lundi 28 mars 2016

Un garçon, une fille et le diable ( Walad wa bint wa chaytan, 1971)


ولد وبنت والشيطان
إخراج: حسن يوسف


Hassan Youssef a réalisé un garçon, une fille et le Diable en 1971. 
Distribution : Biligh Habashy, Nagla Fathy, Hassan Youssef, Brigitte Haryar ( ?), Naeima Wasfi, Ahmed El-Gezeiry, Abdelbadie El Arabi, Nour Al Sherif, Zizi Mustafa, Samir Ghanem
Scénario : Mohamed Salem
Musique : Baligh Hamdy

Zizi Mustafa et Samir Ghanem

Nour Al Sherif

Nagla Fathy
 
Brigitte Haryar et Hassan Youssef

Brigitte Haryar et Hassan Youssef

Ahmed El-Gezeiry et Naeima Wasfi

Brigitte Haryar

Biligh Habashy

Abdelbadie El Arabi


Résumé

Adel quitte sa famille et sa fiancée Fayza pour tenter sa chance en Europe. Il s’installe à Munich. Avec un ami installé depuis longtemps en Allemagne, Adel découvre les multiples plaisirs que l’occident offre à profusion : alcool, sexe, drogue. Il rencontre Monica, une jeune femme libre et sensuelle. Ensemble, ils voyagent à travers l’Europe. Ils se promènent au pied le la Tour Eiffel, ils grimpent sur les cimes enneigées des Alpes, ils se baignent dans de grands lacs transparents. A son retour à Munich, une triste nouvelle l’attend : Fayza lui a écrit pour lui annoncer que son père est gravement malade. Adel est bouleversé. Peu après, lors d’une soirée dans une boite, il s’aperçoit que Monica flirte avec un jeune homme. Il décide de rompre et de chercher sérieusement un travail. Malheureusement, c’est beaucoup plus difficile qu’il ne le pensait. Sans ressources, il ne peut plus payer son loyer. Il dort dans les rues. L’ami qui l’avait accueilli à son arrivée en Allemagne est ému par sa condition misérable. Il décide de l’aider : il lui offre son billet retour pour l’Egypte. Adel retrouve les siens et surtout Fayza qu’il a failli perdre pour toujours. 


Critique

Dans les années soixante et soixante-dix, Hassan Youssef est l’un des acteurs les plus populaires d’Egypte. Il enchaine les tournages, jouant à peu près le même personnage : celui du jeune étudiant (souvent en médecine) un peu naïf, toujours d’humeur égale mais terriblement ambitieux.
Un garçon, une Fille et le Diable est la première réalisation d’Hassan Youssef. C’est un film à thèse dans lequel l’acteur réalisateur producteur met en garde les jeunes égyptiens tentés par l’émigration. A travers l’histoire d’Adel il montre que le départ pour l’’Europe n’est pas la solution à leurs problèmes. En France ou en Allemagne . ils ne trouveront que l’exclusion et la misère et ne récolteront que des désillusions. Ainsi, le film est construit sur l’opposition entre le pays natal et l’occident. D’un côté, les vraies valeurs : la solidarité, l’affection, la famille ; de l’autre la liberté totale qui conduit à l’extrême débauche : le sexe, l’alcool, la drogue. Et cette liberté, le jeune émigré la paiera au prix fort. Il devra subir l’exploitation et pour finir la solitude.
Avec ces belles intentions moralisatrices, on pouvait craindre le pire. Pourtant le film n’est pas déplaisant car le regard que porte Hassan Youssef sur ses personnages est empreint d’une grande innocence. Il ne joue pas les prédicateurs ombrageux qui vouent aux flammes de l’enfer les Sodome et Gomorrhe d’aujourd’hui. Sans jamais se départir de son équanimité naturelle, il nous présente l’Europe comme le fruit défendu : savoureux mais empoisonné. Et cette ambivalence, Hassan Youssef devait l’éprouver au plus profond de son être car après avoir collaboré aux films les plus osés des années soixante-dix, il optera la décennie suivante pour la pratique religieuse la plus stricte avec sa seconde épouse, la sulfureuse Chams Al Baroudi (Rappelons que le couple redécouvrira la foi après un pèlerinage à la Mecque en 1980).
Bien sûr, nous retrouvons dans Un garçon, une Fille et le Diable tous les poncifs du cinéma populaire de l’époque. Les différents pays européens traversés par le héros sont évoqués façon carte postale : Venise et ses gondoles, Athènes et son Acropole, Paris,et sa Tour Eiffel. On retrouve aussi l’esthétique du cinéma érotique des années soixante-dix: des scènes de baisers lascifs dans des décors exotiques (L’Allemagne a remplacé la Thaïlande !) avec un accompagnement musical dans le style de Burt Bacharach. A noter qu’Adel et Monica font souvent l’amour à l’extérieur, ce qui nous vaut cette séquence incroyable dans laquelle on les voit entièrement nus se livrer debout à leur exercice favori, à peine dissimulés par le tronc d’un arbre rachitique qui ne cache de leur anatomie que le strict nécessaire. Précisons, en passant, que la jeune actrice européenne qui joue le rôle de Monica est d’une beauté et d’une sensualité sensationnelles. Il semblerait qu’elle n’ait tourné que dans ce seul film.
Enfin, Un Garçon, une Fille et le Diable n’est pas aussi manichéen que cette chronique pourrait le laisser penser : concernant l’Egypte, Hassan Youssef dénonce le harcèlement sexuel (déjà en 1971 !) dont sont victimes les femmes dans les transports en commun et les lieux publics. Un exemple : le héros et sa fiancée vont au cinéma, ce qui nous vaut quelques secondes du générique d’un navet britannique « The Last Shot You Ear » de 1969 qui raconte une liaison torride entre deux personnages d’âge mûr. Dans la salle, beaucoup d’hommes très excités par les images gentiment sensuelles du film. Ils tiennent des propos salaces et tentent de toucher l’héroïne. L’atmosphère devient explosive. Adel et Fayza doivent quitter la salle précipitamment.
Au final, ce film est une bonne surprise. Si ses qualités artistiques peuvent parfois sembler minces, en revanche, c’est un document très intéressant sur le regard qu’un jeune arabe au début des années 70 porte sur le monde occidental, mêlant les clichés et les fantasmes, le désir et le rejet.

Appréciation : 3/5
***

jeudi 24 mars 2016

Le Festival du Cinéma Africain de Louxor (fin)

 مهرجان الأقصر للسينما الأفريقية

Le festival s'est achevé mercredi 23 mars avec la projection du dernier film de Mohamed Khan Before the Summer Crowds.

Before the Summer Crowds


Le palmarès du festival a récompensé deux oeuvres égyptiennes :

Le Grand Prix du Nil du court-métrage documentaire à Aida de Maysoon Elmasry

Le Grand Prix du Nil du long-métrage documentaire à We have never been kids de Mahmoud Soliman (déjà primé lors de la dernière édition du festival de Dubaï)


We have never been Kids

samedi 19 mars 2016

Le Festival du Cinéma Africain de Louxor (Egypte)

مهرجان الأقصر للسينما الأفريقية

La cinquième édition du festival du cinéma africain de Louxor s'est ouverte hier. C'est l'écrivain Sayed Fouad qui eut l'idée de cette manifestation en constatant que les films africains n'étaient jamais projetés en Egypte. Il a souhaité que le festival se déroule à Louxor car cette cité de Haute-Egypte n'accueillait jusqu'alors aucun événement culturel d'envergure, tout se passant au Caire ou à Alexandrie.

photo : Luxor African Film Festival

Lors de la cérémonie d'ouverture, l'actrice Menna Shalaby (la fille de Zizi Mustafa) a reçu un trophée pour son interprétation dans Nawara de Halal Khalil (2015). Sur la photo, on peut voir à droite de l'actrice, Azza El Hosseiny, la directrice du festival.


photo : Luxor African Film Festival

L'acteur américain Danny Glover est l'invité d'honneur du festival. On le voit ici devant le temple de Louxor lors de sa conférence de presse.

lundi 14 mars 2016

Le Mari Attendu (Haris el hana, 1974)


عريس الهنا
إخراج: محمود فريد


Mahmoud Farid a réalisé le Mari Attendu en 1974.
Distribution : Nahed Sherif, Mohamed Awad, Boussy, Lebleba, Mimi Shakib, Nabila El Sayed, Mohamed Shawky, Waheid Seif, Aml Ibrahim, Zizi Al Badraoui
Scénario : Faysal Nada

Mohamed Shawky

Boussy

Aml Ibrahim et Nahed Sherif

Mohamed Awad

Lebleba et Mohamed Awad

Waheid Seif


Mohamed Awad et Nahed Sherif

Nabila El Sayed

Zizi Al Badraoui


Résumé

Farid est un pauvre étudiant en école vétérinaire. Pour financer ses études, il vend des journaux. Il voudrait épouser sa cousine Samira mais sa tante ne veut pas en entendre parler. Pendant ce temps-là, trois amies dansent et chantent dans un cabaret. Ces filles ont de la fortune, une villa et une voiture. Leur manager leur a trouvé un contrat très intéressant dans un pays étranger. Mais dans ce pays, on ne plaisante pas avec la morale. Elles ne pourront s’y produire que si elles sont mariées. Aussitôt, elles partent à la chasse au mari. Malgré leurs efforts, elles n’en trouvent pas à leur convenance. Elles sont désespérées. Un jour, Rachid se présente à leur domicile pour leur vendre des journaux. L’apparition du pauvre étudiant est miraculeuse : leur mari, ça sera lui ! Elles lui proposent une grosse somme d’argent pour qu’il accepte de les épouser. Bien sûr le mariage sera de courte durée, il recouvrera sa liberté très vite. Rachid se laisse tenter. Il épouse non seulement les trois artistes mais aussi la propriétaire du cabaret, une femme d’âge mûr au tempérament volcanique. Malheureusement, rien ne se passe comme prévu : les quatre femmes sont très heureuses de leur nouveau mari et refusent de divorcer. Après bien des mésaventures, Rachid réussira à s’en débarrasser et pourra enfin se marier avec sa cousine Samira.


Critique

Bien sûr, on a toujours plaisir à revoir l'affriolante Nahed Sharif même dans ses films les plus idiots. Mais ici, il faut pour cela endurer la prestation de Mohamed Awad qui a décroché le rôle principal de ce Mari Attendu. On le retrouve donc dans toutes les scènes, cabotinant sans mesure. Il est entouré par quatre actrices parmi les plus populaires de l’époque : Nahed Sherif déjà citée mais aussi Lebleba, Boussy et Zizi Al Badraoui. Les trois premières jouent les Drôles de Dames et chacune dans son coin essaie de faire exister son personnage qui ressemble comme deux gouttes d’eau aux deux autres. Parfois, elles dansent sur des chorégraphies « rigolotes » ce qui permet de vérifier qu’on est très, très loin de Broadway. Zizi Al Badroui a la lourde tâche d’incarner la vertueuse cousine qui attend bien sagement son futur mari tandis que celui-ci emploie ses nuits à satisfaire sexuellement non seulement les trois danseuses mais aussi la patronne du cabaret ! On a connu rôle plus valorisant pour une jeune actrice !
Tout compte fait, ce qui ne laisse pas d’étonner, c’est la légèreté avec laquelle on évoque à l’époque le mariage et la fidélité conjugale. Dans ce divertissement qui vise un large public, il est question de polygamie « temporaire », de femmes qui assouvissent leurs désirs sexuels en se partageant le même partenaire, d’un homme qui accepte d’épouser quatre femmes en même temps pour couvrir de cadeaux sa vraie fiancée. Et toutes ces libertés prises avec la morale traditionnelle ne font l’objet d’aucune condamnation, d’aucune critique. Bien au contraire puisqu’à la fin, la fiancée est devenue la meilleure amie des ex-femmes de son future mari ! Bref, les Frères Musulmans sont encore loin !
Pour sa contribution à l’édification des masses, nous attribuons deux étoiles à ce mari peu conventionnel.

Appréciation : 2/5
**

 

samedi 5 mars 2016

La Petite Poupée (El aroussa el saghira, 1956)

العروسة الصغيرة
إخراج: أحمد بدرخان


Ahmed Badrakhan a réalisé La Petite Poupée en 1956.
Distribution : Saïd Mekawi (le chanteur aveugle), Saïd Abou Bakr (le compagnon du chanteur aveugle), Yehia Chahine (Kamel), Mahmoud El Meleigy (Mahmoud Fahmy), Wedad Hamdy (Wedad), Salah Sarhan (le peintre), Mariam Fakhr Eddine (Siham), Nadia El Shennawi (Nadia), Serag Mounir (le patron), George Yordanis (le barman), Metawa Oweis (le vendeur de billets de loterie), Abbas Rahmy (le docteur)
Scénario et dialogue : Youssef Gohar
Musique : André Ryder
Production : les studios Misr

Saïd Abou Bakr et Saïd Mekawi

Mahmoud El Meleigy et Yehia Chahine

Wedad Hamdy et Yehia Chahine

Salah Sarhan et Mariam Fakhr Eddine

Salah Sarhan et Mariam Fakhr Eddine

Yehia Chahine et Serag Mounir


Résumé

Kamel est un modeste employé. Il vit avec sa femme Siham et sa petite fille Nadia. Un jour, son directeur l’invite, lui et sa petite famille, à une soirée dans un cabaret. Après le dîner, le chef d’entreprise demande à Kamel de retourner au bureau pour y effectuer un travail urgent. Une fois son subordonné parti, il en profite pour courtiser Siham. En reconduisant la femme et sa fille chez elles, il a un geste déplacé à l’égard de Siham. Elle le repousse. Vexé, il dépose dans la rue ses deux passagères qui doivent continuer leur route sous une pluie battante. Quand elles regagnent enfin leur petit appartement, Siham raconte tout à son mari. Le lendemain matin, Kamel fou de rage veut corriger son patron. Il est maîtrisé par ses collègues et il est aussitôt licencié. Peu après, Nadia tombe malade. Malheureusement, ses parents ne peuvent payer le lourd traitement nécessaire à sa guérison. La petite fille meurt . Commence alors pour Kamel et Siham une longue descente aux enfers. Ils se séparent. Lui se jette à corps perdu dans le jeu et devient un truand redouté ; elle, multiplie les conquêtes puis finit par se prostituer. ..


Critique

Un mélodrame classique dont le scénario a été écrit par le romancier Youssef Gohar. Pour cette Petite Poupée, celui-ci a usé de toutes les (grosses) ficelles du genre. Et à cet égard, la fin constitue un bouquet final qui ne manquera pas de blesser la sensibilité délicate du spectateur d’aujourd’hui : alors qu’il vient d’acheter la poupée dont rêvait sa petite fille, le héros, complètement ivre, fait monter dans sa voiture une prostituée sans voir que c’est son ex femme. Celle-ci reconnaît aussitôt son ancien mari. Elle est bouleversée. Tout leur passé lui revient en mémoire et le visage de la petite morte se dessine sur la vitre de la voiture. C’en est trop, la jeune femme ouvre la portière et se jette hors du véhicule. L’homme freine brutalement et se précipite vers la désespérée qui gît sur la route. Il la reconnaît enfin mais elle meurt dans ses bras. Etendue à côté de celle qui vient d’expirer, il y a la poupée et pour que le spectateur comprenne bien qu’elle représente la petite défunte, le visage de celle-ci apparaît quelques secondes à la place de la tête en celluloïd. Evidemment, ça fait beaucoup…

Néanmoins, le film vaut mieux que ce dénouement franchement pompier car il a bien des qualités. Toutes les scènes baignent dans un clair-obscur aux mille nuances (la photo magnifique est signée Abdelaziz Fahmi) qui s’accorde parfaitement au destin tragique de ce couple sans histoire. La chute des deux personnages est racontée sans mièvrerie, avec même une certaine dureté. Kamel et Siham ne s’apitoient pas sur eux-mêmes ni sur les autres : leur désespoir leur a enlevé toute sensibilité et ils éprouvent une sombre délectation à se venger de tous ceux qui ont voulu profiter de leur honnêteté ou de leur détresse avant et après le drame. Pour l’interprétation, on retiendra la performance de Mariam Fakhr Eddine dont le visage aristocratique n’est jamais aussi beau que dans la douleur. On appréciera aussi les interventions enjouées du duo formé par Saïd Abou Bakr et Saïd Makawi, le célèbre chanteur aveugle. Les deux acteurs jouent des mendiants au grand cœur qui tentent de venir en aide à leurs infortunés voisins. 
Appréciation : 3/5
***

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin