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vendredi 8 septembre 2017

En été, il faut aimer (fil-seyf lazem neheb, 1974)

في الصيف لازم نحب
إخراج: محمد عبدالعزيز




Mohamed Abdel Aziz a réalisé En été, il faut aimer en 1974.
Distribution : Magda El-Khatib, Tawfik El Deken, Samir Ghanem, Lebleba, Amira, Abdel Moneim Madbouly, Wedad Hamdy, Nour Al-Sherif, Madiha Kamel, Samir Sabri 
Une histoire de Mohamed Hassan 
Scénario : Ali Salem, Mohamed Salem, Salama Hassan 
Musique : Samy Ismaïl, Hussein El Sayed, Mounir Mourad 
Production : Magda El Khatib

Lebleba et Samir Ghanem
Tawfik El-Deken et Samir Ghanem

Samir Sabri et Madiha Kamel
Magda El-Khatib et Wedad Hamdy
Nour Al-Sherif



Résumé

Le docteur Nabil travaille dans un hôpital psychiatrique. L’été venu, il décide d’accompagner quatre de ses patients à Alexandrie pour un séjour au bord de la mer. Les quatre patients ont pour des raisons diverses sombré dans la dépression. Il y a Ahmed, un employé de banque qui a fait un burn-out ; Medhat, un chanteur amateur traumatisé par une expérience humiliante lors d’un concert ; Mohamed Youssef, un champion de natation qui a été attaqué par un crabe lors d’une compétition et enfin Ghedidi, un footballeur professionnel qui joue comme gardien de but et qui a laissé passer vingt-deux balles durant un match décisif pour son équipe.
Sur la route, ils font monter dans leur minibus, deux femmes dont la voiture est tombée en panne. La première s’appelle Maggie et elle est à la fois psychologue et professeur d’éducation physique. La seconde, c’est Aïcha, sa tante, qui l’accompagne pour les vacances. Par le plus heureux des hasards, elles se rendent au même endroit que les cinq hommes. 
A l’hôtel, pour ne pas effrayer les résidents, les quatre patients du docteur Nabil se font passer pour des membres d’une association luttant contre la pollution. Très vite, ils font la connaissance de trois jeunes filles qui sont arrivées avec leur père. Celui-ci exerce une surveillance de chaque instant sur sa précieuse progéniture et lui interdit tous les plaisirs de la plage. Heureusement, les trois filles parviennent régulièrement à échapper à la vigilance paternelle pour rejoindre Medhat, Ghedidi et Mohamed Youssef. Tandis que ses trois compagnons s’amusent avec leurs nouvelles amies, Ahmed, l’employé de banque, a noué une tendre relation avec Maggie, la psychologue qu’ils ont secourue. 
Grâce à l’amour, les patients du Docteur Nabil recouvrent vite la santé et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si le responsable de la sécurité de l’hôtel n’avait pas cru bon de révéler aux trois jeunes filles la situation réelle de leurs soupirants. Pire : depuis quelque temps des maillots de bain féminins sont régulièrement volés dans l’établissement et tout naturellement on accuse les quatre garçons. Alertée, la police débarque pour les arrêter mais on découvre que le véritable auteur des vols de maillot n’est autre que le père des trois filles.


Critique

Que du beau monde pour cette comédie typique du cinéma commercial de l’époque ! On y retrouve (avec plaisir !) tous les acteurs qui depuis la fin des années soixante se croisent dans moult productions du même acabit. 

Le scénario n’est pas d’une folle originalité. Il s’inscrit dans la tradition de la « beach comedy » dont le modèle est celui de certains films d’Elvis Presley au début des années soixante comme Sous le ciel bleu de Hawaii de Norman Taurog (1961), ou bien Des filles... encore des filles du même cinéaste (1962). L’Egypte n’a pas attendu longtemps pour s’en inspirer avec, par exemple, Le Rivage de la Gaieté de Houssam Al Din Mustafa (1967) ou Jeunesse Très Folle de Niazi Mostafa (1967). En Egypte comme ailleurs ces productions s’adressent avant tout à la jeunesse et le succès est au rendez-vous ! D’où la multiplication de ces comédies gentillettes qui à chaque fois dans une atmosphère « yéyé » proposent les mêmes séquences, les mêmes situations : jeux et danse sur la plage avec garçons torse nu et filles en bikini, baisers dans l’eau (la scène de baiser du film américain « Tant qu’il y aura des Hommes » est répliquée à l’infini), ruses des filles pour échapper à la surveillance de leurs parents, bagarres entre garçons etc. Et si aux Etats-Unis, ça se passe sur les plages d’Honolulu et en France à Saint-Tropez, en Egypte, c’est Alexandrie, le cadre obligé de ces films à l’ambiance estivale.

Sea, sex and sun. Topos de la modernité en ces années soixante et soixante-dix, la plage, la station balnéaire, sont des lieux emblématiques sur lesquels se focalisent tous les fantasmes, toutes les aspirations. Non sans naïveté, on a cette conviction qu’au bord de la mer, tous les verrous sautent, que tous les liens qui emprisonnent les individus se desserrent subitement. N’y voir rien de révolutionnaire cependant, comme si ces conduites que d’ordinaire la société réprouve, dans ce contexte balnéaire étaient accueillies avec une certaine bienveillance. Mais les règles du jeu sont clairement posées : ce qui est possible à la plage, ne l’est plus en ville. Au cinéma comme dans la réalité, ce séjour à la mer est une parenthèse enchantée. Certes, comme toutes les parenthèses, elle finira bien par se fermer mais en attendant, tout est possible ! Et ce constat vaut autant pour les sociétés occidentales que pour les sociétés arabes de l’époque. Certains diront sans doute que c’était l’effet pervers du colonialisme moribond poussant les ex-colonisés à adopter les modes de vie des ex-colonisateurs et que tout cela (Dieu merci ?) a bien changé !

En été il faut aimer date de 1974, c’est-à-dire qu’il appartient à la deuxième génération de ces comédies balnéaires. Rien n’a vraiment changé : à ma droite, une bande de garçons (4 dépressifs en convalescence), à ma gauche, une bande de filles (3 sœurs + 1 psychologue) : on se croise, on se rapproche, on échange, on s’embrasse et comme les auteurs ont veillé à ce que les deux bandes soient constituées exactement d’un même nombre d’individus, les événements et les êtres s’imbriquent parfaitement. Toute l’intrigue repose sur les stratagèmes mis en œuvre par les héros du film pour échapper à la surveillance des représentants de l’ordre, de la loi et de la morale. Pour les garçons, la figure de l’autorité à esquiver, c’est le médecin qui les accompagne, pour les filles, c’est leur père et pour les deux groupes c’est le gardien de l’hôtel toujours accompagné de son berger allemand. Mais l’élément central du film, c’est bien sûr le maillot de bain. Il est au centre de l’image : dans toutes les scènes de plage, la caméra s’attarde plus que nécessaire sur les bikinis portés par les héroïnes. Il est aussi au centre de l’intrigue : des vols de maillots de bain ont lieu dans l’hôtel et on suit toutes les étapes de l’enquête. 

Avec tous ces ingrédients, on a donc un divertissement très léger réalisé cependant avec un certain talent. C’est le second film de Mohamed Abdel Aziz et il y manifeste déjà des qualités qui conduiront certains critiques à le considérer comme le digne successeur de Fateen Abdel Wahab. Malgré la collection de lieux communs que nous offre cette comédie, on ne s’y ennuie jamais car la mise en scène est précise, le jeu des acteurs d’un naturel constant et surtout le rythme du film est enlevé sans être hystérique comme dans certaines comédies des années soixante (Je pense à celles avec les Trois Lumières du Music-hall,dont l’agitation lasse très vite). Enfin c’est toujours un plaisir de visionner ce qui constitue sans doute un cauchemar absolu pour les intégristes de tout poil. La satire du père autoritaire n’est pas d’une grande finesse mais le spectateur est bien content quand il apprend que c’est lui le pervers qui collectionne les maillots de bains de jeunes filles.

Ce qui est tout de même un peu étrange dans ce film et ce qui le distingue des autres de même facture, c’est l’âge des protagonistes. Ce ne sont plus des adolescents et notamment les personnages masculins semblent avoir tous dépassé la trentaine. Cette maturité explique sans doute pourquoi les auteurs ont privilégié les scènes de couples au détriment des scènes de groupes et ça c’est plutôt bien ! Même si parfois, on est un peu déconcerté de voir ces hommes adultes se comporter comme de jeunes garçons faisant l’expérience de leur premier flirt à la plage. 

Une dernière remarque : cette veine de la comédie balnéaire, que Max Pécas avait maintenue en vie dans le cinéma français des années quatre-vingt avec ses inénarrables Deux Enfoirés à Saint-Tropez ou bien On se calme et on boit frais à Saint-Tropez a été aussi réactivée par des cinéastes « sérieux » comme Eric Rohmer et plus récemment en Egypte par Mohamed Khan avec son ultime film Avant la cohue de l'été (Kabl Zahmet el Seif, 2015) ou bien en France, par Abdellatif Kechiche avec Mektoub My Love. On me rétorquera que tout cela n’a a aucun rapport. A voir…

Appréciation : 3/5
***
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin


lundi 7 août 2017

Tawhida (1976)

توحيده
إخراج : حسام الدي مصطفى


Houssam Al-Din Mustafa a réalisé Tawhida en 1976.
Distribution : Magda El Khatib (Tawhida), Nour Al-Sherif (Hussein), Rushdy Abaza (Saïd Bey), Sanaa Gamil (la mère de Tawhida), Hussein Abdel Fattah (le fils de Tawhida), Farid Shawki (le père d’Hussein), Farouk Youssef (l’ami d’Hussein), Amira (Hasnah) 
Scénario de Naguib Mahfouz d'après la pièce de théâtre Fanny (1931) du dramaturge et cinéaste français Marcel Pagnol 
Musique : Mohamed Noah
Magda El Khatib

Nour Al-Sherif

Magda El-Khatib

Rushdy Abaza

Sanaa Gamil

Nour Al-Sherif et Magda El-Khatib

Nour Al-Sherif et Magda El-Khatib

Hussein Abdel Fattah

Rushdy Abaza et Magda El-Khatib

Nour Al-Sherif et Magda El-Khatib

Farouk Youssef et Nour Al-Sherif

Nour Al-Sherif et Farid Shawki

Amira et Magda El-Khatib


Résumé

Tawhida et Hussein résident à Alexandrie, ils s’aiment et souhaiteraient se marier. Malheureusement, Hussein n’a pas un sou. Il décide de partir à l’étranger pour travailler. Il espère ainsi devenir riche ce qui lui permettrait d’épouser Tawhida. La veille de son départ, ils font l’amour. Avec son meilleur ami, Hussein embarque sur l’ Achille Lauro (paquebot resté célèbre en raison du détournement dont il fut l’objet en 1985). Quelque temps après, Tawhida a un malaise alors qu’elle est en grande conversation avec le père d’Hussein : on découvre qu'elle est enceinte. La mère de la jeune femme est atterrée. Un ami, Saïd Bey,  propose d’épouser la future maman. C’est un homme d’âge mûr, fortuné et d’une grande gentillesse. Tawhida accepte la proposition. Les années passent. Tawhida est heureuse : elle mène une vie aisée et consacre tout son temps à l’éducation de son fils. Mais un jour, Hussein reparaît. Il tente de reprendre contact avec celle qu’il a toujours aimée.  Celle-ci  accepte de le recevoir chez elle mais rejette toute idée d’abandonner Saïd Bey pour reprendre la vie avec lui, même si ses sentiments n’ont pas changé. Hussein découvre l’existence de leur enfant. Il veut le récupérer  et le ton monte entre les deux ex-amants. Entrent dans la maison les parents de Tawhida puis Saïd Bey. La situation devient très délicate. Malgré l’amour qu’il porte à son épouse et l’affection toute paternelle qu’il éprouve pour le jeune garçon, Saïd Bey décide de se retirer. Hussein  pourra vivre avec  son fils et la mère de celui-ci.
L'année précédente, en 1975, la même pièce de théâtre de Marcel Pagnol avait fait l'objet d'une adaptation sous le titre Mélodie dans ma vie. Elle était signée Henry Barakat et le rôle principal était tenu par Farid Al Atrache. Signalons que la première adaptation arabe de cette oeuvre de Pagnol est un film libano-égyptien de 1967, Un Homme sur le Chemin (Fil Tariq Rajul), réalisé par Saïd Tatawi avec l'actrice libanaise Randa.



Critique 

Pour ce film, nous trouvons à la réalisation Houssam El-Din Mustafa et au scénario, Naguib Mahfouz. Le premier est un spécialiste du film d’action et l’un des représentants les plus prolifiques du cinéma populaire. Le second est l’emblème de la littérature égyptienne, prix Nobel de littérature. Cette association qui put sembler contre-nature a fonctionné pendant une vingtaine d’années et nous a donné des films très divers. Parfois ce sont des adaptations des œuvres romanesques de Naguib Mahfouz ; d'autres fois ce sont des scénarios originaux conçus par l’écrivain pour le cinéaste. Avec Tawhida, nous sommes devant un troisième cas de figure : Naguib Mahfouz adaptant l’oeuvre littéraire d’un autre écrivain pour Houssam El Din Mustafa. 
Des critiques se sont désolés de cette union entre un écrivain prestigieux et un réalisateur pour le moins inégal (franchement médiocres diront certains), la considérant comme le mariage de la carpe et du lapin. Pourtant on doit à ce partenariat de belles réussites comme La Quête en 1964, avec Rushdi Abaza et Shadia et comme ce Tawhida en 1976. 

L’œuvre de Marcel Pagnol fut souvent adaptée par les cinéastes égyptiens et tout particulièrement, comme nous le rappelions plus haut, les deux premières parties de sa trilogie marseillaise. 
L’auteur provençal écrit Marius (1929) et Fanny (1931) pour le théâtre mais peu après leur création, ces pièces font l’objet d’une adaptation cinématographique, à chaque fois sur un scénario de l’auteur. Marius est réalisé en 1931 par Alexander Korda et Fanny en 1932 par Marc Allégret. Pour écrire son propre scénario, Naguib Mahfouz a réuni les deux drames de Pagnol mais en privilégiant le second, d’une plus grande intensité narrative que le premier. 

Si l’on compare le film d'Houssam Al Din Mustafa à la version tournée l’année précédente par Henri Barakat avec Farid Al Atrache, on voit combien il lui est en tous points supérieur. En effet, avec Mélodie dans ma vie, Henri Barakat s’est servi de l'histoire du dramaturge français pour réaliser un mélodrame conventionnel, laborieux et excessivement figé. Mais sans doute, a-t-il été embarrassé par la santé vacillante de son acteur principal ( Ce film sera le dernier de Farid Al Atrache). 
Naguib Mahfouz et Houssam Al Din Mustafa, eux, ont tout misé sur le mouvement, la couleur et la lumière naturelle. 
Tawhida est une œuvre méditerranéenne, plus grecque qu’égyptienne ; il est vrai que nous sommes à Alexandrie ! La mer est donc omniprésente : à la fois cadre et thème central. Les scènes où les deux héros se retrouvent pour leurs colloques amoureux face à la mer agitée sont parmi les épisodes plus mémorables du film. Tout naturellement, Ibrahim Saleh, le directeur de la photographie magnifie la couleur bleue qu’il sature à plaisir : le bleu du ciel et de la mer, le bleu du vélo de Magda El Khatib, le bleu des murs et des façades. 
Le cinéaste et son scénariste ont dégraissé le mélodrame de Pagnol, lui insufflant un rythme nerveux, sans temps morts ni longueurs. Ainsi, ils lui donnent une fraîcheur et une vigueur qui, avouons-le, faisaient défaut aux films de Korda et d'Allégret. On pourrait avancer, sans attenter au génie de Marcel Pagnol, que Naguib Mahfouz et Houssam Al Di Mostafa ont « corrigé » le caractère théâtral (dans le sens péjoratif du terme) et un peu suranné de Marius et de Fanny pour adopter une esthétique résolument cinématographique (situation paradoxale quand on connaît le goût prononcé des cinéastes égyptiens pour les scènes statiques et bavardes.). Les deux artistes ont réussi ce tour de force de suivre scrupuleusement la trame des deux pièces de l’auteur français tout en parvenant à faire un film très personnel qui ne doit rien aux adaptations précédentes. 
Enfin, l’interprétation d’une grande qualité dans son ensemble est néanmoins dominée par Magda El Khatib. L’actrice est au zénith de sa beauté et de son talent. Chaque plan est comme une déclaration d’amour du cinéaste à sa vedette féminine (qui rappelle à maintes reprises Sophia Loren au début de sa carrière), ce qui nous vaut des scènes d’une très grande sensualité, comme celle qui ouvre le film. Magda El Khatib fut l’une des plus douées et des plus belles actrices égyptiennes, aussi à l’aise dans le drame que dans la comédie. Ce Tawhida en est une illustration éclatante. 

Appréciation : 4/5
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

jeudi 22 mai 2014

Une demi-heure de mariage (Noss Saha Jawaz, 1969)

نص ساعة جواز
إخراج: فطين عبدالوهاب






Fateen Abdel Wahab a réalisé Une Demi-heure de Mariage en 1969.

Distribution : Rushdy Abaza (Docteur Hosny), Shadia (L'infirmière Fatima), Adel Imam (Sameh),Magda El-Khatib (Daliah), Hassan Mostafa (Saïd), Samir Sabri (Hamdi),Youssef Shabaan (dans son propre rôle), Nagla Fathy (dans son propre rôle), Abdel-Moneim Ibrahim (dans son propre rôle), Nahied Yousri (une patiente du docteur Hosny), Magie (l'amie italienne), Aleya Abdel Moneim (la soeur de Fatima)
Scénario et dialogues : Ahmed Ragab
adaptation d'une pièce de théâtre française, Fleur de Cactus, écrite par Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy
L’adaptation américaine de la pièce réalisée par Gene Sacks sort aussi sur les écrans en 1969. 
Musique : Fouad El Zahry

Shadia

Rushdy Abaza et Magie

Magda El Khatib

Magda El Khatib

Magda El Khatib et Rushdy Abaza

Magda El Khatib et Adel Imam

Hassan Mostafa
  
Abdel Moneim Ibrahim

Magda El-Khatib

Ce film est l'adaptation d'une pièce de théâtre française, Fleur de Cactus, écrite par Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy (création au Théâtre des Bouffes Parisiens en 1964 avec Sophie Desmarets, Jean Poiret et Jean Carmet). Cette même année 69, l'adaptation américaine sort aussi sur les écrans  : Cactus Flower  de Gene Sacks avec Ingrid Bergman.



Résumé

Le docteur Hosni est un dentiste célèbre pour sa vie amoureuse très agitée. Pour échapper au mariage, il prétend à toutes ses conquêtes qu’il est déjà marié et qu’il a des enfants. Fatma, son assistante, gère toutes ses affaires, aussi bien professionnelles que privées. Elle est secrètement amoureuse de son patron et les nombreuses aventures de celui-ci l’exaspèrent.
Un soir qu’il doit sortir avec Dalhia, sa maîtresse du moment, il reçoit à son cabinet la visite d’une amie italienne. Il décommande aussitôt son précédent engagement afin de passer la nuit avec elle. Pour faire avaler la pilule à Dalhia, il joint à son mot d’excuse, un gigantesque bouquet de fleurs. La jeune femme n’est pas dupe et ce désistement de dernière minute la rend folle de désespoir. Elle tente de se suicider par le gaz. Heureusement, elle est sauvée in extremis par un jeune voisin qui travaille comme doublure dans le cinéma. Le lendemain, le docteur Hosni à qui Dalhia avait envoyé un télégramme pour le prévenir de son geste fait irruption chez elle. Il tente de la réconforter et lui propose le mariage. Elle refuse puisqu’il est déjà marié. Hosni prétend alors qu’ils sont en instance de divorce car sa femme est amoureuse de son cousin. Pour avoir la certitude qu’il dit vrai, Dalhia veut rencontrer son épouse. Le docteur Hosni a une idée lumineuse : il demande à Fatma son assistante de se faire passer pour sa future ex-femme…


Critique

Une comédie légère et pétillante signée Fateen Abdel Wahab, le réalisateur attitré d’Ismaïl Yassin dans les années cinquante. Pour ce film, il a invité un grand nombre de vedettes de l’époque. Ce casting prestigieux est au service d’un produit conçu selon les standards du cinéma commercial des années soixante. Fateen Abdel Wahab est un cinéaste de grand talent et il en fait la démonstration dans cette comédie : un rythme trépidant, des situations rocambolesques et des personnages qui allient fantaisie et glamour. A maintes reprises, on pense au Billy Wilder de « La Garçonnière » ou de « Embrasse-moi, Idiot ». Peut-être pourrait-on trouver à certains gags, à certaines répliques ou au jeu de certains acteurs un caractère « too much » mais l’énergie qui se dégage de l’ensemble emporte tout.

Tout le film repose sur la rivalité entre deux personnages féminins et il est tentant de comparer le jeu des deux actrices qui les incarnent. On se dit que chacune des deux a eu à cœur de montrer à sa consœur qu’elle était bien la meilleure. Alors qu’en est-il ? Malgré ses efforts méritoires, Shadia peine à convaincre dans le registre comique. Son jeu à la fois limité et outré finit par lasser. Mais reconnaissons qu’elle est parfois placée dans des situations qui ne lui facilitent pas la tâche. Je pense notamment à cette scène où elle chante et danse devant un grand miroir tout en remontant sa robe pour laisser apparaître ses cuisses grassouillettes. Je ne sais qu’elles étaient les intentions du réalisateur mais ici ce n’est pas le personnage qui est comique mais l’actrice qui est ridicule. En revanche, Magda El-Khatib est parfaite. Malgré sa beauté de déesse antique, elle a su se prêter à toutes les exigences de la comédie avec le plus grand naturel. Elle s’en tient à un jeu sobre et nuancé beaucoup plus efficace que les gesticulations et les grimaces de sa collègue. Et puis, la caméra de Fateen Abdel Wahab exalte sa grâce et sa sensualité à chaque plan, à chaque scène. Le résultat est donc sans appel : dans ce film, Magda Et Khatib l’emporte sur Shadia qui en est réduite au rôle peu enviable de faire-valoir malgré son omniprésence dans cette Demi-heure de Mariage.

Appréciation : 3/5
***
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

vendredi 13 septembre 2013

Dérive sur le Nil (Thartharah fawq al-Nil - 1971)

ثرثرة فوق النيل
إخراج : حسين كمال




Dérive sur le Nil a été réalisé par Hussein Kamal en 1971.
Distribution : Adel Adham (Ali Al Saïd), Mervat Amine (Sana), Magda El-Khatib (Samara), Imad Hamdi (Anis Zaki), Ahmed Ramzy (Ragab Al Qadi), Soheir Ramzy (Layla Zidane), Ahmed Tawfiq (Mustafa Rashid), Naemet Mokhtar (Sania Kamal), Salah Nazmy (Khaled Azouz), Ahmed El Gezeiry (le domestique), Aïda El Shahir (chanteuse), Mahmoud Kamal (Abou Sarih) 
Adaptation d’un roman de Naguib Mahfouz publié en 1966 (traduction française en 1989)
Scénario : Mamdouh El Leithy
Musique : Ali Ismaïl
Production : Gamal El Leithy


Imad Hamdi et Ahmed Ramzy

                     
Adel Adham et Naemet Mokhtar
                                                                                             

Mervat Amine
                              

Imad Hamdi et Magda El Khatib
                                                                                           

Soheir Ramzy et Salaah Nazmy
                


Résumé

Nous sommes en 1967, pendant la guerre des Six Jours.
Anis Zaki est un vieux fonctionnaire qui travaille au Ministère de la Santé. Il  ne supporte plus la société dans laquelle il vit. L’autoritarisme des uns, l’hypocrisie des autres, tout lui fait horreur. Il arpente les rues du Caire en ruminant à voix haute. Beaucoup le prennent pour un fou. C’est un vieux misanthrope solitaire et malheureux qui ne trouve l’apaisement que dans la consommation régulière de hachich.
Un jour par hasard, il rencontre Ragab El-Qadi, un ancien voisin qui est devenu acteur de cinéma. Celui-ci l’invite dans son « Royaume » : c’est une péniche où avec des amis, ils se retrouvent le soir pour fumer le narguilé. Anis fait connaissance avec toute la petite bande : il y a Ali As-Sayid, un critique influent,  Khalid Azouz, un écrivain célèbre et Mustafa Rachid, un avocat d’affaires. Enfin, il y a Abdu, l’homme à tout faire. Le soir, il garde l’entrée de la péniche pour empêcher toute visite importune mais sa fonction principale est de se procurer la drogue que fumeront toute la nuit Ragab et ses hôtes. Anis est accueilli chaleureusement par tous les membres de la confrérie.
La générosité de Ragab est sans borne pour ses amis. Il va jusqu’à leur offrir ses anciennes maîtresses qui participent régulièrement à leurs petites fêtes. La première est Sania, une femme qui veut se venger d’un mari volage. Elle devient la maîtresse d’Ali. La seconde, Layla Zydane, est une traductrice  qui travaille pour une compagnie pétrolière. Elle passe sans difficulté des bras de Ragab à ceux de Khalid. Après chaque rapport, elle demande à son nouvel amant des sommes de plus en plus importantes.
Alors qu’il tourne un film stupide, Ragab fait la connaissance de Sana, une très jeune femme qui veut devenir actrice. Elle a souhaité le rencontrer pour qu’il lui donne des conseils. Il l’invite à son domicile. Ils s’embrassent. Désormais Sana l’accompagnera lors des soirées du « Royaume ».
De tout cela, Anis est le témoin silencieux. Il semble avoir élu domicile sur la péniche. Il est toujours le premier arrivé et le dernier parti. La nuit, il délaisse rarement le narguilé. Il le passe aux uns et aux autres mais le récupère bien vite pour fumer encore et encore.
Un jour, la petite bande décide de faire une virée dans la campagne avec la grosse décapotable de Ragab. Au retour, ce dernier renverse une jeune paysanne. Il ne s’arrête pas et fonce vers Le Caire. Sans un mot, les huit amis se retrouvent dans le salon de la péniche. Mais le malaise est de courte durée : le hachich fait rapidement oublier l’ « incident ». Le lendemain, toute la presse évoque le dramatique accident qui a coûté la vie à une jeune paysanne de dix-huit ans. Cela n'inquiète absolument pas nos fêtards. Ils sont convaincus qu'étant donné la situation politique et économique du pays, le gouvernement a d'autres chats à fouetter que de retrouver l'automobiliste meurtrier "malgré lui". Effectivement, l'affaire est très vite oubliée.
Peu de temps après, à la rédaction de son journal, Ali tente de dissuader Samara, l'une de ses collègues, de publier un article très violent contre Ragab qu'elle accuse de corrompre le cinéma égyptien. Il se fait l'avocat de son ami et pour amadouer la jeune femme, il l'invite à assister à l'une de leurs soirées. Ainsi elle apprendra à connaître celui  qu'elle s'apprête à exécuter. Elle accepte l'invitation. Ragab tombe tout de suite sous le charme de la belle journaliste et entreprend de la séduire. Samara est intriguée par cette petite communauté et notamment par son membre le plus énigmatique, Anis.Sana voit d'un très mauvais oeil l'intérêt que porte Ragab à la nouvelle venue.  Un soir, ne supportant plus de l'entendre donner des leçons aux uns et aux autres, Sana apostrophe violemment sa rivale et dans un geste brusque lui arrache son sac des mains. Ragab, le récupère et, furieux,  chasse sa jeune maîtresse de la péniche. Personne ne s'est aperçu qu'un petit carnet est tombé du sac. Personne sauf Anis. Il le récupère. Samara y a consigné toutes les pensées que lui inspirent ses soirées passées au "Royaume". Pour tous les membres de la communauté, elle est d'une sévérité impitoyable. Malgré cela, quand la journaliste propose à Anis de se joindre à elle pour visiter la ligne de front, il accepte. Pendant tout une journée, ils errent dans un paysage de désolation, parmi les ruines et les gravas. Il ne reste plus rien de ce qui fut naguère des quartiers modernes et populaires aux buildings flambant neufs. Anis est bouleversé. Au retour, il avoue à Samara la vérité concernant la mort de le jeune paysanne.Ils retournent à la péniche. Samara veut convaincre Ragab et ses hôtes de se dénoncer. En vain. Mortifiés, Anis et la journaliste sortent tandis qu'à bord, la fête reprend.  



Critique
 

Ce film se présente un peu comme une « Dolce Vita » à la mode égyptienne. Des représentants de l’élite sociale et intellectuelle noient leurs désillusions dans les plaisirs licites ou illicites. Le sexe et le hachich leur font oublier  le sentiment douloureux d’avoir été dépossédés de leur vie. Désormais plus rien ne compte sinon leurs soirées sur la péniche de leur ami fortuné, l’acteur Ragab. Pourtant, la guerre fait rage et l’Egypte s’apprête à subir l’une des défaites les plus cuisantes de son histoire (Nasser devra abandonner au profit d'Israël la bande de Gaza et la péninsule du Sinaï).  Mais tout cela ne les concerne plus. Leur égoïsme devient monstrueux dans la séquence relatant la mort de la jeune paysanne qu’ils ont renversée lors d’une virée à la campagne. Aucun d’entre eux n’exprimera la moindre compassion, la moindre culpabilité. Et grâce au hachich, la bonne humeur reviendra très vite !

Dans Dérive sur le Nil, il est souvent question de cinéma. Il y a notamment dans la seule séquence en couleur du film, une parodie très réussie des comédies commerciales qui exploitent toujours les mêmes procédés et qui rivalisent de laideur et de vulgarité.

Un film exceptionnel sur une certaine décadence de la société égyptienne à la fin des années soixante.  Une interprétation magistrale et des scènes d'anthologie. Bref, à voir absolument. 

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 Appréciation : 5/5
*****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin