des postes à responsabilité au ministère de la culture. Il fut entre autre directeur de la censure pour les oeuvres artistiques !
Dans le cadre de ce festival, sept films seront projetés :


-Dérive sur le Nil de Hussein Kamal (Thartharah fawq al-Nil, 1971), un scénario de Mamdouh Al Leithy, adapté du roman de Naguib Mahfouz publié en 1966. Un chef d'oeuvre.




-Je suis libre de Salah Abou Seif (Ana Hora, 1959). Naguib Mahfouz en a écrit le scénario à partir d'un roman d'Ishan Abdul Quddus.




-Le Commencement et la Fin de Salah Abou Seif (Bidâya wa nihâya, 1960), un scénario de Salah Ezz Eddin adapté d'un roman de Naguib Mahfouz publié en 1949.




-Le Puits des Privations de Kamal Al-Sheikh ( Bir al-hirman, 1969)  Naguib Mahfouz en a écrit le scénario à partir d'un roman d'Ishan Abdul Quddus




-Le Choix de Youssef Chahine (Al Ikhtyar, 1971), un scénario de Youssef Chahine et de Naguib Mahfouz




-La Taverne de l’Ivresse d'Hassan Al Imam (Al-Sukariya, 1973), un scénario de Mamdouh Al Leithy, adapté du troisième volume de la trilogie du Caire, Le Jardin du Passé, publié en 1957.




-Al Karnak d'Ali Badrakhan (1975), un scénario de Mamdouh Al Leithy, adapté du roman de Naguib Mahfouz publié en 1974.



Zawya Cinéma a été créé par Misr International Films en mars 2014. A l'origine de ce projet, on trouve Marianne Khoury, nièce de Youssef Chahine qui fut l'assistante de son oncle et qui a réalisé quelques documentaires. Zawya Cinéma est la première salle en Egypte  dédiée exclusivement au cinéma d'auteur.


lundi 29 avril 2019

Miramar (1969)

ميرامار
إخراج : كمال الشيخ


Kamal El Sheikh a réalisé Miramar en 1969.
Distribution: Shadia (Zohra), Youssef Wahby (Taleb Marzouq), Youssef Chaban (Sahran El Beheiry), Imad Hamdi (Amer Wagdy), Abdel Moneim Ibrahim (Mahmoud Abou Abbas), Abou Bakr Ezzat (Hosny Allam), Abdul Rahman Ali (Mansour Bahi), Nadia El Gendy (Sofia), Nazim Sharawi (Général Ibrahim Bahi), Ismet Raafat (Mariana), Ahmed Tawfiq (Ali Bakir), Soheir Samy (Alia), Soheir Ramzy (Doria), Ibrahim Saafan
Scénario : Mamdouh El Leithy
D’après le roman éponyme de Naguib Mahfouz publié en 1967
Musique : Michel Youssef
Production : Organisation générale égyptienne pour le cinéma

Youssef Wahby et Abou Bakr Ezzat

Ahmad Tawfiq et Youssef Chaban

Youssef Wahby et Imad Hamdi

Abdul Rahman Ali et Soheir Ramzy

Abdul Rahman Ali et Imad Hamdi

Youssef Chaban et Abdel Moneim Ibrahim

Ismet Rafaat

Soheir Samy

Youssef Chaban et Shadia


Résumé

Zohra a fui son village car son grand-père voulait la marier à un vieil homme. Elle arrive à Alexandrie et trouve un emploi de femme de ménage à la pension Miramar dans le quartier Mahatet El Raml. Cet établissement est dirigé par Mariana. C’est feu le père de Zohra qui lui apportait des œufs et des poulets . Zohra fait la connaissance des clients de la pension mais aussi d’autres personnalités du quartier, comme Mahmoud Abou Abbas, le vendeur de journaux qui est tombé amoureux d’elle. 

Parmi les pensionnaires, il y a ceux qui résident à Miramar depuis déjà un certain temps et ceux qui font leur apparition dans la première partie du film.

Les anciens sont Amer Wagdi, écrivain et journaliste proche du Wafd et Taleb Marzouk, un aristocrate, ancien ministre dont la révolution a confisqué toutes les propriétés. C’est un homme aigri qui n’a de cesse de harceler Zohra. 

Les nouveaux sont, par ordre d’apparition :Sarhan El Bahiry, Hosny Allam, Mansour Bahi

Sarhan El Bahiry est un homme que la révolution a corrompu. Il travaille comme agent comptable dans une entreprise de textile et il fait partie de son conseil d’administration. Il est aussi membre du bureau politique de l’Union Socialiste (parti fondé en 1962 par Nasser). Il a une liaison avec une danseuse Sofia. Zohara l’intéresse beaucoup et il commence à tourner autour. Il la poursuit à tous les étages de la pension. La servante ne se montre pas insensible au charme du jeune homme. C’est le début d’une idylle. 

Hosny Allam est un aristocrate, propriétaire terrien, sans emploi. Amateur de femmes, lui aussi va vouloir séduire Zohra.

Sofia a appris que Sarhan a une relation avec Zohra. Elle fait irruption dans la pension et manifeste bruyamment sa rage et sa rancœur. On parvient, non sans mal, à l’expulser. Hosny Allam profite de l’occasion pour séduire Sofia mais il n’a pas abandonné pour autant l’idée de conquérir Zohra. Un soir, alors qu’il a bu plus que de coutume, il fait irruption dans la chambre de la servante et se jette sur elle. La femme crie. Tous les résidents accourent. Une bagarre éclate entre Sarhan et Hosny. 

Mansour Bahi est le dernier arrivé. C’est un jeune militant anti-gouvernemental. Son frère, le général Ibrahim Bahi, lui interdit de poursuivre ses activités subversives. Il le place dans la pension car tous les membres de sa cellule vont être arrêtés dont Fawzy , le mari de Dari, la jeune femme que Mansour avait beaucoup aimé. Après l’arrestation de leurs compagnons, Dari rejoint Mansour à Miramar. Ils passent une nuit ensemble et le jeune homme incite sa maîtresse à divorcer. Elle y consent, elle divorce mais juste après, Mansour rompt avec elle. 

Entretemps, Zohra a demandé à une jeune institutrice de lui apprendre à lire. La jeune femme vient donner ses leçons à la pension, dans le salon où se tient souvent Sarhan. Ce dernier est tout de suite conquis par la beauté de l’enseignante. Leurs regards se croisent. Sarhan a décidé de l’épouser, il se rend chez ses parents pour faire sa demande. Il est chaleureusement accueilli et il multiplie ses visites.

Zohra finit par découvrir la liaison entre son bien aimé et l’institutrice. Elle est désespérée. La conduite de Sahran fait l’objet de la désapprobation de tous les pensionnaires du Miramar. 

Pour autant, le comptable inconstant ne jouira pas longtemps de son tout nouveau bonheur. Avec la complicité d’un ingénieur de son entreprise, il avait organisé le vol de tout un camion de laine. Malheureusement, la nuit où doit avoir lieu l‘opération, la police intervient : ils ont été dénoncés.

Sarhan comprend que tout est fini : il sera d’un moment à l’autre arrêté. Il boit de l’alcool dans un bar et sort en titubant dans les rues. Il s’effondre. Mansour qui l’avait suivi, l’achève à coups de pied. 

Zohra est finalement renvoyée de la pension, la directrice ne supportant plus l’agitation que sa présence crée parmi les résidents. Dans la rue, elle est rejointe par le marchand de journaux, Mahmoud Abou Abbas qui l’aime toujours...

dimanche 30 décembre 2018

Djamila l'Algérienne (Jamila, 1958)

جميلة
إخراج: يوسف شاهين


Youssef Chahine a réalisé Djamila l'Algérienne en 1958.
Distribution : Magda (Jamila Bouhired), Ahmed Mazhar (Youssef), Salah Zulficar (Azam), Zahrat Al Oula (Bouazza), Rushdy Abaza (Bigeard), Kariman (Hassiba), Farida Fahmy (Simone), Hussein Riad (le juge Habib), Mahmoud El Meleigy (l’avocat français Jacques Verges), Fakher Fakher (Mustapha, l’oncle de Jamila), Adly Kasseb (chef de la résistance algérienne)
Scénario : Youssef El Sebaï, Naguib Mahfouz, Abd El Rahman El Sharqawy, Ali El Zorkani, Wajih Najib
Le film a été produit par Magda, son interprète principale.

Rushdy Abaza

Adly Kasseb

Farida Fahmy, Salah Zulficar, Ahmed Mazhar

Mahmoud El Meleigy et Magda

Magda

Zahrat Al Oula

Ahmed Mazhar

Biographie de la combattante algérienne Jamila Bouhired. Elle naît en 1935 et vit dans la Casbah. Etudiante, elle rejoint les membres du FLN. Elle commet plusieurs attentats contre la présence française à Alger. Elle est arrêtée en 1957. Après avoir été torturée, elle est condamnée à mort. Grâce à une campagne médiatique orchestrée par son avocat Jacques Vergès pour informer l’opinion internationale du sort de sa cliente et de ses amis, elle est graciée en 1962. 

Le film de Youssef Chahine, réalisé, rappelons-le, en 1958, s’arrête au procès et à la condamnation de Jamila Bouhired. C’est donc une œuvre militante qui s’inscrit dans la campagne médiatique évoquée plus haut.


Résumé

Jamila et son frère Hadi ont quitté la campagne pour vivre chez leur oncle dans le quartier populaire de la Casbah. Ainsi, Jamila peut aller à l’école et s’instruire. Très vite, elle comprend la profonde injustice que constitue le colonialisme : les Français vivent dans le luxe tandis que les Algériens sont réduits à la misère. Les années passent. Jamila est devenue une jolie étudiante, intelligente et studieuse. Avec ses amies, elle évoque souvent la situation politique du pays. Certaines de ses camarades ne cachent plus leur haine de l’occupant et s’en prennent à l’une de leurs condisciples, Hassiba, la fille du juge Habib qui collabore avec les autorités françaises. Jamila adopte une position modérée : elle réprouve le recours à la violence, en paroles comme en actes. 

Mais la suite des événements va la contraindre à changer radicalement de point de vue. Amina l’une de ses amies a participé à l’attentat contre un commissariat de police et Jamila assite à son arrestation dans leur salle de classe. La jeune combattantes est rouée de coups par les militaires français avant d’être emmenée. Amina sait que c’est la torture qui l’attend. Elle a tout prévu : dans la paume de sa main, elle cache une pastille de poison qui lui évitera de devenir traître à la cause. Le soir, les forces de l’ordre perquisitionnent dans toute la casbah. Youssef, l’un des membres du commando responsable de l’attentat se cache au domicile de l’oncle de Jamila. Quand les Français font irruption dans la maison, ils ne trouvent qu’un vieil homme qui prend son bain et une jeune fille bien sage. Ils repartent aussitôt. En fait, Youssef était dans le bain avec l’oncle, dissimulé par la mousse. Cette nuit-là, Jamila a une longue conversation avec ce cadre de l’armée clandestine. Elle décide de rejoindre les rangs du F.L.N. 

Elle va vite découvrir que parmi ses proches, beaucoup sont déjà des combattants ou s’apprêtent à le devenir tout comme elle. Ainsi, ceux qu’elle croyait les plus compromis auprès des Français sont en fait des membres du F.L.N : Hassiba et son fiancé mais surtout le juge Habib qui grâce à sa position communique des informations précieuses à l’organisation. 

Peu après, le commando de Youssef organise le double attentat du milk-bar et de la cafétéria. Les victimes sont nombreuses. Le colonel Bigeard lance tous ses hommes à la recherche des terroristes. Les Français sont à deux doigts d’arrêter toute la bande mais Jamila se sacrifie pour que ses camarades puissent s’enfuir. Elle est arrêtée et emmenée au QG de Bigeard. S’ensuivent de longues séances de torture auxquelles Jamila résiste vaillamment. A son procès, elle est défendue par Jacques Vergès. Malgré tout le talent de son avocat qui doit affronter une assistance haineuse et des juges hostiles, elle est condamnée à mort.

lundi 7 août 2017

Tawhida (1976)

توحيده
إخراج : حسام الدي مصطفى


Houssam Al-Din Mustafa a réalisé Tawhida en 1976.
Distribution : Magda El Khatib (Tawhida), Nour Al-Sherif (Hussein), Rushdy Abaza (Saïd Bey), Sanaa Gamil (la mère de Tawhida), Hussein Abdel Fattah (le fils de Tawhida), Farid Shawki (le père d’Hussein), Farouk Youssef (l’ami d’Hussein), Amira (Hasnah) 
Scénario de Naguib Mahfouz d'après la pièce de théâtre Fanny (1931) du dramaturge et cinéaste français Marcel Pagnol 
Musique : Mohamed Noah
Magda El Khatib

Nour Al-Sherif

Magda El-Khatib

Rushdy Abaza

Sanaa Gamil

Nour Al-Sherif et Magda El-Khatib

Nour Al-Sherif et Magda El-Khatib

Hussein Abdel Fattah

Rushdy Abaza et Magda El-Khatib

Nour Al-Sherif et Magda El-Khatib

Farouk Youssef et Nour Al-Sherif

Nour Al-Sherif et Farid Shawki

Amira et Magda El-Khatib


Résumé

Tawhida et Hussein résident à Alexandrie, ils s’aiment et souhaiteraient se marier. Malheureusement, Hussein n’a pas un sou. Il décide de partir à l’étranger pour travailler. Il espère ainsi devenir riche ce qui lui permettrait d’épouser Tawhida. La veille de son départ, ils font l’amour. Avec son meilleur ami, Hussein embarque sur l’ Achille Lauro (paquebot resté célèbre en raison du détournement dont il fut l’objet en 1985). Quelque temps après, Tawhida a un malaise alors qu’elle est en grande conversation avec le père d’Hussein : on découvre qu'elle est enceinte. La mère de la jeune femme est atterrée. Un ami, Saïd Bey,  propose d’épouser la future maman. C’est un homme d’âge mûr, fortuné et d’une grande gentillesse. Tawhida accepte la proposition. Les années passent. Tawhida est heureuse : elle mène une vie aisée et consacre tout son temps à l’éducation de son fils. Mais un jour, Hussein reparaît. Il tente de reprendre contact avec celle qu’il a toujours aimée.  Celle-ci  accepte de le recevoir chez elle mais rejette toute idée d’abandonner Saïd Bey pour reprendre la vie avec lui, même si ses sentiments n’ont pas changé. Hussein découvre l’existence de leur enfant. Il veut le récupérer  et le ton monte entre les deux ex-amants. Entrent dans la maison les parents de Tawhida puis Saïd Bey. La situation devient très délicate. Malgré l’amour qu’il porte à son épouse et l’affection toute paternelle qu’il éprouve pour le jeune garçon, Saïd Bey décide de se retirer. Hussein  pourra vivre avec  son fils et la mère de celui-ci.
L'année précédente, en 1975, la même pièce de théâtre de Marcel Pagnol avait fait l'objet d'une adaptation sous le titre Mélodie dans ma vie. Elle était signée Henry Barakat et le rôle principal était tenu par Farid Al Atrache. Signalons que la première adaptation arabe de cette oeuvre de Pagnol est un film libano-égyptien de 1967, Un Homme sur le Chemin (Fil Tariq Rajul), réalisé par Saïd Tatawi avec l'actrice libanaise Randa.



Critique 

Pour ce film, nous trouvons à la réalisation Houssam El-Din Mustafa et au scénario, Naguib Mahfouz. Le premier est un spécialiste du film d’action et l’un des représentants les plus prolifiques du cinéma populaire. Le second est l’emblème de la littérature égyptienne, prix Nobel de littérature. Cette association qui put sembler contre-nature a fonctionné pendant une vingtaine d’années et nous a donné des films très divers. Parfois ce sont des adaptations des œuvres romanesques de Naguib Mahfouz ; d'autres fois ce sont des scénarios originaux conçus par l’écrivain pour le cinéaste. Avec Tawhida, nous sommes devant un troisième cas de figure : Naguib Mahfouz adaptant l’oeuvre littéraire d’un autre écrivain pour Houssam El Din Mustafa. 
Des critiques se sont désolés de cette union entre un écrivain prestigieux et un réalisateur pour le moins inégal (franchement médiocres diront certains), la considérant comme le mariage de la carpe et du lapin. Pourtant on doit à ce partenariat de belles réussites comme La Quête en 1964, avec Rushdi Abaza et Shadia et comme ce Tawhida en 1976. 

L’œuvre de Marcel Pagnol fut souvent adaptée par les cinéastes égyptiens et tout particulièrement, comme nous le rappelions plus haut, les deux premières parties de sa trilogie marseillaise. 
L’auteur provençal écrit Marius (1929) et Fanny (1931) pour le théâtre mais peu après leur création, ces pièces font l’objet d’une adaptation cinématographique, à chaque fois sur un scénario de l’auteur. Marius est réalisé en 1931 par Alexander Korda et Fanny en 1932 par Marc Allégret. Pour écrire son propre scénario, Naguib Mahfouz a réuni les deux drames de Pagnol mais en privilégiant le second, d’une plus grande intensité narrative que le premier. 

Si l’on compare le film d'Houssam Al Din Mustafa à la version tournée l’année précédente par Henri Barakat avec Farid Al Atrache, on voit combien il lui est en tous points supérieur. En effet, avec Mélodie dans ma vie, Henri Barakat s’est servi de l'histoire du dramaturge français pour réaliser un mélodrame conventionnel, laborieux et excessivement figé. Mais sans doute, a-t-il été embarrassé par la santé vacillante de son acteur principal ( Ce film sera le dernier de Farid Al Atrache). 
Naguib Mahfouz et Houssam Al Din Mustafa, eux, ont tout misé sur le mouvement, la couleur et la lumière naturelle. 
Tawhida est une œuvre méditerranéenne, plus grecque qu’égyptienne ; il est vrai que nous sommes à Alexandrie ! La mer est donc omniprésente : à la fois cadre et thème central. Les scènes où les deux héros se retrouvent pour leurs colloques amoureux face à la mer agitée sont parmi les épisodes plus mémorables du film. Tout naturellement, Ibrahim Saleh, le directeur de la photographie magnifie la couleur bleue qu’il sature à plaisir : le bleu du ciel et de la mer, le bleu du vélo de Magda El Khatib, le bleu des murs et des façades. 
Le cinéaste et son scénariste ont dégraissé le mélodrame de Pagnol, lui insufflant un rythme nerveux, sans temps morts ni longueurs. Ainsi, ils lui donnent une fraîcheur et une vigueur qui, avouons-le, faisaient défaut aux films de Korda et d'Allégret. On pourrait avancer, sans attenter au génie de Marcel Pagnol, que Naguib Mahfouz et Houssam Al Di Mostafa ont « corrigé » le caractère théâtral (dans le sens péjoratif du terme) et un peu suranné de Marius et de Fanny pour adopter une esthétique résolument cinématographique (situation paradoxale quand on connaît le goût prononcé des cinéastes égyptiens pour les scènes statiques et bavardes.). Les deux artistes ont réussi ce tour de force de suivre scrupuleusement la trame des deux pièces de l’auteur français tout en parvenant à faire un film très personnel qui ne doit rien aux adaptations précédentes. 
Enfin, l’interprétation d’une grande qualité dans son ensemble est néanmoins dominée par Magda El Khatib. L’actrice est au zénith de sa beauté et de son talent. Chaque plan est comme une déclaration d’amour du cinéaste à sa vedette féminine (qui rappelle à maintes reprises Sophia Loren au début de sa carrière), ce qui nous vaut des scènes d’une très grande sensualité, comme celle qui ouvre le film. Magda El Khatib fut l’une des plus douées et des plus belles actrices égyptiennes, aussi à l’aise dans le drame que dans la comédie. Ce Tawhida en est une illustration éclatante. 

Appréciation : 4/5
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

mardi 31 janvier 2017

Le Voleur et les Chiens (El less wal kilab, 1962)


اللص والكلاب 
إخراج : كمال الشيخ


Kamal El Sheikh a réalisé Le Voleur et les Chiens en 1962.
D'après un roman de Naguib Mahfouz
Distribution : Chukry Sarhan (Saïd Mohamed Mahran), Shadia (Noura), Kamal Al Shennawi (Rauf Alwan), Zein El Ashmawy (Alish Sidra, l’ancien complice de Saïd), Salwa Mahmoud (Naboui, la femme de Saïd), Adly Kasseb (Cheikh Alarah), Salah Gaheen (le marhand de vin), Ikram Izou (Sana, la fille de Saïd), Salah Mansour (le compagnon de cellule de Saïd), Samia Mohamed (la voisine de Noura), Fifi Youssef (une prostituée)
Scénario : Sabri Ezzat
Musique : André Ryder
Chukry Sarhan

Kamal Al Shennawi

Kamal al Shennawi et Chukry Sarhan

Shadia

Kamal Al Shennawi

Zein Al Ashmawi

Salah Gaheen et Shadia

Shadia

Salwa Mahmoud


Résumé

Adapté de l'un des chefs d'oeuvre de Naguib Mahfouz. Une adaptation réalisée à peine un an après la parution du roman.
Said est un voleur. Il est marié et a une petite fille. Il ne sait pas qu’Alish, son associé, entretient une liaison avec sa femme. Lors d’un cambriolage, Alish téléphone au commissariat pour dénoncer Said. Quand ce dernier sort de la maison, il est accueilli par la police. Les juges le condamnent à cinq années de prison. Said sympathise immédiatement avec le détenu qui partage sa cellule. Il se confie et lui raconte comment il a débuté dans la délinquance. 
Il était chargé d’entretien dans une université. Un jour il est accusé d’avoir volé la montre de l’un des étudiants. Il nie mais on retrouve l’objet dans sa chambre. Raouf Elwan intervient et le sauve de ce mauvais pas. Raouf Elwan est un étudiant très brillant qui s’est pris d’affection pour Said. Il l’a incité à se cultiver et à lire des livres, il lui a inculqué sa philosophie : dans une société inégalitaire, le vol des riches par les plus pauvres est non seulement inévitable mais nécessaire. 
Said est libéré avant la fin de sa peine pour bonne conduite. Il retourne dans son quartier et se présente au domicile d’Alish et de son ex-femme. Il souhaite revoir sa fille mais celle-ci ne le reconnaît pas et prend peur quand il tente de l’embrasser. Bouleversé, Said renonce à faire valoir ses droits paternels. Il se rend chez son ancien protecteur, Raouf Elwan. Celui-ci est devenu un célèbre journaliste. Said lui demande de l’aider à trouver un emploi mais Raouf refuse. Pour se venger, la nuit venue, l’ancien voleur pénètre dans la luxueuse maison de son « ami ». Ce dernier le reçoit, pistolet à la main. Il le chasse mais ne prévient pas la police. 
Said voit régulièrement Nour, une prostituée qu’il connaissait avant son incarcération. Avec sa complicité, il vole la voiture de l’un de ses clients. Il en a besoin pour réaliser le projet qui le hante depuis des années : tuer son ex-femme et Alish. Une nuit, il se présente à la porte de son ancien appartement, brise la vitre et tire. Il ne sait pas que le couple avait déménagé. Il a tué le nouveau locataire. Raouf Elwan s’empare de l’affaire et compte l’exploiter pour accroître les ventes de son journal. Said s’est réfugié chez Nour. Malgré le crime qu’il a commis et la campagne de presse orchestrée contre lui par Raouf, il s’active toujours pour retrouver celui qui lui a volé sa femme et sa fille. Nour le supplie d’abandonner : elle ne veut pas le perdre. Mais Said s’obstine : cette vengeance est devenue une idée fixe. Un soir, Nour éprouve des douleurs intolérables à l’abdomen. Said doit chercher de toute urgence un médicament à la pharmacie. Le pharmacien le reconnaît. C’est ainsi que la police retrouve sa trace. Après une longue traque, Said est abattu sous les yeux de Nour.


Critique

Le Voleur et les Chiens est l’un des romans les plus célèbres de Naguib Mahfouz. Il date de 1961. C’est une œuvre très sombre. Le personnage principal est Saïd Mahrane, un voleur. Il a fait quatre ans de prison à cause de son complice qui l’a dénoncé à la police pour pouvoir lui ravir sa femme et sa fille. Après sa libération, ne sachant plus à quoi se raccrocher, Saïd tente de reprendre contact avec Raouf Elouane, l’intellectuel qui lui a enseigné la révolte contre cette société injuste. Désormais celui-ci est devenu une personnalité, il dirige un grand journal et a enterré tous ses idéaux de jeunesse. Il rejette son ancien disciple. Bref Saïd est seul et il ne souhaite plus qu’une chose : se venger de tous ceux qui l’on trahi. A travers ce destin tragique d’un homme qui a tout perdu et qui est emporté dans la spirale infernale du ressentiment et de la haine, Naguib Mahfouz fait un bilan désenchanté du régime nassérien. Dix ans que la révolution a eu lieu et les espoirs qu’elle avait fait naître ont été très vite déçus. Alors le peuple égyptien est retourné à ses vieux démons : le désespoir et le fatalisme.
Le film restitue de manière très fidèle l’esprit du roman de Naguib Mahfouz. Kamal Al Cheikh n’a pas tenté pour des raisons commerciales d’atténuer la noirceur du propos. Il a adopté une esthétique âpre, sans concession. Toutes les scènes baignent dans une atmosphère sinistre : souvent de nuit, dans des lieux fermés. En fait, le personnage principal semble aller de prison en prison et cette impression est renforcée par la présence constante de barreaux dans tous les lieux qu’il traverse : barreaux de lits, de portes d’entrée ou de fenêtres. Poursuivi pour un double meurtre, Saïd finira sa course bloqué dans une mosquée dont le gardien a fermé à clef la grille. Fait comme un rat, il meurt sous les balles des policiers.  Ainsi ce thriller qui use avec brio de tous les procédés du film noir américain rappelle aussi par le retour constant de certains thèmes l’univers de Kafka, parenté qui devient explicite (un peu trop ?) dans la scène fantasmée du procès.
A l’aube des années soixante, Kamal Al Cheikh choisit d’adapter une œuvre dont les deux héros sont un criminel et une prostituée. C’est déjà un véritable révolution pour l’époque mais ce qui fait la grande modernité de l’œuvre, c’est le regard que porte le réalisateur sur ses deux personnages : aucun jugement, aucune condamnation morale. Concernant le personnage de Saïd, il se contente d’en souligner la complexité : à la fois victime (il a été dénoncé, trahi, abandonné, manipulé) et bourreau (il n’éprouve aucun remords quand il tue par erreur des innocents). Mais ce qui sauve celui-ci de l’abjection, c’est sa grande naïveté : il croit en la justice et en la générosité sans voir que ces valeurs n’ont plus cours dans l’Egypte post-révolutionnaire. Il y a aussi une tendresse évidente du cinéaste pour Nour la prostituée qui croit enfin le bonheur à portée de main avant que tout s’écroule (Ironie : Nour signifie lumière en arabe !). De toute manière, elle et son compagnon étaient condamnés d’avance : ils ne sont pas faits pour cette société qui protège les corrompus mais qui n’a aucune pitié pour les plus faibles. Le Voleur et les Chiens est donc à la fois un thriller, une tragédie et un réquisitoire.
Un dernier mot concernant l'interprétation : Shadia et Shukry Sarhan sont deux acteurs exceptionnels. Dans ce film, ils en font la démonstration éclatante.

Le roman de Naguib Mahfouz a aussi fait l'objet d'une adaptation pour une série télévisée en 1975.

Appréciation : 5/5
*****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin