Affichage des articles dont le libellé est Samira Ahmed. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Samira Ahmed. Afficher tous les articles

samedi 29 mai 2021

Le Village des Amoureux (Qaryat al Usshaq, 1954)

قرية العشاق
إخراج : أحمد ضياء الدين


Ahmed Diaa Eddine a réalisé Le Village des Amoureux en 1954.
Distribution : Magda (Fatima), Yehia Chahine (Abdel Karim), Samira Ahmed (Shahira Fadel), Hussein Riad (l’imam de la mosquée), Abdel-Wareth Asr (Salem, le père de Fatima), Ferdoos Mohamed (la mère d’Abdel Karim), Wedad Hamdy (Shalabiya), Salah Nazmi (Farid), Mohamed El Tokhy (le médecin), Hamdy Gheith (Kamel), Abdel Moneim Ibrahim (Fathy, le camarade de Farid), Abdel Moneim Ismail (le chauffeur du camion), Nemat Mokhtar (Danseuse), Ibrahim Hechmat (le père de Shahira)
Scénario : Hussein Helmy El Mohandes et Amin Youssef Ghorab
Musique : Ibrahim Haggag
Production : les films Yahia Chahine

Samira Ahmed et Yehia Chahine

Hussein Riad et Yehia Chahine

Magda

Salah Nazmi et Samira Ahmed

Samira Ahmed et Salah Nazmi

Abdel Wares Asr


Résumé

Abdel Karim est un jeune paysan travailleur, honnête et pieux. Il vit modestement avec sa mère et leur principale source de revenus est une bufflonne dont ils vendent le lait. Abdel Karim a des projets : acheter une seconde bufflonne et acquérir une bicyclette. Sa mère se désole qu’à son âge il soit toujours célibataire. Pourtant il plaît aux femmes. Shalabiya, une jeune paysanne qui, comme beaucoup de femmes des environs, travaille à la cueillette des oranges est amoureuse de lui. Mais Abdel Karim est plutôt attiré par Fatima, la fille du fabriquant de clayettes. Tous les deux se retrouvent régulièrement au bord du Nil pour parler de choses et d’autres. Leur complicité est totale. Fatima est déjà convoitée par un prétendant, un jeune maçon, mais elle l’a repoussé car elle espère bien qu’Abdel Karim ne tardera pas à se déclarer. Malheureusement pour la jeune femme, une rivale fait son apparition : c’est Shahira, la fille du propriétaire des orangeraies où travaillent Shalabiya et ses collègues. Son père étant très malade, elle a dû le remplacer pour superviser la cueillette des fruits. Elle a tout de suite remarqué Abdel Karim et elle est bien décidée à le séduire. Elle lui propose de lui céder l’une de ses bufflonnes et l’invite à passer dans sa propriété pour examiner la bête. Quand il s’y rend, Abdel Karim a bien du mal à résister aux avances de la jeune femme. Il repart avec la bufflonne, profondément troublé. La rencontre suivante se déroule dans un champ : cette fois-ci, pour Abdel Karim, la tentation est trop forte. Il cède au désir de Shahira. Plus tard, tourmenté par le remords, le jeune homme demande conseil à l’imam de la mosquée. Ce dernier est catégorique : il doit rompre avec Fatima et épouser Shahira. Malgré la différence sociale, le père de celle-ci accepte de donner la main de sa fille à un simple paysan. Quelque temps après les fiançailles, Shahira rencontre Farid, un ancien camarade, fils d’un propriétaire terrien. Le garçon est impressionné par la transformation physique de celle qu’il a connue encore enfant. Le jour même où doit avoir lieu le mariage de Shahira et d’Abdel Karim, Farid offre une bague à la jeune femme et la supplie de fuir avec lui au Caire. Shahira est séduite par ce play-boy de bonne famille qui est l’exact opposé d’Abdel Karim. Fatima qui a tout vu et tout entendu met en garde son ancienne rivale contre les intentions réelles de son séducteur. Shahira ne veut rien savoir. Elle disparaît avec Farid. Le scandale est considérable. Abel Karim tombe malade et doit s’aliter. On croit sa dernière heure arriver mais il se rétablit peu à peu. Il a renoué avec Fatima qui l’aime toujours. Ils se marient et peu après, Fatima tombe enceinte. De son côté, Shahira mène une existence oisive dans la capitale. Avec Farid, ils vont de fête en fête et se livrent à tous les excès. Mais très vite, cette vie finit par lasser Shahira, d’autant plus que son mari la délaisse et que les amis de celui-ci la méprisent ouvertement. En fait, elle est toujours amoureuse d’Abdel Karim. Elle décide de retourner au village pour tenter de le récupérer. Face à celle qui l’a humilié, Abdel Karim est à deux doigts de succomber à nouveau mais il finit par la repousser. Peu après, Fatima donne naissance à un petit garçon. La joie du jeune père est à son comble. Mais Shahira n’a pas abandonné la partie. Elle revient au village et tente à nouveau de reconquérir son ancien amant. Cette fois-ci, Abdel Karim se montre plus ferme : il a désormais un fils et il doit se consacrer à son bonheur. Shahira, folle de rage, décide de se venger : alors que les deux parents vaquent à leurs occupations, elle tire un coup de carabine sur l’enfant qui dormait dans son hamac. Elle jette ensuite son arme dans la rivière et s’enfuit. Après la mort de leur fils, Abdel Karim change radicalement d’attitude envers son épouse : il ne lui parle plus et lui manifeste une hostilité constante. Fatima comprend qu’il ne l’avait jamais aimée et que seul comptait à ses yeux leur enfant. Au Caire, Shahira donne à son tour naissance à un petit garçon. Elle est à la fois heureuse mais aussi terriblement angoissée : elle est convaincue qu’on veut tuer son fils. Inquiet pour son équilibre mental, le médecin lui conseille de retourner au village pour pouvoir se reposer. Elle s’y installe avec son mari et son enfant. Elle retrouve Abdel Karim et lui donne rendez-vous chez elle, à la nuit tombée : Farid doit retourner au Caire le jour même pour ses affaires. Elle ne sait pas qu’elle scelle ainsi son destin. La soirée sera tragique : Shahira abat son mari le prenant pour un tueur alors qu’il revenait chercher son portefeuille puis, après avoir tiré sur Abdel Karim, elle se tue en tentant de fuir : la carriole tirée par un cheval au grand galop se renverse, Shahira est projetée dans le fleuve et elle disparaît à tout jamais. Fatima et Abdel Karim décident d’adopter le petit orphelin.    


Critique

Ahmed Diaa Eddine a réalisé une œuvre forte qui nous plonge dans un monde apparemment immuable , celui des campagnes avec sa population humble et laborieuse dont l’existence est rythmée par les travaux des champs et les soins du bétail.
Le Village des Amoureux se présente d’abord comme un drame rural. Ce genre très prisé par le public égyptien nous a donné des œuvres de qualité très diverse mais qui suivent toujours à peu près le même schéma. De film en film, nous retrouvons la lutte ancestrale des paysans miséreux contre les seigneurs cruels et cupides. Ce conflit nous est souvent conté avec un certain manichéisme qui laisse peu de place à la nuance ou à l’ambiguïté. En plus de cette dimension sociale ou politique, il y a toujours une histoire d’amour impossible entre la fille du propriétaire et le fils d’un paysan pauvre mais le bien (et donc l’amour) finit toujours par triompher (On aura reconnu le synopsis de Ciel d’Enfer de Youssef Chahine avec Faten Hamama et Omar Sharif, un excellent film au demeurant.)
Le film d’Ahmed Diaa Eddine  ne reprend pas cette trame stéréotypée et se distingue par bien des aspects des autres productions du même genre.

Le Village des Amoureux a été tourné en 1954, deux ans après la chute de la monarchie. On pourra donc lui trouver à juste titre un accent « réaliste socialiste » : c’est avec une empathie manifeste que le réalisateur évoque le travail des ouvriers agricoles et des petits paysans, il nous montre les jeunes villageoises qui, embauchées pour la cueillette des oranges, se rendent dans les plantations en chantant un hymne patriotique. Il souligne aussi l’opposition entre la jeunesse laborieuse des campagnes et la jeunesse oisive des grandes villes. Enfin, il n’hésite pas critiquer la religion en montrant comment l’imam du village, au nom de valeurs surannées, entraîne les trois héros dans le malheur et le chagrin. En revanche il est peu question ici des grands propriétaires qui n’apparaissent quasiment pas. La lutte des classes n’est pas le sujet du film même s’il met en scène des personnages appartenant à des classes sociales différentes. On pourra juste noter le traitement caricatural de Farid (interprété par Salah Nazmi), le fils du propriétaire terrien, un jeune homme vaniteux à l’élégance tapageuse qui oublie le vide de son existence dans d’interminables fêtes.

L’intérêt du film est ailleurs et notamment dans l’étude psychologique des deux personnages principaux, Abdel Karim et Shahira. Chaque nouvelle péripétie du film éclaire un aspect différent de leurs personnalités complexes. Tous les deux nous sont présentés comme des êtres tourmentés, écartelés entre des aspirations contradictoires. Abdel Karim rêve d’une vie de famille paisible mais il ne peut résister à l’attrait physique qu’il éprouve pour son ancienne maîtresse. C’est un fils aimant qui travaille dur pour que sa mère ne manque de rien mais il est aussi un mari brutal et injuste avec sa femme qui l’aime par-dessus tout. Même déchirement pour Shahira : elle abandonne celui qu’elle devait épouser pour se marier avec un jeune bourgeois qui lui promet une vie facile et agréable. Néanmoins, toutes les nuits, tandis que son mari dort, elle brûle d’un désir insatiable pour Abdel Karim. Et ce qu’elle ressent pour ce dernier est au-delà de la sensualité, c’est un amour fou qui l’entraînera à sa perte.

Il y a du mélodrame dans ce Village des Amoureux, essentiellement à travers le personnage incarné par Magda. La jeune femme subit avec courage les épreuves les plus terribles : l’homme qu’elle aime veut en épouser une autre, une fois qu’elle est enfin mariée avec lui, leur enfant est abattu d’un coup de fusil, enfin, après ce drame, elle comprend que son mari ne l’a jamais aimée. Mais la tonalité dominante est bien la tragédie. Nous avons des personnages dominés par des passions violentes, emportés par un destin funeste. Et sans doute le personnage le plus tragique est Shahira (sublime Samira Ahmed), véritable Médée égyptienne qui par sa fureur destructrice se transforme en monstre semant la mort autour d’elle.

Enfin, dans sa manière de peindre le drame de la passion amoureuse non partagée, ce film nous rappelle certaines œuvres du plus prestigieux des dramaturges français de l’époque classique. Le Village des Amoureux ou Racine sur le Nil.

Appréciation : 4/5
****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin


mercredi 20 septembre 2017

Ismaël Yassin à l'armée (Ismaïl Yassine fil geish, 1955)

إسماعيل يس في الجيش
إخراج : فطين عبد الوهاب





Fateen Abdel Wahab a réalisé Ismaël Yassin à l'Armée en 1955.
Distribution : Reyad El Kasabgy (Attiya), Ismaël Yassin (Termis), Samira Ahmed (Samira), Abdel Salam Al Nabulsi (Zizou), Gamalat Zayed (la mère de Samira), Soad Ahmed (la mère de Termis), Abdel Ghany Al Nagdi (Okal), Hassan Atla (Hussein), Mahmoud Lotfi (le père de Zizou)
Scénario : Fateen Abdel Wahab
Dialogues : Abou Al Seoud Al Ebiary
Musique : Fouad El Zahry, Fathy Qoura, Mounir Mourad
Production : Al Hilal Films

Samira Ahmed

Reyad El Kasabgy et Ismaël Yassin

Abdel Salam Al Nabulsi et Ismaël Yassin

Gamalat Zayed et Reyad El Kasabgy

Ismaël Yassin et Abdelghany Al Nagdi


Résumé

Un groupe d’hommes résidant dans le même quartier sont convoqués par le ministère de la défense pour une session d’entraînement militaire. Parmi eux, nous trouvons Okal, un vendeur ambulant, Zizou, le coiffeur, Zaki qui était chargé de distribuer les convocations sans savoir que lui aussi était le destinataire de l’une d’entre elles et enfin, Hussein, le mari d’Oum Abdo. Celle-ci est la mère de Samira, la jeune fille dont est amoureux Zaki. Malheureusement, il a un rival : l’officier Attiya qui est justement chargé de la formation des nouveaux appelés... 
Le militaire a déjà fait sa demande en mariage et la mère de Samira le verrait volontiers comme son futur gendre. Malgré les épreuves que lui inflige l’officier, Zaki se conduit toujours en bon soldat. Lui et ses compagnons ont surmonté leurs réticences du début et comprennent que c’est un honneur de combattre pour son pays. La conduite exemplaire de Zaki lui vaut la reconnaissance de ses supérieurs et l’admiration des autres soldats. Elle lui permettra aussi de gagner définitivement le cœur de Samira.


Critique

En 1954, Fateen Abdel Wahab réalise Mademoiselle Hanafi avec l’acteur Ismaël Yassin dans le rôle principal. Le succès est immense. Du jour au lendemain, Ismaël Yassin devient une star, célèbre dans tout le monde arabe. Surfant sur cette popularité, le comédien et le réalisateur vont enchaîner les tournages. Fateen Abdel Wahab reprend un procédé dont il avait été « l’inventeur » en 1951 avec Ismaël Yassin et la Maison Hantée : inclure dans le titre du film le nom de son acteur fétiche. Après Mademoiselle Hanafi, cette formule a un effet magique sur le public et les salles se remplissent instantanément. A noter que Fateen Abdel Wahab n’a pas l’usage exclusif de ce procédé : d’autres réalisateurs l’adoptent (cédant sans doute aux sollicitations plus ou moins appuyées des producteurs) et on continuera à voir des films dont le titre commence par Yassin jusqu’au milieu des années soixante, époque à laquelle l’étoile de l’acteur commencera à pâlir. 

Les politiques eux aussi s’intéressent à l’incroyable popularité d’Ismaël Yassin. En 1955, la prise de pouvoir par les militaires a déjà trois ans et ceux-ci ressentent le besoin de redorer le blason de leur institution auprès de la population et notamment auprès des jeunes. L’armée veut recruter : depuis 1948, l’Egypte est en conflit permanent avec le nouvel état d’Israël, ses besoins en hommes sont donc considérables. Pour être plus attractive, il lui faut changer son image. Fateen Abdel Wahab et Ismaël Yassin vont l’y aider. Ensemble, ils vont réaliser entre 1955 et 1959, six films à la gloire de l’armée et de la police. Le premier, c’est ce film réalisé en 1955, Ismaël Yassin à l’armée. Le deuxième, Ismaël Yassin dans la police, sort cette même année. Puis suivront, Ismaël Yassin dans la Marine (1957), Ismaël Yassin dans la Police Militaire (1958), Ismaël Yassin dans l’Aviation (1959). La série se clôt avec Ismaël Yassin dans la Police Secrète (1959). 

Ces six comédies sont donc conçues comme des oeuvres de propagande. Pour Ismaël Yassin à l’Armée, les autorités militaires ont même autorisé, et c’est une première, la production à tourner au sein d’une caserne et les figurants sont tous de vrais soldats réquisitionnés pour les besoins du film. Nasser en personne assistera à la première projection publique d’Ismaël Yassin à l’Armée, projection qui se déroule le 23 juillet 1955, jour anniversaire de la prise de pouvoir par les Officiers Libres (23 juillet 1952). 

Malgré son aspect « officiel », ce premier volet de la série n’a rien du navet édifiant et cocardier. Fateen Abdel Wahab est à la barre et il est l’un des cinéastes plus les doués de sa génération. Certes, dans Ismaël Yassin à l’Armée, il doit mettre son savoir-faire et son talent au service d’un message patriotique qui ne souffre aucune réserve. L’intrigue nous montre comment l’armée métamorphose des êtres craintifs et maladroits en valeureux soldats prêts à se sacrifier pour la nation. Mais dans ce cadre très strict, Fateen Abdel Wahab parvient à défendre les droits de la comédie et du rire, ce qui empêche Ismaël Yassin à l’Armée de sombrer dans le prêchi-prêcha indigeste (ce que, soit dit en passant, n’évitent pas bon nombre de comédies d'aujourd’hui au message très « politiquement correct », mais ceci est un autre débat.). 

On retrouve donc ici l’univers burlesque et satirique cher au cinéaste. Toutes les épreuves auxquelles doivent se soumettre Zaki et ses deux compagnons sont autant de prétextes à gags, parfois un peu convenus mais toujours réalisés avec le plus grand soin. Et comme dans toute comédie militaire qui se respecte, on a un sergent à la mine patibulaire -incarné par l’excellent Reyad El Kasabgy- dont on défie l’autoritarisme borné et que l’on tourne en ridicule. L'esprit est parfois très proche de celui des Gaietés de l’Escadron du dramaturge français Georges Courteline, en moins féroce évidemment. Rien d’original donc mais l’ensemble emporte l’adhésion par un sens du rythme et du spectacle qui est la marque de fabrique de Fateen Abdel Wahab. Ce qui étonne aussi, c’est la maîtrise avec laquelle le cinéaste réalise ses scènes de groupes, très nombreuses. Il transforme un défilé au pas de plusieurs centaines de soldats en un ballet d’une légèreté aérienne ! 

Mais au-delà de son caractère divertissant, l’intérêt principal du film réside dans son aspect documentaire. La vie quotidienne des militaires est évoquée avec une grande précision et un souci constant de vérité. En fait, le véritable héros d’Ismaël Yassin à l’Armée, c’est le simple soldat, engagé ou appelé. Dans toutes les scènes du film, le réalisateur prend bien soin de mêler ses acteurs professionnels aux vrais troupiers qui se préparent au combat. Très habilement, Fateen Abdel Wahab transforme une œuvre de propagande au service du pouvoir en hommage aux sans grade et aux sous-officiers qui paient de leur vie la défense du peuple et de la nation. D’ailleurs, au début du générique, c’est bien eux que la production remercie pour leur participation et non les autorités militaires pour les facilités accordées lors du tournage. 

En fin de compte ce premier opus « patriotique » du duo le plus célèbre de la comédie égyptienne est une réussite si l’on veut bien considérer les limites très restrictives du genre (Pour être juste, il faudrait dire trio : la présence du scénariste Abou Al Seoud Al Ebiary participe aussi à cette réussite.).


Appréciation : 3/5
***

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin


lundi 24 juillet 2017

Je ne reviendrai pas (Lan A'Oud, 1959)

لن أعود
إخراج : حسن رضا



Hassan Reda a réalisé Je ne Reviendrai pas en 1959.
Distribution : Samira Ahmed (Nahed), Kamal Al Shennawi (Fathi), Abbas Fares (Shakar), Abdel Moneim Ibrahim (Mohsen), Taheya Carioca (Alya), Rhaireya Rhairy (la tante Zeinab), Shafik Nour El Din (l’oncle Radwan), Fayza Ibrahim (la chanteuse), Fifi Salama (la danseuse), Layla Yousri, Nadia Nour, Soheir El Bably, Abdel Hamid Badawi
Scénario : Hassan Reda et Kamal El Hafnawi
Musique : Abdel Aziz Salam et Baligh Hamdy
Production : Ahmed Kamal Hafnawi

Samira Ahmed et Kamal Al Shennawi


Shafik Nour El Din et Kamal Al Shennawi

















Samira Ahmed

















Taheya Carioca

















Kamal Al Shennawi

















au centre, Abdel Moneim Ibrahim

















Taheya Carioca


















Résumé

Shakar est un industriel prospère. Il s’est pris d’affection pour un jeune ingénieur Fathi. Il lui a confié le poste de directeur général adjoint et l’a logé dans un appartement près du sien. Ce qu’il ne sait pas, c’est que le jeune ingénieur est aussi l’amant de sa femme, Alya. Fathi s’absente pendant trois mois afin d’ acheter des machines ultra-modernes pour la nouvelle usine en construction. Durant son absence, un ami de son patron meurt laissant derrière lui une jeune fille, Nahed. Shakar décide de lui venir en aide. Il l’emploie chez lui comme intendante. Fathi est revenu de l’étranger et a repris son existence de jeune ingénieur brillant et séduisant. Outre sa relation avec la femme de Shakar, il se rend régulièrement avec l’un de ses collègues dans un cabaret où il se divertit entouré de danseuses aux mœurs légères. 
La présence de Nahed ne laisse pas indifférent Fathi. Il entreprend de la séduire et un jour, croyant sa nouvelle proie prête à succomber, il tente de l’embrasser. Celle-ci se débat, le gifle violemment et s’enfuit. Fathi comprend qu’il est tombé amoureux de la jeune femme et qu’il a fait fausse route. Il tente par tous les moyens de se faire pardonner. Il invite régulièrement l’élue de son coeur à sortir avec lui et il parvient à la convaincre de la sincérité de ses sentiments. Malheureusement, un soir, de sa fenêtre, Nahed voit Alya se rendre en cachette chez Fathi. Celui-ci n’est jamais parvenu à rompre avec sa vieille maîtresse et il continue à la recevoir régulièrement dans son appartement. Nahed est bouleversée. Elle décide de quitter la maison de Shakar et de s’installer chez son oncle Radwan et sa tante Zainab. Radwan qui travaille à l’usine révèle à Fathi où s’est réfugiée la jeune femme. L’ingénieur prend deux décisions : il rompt avec sa maîtresse et demande en mariage Nahed. La jeune fille cette fois-ci croit en l’amour de son soupirant et accepte sa proposition. Quand Shakar apprend la nouvelle, il est aux anges et son épouse est obligée de cacher la fureur qui l’étreint. Après leur mariage, le jeune couple doit s’installer en Syrie car Fathi doit superviser le lancement d’une nouvelle usine. Le patron veut profiter de la création de la République Arabe Unie pour étendre son activité. 
Mais Alya n’a pas pour autant renoncer à récupérer son amant. Elle s’est toujours ingéniée pour conserver la confiance de Nahed . Elle lui a même appris à conduire. Un jour, alors qu’elles se trouvent toutes les deux dans un restaurant situé tout en haut d’une falaise à Mokattam, elle trouve un prétexte pour que l’épouse de son ex-amant prenne seule le volant. Elle a auparavant sectionné le tuyau du liquide de frein. Alors que Nahed s’apprête à démarrer, surgit Fathi qui se propose de faire lui-même la course dont l’a chargée Alya. La jeune femme accepte et retrouve son amie à l’intérieur de l’établissement. Désespérée, cette dernière se précipite à l’extérieur du restaurant et assiste à la sortie de route de la voiture qui plonge dans le vide. Elle-même se jette du haut de la falaise. Elle meurt. Fathi survivra à l’accident et pourra fonder une famille avec la femme qu’il aime. 


Critique 

Ce n’est pas la première fois que Taheya Carioca joue les vieilles maîtresses abusives et cela ne sera pas non plus la dernière. Evidemment, on pense d'abord à son rôle dans La Sangsue de Salah Abou Seif en 1956 mais il y en eut bien d'autres. Et il faut avouer que dans ce registre, elle est tout bonnement magistrale. Il aura fallu qu’elle arrête de danser pour que le public comprenne à quel point, c’était une remarquable actrice qui dans son jeu atteignait une vérité et une profondeur peu communes. Dans Je ne reviendrai pas, Taheya Carioca montre la grande tragédienne classique qu’elle aurait pu être (On aurait rêvé la voir dans le rôle de Phèdre !) notamment, dans les scènes où, seule, sans témoin, elle exhale sa souffrance et sa fureur.
Je parlais plus haut des grandes similitudes entre les deux personnages joués par l’actrice dans La Sangsue et dans ce film. Mais ici s’arrêtent les convergences entre les deux œuvres. En effet, Salah Abou Seif et Hassan Reda font évoluer leurs personnages dans des univers radicalement opposés. Très loin du réalisme cher au premier, le second nous offre un mélodrame hollywoodien. Nous sommes entre gens aisés, roulant en grosses voitures et résidant dans des villas modernes. En soirées, les femmes portent des robes élégantes et en leur compagnie, les hommes boivent et fument sans modération pour oublier leurs longues journées de travail. 
Mélodrame ne signifie pas roman-photo : Hassan Reda s’intéresse à la société de son temps et à son évolution. Il brosse ici le tableau d’une classe sociale, celle de ces bourgeois diplômés qui sont bien décidés à profiter du nassérisme, du panarabisme et de la création de la république arabe unie (union de l’Egypte et de la Syrie) pour développer leurs activités et s’enrichir. Fathi, le jeune héros du film, est un jeune égyptien ambitieux qui a tout pour réussir : c’est un ingénieur brillant et un redoutable séducteur. Il est le représentant de tous ces jeunes loups qui à l’aube des années soixante, dans le monde arabe et au-delà, nourrissent des rêves de puissance et de fortune, le représentant de tous ces petits Rastignac à qui la prospérité économique semble donner des ailes. Pourtant le réalisateur refuse de tomber dans la caricature. Il fait de son héros un portrait tout en nuance, loin des stéréotypes attendus. Au contraire, on assiste à sa rédemption et ce qui sauve Fathi du cynisme et de la vanité, c’est tout simplement l’amour. 
Dans ce film, Hassan Reda manifeste un grand sens de la progression dramatique. Chaque scène est une nouvelle étape vers la catastrophe, et ce n’est que dans les ultimes instants du dénouement que tout bascule. C'est aussi un fin psychologue : il montre comment l’adultère, jeu mondain entre adultes consentants, se transforme inexorablement en passion destructrice conduisant au meurtre et au suicide.
Enfin, il faut absolument évoquer la beauté sidérante de certains plans, de certaines séquences, que ce soit les scènes nocturnes de la première partie où l’on voit la vieille maîtresse, folle de désir, filant sans bruit à travers la maison ou le jardin pour retrouver son jeune amant, que ce soit dans la seconde partie, les scènes de plein jour, dans le paysage blanc et minéral de Mokattam, hommage à la Grèce antique, mère de la Tragédie.
Dans les dernières minutes du film, le réalisateur adopte une esthétique proche de celle des grands classiques d'Alfred Hitchcock : le héros est au volant d’un splendide cabriolet et il roule à vive allure dans la lumière éblouissante du jour. Il se sent heureux et léger, alors que sur la route qui serpente parmi les rochers, il devra affronter la mort.

Appréciation : 4/5 
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin


vendredi 18 septembre 2015

Les Amours d'une femme (Gharamyat Imra'ah, 1960)

غراميات امرأة
إخراج : طلبة رضوان


 

Tolba Radwan a réalisé les Amours d'une Femme en 1960.
Distribution : Kamal Al Shennawi (Mourad, le cousin d’Ahmed), Soad Hosny (Amina), Samira Ahmed (Hikmat), Ahmed Ramzy (Ahmed, le cousin d’Amina), Abdel Moneim Ibrahim (Labib, le co-locataire d’Ahmed), Ferdoos Mohamed (la mère d’Ahmed et la tante d’Amina), Nadia Habib (Hoda, la petite sœur d’Ahmed), Abdel Khalek Saleh (le père de Mourad et l’oncle d’Ahmed), Mimi Gamal (la danseuse), Mohamed Nabeh (l’épicier), Fathia Ali (la voisine)

 Scénario : Abdel Moneim Madbouly et Tolba Radwan 
Musique : Ibrahim Haggag 
Production : Helmy Halim


Samira Ahmed















  
Abdel Moneim Ibrahim et Ahmed Ramzy

Kamal Al Shennawi

Samira Ahmed

Samira Ahmed et Kamal Al Shennawi



Résumé

Ahmed, étudiant en médecine, fait la connaissance à l’hôpital de Hikmat, une jeune infirmière ambitieuse. Une histoire d’amour naît entre les deux jeune gens. Le soir, ils sortent souvent ensemble. Pourtant Ahmed n’a pas le sou, il doit emprunter à ses connaissances. Son amour l’accapare complètement et il néglige ses études tant et si bien qu’il échoue à ses examens. Pour se reposer un peu, Il se rend alors chez sa tante qui réside dans un village près du Caire. Il retrouve Amina, sa cousine qui l’aime en secret. Pendant son absence, Hikmat le trompe. Ahmed lui est toujours amoureux. Quand il retourne au Caire, il est bien décidé à épouser la jeune infirmière mais à leur premier rendez-vous, celle-ci lui annonce qu’elle désire rompre. Ahmed est terrassé. Averties par le meilleur ami du jeune homme, Amina et sa mère s’installent quelque temps chez leur neveu et cousin pour le soutenir. Ahmed finit par s’intéresser à Amina. Un jour ils s’embrassent et décident de se marier. Une fois le jeune homme rétabli, les deux femmes retournent chez elles. Ahmed s’est remis à ses études. Entre temps, Hikmat a été abandonnée par son nouvel amant et chassée de chez ses parents. Elle décide de sonner à la porte d’Ahmed. Celui-ci, ému par la situation de son ancienne maîtresse, accepte de l’héberger. Evidemment, Hikmat va tout faire pour reconquérir le cœur d’Ahmed. Elle s’occupe du ménage et adopte tenues et attitudes propres à réveiller les désirs de son ex-fiancé.  Mais rien n’y fait : l’étudiant en médecine reste fidèle à la promesse faite à sa cousine.  Il passe à nouveau ses examens. Cette fois-ci,  il obtient son diplôme. Il rentre chez lui, fait sa valise et file chez sa tante pour annoncer la bonne nouvelle. Quand il arrive à destination, Amina n’est plus là. Elle est déjà partie pour la capitale. Amina  se présente devant la porte de l’appartement d’Ahmed, c’est Hikmat qui lui ouvre. Une dispute éclate entre les deux femmes. Elles en viennent aux mains et roulent dans l’escalier de l’immeuble. Ahmed reparaît à temps pour venir au secours de la seule femme qu’il aime, Amina.


Critique

Tolba Radwan est un honnête artisan dont la carrière débute au début des années cinquante et prend fin en 1967.  Il fut très longtemps l’assistant de grands réalisateurs comme Salah Abou Seif ou Henry Bakarat et on retrouve son nom au générique de certains classiques du cinéma égyptien. Il passe à la réalisation en 1959 et signera seul sept films dont ces Amours d’une femme.
Dans ce drame, il met à profit ce que lui ont appris les maîtres qu’il a côtoyés : scénario bien ficelé, cadrage précis, photo soignée, jeu impeccable des acteurs. Et pourtant le film déçoit. Le scénario ne comporte pas une seule idée originale. Tolba Radwan s’est contenté de piocher dans bon nombre de réalisations antérieures. On retrouve donc Ahmed Ramzy en jeune médecin (encore !) tombé sous la coupe d’une infirmière sans scrupules alors qu’une cousine au cœur pur ne demande qu’à l’aimer. A partir de cette situation, le réalisateur nous ressert tous les clichés du drame des années cinquante, sans génie, sans éclat. Un brouet bien fade qui reste pourtant sur l’estomac. Les scènes convenues se succèdent jusqu’à l’ultime happy end, laissant dans l’esprit du spectateur une impression de plus en plus forte de déjà vu.
Un exercice de style sans grand intérêt

Appréciation : 2/5
**
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin