dimanche 26 avril 2015

Femmes Interdites (Nessa muharramat, 1959)

 نساء محرمات
إخراج: محمود ذو الفقار

 
Femmes Interdites a été réalisé par Mahmoud Zulficar en 1959.
Distribution : Salah Zulficar, Hussein Riad, Amal Farid, Wedad Hamdy, Amina Rizk, Hoda Soltan, Hussein Asar, Fifi Sayed, Hussein Ismaïl
Scénario : Amin Youssef Ghorab et Mahmoud Zulficar
Production : Abbas Helmy

Amal Farid

Salah Zulficar et Hoda Soltan

Hoda Soltan

Salah Zulficar

Hoda Soltan et Wedad Hamdy

Hussein Riad

Amina Rizk et Hussein Riad

Hoda Soltan et Wedad Hamdy


Résumé

Tawfiq (Hussein Riad) est un riche commerçant d’âge mûr qui a réussi en affaires. Une seule chose le chagrine : lui et sa femme Hafida (Amina Rizk) n’ont jamais pu avoir d’enfant. Malgré l’amour qu’il porte à son épouse, il décide de prendre une seconde femme. Une entremetteuse à la langue bien pendue (Wedad Hamdy) lui présente Mahasen (Hoda Soltan), une « artiste » de cabaret qui le séduit immédiatement. L’affaire est conclue : sa seconde épouse emménage chez lui. La première doit s’effacer et s’installe dans un autre appartement de l’immeuble. Mahasen est rejointe par sa fille Leïla (Amal Farid), une jolie étudiante dont l’attitude simple et réservée tranche avec le comportement exubérant de sa mère. Pour s’assurer que son mariage ne restera pas cette fois-ci stérile, Tawfiq doit se soumettre à des rituels prescrits par l’entremetteuse. Mais cela reste totalement inefficace. Malgré sa nouvelle situation, Tawfiq continue à rendre visite à Hafida et à faire l’amour avec elle. Un jour, ils sont surpris par Leïla. S’ensuit une explication très violente entre les différents protagonistes. Pour complaire à sa nouvelle épouse, Tawfiq chasse la première. Entretemps, Mahasen a commencé à s’intéresser au jeune assistant de son mari, Ahmed (Salah Zulficar), qui habite lui aussi dans l’immeuble. Pour un oui pour un non, elle lui téléphone. Ils deviennent amants. Régulièrement, elle le retrouve dans son petit appartement. C’est ainsi que Mahasen tombe enfin enceinte. Mais la situation va prendre un tour dramatique : Ahmed a fait la connaissance de la fille de sa maîtresse et ils sont tombés amoureux l’un de l’autre. Désormais, il évite la mère qui s’en irrite. Elle finit par découvrir la vérité. La situation des deux jeunes gens devient officielle : on parle de mariage. Une nuit, Mahasen se rend une dernière fois chez son ex amant pour le supplier de ne pas épouser sa fille. Il ne veut rien entendre. Ce qu’ils ne savent pas c’est que Tawfiq a suivi sa femme et que du palier il écoute leur conversation. Il comprend qu’il a été trompé et qu’il n’est pas le père de l’enfant que porte son épouse : il s’effondre, victime d’un malaise. Dans l’appartement, la conversation s’envenime. Folle de rage, Mahasen s’empare d’un coupe papier et le plonge dans le dos d’Ahmed . Avant de mourir, ce dernier a le temps d’étrangler sa meurtrière.
Tawfiq s’en sortira. Il retrouvera sa première épouse et traitera Leïla comme sa propre fille.


Critique

Les trois frères Zulficar ont marqué le cinéma égyptien de leurs multiples talents. Ezzel Dine (1919-1963) fut réalisateur et scénariste, Mahmoud (1914-1970), réalisateur et acteur, Salah (1926-1993), producteur et acteur.
Dans Femmes Interdites, Mahmoud dirige son jeune frère Salah. Ce dernier joue le rôle du jeune employé qui devient l’amant de la femme de son patron et qui finit par tomber amoureux de la fille de celle-ci.
Un drame psychologique qui donne la part belle aux femmes. Elles sont quatre : il y a Hafida, la première épouse de Tawfik, femme délaissée mais fidèle ; il y a Laïla, la jeune étudiante qui devient sans le savoir la rivale de sa mère ; il y a encore l’entremetteuse dont les manœuvres seront à l’origine du drame. Et puis, il y a enfin Mahasen, la sulfureuse danseuse de cabaret qui veut se ranger en épousant un bourgeois mais qui ne veut pas pour autant abandonner sa liberté. Mahasen est au centre de l’intrigue et tous les autres personnages gravitent autour d’elle. Son égocentrisme et son absence de scrupules feront le malheur de tous ses proches. 
Le film commence comme une comédie sur l’adultère avec un mari trop vieux, une femme trop séduisante, et un jeune amant trop vigoureux. Tout le monde vit dans le même immeuble : les corps et les esprits s’échauffent rapidement mais rien de grave. Et puis la faconde de l’entremetteuse donne une touche « méridionale » à la situation. Il est vrai qu’on n’est pas loin de Pagnol et de ses cocus plein d’humanité. 
Tout bascule avec l’arrivée de la fille de Mahasen. On abandonne Pagnol pour Zola. Le dénouement semble calquer sur celui de Thérèse Raquin : les deux amants meurent sous les yeux du mari paralysé.
Un excellent film servi par des actrices remarquables. Une mention spéciale pour Hoda Soltan et Wedad Hamdy qui forment un duo diabolique tout à fait réjouissant !

Appréciation : 4/5
****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

dimanche 19 avril 2015

That Alexandria, 2015



تلك الإسكندرية

الجزيرة الوثائقية

 
That Alexandria de Sherif Fathy Salem
Al Jazeera  Documentary a mis en ligne sur Youtube un documentaire de Sherif Fathy Salem intitulé That Alexandria, un documentaire sorti en Egypte au début de l’année.
C’est un très beau film sur le passé prestigieux de la cité fondée par Alexandre le Grand. Jusqu’au milieu des années soixante-dix,  toutes les communautés, toutes les religions cohabitaient à Alexandrie dans  un esprit de tolérance. Le cosmopolitisme était la règle et les « étrangers » contribuaient à la grandeur de la ville. C’est ce dont témoignent toutes les personnalités interrogées par Sherif Fathy Salem. Italiens, Grecs, Arméniens, Egyptiens, Musulmans, Juifs, Chrétiens, tous étaient Alexandrins et fiers de l’être.
A noter que pour la partie historique, le réalisateur a obtenu la participation du plus grand spécialiste de l’histoire antique de la ville, le professeur Mostafa El Abbadi.  

Au début du XXème siècle,  Alexandrie fut aussi le berceau du cinéma égyptien. Dans la dernière partie du film, Bazile Behna  évoque l’histoire de la société créée par son père et ses oncles.


Bazile Behna

 La famille Behna est originaire d’Alep. Quand elle s’installe à Alexandrie elle fait fortune dans le commerce du tabac. Les deux frères Michaël et Georges décident d’investir  dans le cinéma. Ils commencent par importer les films de Charlie Chaplin et de Laurel et Hardy. Ils produisent leur premier long-métrage en 1932. Ils s’intéressent aussi aux dessins animés et financent les studios des frères Frenkel qui créent le premier héros égyptien animé : Mish-Mish Effendi. Mais très vite ils vont se tourner vers la distribution.  En 1961 la société Behna Frères  constitue le plus grand distributeur de films pour l’ensemble des pays arabes. C’est cette même année que Nasser décide de nationaliser l’entreprise. 

La famille Behna

Mish-Mish Effendi
Bazile Behna évoque aussi la mémoire de Togo Mizrahi, l’un des représentants les plus illustres de cette génération de cinéastes qui dans les années trente viennent  des quatre coins du monde pour travailler à Alexandrie.

Togo Mizrahi et son équipe

 Il est vraiment dommage qu’aucune sortie ne soit  prévue en Europe pour ce film exceptionnel. Pour l’instant donc, pas de version sous-titrée disponible.

On peut suivre la carrière du film sur la page Facebook de ses producteurs :

 https://www.facebook.com/Italians.of.Egypt.thatAlexandria.docs

That Alexandria est visible sur la page Youtube d’Al Jazeera Documentary à l’adresse suivante :

 https://youtu.be/XLrftkNnPIU

A l'exception de la première, les photos de cet article sont tirées du film de Sherif Fathy Salem.

mercredi 15 avril 2015

La Dame du Train (Sayedat al Qitar, 1952)


سيدة القطار
إخراج: يوسف شاهين


Youssef Chahine a réalisé la Dame du Train en 1952.
Distribution : Yehia Chahine (Farid), Layla Mourad (Fakria Fawzi/Nadia), Saïd Abou Bakr (l’assistant de Farid), Zinab Mohamed (la servante), Imad Hamdi, Ferdoos Mohamed (Khalia), Mimi Assaf (Nadia enfant, la fille de Farid et de Fakria), (Abdul Aziz Ahmed (le mari de Khalia), Seraj Mounir (Ahmed Al-Shamashji, le directeur de l’usine), Emad Hamdi (Essam, le fils d’Ahmed) 
Scénario : Nairouz Abdel Malak et Youssef Chahine 
Musique : Ibrahim Hajaj, Hussein Guenid, Mahmoud El Sherif 
L’un des derniers films de Layla Mourad qui arrêtera sa carrière en 1955.


Saïd Abou Bakr et Yehia Chahine

Layla Mourad et Yehia Chahine

Layla Mourad

Imad Hamdi

Ferdoos Mohamed

Zinab Mohamed

Mimi Assaf


Résumé

Zakia est une célèbre chanteuse. Elle est mariée à Farid qui passe toutes ses nuits dans les casinos où il dépense des sommes considérables. Quand elle rentre de ses concerts, Zakia retrouve sa petite fille et sa fidèle gouvernante dont l’affection la console de ses déboires conjugaux.
Un soir elle prend un train qui en pleine nuit déraille. La catastrophe et le décès de Zakia font les gros titres de la presse. Son mari s’empresse de récupérer l’argent de l’assurance afin de rembourser des dettes de jeu. En fait, la chanteuse n’ est pas morte. Elle a été recueillie par un vieux couple de paysans qui veille sur elle jusqu’à son rétablissement. Une fois sur pied, elle téléphone à son mari pour lui annoncer son retour. Celui-ci est atterré. Il exige de son épouse qu’elle se cache dans une maison isolée pour lui laisser le temps de régler ses problèmes d’argent. Mais très vite, Zakia ne supporte plus cette situation. Elle veut pouvoir vivre avec sa fille. Farid décide de la supprimer. Il retourne dans la maison où est cloîtrée sa femme. Entre les époux une dispute éclate. Dans la bagarre, une lampe à pétrole tombe et met le feu aux rideaux. Farid s’enfuit tandis que la maison est dévorée par les flammes. Zakia parvient à rejoindre Le Caire. Quand elle se présente à son domicile, elle est accueillie par la vieille gouvernante. Son mari et sa fille ont disparu, nul ne sait où ils sont partis. Les années passent. La guerre éclate. Quand la paix revient, Zakia est devenue une vieille femme, désespérée et solitaire, qui recherche toujours sa fille. Celle-ci est maintenant une demoiselle radieuse qui vit avec son père et fréquente la bonne société. La mère et la fille finiront par se retrouver tandis que le père connaîtra un destin tragique à cause de sa passion pour le jeu.


Critique

Quand Chahine tourne La Dame du Train il a vingt-six ans et c’est déjà son quatrième film. Il poursuit son exploration des genres qui font à l’époque le succès du cinéma égyptien. Ici il s’attaque au mélodrame. Tout est mis en œuvre pour émouvoir le public populaire : une mère exemplaire qui se voit retirer son enfant, un père égoïste qui dilapide aux cartes l’argent du foyer, une nourrice nubienne dévouée et compatissante, un couple de paysans pauvres qui a le cœur sur la main et puis ces malheurs qui s'abattent sur l'héroïne : accident, incendie, guerre etc.
Au-delà de ces stéréotypes, ce qui fait l’intérêt du film, c’est peut-être l’atmosphère qu’a su créer le cinéaste, une atmosphère sombre et étouffante. La plupart des scènes se déroulent de nuit. Les personnages apparaissent et disparaissent comme des ombres condamnées à la solitude et au malheur.
L’interprétation est remarquable. On pourrait tout de même reprocher à Chahine ce choix un peu étrange de faire jouer la fille devenue grande par Layla Mourad elle-même. A l’époque, l’actrice a trente-cinq ans et arbore un physique plantureux de femme mûre. Malgré tout son talent, il est bien difficile de la trouver crédible en jeune fille d’une vingtaine d’années.


Appréciation : 3/5
***
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

lundi 6 avril 2015

Il y a longtemps, O Amour (Zaman Ya Hob, 1973)

زمان يا حب
إخراج : عاطف سالم



Atef Salem a réalisé Il y a longtemps, O Amour en 1973.
Distribution : Farid Al Atrache, Zubaida Tharwat, Youssef Wahby, Laïla Taher, Shahinaz Taha, Madiha Kamel
Scénario : Youssef Gohar
Musique : Fouad Al Zahiry, Farid Al Atrache, Beshara El Khoury, Morsi Gamil Aziz

Shahinaz Taha, Madiha Kamel, Zubaida Tharwat

Madiha Kamel, Zubaida Tharwat, Shahinaz Taha

Laïla Taher

Laïla Taher et Farid Al Atrache

Youssef Wahby et Farid Al Atrache

Laïla Taher et Farid Al Atrache

Shahinaz Taha, Zubaida Tharwat, Madiha Kamel

Zubaida Tharwat

Abir est une jeune danseuse. Pour des raisons professionnelles, elle doit se rendre à Beyrouth avec deux de ses amies. Elle avertit son oncle Khalil qu’elles résideront chez lui le temps de leur séjour. Celui-ci a toujours prétendu qu’il était millionnaire et qu’il possédait un château dans la campagne toute proche de la capitale libanaise. En fait le château appartient au célèbre chanteur Medhat et Khalil est le majordome du grand artiste. Ce dernier étant absent, l’oncle s’assure de la complicité des autres domestiques et reçoit les trois jeunes filles comme s’il était le maître des lieux. Abir et ses amies sont émerveillées par le luxe et l’immensité du domaine. Elles s’y sentent immédiatement chez elles et invitent des danseurs à les rejoindre pour de grandes fêtes autour de la piscine du parc.
Malheureusement, Medhat, le véritable propriétaire, est de retour. Il est accompagné de son amie Leila. Tous les deux sont intrigués par l’agitation qui règne au château. Khalil doit tout avouer. Pour ne pas l’humilier devant sa nièce et ses deux amies, Medhat accepte de participer à la petite comédie inventée par son majordome. Il sa fait passer pour un ami venu passer quelques jours de repos chez l’oncle millionnaire. Les trois filles sont folles de joie à l’idée de partager leur domaine avec l’illustre invité.
Au fil des jours, Abir et Medhat apparaissent de plus en plus complices. Ils ne se quittent plus et font de longues promenades dans la campagne environnante. Leila n’apprécie guère cette situation. Elle tente de raisonner le chanteur. Après bien des hésitations, celui-ci finit par renoncer à ce nouvel amour qui lui tendait les bras. Il comprend que la trop grande différence d’âge entre eux deux ne permet pas d’envisager sereinement un avenir commun. Ils resteront donc amis.

Est-ce vraiment un film ? Certes, nous avons Atef Salem à la réalisation et entourant Farid Al Atrache des acteurs et des actrices comme Youssef Wahby, Laïla Taher, Zubaida Tharwat et même, dans un petit rôle, Madiha Kamel. Pourtant, on a plutôt l’impression d’assister à une émission de variétés avec une vague intrigue reliant chansons et danses. Évidemment tout tourne autour de la star Farid Al Atrache. D’ailleurs, dans les douze premières minutes du film, il chante. On comprend qu’il ne s’agit pas ici de faire œuvre cinématographique mais d’enregistrer pour la postérité les dernières feux de l’une des icônes de la chanson arabe (Farid Al Atrache meurt l’année suivante.) Il y a longtemps O Amour n’est destiné qu’aux admirateurs du chanteur. Les autres trouveront le film insipide et jugeront sévèrement la prestation des trois jeunes filles censées apporter leur fraîcheur et leur dynamisme à cette (toute) petite comédie.
Un détail curieux. Au début du film, Abir s’introduit dans le bureau de Medhat. Des portraits sépia de grandes gloires de l’âge d’or du cinéma égyptien recouvrent les murs. Atef Salem veut-il nous rappeler que cette époque est définitivement close et que son film n’a pas la prétention d’égaler ceux du passé ? Ce serait un bel acte de repentir.

Appréciation : 2/5  (pour Farid Al Atrache)
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