lundi 31 juillet 2017

Festival international du film arabe d'Oran (Algérie)

مهرجان وهران الدولي للفيلم العربي 2017   



La dixième édition du festival international du film arabe d'Oran s'est tenue du 25 au 31 juillet 2017. Une trentaine de films étaient en compétition (des longs et courts métrages ainsi que des documentaires).
Quatre films égyptiens étaient présentés  : 

In the Last Days of the City (Akher ayam el madina) de Tamer El Said
avec Khalid Abdalla, Laila Samy, Hanan Youssef


En 2008, au Caire, Khalid se bat pour réaliser un film sur sa ville. Il voudrait en restituer la vitalité protéiforme sous la chape de plomb que le régime de Moubarak fait peser sur l’ensemble du pays depuis plus de trente ans. Les difficultés s’accumulent tandis que sur le plan personnel il doit affronter un drame : sa mère est en train de mourir à l’hôpital. Des amis lui envoient des images de Beyrouth, de Bagdad et de Berlin, ce qui l’encourage à poursuivre son travail.
 Un film qui a été de nombreuses fois primé mais qui n'a pas encore été projeté en Egypte. Le réalisateur paie ainsi ses déclarations très critiques à l'égard du président Al-Sissi.


Manwala de Magdi Ahmed Ali
avec Amr Saad dans le rôle principal



C'est l’adaptation d’un roman  du journaliste Ibrahim Issa. C’est l’histoire du Cheikh Hatem Shenawi, un prédicateur  islamiste devenu une star grâce à ses émissions de télévision. Sa crédibilité chute brusquement quand le public apprend ses liens très étroits avec le pouvoir. 


Nous sommes des Egyptiens arméniens (Ehna El-Masreyin El Arman) de Waheed Sobhi, Eva Dadrian et Hanan Ezzat 

 

Ce documentaire évoque l'histoire de la communauté arménienne en Egypte. 


Les Constructeurs (Al bananwa), un court-métrage de Naji Ismaël
avec Mahmoud Gomaa, Khaled Al Fishawy, Saleh Abo Zaid, Fadel Aljarhy



L'année dernière, le festival d'Oran avait récompensé trois films égyptiens, cette année, aucun. Le jury, présidé par le cinéaste tunisien Férid Boughedir (Halfaouine, l'enfant des terrasses et Un Eté à la Goulette), a décerné son "Whir d'or" à En Attendant les Hirondelles du jeune réalisateur algérien, Karim Moussaoui.

lundi 24 juillet 2017

A la télé : le film du jour (Rotana Classic du 24 juillet au 7 août)


روتانا كلاسيك

Ma sélection personnelle parmi les films diffusés par la chaîne Rotana Classic. Les horaires donnés sont ceux de l'après-midi ou de la soirée (heure de Paris). La plupart des films sont ensuite rediffusés le lendemain matin.

Lundi 7 août à 17h

Gawaher de Mohamed Abdel Gawwad (1949)
avec Hagar Hamdy, Mohamed Kamel Elmasry (Sharafantah), Mahmoud El Meleigy, Mary Moneib, Hassan Fayek, Ismaël Yassin 
 

 Comédie. Abdel Ghani est un homme fortuné mais excessivement avare. Il impose à sa fille Gawaher une existence très austère. Un jour, elle rentre d’une fête chez des amis totalement ivre. Son père est tellement choqué de la voir dans cet  état qu’il perd connaissance. Toute sa famille est persuadé qu’il est mort. On l’enterre mais il recouvre ses esprits dans la tombe. Il se redresse et voit face à lui deux voleurs déguisés  en anges. Ils font croire au « défunt » qu’il doit leur donner toute sa fortune s’il souhaite retrouver le monde des vivants.  


Dimanche 6 août à 23h

Avec les Souvenirs de Saad Arafa (Mahal zekrayat,1961)
avec  Ahmed Mazhar, Nadia Lutfi, Mariam Fakhr Eddine, Salah Mansour, Fattoh Nashaty


 Drame. Sharif est un acteur célèbre. Il file le parfait amour avec Ilham, une jeune actrice qui grâce à lui est devenue une vedette. Dans sa vie, il y a une autre jeune femme : Alam. Elle est orpheline et il l’a prise sous sa protection. Après ses études, elle est revenue vivre auprès de lui. Elle l’aime secrètement mais Sharif ne lui manifeste qu’une affection paternelle. Le bonheur de Sharif et d’Ilham serait complet si cette dernière n’était pas sans cesse importunée par Madbula, un technicien du studio dans lequel ils tournent un nouveau film. L’homme est bossu, boiteux et sans doute simple d’esprit. Une nuit, il s’introduit dans la chambre d’Ilham et tente de la violer. Heureusement, Sharif, alerté par les cris, fait irruption dans la pièce et chasse l’agresseur. 


Samedi 5 août à 23h

Le Divorce de Madame Souad d'Anwar Wagdi (Talak Souad Hanim, 1948)
avec Anwar Wagdi, Aqila Ratib, Bishara Wakim, Choukoukou, Farid Shawki, Abdel Fatah El Kosary

 
Comédie. Hassan est un playboy qui a divorcé pour la troisième fois. Mais il est pris de remords. Il souhaite récupérer Souad, sa femme, et l’épouser à nouveau. Pour cela, il faut qu’elle se marie avec un autre homme et qu’elle divorce. Hassan trouve un jeune homme pauvre qui accepte d’épouser son ex-femme et de s’en séparer après la nuit réglementaire. Malheureusement le jeune homme tombe amoureux de Souad…


Vendredi 4 août à 19h30

Lutte sur le Nil d'Atef Salem (Seraa fil Nil, 1959)
avec Hind Rostom, Rushdy Abaza, Omar Sharif, Ahmed El Haddad
appréciation : 5/5


Drame. Muhasab (Omar Sharif) est un jeune homme qui réside en Haute Egypte. Son père aveugle lui confie une mission : remonter le Nil jusqu’au Caire à bord de la vieille felouk du village « La Fiancée du Nil », la revendre et, avec la somme obtenue complétée par les  contributions  des villageois, acheter une barge à moteur. Pour cette mission, il sera accompagné par un vieil ami de son père Mujahed (Rushdy Abaza)  qui pilotera le bateau et veillera sur l’argent.
« La Fiancée du Nil » lève l’ancre sous les acclamations de tous les habitants de la localité. Muhasab, Mujahed et les quatre membres d’équipage ne s’aperçoivent pas qu’ils sont suivis : Abu Safaan, un mauvais garçon du village, et ses complices sont bien décidés à tout faire pour récupérer l’argent. Ils mettent en place un stratagème : ils chargent une danseuse de leur connaissance (Hind Rostom)  de s’introduire dans la felouk afin de séduire Muhasab et récupérer l’argent. 


Jeudi 3 août à 19h30

Les Jolies Belles-Mères d’Helmy Rafla ( Al Hamawat Al Fatenat, 1954)
avec Kamal el-Shennawi, Cariman, Ismal Yassin, Mimi Chakib, Abd El Salam El Nabulsi

 

Comédie. Samir est un jeune homme élégant d’une vingtaine d’années. Il épouse Nabila, la fille qu’il aime depuis des années. Quelques jours après leur mariage, la mère de Nabila décide de s’installer chez sa fille et son gendre. Jalouse, la mère de Samir s’installe à son tour chez eux. Les deux femmes se disputent continuellement et font vivre un véritable enfer au jeune couple…


Mercredi 2 août à 17h

Un scandale à Zamalek de Niazi Mostafa (Fadiha fil Zamalek, 1959)
avec Omar Sharif, Berlanty Abdel Hamid et Mariam Fakhr Eddine


Drame. C'est l'histoire de deux sœurs. L'une d'elles épouse un homme riche ce qui provoque la jalousie de l'autre qui est mariée à un homme d'origine modeste. De dépit, celle-ci prend un amant issu de la bonne société. Cette relation adultère ne reste pas secrète très longtemps : le scandale est considérable.


Mardi 1er août à 19h30

Apprenez-moi l’amour d’Atef Salem  (Alamuni el hub, 1957) 
avec Iman, Saad Abdel-Wahab, Ahmed Ramzy, Cariman, Abdelsalam El Nabolsi, Serag Mounir
 
 
Comédie musicale. Sami quitte Le Caire pour devenir professeur de Physique et de Musique dans une institution pour jeunes filles. Il est hébergé par son ami Ghourab. Très vite, il est attiré par l’une de ses étudiantes. Malheureusement, Mamdouh, un autre ami de Ghourab, est aussi tombé amoureux de cette jeune personne et il est beaucoup plus séduisant que Sami…



Lundi 31 juillet à 23h

Dahab d'Anwar Wagdi (1953)
avec  Anwar Wagdi, Fayrouz,  Ismaël Yassin, Serag Mounir


Mélodrame musical. Dahab est le fruit des amours adultères de son père avec une servante. Pour échapper au courroux de sa femme, celui-ci décide d’abandonner la petite fille. Elle est recueillie par un musicien au chômage qui l’élève et la forme au chant et à la danse…


Dimanche 30 juillet à 23h

Victoire de la jeunesse d'Ahmed Badrakhan (intisar al-shabab, 1941)
avec Asmahan, Farid Al Atrache, Anwar Wagdi, Bishara Wakim, Abdel Salam Al Nabulsi


Comédie musicale. Les débuts difficiles d’un compositeur et de sa sœur chanteuse qui après  bien des vicissitudes et des humiliations finiront par connaître  le succès. Premier film d’Asmahan (sœur de Farid Al Atrache)


Mercredi 26 juillet à 23h

Le Passé Inconnu d’Ahmed Salem (El Mady el maghool, 1946)
avec Layla Mourad, Ahmad Salem, Bishara Wakim, Amina Nour Eddin,, Ahmed Allam, Ferdoos Mohamed


Drame. Ahmed Alawi est un homme très riche. Un jour il décide de partir en voyage seul vers une destination qu’il veut garder secrète. Le train qu’il a pris déraille. Dans l’accident, Ahmed a perdu connaissance. Il recouvre ses esprits à l’hôpital mais il n’a plus aucun souvenir de sa vie passée. Il tombe amoureux de l’infirmière qui le soigne. Celle-ci fait publier une photo de lui dans le journal pour tenter de retrouver sa famille…


Mardi 25 juillet à 17h

Fatma d'Ahmed Badrakhan (1947)
avec Oum Kalthoum, Anwar Wagdi, Suleiman Naguib, Hassan Fayek, Zouzou Chakib


Drame. Fatma est infirmière chez un pacha. Elle tombe amoureuse de Fathi, le jeune frère de son employeur. Elle devient sa maîtresse mais très vite leur relation se dégrade. Fathi refuse de reconnaître l'enfant qu'elle attend de lui.


Lundi 24 juillet à 23h 

Samara de Hassan El-Seifi (Samara, 1956)
avec Taheya Carioca, Mohsen Sarhane, Mahmoud El-Meliguy
figure dans la liste des 100 films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien


Thriller. Soltan, un important trafiquant de drogue, épouse Samara et l’initie à ses affaires. Elle devient une pièce maîtresse du gang. Mais la police parvient à introduire dans le réseau un indicateur. Samara en tombe aussitôt amoureuse. La situation se complique encore quand le patron de Soltan s’éprend de la jeune femme…



Je ne reviendrai pas (Lan A'Oud, 1959)

لن أعود
إخراج : حسن رضا



Hassan Reda a réalisé Je ne Reviendrai pas en 1959.
Distribution : Samira Ahmed (Nahed), Kamal Al Shennawi (Fathi), Abbas Fares (Shakar), Abdel Moneim Ibrahim (Mohsen), Taheya Carioca (Alya), Rhaireya Rhairy (la tante Zeinab), Shafik Nour El Din (l’oncle Radwan), Fayza Ibrahim (la chanteuse), Fifi Salama (la danseuse), Layla Yousri, Nadia Nour, Soheir El Bably, Abdel Hamid Badawi
Scénario : Hassan Reda et Kamal El Hafnawi
Musique : Abdel Aziz Salam et Baligh Hamdy
Production : Ahmed Kamal Hafnawi

Samira Ahmed et Kamal Al Shennawi


Shafik Nour El Din et Kamal Al Shennawi

















Samira Ahmed

















Taheya Carioca

















Kamal Al Shennawi

















au centre, Abdel Moneim Ibrahim

















Taheya Carioca


















Résumé

Shakar est un industriel prospère. Il s’est pris d’affection pour un jeune ingénieur Fathi. Il lui a confié le poste de directeur général adjoint et l’a logé dans un appartement près du sien. Ce qu’il ne sait pas, c’est que le jeune ingénieur est aussi l’amant de sa femme, Alya. Fathi s’absente pendant trois mois afin d’ acheter des machines ultra-modernes pour la nouvelle usine en construction. Durant son absence, un ami de son patron meurt laissant derrière lui une jeune fille, Nahed. Shakar décide de lui venir en aide. Il l’emploie chez lui comme intendante. Fathi est revenu de l’étranger et a repris son existence de jeune ingénieur brillant et séduisant. Outre sa relation avec la femme de Shakar, il se rend régulièrement avec l’un de ses collègues dans un cabaret où il se divertit entouré de danseuses aux mœurs légères. 
La présence de Nahed ne laisse pas indifférent Fathi. Il entreprend de la séduire et un jour, croyant sa nouvelle proie prête à succomber, il tente de l’embrasser. Celle-ci se débat, le gifle violemment et s’enfuit. Fathi comprend qu’il est tombé amoureux de la jeune femme et qu’il a fait fausse route. Il tente par tous les moyens de se faire pardonner. Il invite régulièrement l’élue de son coeur à sortir avec lui et il parvient à la convaincre de la sincérité de ses sentiments. Malheureusement, un soir, de sa fenêtre, Nahed voit Alya se rendre en cachette chez Fathi. Celui-ci n’est jamais parvenu à rompre avec sa vieille maîtresse et il continue à la recevoir régulièrement dans son appartement. Nahed est bouleversée. Elle décide de quitter la maison de Shakar et de s’installer chez son oncle Radwan et sa tante Zainab. Radwan qui travaille à l’usine révèle à Fathi où s’est réfugiée la jeune femme. L’ingénieur prend deux décisions : il rompt avec sa maîtresse et demande en mariage Nahed. La jeune fille cette fois-ci croit en l’amour de son soupirant et accepte sa proposition. Quand Shakar apprend la nouvelle, il est aux anges et son épouse est obligée de cacher la fureur qui l’étreint. Après leur mariage, le jeune couple doit s’installer en Syrie car Fathi doit superviser le lancement d’une nouvelle usine. Le patron veut profiter de la création de la République Arabe Unie pour étendre son activité. 
Mais Alya n’a pas pour autant renoncer à récupérer son amant. Elle s’est toujours ingéniée pour conserver la confiance de Nahed . Elle lui a même appris à conduire. Un jour, alors qu’elles se trouvent toutes les deux dans un restaurant situé tout en haut d’une falaise à Mokattam, elle trouve un prétexte pour que l’épouse de son ex-amant prenne seule le volant. Elle a auparavant sectionné le tuyau du liquide de frein. Alors que Nahed s’apprête à démarrer, surgit Fathi qui se propose de faire lui-même la course dont l’a chargée Alya. La jeune femme accepte et retrouve son amie à l’intérieur de l’établissement. Désespérée, cette dernière se précipite à l’extérieur du restaurant et assiste à la sortie de route de la voiture qui plonge dans le vide. Elle-même se jette du haut de la falaise. Elle meurt. Fathi survivra à l’accident et pourra fonder une famille avec la femme qu’il aime. 


Critique 

Ce n’est pas la première fois que Taheya Carioca joue les vieilles maîtresses abusives et cela ne sera pas non plus la dernière. Evidemment, on pense d'abord à son rôle dans La Sangsue de Salah Abou Seif en 1956 mais il y en eut bien d'autres. Et il faut avouer que dans ce registre, elle est tout bonnement magistrale. Il aura fallu qu’elle arrête de danser pour que le public comprenne à quel point, c’était une remarquable actrice qui dans son jeu atteignait une vérité et une profondeur peu communes. Dans Je ne reviendrai pas, Taheya Carioca montre la grande tragédienne classique qu’elle aurait pu être (On aurait rêvé la voir dans le rôle de Phèdre !) notamment, dans les scènes où, seule, sans témoin, elle exhale sa souffrance et sa fureur.
Je parlais plus haut des grandes similitudes entre les deux personnages joués par l’actrice dans La Sangsue et dans ce film. Mais ici s’arrêtent les convergences entre les deux œuvres. En effet, Salah Abou Seif et Hassan Reda font évoluer leurs personnages dans des univers radicalement opposés. Très loin du réalisme cher au premier, le second nous offre un mélodrame hollywoodien. Nous sommes entre gens aisés, roulant en grosses voitures et résidant dans des villas modernes. En soirées, les femmes portent des robes élégantes et en leur compagnie, les hommes boivent et fument sans modération pour oublier leurs longues journées de travail. 
Mélodrame ne signifie pas roman-photo : Hassan Reda s’intéresse à la société de son temps et à son évolution. Il brosse ici le tableau d’une classe sociale, celle de ces bourgeois diplômés qui sont bien décidés à profiter du nassérisme, du panarabisme et de la création de la république arabe unie (union de l’Egypte et de la Syrie) pour développer leurs activités et s’enrichir. Fathi, le jeune héros du film, est un jeune égyptien ambitieux qui a tout pour réussir : c’est un ingénieur brillant et un redoutable séducteur. Il est le représentant de tous ces jeunes loups qui à l’aube des années soixante, dans le monde arabe et au-delà, nourrissent des rêves de puissance et de fortune, le représentant de tous ces petits Rastignac à qui la prospérité économique semble donner des ailes. Pourtant le réalisateur refuse de tomber dans la caricature. Il fait de son héros un portrait tout en nuance, loin des stéréotypes attendus. Au contraire, on assiste à sa rédemption et ce qui sauve Fathi du cynisme et de la vanité, c’est tout simplement l’amour. 
Dans ce film, Hassan Reda manifeste un grand sens de la progression dramatique. Chaque scène est une nouvelle étape vers la catastrophe, et ce n’est que dans les ultimes instants du dénouement que tout bascule. C'est aussi un fin psychologue : il montre comment l’adultère, jeu mondain entre adultes consentants, se transforme inexorablement en passion destructrice conduisant au meurtre et au suicide.
Enfin, il faut absolument évoquer la beauté sidérante de certains plans, de certaines séquences, que ce soit les scènes nocturnes de la première partie où l’on voit la vieille maîtresse, folle de désir, filant sans bruit à travers la maison ou le jardin pour retrouver son jeune amant, que ce soit dans la seconde partie, les scènes de plein jour, dans le paysage blanc et minéral de Mokattam, hommage à la Grèce antique, mère de la Tragédie.
Dans les dernières minutes du film, le réalisateur adopte une esthétique proche de celle des grands classiques d'Alfred Hitchcock : le héros est au volant d’un splendide cabriolet et il roule à vive allure dans la lumière éblouissante du jour. Il se sent heureux et léger, alors que sur la route qui serpente parmi les rochers, il devra affronter la mort.

Appréciation : 4/5 
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin


mercredi 5 juillet 2017

A la télé : le film du jour (Rotana Classic du 5 au 21 juillet)

روتانا كلاسيك

 Ma sélection personnelle parmi les films diffusés par la chaîne Rotana Classic. Les horaires donnés sont ceux de l'après-midi ou de la soirée (heure de Paris). La plupart des films sont ensuite rediffusés le lendemain matin.


Vendredi 21 juillet à 18h

Un homme sans cœur de Seif Eddine Shawkat (rajul bala kalb, 1960) 
avec Yehia Chahine , Hind Rostom, Ahmed Ramzy
 

Jalal découvre que sa femme le trompe. Il tue l’amant et se promet de ne plus jamais approcher son épouse. Avec elle, il part habiter dans une maison isolée à la campagne. Les années passent. Un jour, alors qu’il rentre chez lui, Jalal voit une jeune femme blessée, étendue sur le chemin. Il l’accueille dans sa maison afin de la faire soigner et il lui offre l’hospitalité autant de temps que son état l’exigera. La jeune femme se remet peu à peu et finit par tomber amoureuse du fils de Jalal. Les deux hommes deviennent rivaux. Ils ne savent pas encore qu’Aïda est en fait la sœur de l’amant tué par Jalal et qu’elle s’est installée chez eux pour se venger.


Jeudi 20 juillet à 19h30

L'épouse n°13 de Fateen Abdel Wahab (al-Zaawgah raqam talata'ch, 1962)
avec Rushdy Abaza , Shadia, Abdel Moneim Ibrahim, Shwikar, Hassan Fayek, Zeinat Olwi
appréciation : 3/5


Comédie. Mourad est un homme d’affaires qui dirige une usine de textile. C’est aussi un véritable Dom Juan. A Alexandrie, il rencontre Aïda, fille d’un ancien ministre. Il entreprend de la séduire mais celle-ci résiste à ses assauts répétés. Il décide alors de s’attirer les bonnes grâces du père : il l’aide à régler de petites dettes, l’invite au restaurant et lui demande la main de sa fille. Mourad a bien l’intention de divorcer aussitôt qu’il aura obtenu les faveurs de la belle. Aïda ne pouvant lutter contre la coalition formée par son père et son amoureux, finit par accepter le mariage. A peine mariée, elle a la visite de Karima, une ancienne épouse de Mourad qui lui apprend qu’elle est la treizième jeune femme à convoler avec celui-ci.


Mardi 18 juillet à 19h30

Ashour, Coeur de Lion d'Hussein Fawzi (Ashour Qalb Al Assad, 1961)
avec Abdel Salam Al Nabulsy, Zahrat El-Ola, Abdel Moneim Ibrahim, Taheya Carioca


Ashour est étudiant à l’institut du sport. C’est un garçon fluet qui ne peut rivaliser avec les athlètes qu’il côtoie chaque jour. Pourtant il rêve de remporter les tournois dans lesquels s’affrontent les étudiants de l’école. Ainsi il pourrait séduire la jolie fille dont il est tombé amoureux. Un jour, il fait la connaissance d’un savant qui lui dit avoir inventé un sérum qui décuple les forces. Ashour accepte de le tester. Et ça marche ! Il va devenir un champion !


Jeudi 13 juillet à 19h30

Sultan de Niazi Mostafa (1958)
avec Farid Shawki, Rushdy Abaza, Berlanti Abdel hamid, Nadia Lutfi , Tawfik El Deken, Samiha Tawfik


Un jeune homme pauvre réussit à faire carrière dans l’armée. Un jour, il doit s’absenter de la brigade sans en avoir l’autorisation car sa mère est gravement malade. Elle meurt dans ses bras. A son retour dans sa caserne, il est injustement accusé de vol, un délit qui signifie le renvoi de l’armée et la prison. Ne pouvant prouver son innocence, il déserte et se lance dans la carrière du crime…


Mercredi 12 juillet à 23h

Un Américain de Tanta d'Ahmed Kamal Morsi (Americani min Tanta, 1955)
avec Hussein Riad, Soliman Naguib, Chukry Sarhan, Cariman, Zouzou Madi, Ferdoos Mohamed


Ibrahim Effendi est un petit employé qui vit avec sa femme et sa fille dans une ville ouvrière. Un jour, il lit dans le journal qu’un millionnaire américain d’origine égyptienne souhaite visiter l’Egypte pour rencontrer les membres de sa famille. Ibrahim envoie à ce riche personnage une lettre dans laquelle il affirme qu’ils sont parents et qu’il l’invite à s’installer chez lui le temps de son séjour. L’Américain accepte l’invitation. Ibrahim loue un appartement confortable pour recevoir cet hôte de marque… 


Mardi 11 juillet à 19h30

Flirt de jeunes filles d'Anwar Wagdi (Ghazal Al-Banat, 1949)
avec Layla Mourad, Anwar Wagdi, Youssef Wahby, Naguib Al Rihani, Stephan Rosti 
figure dans la liste des quinze meilleurs films égyptiens de tous les temps  


Himam, un instituteur sans le sou, est engagé par un homme richissime pour donner des leçons particulières à sa fille. Il tombe amoureux de la demoiselle mais il lui cache ses sentiments.


Lundi 10 juillet à 23h

Je suis libre de Salah Abou Seif (Ana Hurra, 1959)
avec  Lobna Abdel Aziz, Zouzou Nabil, Hussein Riad, Hassan Youssef
scénario de Naguib Mahfouz d'après un roman d'Ihsan Abdul Quddus


Amina vit chez sa tante et son oncle. Ceux-ci mènent une existence austère régie selon une morale très stricte. Amina ne supporte pas cette vie et finit par se révolter. Un ingénieur la demande en mariage. Son oncle et sa tante sont ravis : c’est une occasion rêvée de se débarrasser de cette nièce bien insolente. Amina refuse l’union proposée et retourne chez ses parents…


Dimanche 9 juillet à 19h30

Vacances forcées de Nagdy Hafez (Agaza Belafya, 1966)
avec Fouad El-Mohandes, Mohamed Awad, Shweikar, Nawal Abou El Fotouh, Kawthar El Assal, Hassan Hamed


Salem et Soliman sont deux amis qui travaillent dans la même société. En jouant à un concours, ils gagnent deux semaines de vacances à Alexandrie. Pendant leur séjour ils font connaissance de deux journalistes, Amina et Dina. Mais un voleur qui séjourne dans leur hôtel va venir troubler la quiétude des quatre jeunes gens. 


Samedi 8 juillet à 23h

Dérive sur le Nil d'Hussein Kamal (Thartharah fawq al-Nil - 1971)
avec Adel Adham, Mervat Amine, Magda El-Khatib, Imad Hamdi, Ahmed Ramzy, Soheir Ramzy, Ahmed Tawfik, Naemet Mokhtar, Salaah Nazmy
appréciation : 5/5


Nous sommes en 1967, pendant la guerre des Six Jours.
Anis Zaki est un vieux fonctionnaire qui travaille au Ministère de la Santé. Il  ne supporte plus la société dans laquelle il vit. L’autoritarisme des uns, l’hypocrisie des autres, tout lui fait horreur. Il arpente les rues du Caire en ruminant à voix haute. Beaucoup le prennent pour un fou. C’est un vieux misanthrope solitaire et malheureux qui ne trouve l’apaisement que dans la consommation régulière de hachich.
Un jour par hasard, il rencontre Ragab El-Adi, un ancien voisin qui est devenu acteur de cinéma. Celui-ci l’invite dans son « Royaume » : c’est une péniche où avec des amis, ils se retrouvent le soir pour fumer le narguilé...


Vendredi 7 juillet à 19h30

La Fille des Aristocrates d'Anwar Wagdi (Bint Al Akkabir, 1953)
avec Layla Mourad, Anwar Wagdi, Ismail Yassin, Zaki Rostom, Soliman Naguib, Zinat Sedki


 Layla vit avec son grand-père dans un immense palais. Elle souffre de la solitude qui lui est imposée : les visites et les sorties sont rares.  Un jour son grand-père lui annonce qu’il doit s’absenter pour faire le pèlerinage. Il la confie à l’un de ses oncles. Quand celui-ci s’installe au palais après le départ du pacha, il constate que le téléphone fonctionne mal. Il prévient la compagnie des télécommunications qui lui envoie deux réparateurs. Entre Layla et  Nour, l’un des deux ouvriers, c’est le coup de foudre instantané. Le jeune homme cache d’autant moins ses sentiments qu’il pense avoir affaire à l’une des domestiques de la maison.


Jeudi 6 juillet à 23h

Amira mon Amour d'Hussein Mahmoud (Amira Houbi Ana, 1975)
avec Soad Hosny, Hussein Fahmy, Imad Hamdi, Karima Mokhtar, Samir Ghanem, Hassan Mostafa, Nabil Badr
Adaptation d'un roman de Naguib Mahfouz, Miroirs (1972)


Comédie musicale. Adel  Naguib  est cadre dirigeant dans une grande entreprise et il a épousé Nabila, la fille du PDG de la société.  Adel tombe amoureux d’une modeste employée, Amira.  Il révèle à la jeune femme ses sentiments et lui explique qu’il a épousé Nabila sans l’aimer, uniquement par ambition. A son tour, Amira  avoue qu’elle s’est éprise de lui.  Ils se marient en secret…


Mercredi 5 juillet à 19h30 

Voix du Passé d'Atef Salem (Saut min el madi,1956) avec Eman, Ahmed Ramzy, Abdel Wares Asar , Amina Risk, Nadia El Shennawy, Nelly Mazlom, Farouk Agrama, Ferdoos Mohamed, Elham Zaki
appréciation : 4/5

 

Hamdi est un jeune garçon dont la mère est morte récemment. Un soir, surpris par la pluie, il trouve refuge dans une maison inconnue. Il est accueilli par le fantôme de sa mère. Elle lui révèle trois événements dramatiques que l’avenir lui réserve : il survivra par miracle à un accident de train, sa sœur mourra avec son époux, un officier de l’armée, dans un accident de voiture, le jour de son mariage, lui-même trouvera la mort le jour de son vingt-cinquième anniversaire. Quand, de retour chez lui, il fait le récit de sa rencontre, tout le monde croit que c’est un délire provoqué par la fièvre. Pour aider Hamdi à recouvrer la santé, son père fait disparaître le portrait de la mère qui était accroché dans le salon. Les années passent.



Le Plaisir et la Souffrance (Al Motaa Wal Azaab, 1971)

المتعة والعذاب
إخراج : نيازى مصطفى
 

Niazi Mostafa a réalisé Le Plaisir et la Souffrance en 1971.
Distribution : Chams Al Baroudi, Sohier Ramzy, Nour El Sherif, Safaa Abo El-Saoud, Mohamed Hamdy, Mahmoud Rashad, Anwar Madkor, Kamal Al Zini, Ghasan Matar, Samir Sabri, Rawya Ashour, Nawal Hashim, Sayed Abdallah Hafez, Amin Antar, Helmy Halim, Gamil Ezz Eddin, Mokhtar El Sayed
Scénario : Niazi Mostafa et Faysal Nada

Soheir Ramzy

Nour Al-Sherif

Soheir Ramzy, Safaa Abou El Saoud,
Chams Al Baroudi, Rawya Ashour

Ghasan Matar

Chams Al Baroudi et Nour Al-Sherif

Chams Al Baroudi

Rawya Ashour

Ghasan Matar, Samir Sabri, Nour Al-Sherif

Safaa Abou El Saoud et Nour Al-Sherif

Soheir Ramzy et Safaa Abou El Saoud

Soheir Ramzy

Chams Al Baroudi

Safaa Abou El Saoud et Chams Al Baroudi

Chams Al Baroudi

Nour Al-Sherif et Chams Al Baroudi

Rawya Ashour, Chams Al Baroudi, Soheir Ramzy

Nour Al-Sherif


Résumé

Quatre jolies filles sont amies depuis le lycée. La première, Nana (Chams Al Baroudi) est une styliste de mode. L’atelier qu’elle dirige connaît un grand succès. Depuis son enfance, elle hait les hommes car, enfant, elle fut souvent le témoin de la cruauté de son père à l’égard de sa mère. Elle ne croit pas en l’amour et pense que les hommes n’ont qu’un désir : asservir les femmes.
La seconde s’appelle Salwa Saleh (Rawya Ashour). Elle travaille comme modèle pour Nana. Son père est un petit employé et son salaire sert à améliorer le quotidien de la famille. Elle hésite à épouser un garçon qui a les faveurs de ses parents. Nana lui conseille de refuser cette union. La styliste fait tout pour que Salwa éprouve les mêmes sentiments qu’elle à l’égard des hommes. Elle la menace même de la licencier si elle se marie. Salwa se soumet au désir de Nana mais elle souffre de cette solitude forcée.
La troisième est Fifi (Safa Abou Saoud). Elle veut devenir célèbre. Elle rêve d’être actrice. En attendant, elle vit dans l’illusion et prétend tourner dans plusieurs films en même temps.
La quatrième, Ilham Asim (Soheir Ramzy) a souffert petite de la préférence marquée par son père pour sa sœur cadette. Elle est devenue kleptomane et cette manie a plongé fréquemment le groupe d’amies dans des situations embarrassantes.
Dans une boîte, les quatre amies font la connaissance d’Adel (Nour Al-Sherif). Le jeune homme est employé dans une usine de cigarettes. Il a beaucoup d’ambition et rêve d’une réussite éclatante. On apprendra plus tard qu’il est entre les mains d’Atwa (Ghassan Matar) un criminel qui lui a prêté de l’argent et qu’il est incapable de rembourser.
Adel est tout de suite attiré par Nana malgré l’attitude réservée de celle-ci. Pour la revoir, il se rend même à son atelier. La jeune femme ne reste pas insensible à la persévérance de son soupirant. Et pour entrer davantage encore dans les bonnes grâces des quatre amies, Adel leur présente Sabri (Samir Sabri) un ami qu’il fait passer pour un grand cinéaste. Fifi est aussitôt conquise. Lors d’une conversation en tête à tête, Sabri prétend que pour l’engager, il doit la voir dans dix robes différentes. Fifi est très embêtée : elle n’a pas ces dix robes. Nana et Ilham refusent de l’aider.
Un jour les quatre filles se retrouvent chez un bijoutier car Nana souhaite faire un cadeau à Salwa pour la consoler d’avoir dû renoncer à son mariage. Evidemment, Ilham en a profité pour se livrer à son passe-temps favori : le vol. Cette fois-ci, Fifi a suivi son exemple, voyant dans ce petit délit un moyen commode d’acheter les robes dont elle a besoin. Malheureusement pour elles, Atwa, le créancier d’Adel, est présent. Il les prend en photo avec un polaroïd puis il leur demande 5000 livres contre son silence. Les quatre filles sont au désespoir. Suite à la seconde entrevue qui a lieu entre le maître-chanteur et ses quatre victimes accompagnées cette fois-ci d’Adel et de Sabri, il est décidé de cambrioler l’entreprise dans laquelle travaillent les deux garçons. Ce que ne savent pas Nana et ses amies, c’est que ceux-ci sont en fait des complices d’Atwa.
Adel voit dans ces événements la possibilité de se rapprocher de Nana qui est totalement désemparée. Ils passent une soirée ensemble puis ils font l’amour.
Le cambriolage est mis en œuvre. Les filles se travestissent en hommes et pénètrent dans l’usine. Elles s’emparent de tout l’argent destiné aux salaires du personnel puis s’enfuient après avoir ligoté et assommé Adel pour qu’il soit mis totalement hors de cause.
Dans leur fuite, elles retrouvent Atwa. Constatant le succès de leur mission il leur donne les photos compromettantes. Il leur demande de prendre sa voiture et de rapporter le butin à son domicile. Lui rentrera avec leur voiture après avoir changé les plaques d’immatriculation.
En fait, les quatre filles ont décidé de rendre l’argent à l’usine. Elles partent se cacher à Alexandrie. Elles s’installent à l’Hôtel du Parc. Nana apprend qu’Adel appartient au gang d’Atwa et qu’il l’a trompée. Elles est sous le choc . Quant à Salwa elle est furieuse d’apprendre que Nana avait un amant alors qu’elle lui avait interdit toute relation avec les hommes. De leur côté, Fifi et Salwa décident de mettre l’argent en lieu sûr, dans un chalet isolé près de la plage.
Pendant ce temps là la police a continué son enquête et a été informée de l’arrivée des filles à l’hôtel du Parc. Un inspecteur s’y rend aussitôt pour piéger la bande. Il se fait passer pour l’architecte qui a construit l’hôtel. Il entreprend de courtiser Salwa pour mieux surveiller les quatre femmes. Quand arrivent à l’hôtel Sabri et Atwa suivi d’Adel. Ce dernier, rongé par les remords, avoue tout à Nana qui lui pardonne. Il accepte de rendre l’argent à son entreprise. Le dénouement rassemble tous les protagonistes de l’histoire dans le chalet où avait été caché le magot. Les trois hommes se battent pour le récupérer. Survient la police qui arrête tout le monde.


Critique

J’ai tenté de résumer le plus clairement possible cet incroyable imbroglio, ce fatras baroque. Il n’est pas difficile de saisir l’objectif de Niazi Mostafa et de son scénariste : en une heure quarante, inclure la matière d’une dizaine d’épisodes d’une série policière à l’américaine. Mais prenons garde à ne pas commettre un anachronisme qui serait bien injuste pour les auteurs de ce film : Le Plaisir et la Souffrance évoquera à bon nombre de spectateurs un univers qui leur est familier, celui des grandes séries américaines des années soixante-dix et au-delà mais en fait ce film qui date du tout début de la décennie n’a pu s’en inspirer, il faut plutôt le considérer comme un précurseur de cette esthétique rutilante qui fera les beaux jours de la télévision couleur à ses débuts.

Si le kitsch est l’art de la saturation, alors nous sommes devant un modèle du genre. Le réalisateur se permet tout sans se soucier de l’avis des gardiens du bon goût et de la morale. D’abord le générique du début qui nous annonce clairement la couleur : on nous offre une succession de photographies de gros bouquets de fleurs avec comme accompagnement musical, une reprise cheap de la Chanson de Lara composée par Maurice Jarre pour le Docteur Jivago de David Lean. Oui, le réalisateur va tout oser, le meilleur comme le pire. On a commencé par le pire ? Rassurez-vous : le meilleur est à venir.

Dans ce film, tout flamboie, les couleurs, les corps, les esprits. Commençons par le plus futile (qui n’est pas le plus insignifiant, bien au contraire !) en rendant hommage au créateur des costumes. Ce dernier nous offre une collection printemps/été 1970 d’une liberté, d’une extravagance que peu de grands couturiers ont atteint. Le costumier du film raffole de  la dentelle, du drapé et de la soie, nostalgie sans doute de l’élégance des grands de la cour du temps du roi Farouk. Il a le souci du détail : les couleurs des costumes sont raccord avec celles des tapisseries et même avec celles des nappes et des serviettes. Et pour finir de nous convaincre de son talent, il nous présente une collection complète, masculine et féminine : de la robe de soirée à la nuisette, de la chemise à la chaussette. Attribuons une mention toute spéciale au maillot de bain à franges porté par Shams Al Baroudi dans les jardins de l’hôtel. Un must !

Mais passons à l'essentiel qui n'est ni l'étude psychologique, ni la direction d'acteur (même s'il y aurait beaucoup à en dire.) mais la dimension charnelle de l'univers imaginé par les auteurs.  Dans ce film, les corps sont luisants et les lèvres scintillent. Le réalisateur scrute sans se lasser la peau de ses acteurs et il la magnifie à la manière d’un peintre. Car le grand sujet du film, au-delà de la petite intrigue policière rapidement troussée, c’est le corps. Le corps dans tous ses états, ce que dit bien le titre à la tonalité toute sadienne, « Le Plaisir et la Souffrance ». Effectivement, les personnages souffrent et jouissent, alternativement ou simultanément. Pulsions et traumatismes, désirs et frustrations tourmentent les corps et les esprits en quête de plaisirs infinis. Une scène résume bien l’atmosphère du film : Nana (Shams Al Baroudi) est seule au lit, très agitée, et elle atteint l’orgasme en se remémorant un précédent orgasme que lui avait donné un amant. Pour cette séquence, le réalisateur joue avec la surimpression : l’image de l’orgasme passé venant se confondre avec celle de l’orgasme présent pour une double jouissance qui ainsi démultiplie l’effet produit par la fameuse scène de masturbation féminine dans Le Silence d’Ingmar Bergman (saturation, encore !).

Même dans ses errements les plus douteux, Naizi Mustapha étonne toujours par sa vitalité et sa candeur. Dans La Plaisir et la Souffrance, son génie brouillon peut donner toute sa mesure.
Bref, ce film mériterait d’être culte. Bien sûr, nous pourrions déplorer une fin banale qui repose sur l’intervention de la police assurant le retour de l’ordre et de la loi. Mais après tout, ce dénouement vu et revu est une convention au même titre que le mariage qui vient clore la plupart de nos comédies classiques. C’est aussi un gage donné aux censeurs pour qu’ils tolèrent les scandaleuses excentricités qui ont précédé.

Appréciation : 4/5
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin