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vendredi 12 mai 2023

Elle possède quelques sous (Sahibat al Malalim, 1949)

صاحبة الملاليم
إخراج : عز الدين ذو الفقار











Ezzel Dine Zulficar a réalisé Elle Possède Quelques Sous en 1949.

Distribution : Mohamed Fawzy (Samir), Camilia (Siham), Shadia (Nabila), Ismail Yassin (Antar, un des serveurs de l'hôtel), Thuraya Helmy (Sonia), Salah Nazmi (Kamal), Mohamed Abdel Qodos (le père de Kamal), Hind Rostom (Fawaki, la rivale de Siham), Nelly Mazlom (danseuse), Abdel Hamid Zaki (le domestique), Abdel Aziz Hamdy (Sabat Effendi)
Scénario : Youssef Gohar, Ezzel Dine Zulficar
Musique : Mohamed Fawzy, Mamoun Al Shinnawi, Abdel Aziz Salam, Mostafa Al Sayed
Production : Raymond Kourba

Camilia et Mohamed Fawzi





Camilia



Shadia



Ismaël Yassin



Mohamed Abdel Qodos



Thuraya Helmy



Camilia et Salah Nazmi

















Résumé

Siham, Nabila et Sonia sont trois sœurs orphelines. Leur oncle décède et leur laisse pour tout héritage 500 livres. Elles réfléchissent à comment utiliser au mieux cette somme pour obtenir ce dont elles rêvent : un mariage avec un jeune homme riche. Elles se rendent à Alexandrie et s’installent dans un hôtel luxueux fréquenté par des millionnaires. Siham se fait passer pour une riche héritière en villégiature qui est accompagnée de sa secrétaire, en fait Nabila, et de sa femme de chambre, en réalité Sonia. Siham ne tarde pas à rencontrer un homme comme elle le souhaite. Il s’appelle Samir. De son côté, Nabila a jeté son dévolu sur Kamal, le fils du Pacha Adham. Quant à Sonia, elle sympathise avec Antar, l’un des serveurs de l’hôtel. Malheureusement pour les trois sœurs, la suite des événements va offrir à chacune d’elles son lot de désillusions. Nabila comprend très vite qu’elle n’intéresse pas Kamal. Ce dernier est très attiré par Siham et il se pose en rival de son ami Samir. Le bonheur de Siham est aussi de courte durée : Samir lui avoue que sa situation financière est peu reluisante et qu’il doit trouver au plus vite une épouse fortunée. Siham lui révèle alors qu’elle n’a pas un sou. Samir se détourne aussitôt d’elle pour courtiser la fille d’un très riche marchand d’Alexandrie. De son côté, Siham se rapproche de Kamal et accepte de se fiancer avec lui. Pour Sonia aussi la situation se complique : Antar a appris la condition réelle des trois sœurs et il est offusqué qu’elles aient pu ainsi mentir. Il est hors de lui et menace de les dénoncer. Heureusement, les trois filles doivent quitter immédiatement l’hôtel. En effet, Kamal a décidé de se rendre chez son père avec sa fiancée qui tout naturellement vient accompagnée de sa secrétaire et de sa femme de chambre. Dans la maison du pacha, ils retrouvent Samir et Antar. Le père de Kamal est un homme aux idées larges et il accueille avec bienveillance tous ces jeunes gens. En fait, malgré leurs nouveaux engagements respectifs, Siham et Samir sont restés amoureux l’un de l’autre et ils finissent par se l’avouer. Alors qu’ils s’embrassent dans l’un des salons de la demeure, Kamal entre et les surprend. Loin de s’en offusquer, le fils du Pacha ne cache pas sa satisfaction. Il a eu une longue conversation avec Nabila et il a compris que c’était elle qu’il voulait épouser. Pour ne pas être en reste, Antar et Sonia se réconcilient. Les trois couples peuvent rentrer à Alexandrie, la joie au cœur !


Critique

Ezzel Dine Zulficar fut l’un des réalisateurs les plus doués de sa génération. Malgré sa mort prématurée à l’âge de 43 ans, il laisse une œuvre importante qui a influencé bon nombre de réalisateurs égyptiens.
Sa filmographie compte essentiellement des drames. Elle possède quelques piastres est l’une de ses rares comédies et il s’y affirme comme un maître du genre
A la fin des années quarante, quelques réalisateurs égyptiens vont nous donner des comédies extrêmement brillantes. Leurs œuvres manifestent une intelligence, une élégance, un humour qu’on ne retrouvera guère dans le cinéma comique des décennies suivantes, comme si les secrets de fabrication de ces grands artistes avaient disparu avec eux. Elle possède quelques sous fait partie de ces œuvres rares.

Pièce maîtresse de ce film : la pétulante Camilia. Ezzel Dine Zulficar avait déjà travaillé avec l’actrice en 1947 dans Tout le Monde Chante. Pour elle comme pour le metteur en scène, c’était leur tout premier film. Camilia est devenue en quelques années une star que tous les producteurs et réalisateurs s’arrachent. Dans cette comédie, elle partage l’affiche avec une autre actrice qui deviendra elle aussi très vite une vedette du grand écran, Shadia.  Rappelons que Camilia, sur laquelle les rumeurs les plus folles ont couru et courent toujours disparaitra dans des circonstances tragiques l’année suivante.

Elle possède quelques sous se présente comme un petit conte philosophique à la française dans lequel des jeunes gens recherchent l’âme sœur par pur intérêt avant de comprendre que pour être heureux l’amour compte bien plus que l’argent. Cela pourrait nous donner une leçon de morale pataude comme dans beaucoup de mélodrames de la même époque mais rien de tel ici. La comédie impose son tempo. Quelles que soient les situations, le ton reste toujours enjoué, le rythme enlevé. Le premier plan nous donne le programme, on y voit les jambes de Shadia qui actionne vigoureusement la pédale d’une machine à coudre : vivacité et légèreté !

L’intrigue tourne autour des manœuvres des uns et des autres pour obtenir ce qu’ils désirent. Les personnages du film n’ont guère de scrupules, leur cynisme et leur cupidité s’affichent sans fard. A noter que s’ils sont ambitieux, jamais il ne leur viendrait à l’idée de travailler. On n’est pas très loin des mœurs aristocratiques de l’ancien régime : si l’on est riche, c’est par héritage, et si on ne l’est pas ou on ne l’est plus, on cherche à bien se marier pour le devenir ou le redevenir.

Mais les deux personnages Samir et Siham, vont faire une expérience déplaisante : Leur sollicitude intéressée l’un pour l’autre est déçue car l’un comme l’autre n’a pas un sou. La déception est cependant de courte durée : on se dépêche de rompre pour trouver très vite un parti plus avantageux sans autre forme de procès. Siham jette son dévolu sur Kamal, l’ami de Samir dont est amoureuse sa sœur Nabila. Tandis que Samir s’empresse de se fiancer avec une jeune héritière. Le dénouement les réunira, pour le plus grand bonheur de Nabila qui ainsi retrouvera Kamal. Siham et Samir se mentent l’un à l’autre mais aussi et surtout ils se mentent à eux-mêmes. Ils finiront par convenir qu’ils s’aiment et qu’ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre. Avec ce jeu subtil des sentiments entre des personnages qui avancent masqués, on pense évidemment à Marivaux, d’autant plus que les amours compliquées des maîtres sont dupliquées comme en miroir par celles des valets (Antar et Sonia).

Ezzel Dine Zulficar maîtrise tous les genres, tous les tons et s’amuse à les entrechoquer pour piéger le sentimentalisme du spectateur trop sensible. Prenons comme exemple cette longue scène (9 mn) où Samir et Siham se promènent en barque à la nuit tombée. Cette séquence capitale apparaît très précisément au milieu du film et c’est par elle que l’intrigue bascule. Ezzel Din Zulficar y utilise tous les procédés de la scène romantique : la barque qui file lentement sur la rivière, les deux amoureux transis, la chanson « Mon Cœur t’Appelle », la beauté de Camilia, le baiser furtif échangé. Et puis brusquement tout s’effondre, la vérité éclate : Camilia avoue qu’elle veut épouser un millionnaire et qu’elle a été séduite par Samir car elle croyait qu’il l’était. Même dépit pour Samir qui pensait échapper à la ruine par cette union. Leur bonheur sur cette barque n’était qu’une illusion et le retour sera bien morose.

Dans Elle possède quelques sous l’influence du cinéma américain n’échappera pas aux cinéphiles avertis (ou pas !). Le luxe et le glamour hollywoodiens ne sont jamais bien loin. Par exemple, la scène dans laquelle Camilia en maillot de bain noir est sur un bateau entourée de ses deux soupirants rappellera à certains Rita Hayworth dans la Dame de Shangaï d’Orson Welles (1947).  
On trouve même une scène de danse aquatique à la manière des films d’Esther Williams. Camilia évolue dans la piscine entourée de nageuses. Malheureusement, le résultat est une très pâle copie des numéros exécutés par l’actrice américaine et ses compagnes (En cette même année 49, Esther Williams est sur les écrans américains dans La Fille de Neptune) Ce numéro ne fut peut-être pas la meilleure idée du réalisateur mais peut-être était-il comme beaucoup aveuglé par la beauté magnétique de sa vedette. Alors on se gardera de lui en tenir rigueur !

Appréciation : 4/5
****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

mercredi 15 septembre 2021

Ismaël Yassin chez les fous (Ismael Yassin fi mostashfa el maganen, 1958)

إسماعيل يس في مستشفى المجانين
ﺇﺧﺮاﺝ : عيسى كرامة



Issa Karama a réalisé Ismaël Yassin chez les fous en 1958.
Distribution : Ismaël Yassin (Hassouna), Hind Rostom (Tema), Zinat Sedki (la mère de Tema), Abd El Fatah El Kosary (le père de Tema), Reyad El Kasabgy (Aliwa, le principal rival d’Hassouna), Hassan Atla (un fou), Fouad Ratab (un fou), Farhat Omar (un fou), Abdel Moneim Ibrahim (un fou), Abdel Moneim Ismaïl (le marchand de légumes), Hussein Ismaïl (le boucher), Hussein Asar (Zaki Al-Qahwaji), Mohsen Hassanein, Kitty (la danseuse), Helen (la folle qui fait un strip-tease), Salha Kasin, Abdel Hamid Zaki (le propriétaire de la pâtisserie), Ezzedin Islam (le directeur de l’hôpital), Abdel Ghany Kamar (l’astrologue)
Scénario : Abbas Kamel, Abdel Fattah El Sayed
Musique : Attya Sharara


Abd El Fatah El Kosary et Reyad El Kasabgy





Zinat Sedki et Abdel Moneim Ibrahim



Zinat Sedki et Abd El Fatah El Kosary



Kitty et Abd El Fatah El Kosary



Ismaël Yassin et Abd El Fatah El Kosary


Hind Rostom



Fouad Ratab et Farhat Omar



Helen



Helen et Ismaël Yassin



Résumé

Comédie. Tout le monde dans le quartier veut épouser Tema. Son père a emprunté de l’argent aux uns et aux autres en leur promettant à chaque fois de leur donner la main de sa fille. Tema est amoureuses de Hassouna, le pâtissier. Malheureusement, Aliwa, un prétendant qui travaille à l’hôpital psychiatrique s’engage à éponger toutes les dettes du père si celui-ci consent à faire de lui son gendre. Les deux hommes font affaire mais il faut se débarrasser d’Hassouna. Ils décident de le faire passer pour fou. C’est ainsi que le pauvre pâtissier se retrouve interné à l’hôpital psychiatrique. Aliwa invite Tema et sa mère à se rendre à l’asile pour vérifier par elles-mêmes qu’Hassouna est bien devenu fou. Cette visite permet à ce dernier de s’évader. Il s’est emparé du châle de la mère de Tema pour s’en revêtir. Ainsi, il a pu déjouer la surveillance des infirmiers et recouvrer la liberté. Hassouna va pouvoir contrattaquer. En se faisant passer pour un astrologue, il apprend que le père de Tema courtise la danseuse d’un cabaret où il se rend régulièrement. Grâce à la complicité de la jeune femme, Hassouna permet à la mère de Tema de prendre son mari en flagrant délit de tentative d’adultère. Pour échapper au courroux de sa femme, l’homme fait croire qu’il est tombé soudainement fou. Il se retrouve à son tour à l’hôpital psychiatrique. Hassouna peut enfin annoncer une bonne nouvelle à Tema : il est parvenu à rassembler la somme réclamée par les créanciers de son père. Ils vont pouvoir se marier. Las ! Aliwa les surprend en pleine conversation. Il s’empare de l’argent d’Hassouna et reconduit celui-ci à l’hôpital psychiatrique. Le père et l’amoureux de Tema se retrouvent ensemble. Grâce à leur complicité, ils parviennent à s’évader en suscitant une révolte parmi tous les aliénés de l’asile. L’acte final de la comédie se déroule lors des noces d’Aliwa et de Tema. Hassouna parvient à voler les habits du futur marié, forçant celui-ci à paraître quasi nu devant toute l’assemblée qui compte en son sein le directeur de l’hôpital psychiatrique. Ce dernier fait aussitôt interner son employé. C’est donc Hassouna qui prend la place de l’époux auprès de la femme qu’il aime.


Critique

En 1958, le réalisateur Issa Karama et l’acteur Ismaïl Yassin sont déjà de vieux compagnons de route. Ils travaillent ensemble depuis le tout premier film d’Issa Karama en 1952, Tu le mérites bien. 1958, c’est l’année où Ismaïl Yassin est au faîte de sa gloire (le déclin s’amorcera peu après.) et il enchaîne les tournages avec les cinéastes les plus importants de l’époque. Pour mesurer la popularité de l’acteur, il suffit de compter le nombre de films qui comportent dans leur titre le nom « Ismaïl Yassin ». Rien que pour cette année 1958, il y en a cinq : Ismaïl Yassin est à vendre (réalisateur : Houssam Al Din Mustafa), Ismaïl Yassin à Damas (réalisateur : Helmy Rafla), Ismaïl Yassin Tarzan (réalisateur : Niazi Mostafa), Ismaïl Yassin dans la police militaire (réalisateur : Fateen Abdel Wahab) et, enfin, cet Ismaïl Yassin chez les fous qui fait l’objet de cette chronique.

Ce film, archi rediffusé sur les chaînes de télévision fait partie du patrimoine de la culture populaire arabe. C’est une comédie type des années cinquante qui mêle le burlesque et le glamour avec un seul objectif : plaire au plus grand nombre. On y retrouve certaines des plus grandes vedettes de l’époque et elles font le « job » avec un professionnalisme jamais pris en défaut. Comme leurs confrères et consoeurs d’ Hollywood, les acteurs et les actrices égyptiens des années cinquante mettaient tout leur talent au service des studios et des réalisateurs sans jamais laisser paraître ni fatigue ni lassitude malgré le rythme infernal des tournages. Dans Ismaïl Yassin chez les fous, tout le monde semble s’amuser beaucoup : on se déguise, on se déshabille, on se rhabille, on se cache, on danse, on crie, on grimace, on s’embrasse. Pas un seul temps mort, tout va très vite jusqu’au happy end obligé : le triomphe de l’amour véritable et le mariage des deux héros.

Mais l’intérêt majeur de ce divertissement familial réside sans aucun doute dans sa critique virulente de la famille traditionnelle et de la condition faite aux femmes. On voit un père, cynique et sans scrupule, promettre sa fille à qui voudra bien rembourser ses dettes et on voit aussi d’honnêtes artisans ou commerçants proposer « généreusement » leur aide au papa contre les faveurs de la belle Tema. Celle-ci, incarnée avec brio par l’affriolante Hind Rostom, est condamnée à la passivité, recluse dans l’appartement familial, en attendant que son père veuille bien la vendre au plus offrant. Issa Karama montre bien que dans la famille traditionnelle, les filles constituent avant tout un investissement qui peut rapporter gros. Le héros est bien obligé de se soumettre à cette règle du jeu et il devra se démener pour rassembler la somme demandée par les parents s’il veut épouser sa bien-aimée. Par cette dimension satirique, Ismaïl Yassin chez les fous se hisse au niveau des meilleures productions de Fateen Abdel Wahab, autre pourfendeur de la morale traditionnelle dissimulé sous les oripeaux de l’amuseur inoffensif.

Cela étant dit, Ismaïl Yassin chez les fous comporte quelques faiblesses. Une grande partie de l’intrigue se déroule au sein d’un hôpital psychiatrique et cela nous vaut des scènes interminables avec des « fous » se livrant à des pitreries puériles et répétitives. Les situations et les gags peuvent à la rigueur amuser les enfants. Mais si le spectateur a plus de dix ans, il regardera avec une certaine lassitude, voire une certaine exaspération, cette accumulation d’effets comiques mille fois vus. On regrettera enfin que la participation de la danseuse Kittie soit si brève : les deux scènes où elle apparaît sont parmi les plus mémorables du film.

Appréciation : 3/5
***

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin




vendredi 14 décembre 2018

Les Confessions d’un Mari (Iterafat zoj, 1964)

اعترافات زوج
ﺇﺧﺮاﺝ: فطين عبدالوهاب



Fateen Abdel Wahab a réalisé Les Confessions d'un Mari en 1964.
Distribution : Fouad El-Mohandes, Shwikar, Hind Rostom, Mary Moneib, Nadia El Noqrashy, Abdel khalek Saleh , Ahmed Ramzy, Youssef Wahby, Tita Saleh, Hassan Atla
Scénario : Youssef Issa, Ali El Zorkani
Musique : Michel Youssef

Youssef Wahby

Fouad El Mohandès

Youssef Wahby et Fouad El Mohandès

Hind Rostom et Fouad El Mohandès

Fouad El Mohandès et Mary Moneib

Hind Rostom et Fouad El Mohandès

Shwikar

Abdel Khalek Saleh


Résumé

Wahid est un homme heureux : c’est un compositeur à succès, marié à Latifa, une charmante jeune femme. Il vit dans une grande maison située dans un quartier résidentiel de la capitale. Une nuit, pourtant, il fait un drôle de rêve. Il rêve qu’il se rend chez sa voisine Bossa, une célèbre chanteuse pour qui il écrit. Ils s’embrassent et c’est à cet instant qu’apparaît son épouse, armée d’un revolver. Elle tire sur lui et Wahid s’effondre. Fin du rêve : il se réveille aussitôt, soulagé d’être encore en vie. 

Peu après, Wahid et sa femme partent en voyage au Liban pour fêter l’anniversaire de leur mariage. Dans l’avion, survient une anomalie. Les stewards révèlent aux passagers qu’un des moteurs de l’appareil est en panne. Wahid croit que leur dernière heure est arrivée. Voulant libérer sa conscience, il avoue à sa femme qu’il a en rêve embrassé leur voisine. Latifa reste sans voix. C’est alors qu’on annonce que l’avion retourne au Caire et que tout a été fait pour leur assurer un atterrissage sans aucune complication. De retour chez eux, Latifa laisse éclater sa colère. Elle est bien décidée à faire payer à son mari ce baiser fantasmatique ! 

Wahid cherche de l’aide auprès de son beau-père, un vieux Dom Juan cynique et jouisseur qui toute sa vie a trompé sa femme. Le vieil homme blâme sévèrement la naïveté du compositeur et lui conseille de suivre ce commandement que lui a toujours respecté scrupuleusement : ne jamais dire la vérité à son épouse. Au même moment, Latifa raconte tout à sa mère. Pour cette dernière, aucun doute : son gendre est l’amant de leur voisine et il n’a parlé de rêve que pour atténuer la gravité de son crime…

Dans le même temps, Bossa a bien des soucis : elle est amoureuse d’un jeune homme du nom d’Essam. Celui-ci est un célèbre sportif qui occupe l’essentiel de ses journées à s’entrainer. Le hic, c’est que ce bellâtre ne lui porte aucun intérêt. Malgré tous ses efforts, Bossa n’a jamais réussi à éveiller en lui le moindre désir . Une amie lui donne un conseil : elle doit essayer de le rendre jaloux. Bossa doit donner une fête chez elle où seront conviés tous ses proches. Il y aura bien sûr Essam mais aussi Wahid et toute sa famille. L’idée est simple : Bossa devra feindre d’être follement amoureuse de Wahid en espérant que cela aura l’effet escompté sur l’athlète. Le stratagème est un échec cuisant. Non seulement par son attitude, elle a éveillé la fureur de Latifa et de sa mère, non seulement elle a fait boire de manière excessive le pauvre Wahid qui ne sait plus où il se trouve ni avec qui, mais, comble de malheur, Essam semble être resté de marbre toute la soirée, occupé à manger et à signer des autographes… 

Une semaine se passe sans qu’Essam ne daigne se manifester. Bossa est hors d’elle. C’est alors qu’elle a la visite de son amie. Cette dernière a rencontré Essam dans le club qu’il fréquente. Il lui a demandé des informations sur Wahid et a montré une certaine irritation. Malgré les apparences, le plan a fonctionné. Il faut persévérer. Bossa oblige Wahid à l’accompagner dans divers lieux publics. Le musicien ne sait plus que faire pour déplaire ni à sa femme, ni à sa voisine. Il demande à nouveau conseil auprès de son beau-père. Le vieil homme décide de remplacer son gendre au prochain rendez-vous. Alors qu’il est attablé avec la chanteuse à une terrasse d’un café, Essam surgit. Le grand sportif est à la fois furieux et humilié de découvrir que son rival est un pauvre vieillard qui ne se déplace qu’avec une canne. Il devient menaçant mais Bossa parvient à le faire fuir. 

Ce que ne sait pas le sexagénaire, c’est que sa fille Latifa a été le témoin de toute la scène et qu’elle s’est empressée de tout raconter à sa mère. Pour échapper au courroux de son épouse, le beau-père charge son gendre en prétendant qu’il n’avait rencontré Bossa que pour lui venir en aide : en effet, elle est enceinte de Wahid ! Il retrouve ainsi l’amour et l’estime de sa femme. Mais pour Wahid, la situation devient insupportable et le destin s’acharne contre lui. Son beau-père a réussi à lui faire croire qu’il était somnambule et que c’est ainsi qu’il est devenu pour de vrai l’amant de Bossa. Il décide donc de se rendre chez sa « maîtresse » pour en avoir le cœur net. Suite à un malheureux concours de circonstances dont l’origine est un robinet impossible à fermer, Bossa et Wahid se retrouvent tous les deux en peignoir dans la chambre de la jeune femme. Survient Essam qui à la fois clame son amour pour Bossa et corrige sévérement Wahid. Ce dernier a à peine le temps de recouvrer ses esprits que c’est autour de Latifa d’apparaître et de crier son indignation. Le coup de grâce arrive quand Wahid apprend qu’il va être papa, résultat de sa relation adultère et somnambulique. La raison du musicien chavire. Il est interné en hôpital psychiatrique. 

 Ayant retrouvé un certain équilibre, notre héros parvient à s’en échapper et retourne chez lui pour régler ses comptes. Il en veut énormément à ses deux beaux-parents mais cela ne l’empêchera pas de reprendre la vie commune avec sa femme dont il est toujours aussi amoureux.

vendredi 24 février 2017

Je ne dors pas (La Anam, 1957)


لا أنام
إخراج : صلاح ابو سيف


Salah Abou Seif a réalisé Je ne dors pas en 1957.
D'après un roman d'Ihsan Abdul Quddus
Distribution : Mariam Fakhr Eddine (Safia), Yehia Chahine (Ahmed), Faten Hamama (Nadia), Hind Rostom (Kawsar), Imad Hamdi (Mostafa), Rushdy Abaza (Samir), Omar Sharif (Aziz)
Scénario : Salah Ezz Eddin, Saleh Gawdat, El Sayed Bedeir
Musique : Fouad El Zahry


Mariam Fakhr Eddine, Yehia Chahine, Faten Hamama

Hind Rostom et Faten Hamama

Hind Rostom, Yehia Chahine, Faten Hamama

Faten Hamama

Rushdy Abaza et Hind Rostom

Rushdy Abaza et Omar Sharif

Hind Rostom, Faten Hamama, Yehia Chahine

Yehia Chahine et Faten Hamama

Faten Hamama

Faten Hamama et Imad Hamdi

Imad Hamdi

Mariam Fakhr Eddine et Yehia Chahine

Faten Hamama

Imad Hamdi


Résumé

Nadia Lotfi vit avec son père, Ahmed, qui a divorcé de sa mère quand elle était encore petite fille. Il ne s’est jamais remarié pour se consacrer entièrement à son éducation. Mais alors qu’elle a 16 ans, Ahmed rencontre Safia, une jeune femme à la beauté aristocratique. Il en tombe follement amoureux et l’épouse. Nadia ne supporte pas qu’une femme puisse prendre sa place auprès de son père. Pour oublier ses tourments, elle noue en secret une relation amoureuse avec Mostafa, un homme beaucoup plus âgé qu’elle. Un soir, lors d’une fête, Mostafa fait la connaissance d’Ahmed et de sa nouvelle épouse. Il est sous le charme de Safia et Nadia s’en aperçoit. La jeune femme, folle de jalousie, décide d’éliminer cette encombrante belle-mère. Elle fait croire à son père que sa femme entretient une relation adultère avec son jeune oncle Aziz qui vit avec eux. Le cocu imaginaire chasse sa femme de son domicile. Nadia peut reprendre sa place dans le cœur d’Ahmed, la première. Mais au fil du temps, la jeune femme comprend qu’elle a mal agi. Le sentiment de culpabilité la ronge. Alors quand à Alexandrie, elle retrouve Kawsar, une amie de lycée au sex-appeal dévastateur, elle s’empresse de la présenter à son père. Le quadragénaire est aussitôt séduit par la camarade de sa fille. Il l’épouse. Nadia croit avoir réparé la faute qu’elle avait commise en calomniant Safia, mais elle découvre très vite que Kawsar a un amant et qu’elle projette de s’accaparer la fortune de son mari pour vivre avec cet homme. Nadia ne sait plus que faire : elle ne veut pas ruiner le tout nouveau bonheur de son père. Comble de malheur pour la jeune femme : un jour, Ahmed surprend sa femme et sa fille en compagnie de Samir, l’amant de la première. Nadia est obligée de faire croire à son père que l’homme est amoureux d’elle et qu’il souhaite l’épouser. Ahmed est enchanté : il décide d’organiser le mariage au plus vite. Ne sachant comment réagir, Nadia se rend chez Mostafa pour obtenir une aide, un soutien. Dans l’appartement de celui-ci, elle trouve Safia, son ex-belle-mère qui partage désormais la vie de son vieil amoureux. Elle fuit aussitôt et retourne chez elle. Elle se résigne à accepter le mariage. Heureusement, Aziz, son jeune oncle, reparaît. Elle lui explique la situation. Aziz est indigné. Il fera tout pour annuler la cérémonie. Le jour J, grâce à son intervention, les deux amants son démasqués. Nadia s’est réfugiée dans sa chambre. Par un malheureux concours de circonstances, un cierge enflamme sa robe de mariée. Son père et son oncle parviennent à la sauver mais son corps restera à jamais marqué par cet accident.

Ce film est donc l'adaptation d'un roman d'Ishan Abdul Quddus, auteur très célèbre dans le monde arabe mais totalement inconnu en Occident. Ce qui est troublant dans ce Je ne dors pas ce sont les similitudes avec Bonjour Tristesse, le premier livre de la romancière française Françoise Sagan, paru en 1954. Les ressemblances sont si nombreuses qu'on peut douter qu'elles soient uniquement le fruit du hasard. Il serait excessif de parler de plagiat mais on peut penser à juste titre qu'Ishan Abdul Quddus s'est inspiré de l'oeuvre de sa jeune consoeur.
Bonjour Tristesse a fait lui aussi l'objet d'une adaptation cinématographique. C'est Otto Preminger qui la réalise en 1958.




Critique

Le film de Salah Abou Seif est un chef d’œuvre qui non seulement marquera l’histoire du cinéma égyptien mais connaîtra un immense succès populaire dès sa sortie.
Les raisons de ce succès sont diverses : c’était l’un des premiers films en couleur, il réunissait sept des plus grandes stars du moment et parmi elles, le couple mythique du cinéma égyptien : Faten Hamama et Omar Sharif, les décors, les costumes évoquaient un univers luxueux et chatoyant très proches de celui représenté dans les drames hollywoodiens de la même époque, enfin l’intrigue avait tout pour attirer un large public : de l’amour, de la séduction, de la jalousie, de la trahison, de la vengeance. Un soap opera à l’Egyptienne enrobé d’une partition somptueuse avec envolées de violons mélodramatiques, une partition signée Fouad Al Dhahery, l’un des plus grands compositeurs de musique de films.
Mais si ce film constitue une étape importante dans le cinéma égyptien, c’est surtout parce qu’il ose briser les règles de la bienséance et les conventions qui régissaient la construction des personnages jusqu’alors. Salah Abou Seif et son scénariste font preuve d’une audace toute particulière pour l’héroïne incarnée par Faten Hamama. On raconte que la star fut un peu effrayée par son personnage et qu’elle craignait beaucoup les réactions de son public. Qu’on en juge : elle doit jouer une jeune fille qui éprouve un amour presque incestueux pour son père, un amour qui la conduit à tout faire pour saccager le bonheur de celui-ci, une jeune fille qui se jette dans les bras d’un homme deux fois plus âgé qu’elle, une jeune fille qui ment à ceux qui l’aiment, une jeune fille malheureuse qui répand le malheur autour d’elle. Et malgré cela, le personnage doit garder toute l’innocence et la fraîcheur de l’adolescente à peine sortie de l’enfance. Seule, Faten Hamama était capable de rendre toute la complexité de cette Nadia par son incroyable talent et notamment grâce à cette voix inimitable qui nous raconte sur le ton de la confession cette terrible histoire. Ce personnage, loin des clichés de l’époque, reste l’un des plus mémorables de sa longue carrière.
Je ne Dors Pas est rarement diffusé à la télévision car il choque encore. Des scènes ont soulevé l’indignation des traditionalistes comme celle on l’on voit Nadia, l’héroïne, se changer dans l’ascenseur avant de retrouver son amant, ou bien encore celle où elle écoute à travers la porte son père et sa nouvelle épouse dans l’intimité de leur chambre. Et le châtiment qu’elle s’inflige dans la dernière partie du film ne suffira pas à calmer le courroux des censeurs.
Il n’empêche que le personnage de Nadia Lotfi marquera profondément les esprits au point que la jeune actrice Paula Mohammed Shafiq choisira ce nom comme pseudonyme dès son premier film en 1958.

Appréciation : 5/5
 *****

En 1957, Salah Abou Seif et Ishan Abdul Quddus collaborent à un autre film : l'Impasse, avec de nouveau dans le rôle principal, Faten Hamama.


Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

mercredi 25 janvier 2017

Nuit Egyptienne à Saint-Denis (93)

 انت حبيبي
 إخراج: يوسف شاهين

Après la Soirée Egyptienne du Louxor, le 13 janvier dernier, voici la Nuit Egyptienne de l'Ecran à Saint-Denis.
Ci-dessous, une annonce parue sur la page Facebook de la société "Films Regent Archives Jacques Haïk" dirigée par notre ami Jean-Marie Bonnafous.
Toutes les informations et plus à cette adresse : Films Regent Archives Jacques Haïk


Enta Habibi de Youssef Chahine (1957)  avec Farid Al Atrache, Shadia, Hind Rostom, Abdel Salam Al Nabulsi, Mimi Chakib, Serag Mounir, Abdel Moneim Ibrahim
CINEMA " L'ECRAN"
ART & ESSAI de la ville de Saint-Denis 93200
Vendredi 3 février 2017 20h

lundi 9 janvier 2017

Soirée Egyptienne au Louxor, palais du cinéma

انت حبيبي
إخراج: يوسف شاهين


Vendredi 13 janvier, Nuit Egyptienne au Louxor, palais du cinéma (170, boulevard Magenta - 75010 Paris) 

En partenariat avec Louxor - Palais du Cinéma, l'Institut des Cultures d'Islam, le PCMMO - Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient et du distributeur FILMS REGENT ARCHIVES JACQUES HAÏK

Projection d'Enta Habibi (C'est toi mon amour), une comédie musicale de Youssef Chahine (1957) avec Farid Al Atrache, Shadia, Hind Rostom, Abdel Salam Al Nabulsi, Mimi Chakib, Serag Mounir, Abdel Moneim Ibrahim

Cette comédie musicale raconte l’histoire de Farid et Yasmina, deux cousins poussés par leurs familles à se marier afin de cumuler les héritages. Tandis que lui fréquente la danseuse du ventre Nana, Yasmina s’entiche de Sensen, un riche propriétaire pétrolier. Tous deux se détestent et multiplient les ruses pour échapper à la volonté de leurs familles…

La projection sera suivie de la présentation du livre La sortie au cinéma, Palaces et ciné-jardins d’Egypte, 1930-1980 en présence de l’auteure, Marie-Claude Bénard, professeure de philosophie et de cinéma.

Hind Rostom

Shadia et Farid Al Atrache

Shadia

lundi 20 juin 2016

Crime d'Amour (Gharimet hub, 1955)

جريمة حب
إخراج : عاطف سالم


Crime d' Amour a été réalisé par Atef Salem en 1955.
Distribution : Hind Rostom (Lola), Imad Hamdi (Maître Galal), Abdel Aziz Ahmed (l’assistant de maître Galal), Mariam Fakhr Eddine (Thuraya, la femme de Maître Galal), Zaki Ibrahim (le père de Thuraya), Salah Mansour (ex-mari de Lola), Ali Al Gandour (le procureur général), Layla Hamdy (Rose), Adli Kasseb (le juge), Mona (la petite fille du client de maître Galal), Ahmed Shawki (le client de maître Galal), Fatheia Shahin (l’épouse du client de maître Galal), Abdel Halim El Qalawy (le père du client de maître Galal), Hassan El Baroudi (Omar, le portier de Lola) 
Scénario : Mahmoud Sohby 
Histoire originale : Amin Youssef Ghorab Musique : Otto Cesana (Ecstasy)


Hind Rostom et Imad Hamdi
















Abdel Aziz Ahmed et Imad Hamdi
















Imad Hamdi et Mariam Fakhr Eddine
















Hind Rostom et Imad Hamdi
















Mariam Fakhr Eddine et Zaki Ibrahim






Salah Mansour


















Résumé 

Maître Galal est un avocat expérimenté. Pourtant, à cause d’une négligence, il perd un procès important. Il a égaré un document qui devait prouver l’innocence de son client. Il est traumatisé par cet échec et depuis, il n’arrive plus à plaider. C’est dans cette période difficile qu’il fait la connaissance d’une jeune divorcée, Lola. Ils deviennent amants. Maître Galal délaisse son épouse et passe des nuits entières chez sa jeune maîtresse. Mais cette liaison n’est pas du gout de l’ex-mari. Un jour celui-ci trafique la voiture des deux amoureux qui échappent de peu à la mort. 
Peu après, l’avocat apprend que Thuraya, sa femme, est enceinte. Il est fou de joie et il décide de reprendre sa vie d’autrefois. Il retourne au tribunal mais il y rencontre l’un des proches de son ancien client condamné par sa faute. Il fuit aussitôt et rejoint sa maîtresse. L’ex mari contacte alors Thuraya pour lui révéler la liaison que son mari entretient avec son ex-femme. 
L’épouse veut en avoir le cœur net. Elle se rend au domicile de Lola. Quand elle arrive chez sa rivale, elle est intriguée par la porte qui est restée entrouverte. Son mari n’est pas dans l’appartement mais elle découvre le corps sans vie de Lola étendue sur le sol : la jeune femme a été poignardée. Thuraya hurle. Les voisins accourent, la police est prévenue. Naturellement, l’épouse est accusée du meurtre car le mobile est évident. Au procès, c’est son mari qui assure sa défense. Grâce à une bande magnétique qui a tout enregistré le soir du crime, Galal parvient à obtenir l’acquittement pour sa femme. Le coupable, c’est Omar Shehata, le vieux portier de Lola. Celui-ci avoue qu’il a agi pour le compte de l’ex-mari de celle-ci. 


Critique

Nous sommes en terrain connu.  Ce Crime d’amour qui mêle une intrigue policière et un drame psychologique multiplie les références au film noir hollywoodien. Nous avons un avocat célèbre qui arbore tous les signes de la réussite sociale mais dont l’existence va être bouleversée par un échec professionnel. Nous avons une vamp, maîtresse de l’avocat, qui connaîtra un destin tragique à cause d’un ex mari jaloux et vindicatif. Nous avons des scènes de prétoire avec un public composé de citoyens sages et attentifs, des scènes de bar avec serveur en  veste blanche et nœud papillon, des scènes d’intérieur dans des appartements luxueux.  Et on retrouve tous les « accessoires » du cinéma américain de l’époque : grosses voitures aux formes arrondies, robes moulantes de la vamp à la démarche chaloupée, alcool et cigarettes à volonté (manque le chapeau trilby pour les hommes mais le climat du Caire n’est pas celui de New-York !). Enfin la musique (Ecstasy du compositeur américain Otto Cesana) a  l’emphase et les accents nostalgiques des B.O. composées par Max Steiner, Alfred Newman  ou Franz Waxman.
Au-delà de cette adaptation d’un genre, c’est à un réalisateur bien précis qu’Atef Salem emprunte bon nombre de thèmes ou de procédés. Une analyse minutieuse du film pourrait relever bien des similitudes avec l’œuvre d’Alfred Hitchcock. En voici quelques-unes :
Comme dans un certain nombre d’histoires contées par le grand réalisateur anglo-américain, l’intrigue de Crime d’Amour comporte une dimension psychanalytique mettant en évidence le caractère sexuel du drame vécu par le héros : le procès qu’il perd à cause de sa propre négligence provoque en lui un véritable traumatisme. Il devient impuissant, d’abord sur le plan professionnel (il fuit les tribunaux) et sur le plan sexuel (il se détourne de sa femme). C’est grâce à sa maîtresse qu’il retrouvera confiance en lui et pourra à nouveau se conduire en « homme ».
Autre thème cher à Hitchcock,  celui de l’innocent accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Atef Salem en propose une version corsée : le héros doit défendre sa femme accusée à tort d’avoir tué sa maîtresse (On connaît situation plus confortable !). Mais ainsi le réalisateur égyptien reste fidèle à l’esprit cynique de son modèle : l’avocat retrouve son prestige d ’avocat et l’amour de sa femme sur le cadavre de sa maîtresse.
Parlons maintenant du fameux MacGuffin. On appelle ainsi l’objet matériel (bijoux, documents secrets) après quoi courent tous les personnages d’une fiction. C’est l’élément moteur de l’intrigue. On le retrouve dans un grand nombre des films d’Alfred Hitchcock. Il est présent aussi dans Crime d’Amour. C’est le document qui innocentait le client du héros et que celui-ci égare au café. Ce MacGuffin  passe de main en main tout au long du film.  


1) Le père de l’inculpé le remet à Maître Galal.



2) Maître Galal perd le document dans un bar 



3) Il est récupéré par l’homme chargé du ménage qui le confie au serveur.

     


4) Le serveur le restitue à l'assistant de Maître Galal.



5) Celui-ci le confie à Lola.




6) La jeune femme en prend connaissance



7) et décide de le rendre à l'avocat. La boucle est bouclée !



Pour finir, ce Crime d’Amour ne serait qu’un brillant pastiche sans la présence électrisante d’Hind Rostom.  Elle est sans doute l’élément le moins hitchcockien du film. L’autre actrice, Mariam Fakhr Eddin a la blondeur et la froideur des héroïnes du maître anglo-saxon (Rappelons que sa mère était autrichienne). En revanche, Hind Rostom fait partie de ces actrices « charnelles » qui ont « le sexe affiché sur la figure » et que ce dernier détestait. Manifestement Atef Salem ne partage pas cette répulsion. On le sent même fasciné par la beauté de l’actrice. Avec ce personnage de Lilia, il lui offre l’un de ses plus beaux rôles et l’un des plus singuliers. Elle n’incarne pas la femme fatale agressive et égoïste comme à l’ordinaire mais une vamp au grand cœur, généreuse et sentimentale. Une héroïne donc plutôt positive pourtant sa mort brutale  arrangera tout le monde et au premier chef Maître Galal qui  pourra ainsi reprendre sa douce existence auprès de son épouse si douce et si compréhensive. Lilia est une femme doublement victime, et de son ex-mari et de son amant.

Hind Rostom
Appréciation : 4/5
****


Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin