vendredi 13 septembre 2013

Dérive sur le Nil (Thartharah fawq al-Nil - 1971)

ثرثرة فوق النيل
إخراج : حسين كمال




Dérive sur le Nil a été réalisé par Hussein Kamal en 1971.
Distribution : Adel Adham (Ali Al Saïd), Mervat Amine (Sana), Magda El-Khatib (Samara), Imad Hamdi (Anis Zaki), Ahmed Ramzy (Ragab Al Qadi), Soheir Ramzy (Layla Zidane), Ahmed Tawfiq (Mustafa Rashid), Naemet Mokhtar (Sania Kamal), Salah Nazmy (Khaled Azouz), Ahmed El Gezeiry (le domestique), Aïda El Shahir (chanteuse), Mahmoud Kamal (Abou Sarih) 
Adaptation d’un roman de Naguib Mahfouz publié en 1966 (traduction française en 1989)
Scénario : Mamdouh El Leithy
Musique : Ali Ismaïl
Production : Gamal El Leithy


Imad Hamdi et Ahmed Ramzy

                     
Adel Adham et Naemet Mokhtar
                                                                                             

Mervat Amine
                              

Imad Hamdi et Magda El Khatib
                                                                                           

Soheir Ramzy et Salaah Nazmy
                


Résumé

Nous sommes en 1967, pendant la guerre des Six Jours.
Anis Zaki est un vieux fonctionnaire qui travaille au Ministère de la Santé. Il  ne supporte plus la société dans laquelle il vit. L’autoritarisme des uns, l’hypocrisie des autres, tout lui fait horreur. Il arpente les rues du Caire en ruminant à voix haute. Beaucoup le prennent pour un fou. C’est un vieux misanthrope solitaire et malheureux qui ne trouve l’apaisement que dans la consommation régulière de hachich.
Un jour par hasard, il rencontre Ragab El-Qadi, un ancien voisin qui est devenu acteur de cinéma. Celui-ci l’invite dans son « Royaume » : c’est une péniche où avec des amis, ils se retrouvent le soir pour fumer le narguilé. Anis fait connaissance avec toute la petite bande : il y a Ali As-Sayid, un critique influent,  Khalid Azouz, un écrivain célèbre et Mustafa Rachid, un avocat d’affaires. Enfin, il y a Abdu, l’homme à tout faire. Le soir, il garde l’entrée de la péniche pour empêcher toute visite importune mais sa fonction principale est de se procurer la drogue que fumeront toute la nuit Ragab et ses hôtes. Anis est accueilli chaleureusement par tous les membres de la confrérie.
La générosité de Ragab est sans borne pour ses amis. Il va jusqu’à leur offrir ses anciennes maîtresses qui participent régulièrement à leurs petites fêtes. La première est Sania, une femme qui veut se venger d’un mari volage. Elle devient la maîtresse d’Ali. La seconde, Layla Zydane, est une traductrice  qui travaille pour une compagnie pétrolière. Elle passe sans difficulté des bras de Ragab à ceux de Khalid. Après chaque rapport, elle demande à son nouvel amant des sommes de plus en plus importantes.
Alors qu’il tourne un film stupide, Ragab fait la connaissance de Sana, une très jeune femme qui veut devenir actrice. Elle a souhaité le rencontrer pour qu’il lui donne des conseils. Il l’invite à son domicile. Ils s’embrassent. Désormais Sana l’accompagnera lors des soirées du « Royaume ».
De tout cela, Anis est le témoin silencieux. Il semble avoir élu domicile sur la péniche. Il est toujours le premier arrivé et le dernier parti. La nuit, il délaisse rarement le narguilé. Il le passe aux uns et aux autres mais le récupère bien vite pour fumer encore et encore.
Un jour, la petite bande décide de faire une virée dans la campagne avec la grosse décapotable de Ragab. Au retour, ce dernier renverse une jeune paysanne. Il ne s’arrête pas et fonce vers Le Caire. Sans un mot, les huit amis se retrouvent dans le salon de la péniche. Mais le malaise est de courte durée : le hachich fait rapidement oublier l’ « incident ». Le lendemain, toute la presse évoque le dramatique accident qui a coûté la vie à une jeune paysanne de dix-huit ans. Cela n'inquiète absolument pas nos fêtards. Ils sont convaincus qu'étant donné la situation politique et économique du pays, le gouvernement a d'autres chats à fouetter que de retrouver l'automobiliste meurtrier "malgré lui". Effectivement, l'affaire est très vite oubliée.
Peu de temps après, à la rédaction de son journal, Ali tente de dissuader Samara, l'une de ses collègues, de publier un article très violent contre Ragab qu'elle accuse de corrompre le cinéma égyptien. Il se fait l'avocat de son ami et pour amadouer la jeune femme, il l'invite à assister à l'une de leurs soirées. Ainsi elle apprendra à connaître celui  qu'elle s'apprête à exécuter. Elle accepte l'invitation. Ragab tombe tout de suite sous le charme de la belle journaliste et entreprend de la séduire. Samara est intriguée par cette petite communauté et notamment par son membre le plus énigmatique, Anis.Sana voit d'un très mauvais oeil l'intérêt que porte Ragab à la nouvelle venue.  Un soir, ne supportant plus de l'entendre donner des leçons aux uns et aux autres, Sana apostrophe violemment sa rivale et dans un geste brusque lui arrache son sac des mains. Ragab, le récupère et, furieux,  chasse sa jeune maîtresse de la péniche. Personne ne s'est aperçu qu'un petit carnet est tombé du sac. Personne sauf Anis. Il le récupère. Samara y a consigné toutes les pensées que lui inspirent ses soirées passées au "Royaume". Pour tous les membres de la communauté, elle est d'une sévérité impitoyable. Malgré cela, quand la journaliste propose à Anis de se joindre à elle pour visiter la ligne de front, il accepte. Pendant tout une journée, ils errent dans un paysage de désolation, parmi les ruines et les gravas. Il ne reste plus rien de ce qui fut naguère des quartiers modernes et populaires aux buildings flambant neufs. Anis est bouleversé. Au retour, il avoue à Samara la vérité concernant la mort de le jeune paysanne.Ils retournent à la péniche. Samara veut convaincre Ragab et ses hôtes de se dénoncer. En vain. Mortifiés, Anis et la journaliste sortent tandis qu'à bord, la fête reprend.  



Critique
 

Ce film se présente un peu comme une « Dolce Vita » à la mode égyptienne. Des représentants de l’élite sociale et intellectuelle noient leurs désillusions dans les plaisirs licites ou illicites. Le sexe et le hachich leur font oublier  le sentiment douloureux d’avoir été dépossédés de leur vie. Désormais plus rien ne compte sinon leurs soirées sur la péniche de leur ami fortuné, l’acteur Ragab. Pourtant, la guerre fait rage et l’Egypte s’apprête à subir l’une des défaites les plus cuisantes de son histoire (Nasser devra abandonner au profit d'Israël la bande de Gaza et la péninsule du Sinaï).  Mais tout cela ne les concerne plus. Leur égoïsme devient monstrueux dans la séquence relatant la mort de la jeune paysanne qu’ils ont renversée lors d’une virée à la campagne. Aucun d’entre eux n’exprimera la moindre compassion, la moindre culpabilité. Et grâce au hachich, la bonne humeur reviendra très vite !

Dans Dérive sur le Nil, il est souvent question de cinéma. Il y a notamment dans la seule séquence en couleur du film, une parodie très réussie des comédies commerciales qui exploitent toujours les mêmes procédés et qui rivalisent de laideur et de vulgarité.

Un film exceptionnel sur une certaine décadence de la société égyptienne à la fin des années soixante.  Une interprétation magistrale et des scènes d'anthologie. Bref, à voir absolument. 

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 Appréciation : 5/5
*****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

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