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dimanche 31 août 2025

Des Nuits Révolues (Layla lan Tahoud, 1974)

ليالي لن تعود
إخراج : تيسير عبود


Taysir Aboud a réalisé Des Nuits Révolues en 1974.
Distribution : Nahed Sherif (Mona), Salah Nazmi (Radwan, le mari de Mona), Nour Al Sherif (Hussein Qadri), Boussy (Layla, la fille de Radwan), Mohamed El Araby (Adel),Afaf Wagdy (la servante), Soheir Zaky (danseuse), Ali Ezz Eddin (l’inspecteur de police)
Scénario : Ahmad Abdel Wahab et Mohamed Osman
Musique : Fouad El Zahiry
Production : les Films du Nil

Nahed Sherif et Salah Nazmi



Nour Al Sherif



Nahed Sherif



Boussy et Nahed Sherif



Nahed Sherif et Mohamed El Araby



Mohamed El Araby et Nahed Sherif



Mohamed El Araby















Résumé

Mona est la jeune épouse de Radwan, un homme très riche. Avec eux, vit Layla, la fille de Radwan, issue d’un premier mariage. Cette dernière a fait la connaissance d’un jeune homme, Hussein et elle ne cache pas à sa belle-mère les sentiments qu’elle éprouve pour lui. Mona décide d’en parler à son mari et elle parvient à le convaincre de recevoir le jeune homme. Quand celui-ci fait son apparition à leur domicile, Mona découvre avec horreur que le futur fiancé de sa belle-fille est un homme qu’elle avait follement aimé autrefois et qui l’avait abandonnée sans aucun scrupule. Une fois Hussein parti, Mona conseille à son mari de ne pas précipiter le mariage. Par la suite, elle tente de chasser son ancien amant de leur existence mais celui-ci l’a menacée de révéler leur liaison passée à son mari. Hussein poursuit son entreprise de séduction non seulement auprès de Layla mais aussi auprès de son père avec qui il est devenu ami. Mais cela ne lui suffit pas : il propose à Mona de redevenir amants. C’en est trop pour celle-ci. Elle décide de tout révéler à son mari. Alors que ce dernier est en compagnie d’Hussein dans un cercle de jeux, elle lui demande au téléphone de la rejoindre immédiatement chez eux. Hussein comprend ce qui va se passer. Il se précipite sur le véhicule de Radwan et sectionne les câbles de freins. Le mari de Mona se tue sur la route et la police conclut à un accident car il avait consommé de l’alcool. Désormais, Mona s’est donné une mission : arracher Layla des griffes d’Hussein . En surprenant une dispute entre sa belle-mère et Hussein, Layla finit par comprendre que son bien-aimé est un être abject responsable de la mort de son père. Mona conseille à la jeune femme de se réfugier chez une tante tandis qu’elle-même va s’installer dans un hôtel en bord de mer. 
C’est là qu’elle fait la connaissance d’Adel, un jeune avocat. Ils sympathisent immédiatement et tombent amoureux l’un de l’autre. Avec ce nouveau compagnon, Mona semble retrouver le goût du bonheur mais quand celui-ci la demande en mariage, elle refuse catégoriquement et se ferme. De retour dans sa chambre, Mona laisse libre cours à son désespoir et boit plus que de raison. Quand Adel la rejoint, la jeune femme est dans un triste état et l’avocat comprend qu’elle est rongée par un terrible secret. Au même moment, Adel est contacté par la police : pour les besoins d’une enquête, on lui demande d’installer des micros dans la chambre de Mona. Il s’exécute et peu après, la jeune femme fait une terrible confession à son jeune ami : elle a tué Hussein alors qu’il essayait de la violer. Aussitôt après, des policiers font irruption dans la chambre d’hôtel et arrêtent Mona. Avant leur séparation, Adel lui renouvelle sa demande en mariage et lui promet de l’attendre.


Critique

« Des Nuits Révolues » est un film construit autour de l’un des sex symbols de l’époque, la sulfureuse Nahed Sherif. Il a été réalisé par Taysir Aboud, un cinéaste sans grande envergure ayant beaucoup travaillé avec l’actrice dans les années soixante-dix, tout comme l’un des scénaristes du film, Ahmed Abdel Wahab, qui lui bénéficie d’une solide réputation. Mohamed Othman, un autre auteur expérimenté, s’est associé à son collègue pour nous concocter ce drame dans lequel deux femmes sont les malheureuses victimes du même séducteur sans scrupule. Ce personnage est incarné par Nour El Sherif qu’on a peu l’occasion de voir dans un rôle de méchant comme celui-ci.

Disons-le sans ambages : le film est raté. La faute à un scénario décousu : il est constitué de deux parties indépendantes avec des lieux, des personnages et surtout un ton totalement différents. Seul point commun reliant ces deux parties, l’héroïne. On a l’impression que chacun des deux scénaristes s’est chargé d’une des deux parties sans vraiment se concerter avec son collègue (adeptes du cadavre exquis ?), ce qui donne quelque chose à la limite de l’incohérence. Comment expliquer que Layla, la belle-fille de l’héroïne, personnage central de la première partie, ne reparaisse à aucun moment dans la seconde ? Mais peut-être est-ce dû à l’agenda surchargé de Poussy, l’actrice qui l’incarne. En 1974, celle-ci est partout, à la télévision, au théâtre et bien sûr au cinéma. Petite précision en passant : Poussy et Nour El Sherif sont mari et femme depuis 1972 et le resteront jusqu’en 2006, date de leur divorce.

Initialement, le film devait s’intituler « Nue dans les rues d’Égypte ». Un titre prometteur mais mensonger — Nahed Sherif n’y apparaît jamais nue — qui annonce de manière explicite les intentions des auteurs. Les deux héroïnes, sont constamment vêtues de tenues provocantes : jupes ultra-courtes, décolletés vertigineux, souvent en décalage total avec la gravité des scènes. Ce contraste crée un mélange étrange de mièvrerie sentimentale et d’érotisme soft.. Du coup, il est difficile pour le spectateur de compatir au chagrin, à la détresse des deux héroïnes qui tout en sanglotant offrent à la vue de tous, leurs appâts les plus éloquents.

En matière d’érotisme, il y a même une scène qui est à deux doigts de franchir les règles de la bienséance. C’est celle où l’héroïne se retrouve avec son jeune amant sur la plage. Le maillot de bain de celui-ci dissimule à peine l’émoi qu’éprouve l’acteur (ce n’est plus le personnage !) en tenant dans ses bras Nahed Sherif en petit bikini. 

On comprend donc que pour les producteurs, une esthétique racoleuse devait compenser la faiblesse du scénario. En vain, car le film connut un échec retentissant à sa sortie.

Pour conclure sur une note positive, les nostalgiques des années soixante-dix apprécieront la scène où les deux héros dansent sur un hit de 1972, « Pop Concerto Show » par le Pop Concerto Orchestra, groupe « fantôme » créé par les compositeurs à succès Paul de Senneville et Olivier Toussaint. Evidemment, cela ne suffira pas à trouver de l’intérêt à ce petit film mal ficelé.

Appréciation : 1/5
*

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

lundi 16 décembre 2024

Le Puits des Privations (Bir Al Hirman, 1969)

بئر الحرمان
إخراج : كمال الشيخ


Kamal El Sheikh a réalisé Le Puits des Privations en 1969. 
Distribution : Soad Hosny (Nahed/Mervat), Nour Al Sherif (Rouf Kamal, le fiancé de Nahed), Salah Nazmi (l’avocat Mohamed Fakhr Eddine, le père de Nahed), Mariam Fakhr Eddine (Mervat, la mère de Nahed), Hamdy Youssef (le docteur Fouad), Mahmoud El Meleigy (le psychiatre Talaat Farid), Mohie Ismail (l’artiste peintre), Hamza El Shimy (Suleiman, le chauffeur), Aqila Rafaat (Nahed enfant), Abdul Rahman Abu Zahra (Taha)
Scénario : Youssef Francis, Naguib Mahfouz
D'après un roman d'Ihsan Abdul Quddus
Production : Ramses Naguib
Ce film sur le dédoublement de la personnalité semble inspiré des Trois Visages d'Ève (The Three Faces of Eve), un film américain réalisé par Nunnally Johnson en 1957.

Soad Hosny et Abdul Rahman Abu Zahra


Hamdy Youssef



Soad Hosny et Mohie Ismaïl



Mahmoud El Meleigy



Nour Al Sherif et Mariam Fakhr Eddine



Nour Al Sherif




Salah Nazmi et Mariam Fakhr Eddine
















Résumé

Quand le film débute, nous sommes dans une boite de nuit. Seule sur la piste, une jeune femme portant une robe provoquante danse de manière frénétique. Les regards de tous les hommes présents sont braqués sur elle. A la fin du morceau, la danseuse s’installe au bar et elle est immédiatement abordée par un client. Elle accepte de l’accompagner chez lui et ils passent la nuit ensemble. Le lendemain, on retrouve la jeune femme chez elle, vêtue de manière beaucoup plus sage. Elle appartient à une famille très aisée, son père est un célèbre avocat. On comprend qu’elle souffre de schizophrénie. Le jour, elle est Nahed, une jeune fille très convenable fiancée à un champion d’escrime. La nuit, elle devient Mervat, une débauchée qui multiplie les aventures sexuelles. Et quand au matin, Nahed se réveille, elle n’a plus aucun souvenir de sa nuit passée. Elle a juste un mal de tête dont elle ne connaît pas la cause et qui l’inquiète. Nahed est aimée de ses deux parents mais elle se désole de leur mésentente. Son père surtout ne cache pas l’hostilité que lui inspire son épouse. Cette dernière, qui s’appelle Mervat comme le double de Nahed, passe ses journées, seule et triste, dans le salon de leur grande maison. Un jour, Nahed décide de consulter à propos de ses maux de tête. Après l’avoir examinée, le médecin de famille, le docteur Fouad, la rassure : il n’y a rien de préoccupant dans son état. La jeune femme passe ensuite la journée avec son fiancé. Mais le soir venu, elle s’enfuit à nouveau de chez elle pour se rendre dans une boîte de nuit. Cette fois-ci, elle fait la connaissance d’un artiste peintre qu’elle suit dans son atelier. Ils font l’amour puis elle rentre chez elle. Le lendemain matin, les maux de tête sont plus vifs qu’à l’ordinaire et elle se sent épuisée. Sa mère lui conseille de consulter à nouveau le docteur Fouad. Celui-ci ne trouve toujours rien d’anormal chez Nahed mais il découvre que son dos est couvert de peinture à l’huile. Le médecin décide de confier sa jeune patiente à un psychiatre, le docteur Talaat Farid. Ce dernier accepte de suivre Nahed mais il la prévient qu’il faudra une longue analyse pour comprendre ce dont elle souffre. En attendant, l’état de la jeune femme ne cesse d’empirer. La nuit venue, elle cherche des hommes pour satisfaire ses désirs : elle renoue avec un ancien amant et elle finit même par séduire le chauffeur de la famille. Celui-ci est persuadé que la jeune femme est amoureuse de lui et, en plein jour, il tente d’avoir une relation sexuelle avec elle. Nahed est indignée par son comportement et s’enfuit, morte de peur. Autre situation embarrassante créée par son dédoublement de personnalité : dans une exposition de peinture qu’elle visite avec son fiancée, elle tombe nez à nez avec son portrait peint par l’artiste peintre qui avait été son amant d’une nuit. Sa mère finit même par la surprendre alors qu’elle est Mervat et qu’elle s’apprête à quitter la maison. Mais avec l’aide du psychiatre, Nahed découvre enfin la raison de son état. C’est à cause d’un traumatisme infantile provoqué par l’infidélité passée de sa mère…


Critique

Ce film illustre l’évolution du cinéma égyptien en cette toute fin des années 60. Il marque aussi une étape importante dans la carrière de son actrice principale, Soad Hosny.

Nous sommes en 1969, deux ans après le traumatisme de la défaite cuisante subie par l’Egypte lors de la guerre des six jours. La société égyptienne est en train de changer sur tous les plans et cela va s’accélérer avec la mort de Nasser en 1970. Le cinéma naturellement accompagne ces bouleversements. Emportés par ce vent de libération qui balaie la planète entière, les cinéastes égyptiens se détournent des divertissements familiaux et osent aborder de nouvelles thématiques destinées à un public adulte. Ils sont de plus en plus nombreux à évoquer ouvertement les problèmes liés à la sexualité et on voit se multiplier les scénarios décrivant les troubles psychologiques provoqués par une morale trop rigide, source de frustration et de névrose. Soyons honnête : l’évocation de ces troubles est souvent le prétexte à montrer des scènes osées au contenu érotique plus ou moins caractérisé. C’est un peu le cas dans ce Puits des Privations. Kamal El Sheikh que l’on considère à juste titre comme l’un des plus grands cinéastes de son temps s’intéresse ici à une jeune femme atteinte d’une forme de schizophrénie : le jour, elle est une jeune bourgeoise menant une existence conventionnelle, la nuit, elle devient une nymphomane qui multiplie les aventures d’un soir. Kamal El Sheikh a toujours été un fervent admirateur d’Alfred Hitchcock et on retrouve dans son film l’atmosphère inquiétante de ceux du maître anglo-saxon. Autre point commun, le film prend la forme d’une enquête menée par le psychiatre pour découvrir le traumatisme subi dans le passé par l’héroïne, ce qui expliquerait son comportement déviant. On pense évidemment à Pas de Printemps pour Marnie qui date de 1964.

Le traumatisme infantile est justement le point faible de l’histoire. A coups de flashbacks dans la petite enfance de l’héroïne, on nous explique que ses troubles sexuels sont dus à l’infidélité de sa mère qui autrefois s’absentait fréquemment pour retrouver son amant. C’est pour cette raison que la nuit Nahed devient Mervat, reproduisant inconsciemment l’inconduite passée de sa mère. Sur le plan psychanalytique, ça ne tient pas la route et sur le plan dramatique, c’est franchement ridicule. (On trouve pourtant au scénario, Naguib Mahfouz !)

Nahed, l’héroïne, est jouée par Soad Hosny. Celle qui fut la Cendrillon du cinéma est à un tournant de sa carrière. Pendant toutes les années soixante, elle a incarné la jeune égyptienne moderne, sympathique et heureuse de vivre. On la retrouve dans les comédies les plus populaires de l’époque, des comédies, il faut bien le dire, souvent un peu superficielles. A la veille d’une nouvelle décennie, la star veut explorer des voies inédites, quitte à décevoir une partie de son public. Et ce Puits des Privations constitue une étape majeure dans sa mue artistique. On sent dans sa manière d’aborder son personnage, une envie de répondre exactement aux désirs de son réalisateur, en affichant une sensualité peu commune dans le cinéma égyptien des années soixante (mais qui deviendra un peu la norme dans les années soixante-dix avec des actrices comme Nahed Sharif ou bien Chams Al Baroudi). Il y a indubitablement une prise de risque de la part de Soad Hosny et on doit lui reconnaître un certain courage artistique. Néanmoins, nous trouvons que son jeu manque ici de naturel. Sa manière de jouer la jeune femme libertine ne nous convainc pas car un peu trop timide, un peu trop puéril. Dans ce domaine, Nadia Lutfy reste inégalée, comme le prouve avec éclat la comédie musicale Mon Père sur l’Arbre d’Hussein Kamal sorti en cette même année 1969.

Il est clair que le cinéaste et son actrice avaient conscience que leur film allait faire scandale. Les scènes les plus attendues et les plus commentées sont celles où la nuit venue, l’héroïne se livre à ses turpitudes avec ses amants. Mais aujourd’hui que reste-t-il de ce scandale ? Peu de chose et le caractère osé des scènes nocturnes s’est considérablement émoussé. Tout compte fait, Ce Puits des Privations n’est certes pas un mauvais film mais il pêche par une certaine maladresse et par une certaine naïveté. Paradoxe de ces œuvres qui à se vouloir « modernes » ont bien mal vieilli !

Appréciation : 3/5
***

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

jeudi 16 février 2023

Mon Père sur l’Arbre (Aby Fawq Al-Shagara, 1969)

أبي فوق الشجرة
إخراج : حسين كمال






















Hussein Kamal a réalisé Mon Père sur l'Arbre en 1969.

Distribution : Abdel Halim Hafez (Adel Kamal), Imad Hamdi (Kamal, le père d’Adel), Nahed Samir (la mère d’Adel), Amira (la sœur d’Adel), Fathy Abdel Sattar (Khaled), Mahmoud Rashad (le père de Khaled), Fathia Shahin (la mère de Khaled), Mervat Amine (Amal, la sœur de Khaled), Samir Sabri (Ashraf), Nadia Lutfi (la danseuse Ferdoos), Salah Nazmi (Khamsy), Mohamed Salman (un client de Ferdoos), Nabila El Sayed (Mahasin, une collègue de Ferdoos), Ehsan Sherif (la servante de Ferdoos), Farouk Youssef (Essam), Soheir Mostafa (Nadia), Hamed Morsi (Abdul Mawgoud, un des clients de Ferdoos)

Scénario : Ihsan Abdul Quddus, Saad Eddin Wahba, Youssef Francis
Musique : Mohamed Abdel Wahab, Baligh Hamdy, Mohamed El Mougy, Mounir Mourad, Ali Ismaïl
Paroles des chansons : Morsi Gamil Aziz, Abdel Rahman El Abnoudy, Mohamed Hamza
Chorégraphie : Hamada Hossam Eddin
Production : Aflam Sawt Al Fan (Mohamed Abdel Wahab, Abdel Halim Hafez, Wahid Farid)

Abdel Halim Hafez et Amira






Salah Nazmi






Mervat Amine








Hamed Morsi et Nadia Lutfi








Nadia Lutfi et Ehsan Sherif



Imad Hamdi et Nabila El Sayed
















Fathy Abdel Sattar et Abdel Halim Hafez


Abdel Halim Hafez et Nadia Lutfi















Résumé

Adel vient de terminer son année universitaire. Après les examens, il décide de passer l’été à Alexandrie comme les années précédentes. Il dit au revoir à ses parents et à sa petite sœur et prend le train pour la station balnéaire. A son arrivée, il est accueilli par son ami Khaled. Les deux garçons se rendent d’abord au petit cabanon qu’Adel occupera durant son séjour. Celui-ci se change rapidement et ils repartent pour la plage où les attendent tous leurs compagnons. Ces vacances s’annoncent aussi joyeuses que les précédentes : le jour, des danses et des jeux, le soir, des fêtes conviviales et animées.

Mais pour Adel, le plus important est de retrouver Amal, la sœur de Khaled. Il est follement amoureux de la jeune femme qui elle-même n’est pas insensible au charme de l’étudiant. Malheureusement, Adel ne parvient jamais à être seul avec elle. Amal refuse toutes ses invitations pour des sorties à deux. En cela, elle obéit aux instructions de ses parents qui lui ont interdit de sortir seule avec l’ami de son frère. Adel ne supporte plus cette situation et les disputes entre les deux jeunes gens se multiplient. Un jour alors qu’il sort de chez lui, ruminant son ressentiment, il est accosté par des camarades de fac qui l’invitent à une fête. C’est ainsi qu’Il se retrouve avec un groupe de joyeux drilles ne s’interdisant aucun plaisir. Le soir, ils se rendent dans un cabaret où se produit la danseuse Ferdoos. Après sa prestation, celle-ci va à la rencontre des clients. La jeune femme remarque très vite Adel qui est resté seul à une table où il boit et fume avec excès. Elle finit par s’asseoir à ses côtés et engage la conversation. La complicité est immédiate, ils passeront la nuit ensemble dans l’appartement de Ferdoos. Cette dernière, qui est passionnément éprise de son jeune amant, convainc celui-ci de s’installer chez elle.

Désormais, Adel mène l’existence un peu vide du « gigolo » qui passe ses journées et ses soirées à boire et à jouer aux cartes tandis que sa maîtresse lui donne tout l’argent dont il a besoin. Ses amis ont été intrigués par sa disparition soudaine et Amal ne cache pas son angoisse. Khaled, qui est l’un des premiers à découvrir la liaison d’Adel, tente de le convaincre de revenir parmi eux. En vain. Les deux amants s’envolent pour le Liban afin d’y passer des vacances de rêve : Baalbek, Beyrouth, la plage, les boites de nuit… Mais à leur retour à Alexandrie, ils sont confrontés à une réalité beaucoup plus désagréable : Ferdoos n’a plus d’argent. Pour se renflouer, elle invite chez elle de riches clients qu’elle divertit durant de longues soirées alcoolisées. Tout se passe sous les yeux d’Adel.

Ce dernier comprend alors quelle situation abjecte est la sienne : il est entretenu par une entraîneuse d’âge mûr qui le traite comme un jouet. Il se souvient avec nostalgie de son ancienne vie avec Khaled, Amal et tous leurs amis. Il souhaite les retrouver mais quand il les recontacte, on lui oppose une fin de non-recevoir. Entre temps, ses parents ont été informés de sa nouvelle vie à Alexandrie. Son père a décidé de se rendre dans la station balnéaire pour arracher son fils des griffes de sa vieille maîtresse. Quand il se présente au cabaret dans lequel travaille Ferdoos, cette dernière demande à l’une de ses collègues de séduire le quinquagénaire, ce qui s’avérera une tâche peu difficile. Le père d’Adel devient à son tour l’amant d’une entraîneuse. Dès qu’Adel l’apprend, il se rend au cabaret où son père dîne avec sa nouvelle conquête. Il rencontre d’abord Ferdoos avec qui il rompt définitivement puis rejoint son père. Les deux hommes ont une violente explication mais ils finiront par se réconcilier grâce à l’intervention de Ferdoos elle-même. Dans la foulée, Adel retrouve Amal qui a assisté à la scène et qui est heureuse de regagner enfin le cœur de celui qu’elle aime.



Histoire du film

Mon Père sur l’Arbre est un film hors normes à bien des points de vue. Pour sa réalisation, Hussein Kamal et ses producteurs ont dû surmonter de nombreux obstacles. D’abord, le scénario d’après un roman d’Ihasan Abdul Quddus publié en feuilleton dans la revue Rose Al Youssef, fut maintes fois remanié. On embaucha le scénariste Saad Eddin Wahba avec pour consigne de transformer l’œuvre très littéraire d’Ihsan Abdul Quddus en scénario de comédie musicale. La tâche ne s’annonçait pas simple mais Saad Eddin Wahba finit par proposer une adaptation qui mit d’accord toutes les parties.

Le casting ne fut pas non plus une mince affaire, notamment pour les deux rôles féminins principaux. Pour le rôle d’Amal, le réalisateur aurait souhaité Nagla Fathy qui elle-même rêvait de jouer avec Abdel Halim Hafez mais celui-ci n’a pas voulu travailler avec elle . On a alors proposé le rôle à Zizi Mustafa mais elle n’était pas libre et c’est ainsi qu’on a choisi la toute jeune Mervat Amine. Pour le rôle de la danseuse, même difficulté. Les producteurs ont d’abord contacté Hind Rostom qui était à l'époque la plus grande séductrice du cinéma égyptien mais celle-ci a refusé de jouer un personnage qu’elle jugeait sans intérêt. Sans doute aussi a-t-elle craint les réactions de son public et de ses proches en la voyant incarner une entraîneuse qui s’amourache d’un petit jeune. C‘est donc Nadia Lutfi qui a emporté le rôle. On raconte que durant le tournage, les tensions entre elle et son partenaire Abdel Halim Hafez n’ont cessé de croitre et que ce fut l’une des causes de la dépression dans laquelle sombra le réalisateur une fois le film terminé.

Mon Père sur l’Arbre est le dernier film d’Abdel Halim Hafez qui est déjà très malade. Sa très grande fatigue compliquera le tournage. Ainsi les techniciens devront déployer des trésors d’ingéniosité pour dissimuler les cicatrices laissées par les multiples opérations sur le corps de la star. En 1969, le Rossignol Brun a quarante ans et il doit jouer un jeune étudiant d’une vingtaine d’années dans une comédie musicale où il faut chanter et danser. Malgré l’âge et la maladie, il parvient à être tout à fait crédible dans ce rôle de composition. Sans doute est-ce dû à son talent, qui est immense, mais aussi à sa silhouette de frêle adolescent qu’il gardera jusqu’à sa mort.

Le film conserve aujourd’hui encore une réputation sulfureuse pour ses nombreuses scènes un peu hardies qui à l’époque firent scandale. A sa sortie, on polémiqua à l’infini sur le nombre de baisers que les deux personnages principaux échangent tout au long du film. Il paraît que des spectateurs s’amusaient à les compter lors de la projection et qu’on en dénombrerait plus de cinquante, ce qui propulse Mon Père sur un Arbre à la première place du nombre de bisous à l’écran dans le cinéma égyptien, toutes périodes confondues. Certains critiques, adeptes de l’hyperbole, l’appelèrent « le film aux cent baisers ».

Ce caractère « licencieux » explique en partie le succès phénoménal du film à sa sortie : il restera à l’affiche du cinéma Diana au Caire pendant 53 semaines. Les traditionnalistes et les religieux eurent néanmoins leur revanche : Mon Père sur l’Arbre ne sera jamais diffusé à la télévision.


Critique

Aujourd’hui, la ferveur qui accompagna la sortie de Mon Père sur l’Arbre pourrait nous sembler bien excessive. Mais en 1969, ce film fit l’effet d’une bombe. Le technicolor, la présence d’ Abdel Halim Hafez et de Nadia Lufti, les danses endiablées sur le sable dans une ambiance très yéyé et surtout les scènes légèrement osées réunissant les deux vedettes, tout cela explique le succès phénoménal de cette comédie musicale qui restera à l’affiche au Caire pendant plus d’une année.

Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’on nous présente à l’écran une bande de jeunes gens sympathiques qui s’amusent comme des petits fous sur la plage. Niazi Mustafa et Houssam Al Din Mustafa avaient précédé leur collègue. Le premier réalise en 1967 Jeunesse Très Folle (Shabab magnoun geddan, 1967) qui se passe aussi à Alexandrie et la même année le second sort Le Rivage de la Gaieté (Chatei el Marah). Ces productions « Love and beach » constituent un genre à part entière, copié sur le cinéma américain des années cinquante et soixante. Ce genre connaîtra un certain succès jusqu’au milieu des années soixante-dix comme l’atteste la comédie de Mohamed Abdel Aziz, En été, il faut aimer (fil-seyf lazem neheb) réalisée en 1974.

Le point commun de ces films c’est de mettre en scène des jeunes, la plupart du temps en maillot de bain, qui s’amusent et se disputent, de préférence en dansant et en chantant. Garçons et filles ont une préoccupation unique : l’amour, bien évidemment. Enfin, le flirt pour les personnages secondaires et la passion exclusive pour les personnages principaux. Comme il se doit, les garçons sont autorisés à passer de l’un à l’autre, pas les filles. Cela nous donne de gentilles petites comédies, au rythme enlevé, dans lesquelles le héros ou l’héroïne connaît de petits chagrins et de grandes joies, sous l’œil bienveillant de ses petits camarades.

Le film d’Hussein Kamal semble au début baigné dans la même atmosphère. La première partie comporte une longue séquence qui se déroule sur la plage. Plusieurs dizaines de jeunes danseurs dans des tenues de couleurs vives chantent et dansent autour d’ Abdel Halim Hafez qui fait le pitre. La chanson s’intitule «Qadi Al Balaj », littéralement « le Juge de la Plage » et elle s’ouvre sur ces mots : « Au nom de l'air et du soleil et de la plage/Au nom de la jeunesse, de l'amour et des vacances » tandis que les danseurs lèvent les bras vers le ciel, comme dans un geste d’adoration païenne au soleil. On se doute que plus d’un conservateur a dû s’étrangler en entendant ces paroles détournant le texte liturgique avec une telle désinvolture. Pour nous, cette séquence représente l’un des moments forts de Mon Père sur l’Arbre. Les paroles de la chanson "Qadi Al Balaj" écrites par le poète Morsi Gamil Aziz et les danses chorégraphiées par Hamada Hossam Eddin composent un manifeste enflammé en faveur de la joie de vivre et du bonheur d’exister, un hymne à la beauté des corps, au plaisir et à la sensualité. Nous retrouverons cet hédonisme dans d’autres scènes du film comme celles tournées au Liban où séjournent les deux héros. On ne peut qu’être touché par ces images radieuses de Beyrouth, de Baalbek, de Journieh, autant de cartes postales d’un monde qui ne sait pas encore qu’il va sombrer dans le chaos et on suit avec une ineffable nostalgie, les escapades des deux amoureux au Pays du Cèdre. Ce que nous rappelle le film d’Hussein Kamal, c’est que le Moyen-Orient fut à une certaine époque, une terre bénie des dieux où l’homme pouvait vivre heureux.

Mais Hussein Kamal ne s’en tient pas à cette vision idyllique « sea, sex and sun » de son époque et dans la seconde partie, c’est comme si un voile se déchirait pour laisser transparaître une réalité plus sombre. Niazi Mustafa et Houssam Din Mustafa se contentaient d’exploiter le mythe un peu puéril d’un eden estival pour teenagers, Hussein Kamal en propose une version moins naïve, plus complexe.

Dans Mon Père sur l’Arbre, très vite, la bonne humeur s’estompe car ce que nous raconte le cinéaste, c’est un drame qui concerne principalement deux personnages, Adel, l’étudiant et Ferdoos, la danseuse. Paradoxalement, cette rencontre conduit le héros à faire l’expérience de la solitude. Il a rompu avec ses amis et il passe ses journées et ses nuits à attendre sa maîtresse qui travaille dans un cabaret. Pour oublier le vide de son existence, il fume, boit et joue aux cartes. Et le retour du voyage au Liban va être terrible pour lui. Sa maîtresse n’a plus d’argent, elle décide donc d’organiser des soirées avec de vieux messieurs très généreux, des soirées auxquelles Adel participe. La vérité éclate aux yeux du pauvre garçon : sa maîtresse est une entraîneuse et c’est grâce à ses complaisances qu’elle peut l’entretenir. Adel comprend alors que leur amour était un mensonge, une chimère. L’expérience est tout aussi cruelle pour Ferdoos, la danseuse, qui finira par être violemment rejetée par son jeune amant bien qu’il ait profité de sa générosité. Pour les deux héros, la désillusion est complète.

On pourra déplorer le moralisme étroit du dénouement qui semble tout droit sorti d’un film des années cinquante : "ne sacrifions pas l’amour d’une jeune fille honnête à une aventure torride mais sans lendemain avec une femme impudique !" Pourtant, à la fin des années soixante, la comédie égyptienne était parvenue à se libérer du carcan de la morale traditionnelle. Dans Mon Père sur un Arbre, non seulement celle-ci triomphe à la fin mais c’est l’enfant et non les parents qui s’en fait le porte-parole : dans la dernière scène, Adel intervient énergiquement auprès de son père pour qu’il revienne dans « le droit chemin » (Imad Hamdi est épatant en papa saisi par la débauche !). Cette fin édifiante étonne car Hussein Kamal ne peut être rangé parmi les bien-pensants et les conservateurs. Les baisers passionnés qu’échangent les deux personnages principaux durant tout le film le prouvent suffisamment. Il est possible que cette allégeance in fine à la morale traditionnelle soit un moyen pour faire passer toutes les scènes « osées » qui précèdent. Il n’a pas été le seul cinéaste à user de ce stratagème pour faire avaler des couleuvres aux censeurs !

Enfin, il faut absolument voir ce film, à la fois solaire et ténébreux. C’est le dernier d’Abdel Halim Hafez qui, bien que diminué par la maladie, joue, chante et danse avec une énergie et un art incroyables. Enfin, et surtout, il y a Nadia Lutfi, immense actrice, dans l’un de ses meilleurs rôles, celui d’une femme mûre qui revendique son droit au plaisir et qui devra affronter l’abandon, inéluctablement.

Appréciation : 4/5
****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

mercredi 30 novembre 2022

Le corps dans le cinéma égyptien : les jambes (2)

الساقين في السينما المصرية

1946 Taheya Carioca


1947 Nelly Mazlom (au centre)


1949 Houda Shams El Din


1949 Lola Sedky


1949 Lola Sedky


1949 Samia Gamal 


1951 Thoraya Helmy


1952 Naïma Akef


1953 Samia Gamal


1956 Kitty


1957 Berlanti Abdel Hamid


1957 Hind Rostom


1957 Nelly Mazlom et Helen Diatto


1957 Ahmed Ramzy et Ismaïl Yassin


1957 Mounira Sunbul


1957 Hind Rostom


1959 Nagwa Fouad


1960 Samira Ahmed


1962 Shadia


1963 Soad Hosny


1963 Nadia Lotfi


1966 Hind Rostom


1967 Ragaa El Geddawi


1968 Chams El Baroudi


1968 Soad Hosny


1969 Nelly


1969 Magda El Khatib


1969 Nagla Fathy


1970 Shadia


1971 Nahed Sherif


1971 Naglaa Fathy


1971 Zizi Mustafa


1971 Brigitte Haryar


1972 Nagla Fathy


1973 Laïla Taher


1973 Adel Imam


1973 Shahina Taha, Madiha Kamel, Zubaïda Tharwat


1974 Mohamed Awad


1974 Madiha Kamel


1975 Chams Al Baroudi


1975 Mervat Amine


1975 Safia El Emary et Hala El Shawarby


1975 Nadia Lutfi


1976 Noura


1976 Nahed Sherif


1977 Nagwa Fouad


1977 Nabila Ebeid


1984 Madiha Kamel


A suivre...