mercredi 20 septembre 2017

Ismaël Yassin à l'armée (Ismaïl Yassine fil geish, 1955)

إسماعيل يس في الجيش
إخراج : فطين عبد الوهاب





Fateen Abdel Wahab a réalisé Ismaël Yassin à l'Armée en 1955.
Distribution : Reyad El Kasabgy (Attiya), Ismaël Yassin (Termis), Samira Ahmed (Samira), Abdel Salam Al Nabulsi (Zizou), Gamalat Zayed (la mère de Samira), Soad Ahmed (la mère de Termis), Abdel Ghany Al Nagdi (Okal), Hassan Atla (Hussein), Mahmoud Lotfi (le père de Zizou)
Scénario : Fateen Abdel Wahab
Dialogues : Abou Al Seoud Al Ebiary
Musique : Fouad El Zahry, Fathy Qoura, Mounir Mourad
Production : Al Hilal Films

Samira Ahmed

Reyad El Kasabgy et Ismaël Yassin

Abdel Salam Al Nabulsi et Ismaël Yassin

Gamalat Zayed et Reyad El Kasabgy

Ismaël Yassin et Abdelghany Al Nagdi


Résumé

Un groupe d’hommes résidant dans le même quartier sont convoqués par le ministère de la défense pour une session d’entraînement militaire. Parmi eux, nous trouvons Okal, un vendeur ambulant, Zizou, le coiffeur, Zaki qui était chargé de distribuer les convocations sans savoir que lui aussi était le destinataire de l’une d’entre elles et enfin, Hussein, le mari d’Oum Abdo. Celle-ci est la mère de Samira, la jeune fille dont est amoureux Zaki. Malheureusement, il a un rival : l’officier Attiya qui est justement chargé de la formation des nouveaux appelés... 
Le militaire a déjà fait sa demande en mariage et la mère de Samira le verrait volontiers comme son futur gendre. Malgré les épreuves que lui inflige l’officier, Zaki se conduit toujours en bon soldat. Lui et ses compagnons ont surmonté leurs réticences du début et comprennent que c’est un honneur de combattre pour son pays. La conduite exemplaire de Zaki lui vaut la reconnaissance de ses supérieurs et l’admiration des autres soldats. Elle lui permettra aussi de gagner définitivement le cœur de Samira.


Critique

En 1954, Fateen Abdel Wahab réalise Mademoiselle Hanafi avec l’acteur Ismaël Yassin dans le rôle principal. Le succès est immense. Du jour au lendemain, Ismaël Yassin devient une star, célèbre dans tout le monde arabe. Surfant sur cette popularité, le comédien et le réalisateur vont enchaîner les tournages. Fateen Abdel Wahab reprend un procédé dont il avait été « l’inventeur » en 1951 avec Ismaël Yassin et la Maison Hantée : inclure dans le titre du film le nom de son acteur fétiche. Après Mademoiselle Hanafi, cette formule a un effet magique sur le public et les salles se remplissent instantanément. A noter que Fateen Abdel Wahab n’a pas l’usage exclusif de ce procédé : d’autres réalisateurs l’adoptent (cédant sans doute aux sollicitations plus ou moins appuyées des producteurs) et on continuera à voir des films dont le titre commence par Yassin jusqu’au milieu des années soixante, époque à laquelle l’étoile de l’acteur commencera à pâlir. 

Les politiques eux aussi s’intéressent à l’incroyable popularité d’Ismaël Yassin. En 1955, la prise de pouvoir par les militaires a déjà trois ans et ceux-ci ressentent le besoin de redorer le blason de leur institution auprès de la population et notamment auprès des jeunes. L’armée veut recruter : depuis 1948, l’Egypte est en conflit permanent avec le nouvel état d’Israël, ses besoins en hommes sont donc considérables. Pour être plus attractive, il lui faut changer son image. Fateen Abdel Wahab et Ismaël Yassin vont l’y aider. Ensemble, ils vont réaliser entre 1955 et 1959, six films à la gloire de l’armée et de la police. Le premier, c’est ce film réalisé en 1955, Ismaël Yassin à l’armée. Le deuxième, Ismaël Yassin dans la police, sort cette même année. Puis suivront, Ismaël Yassin dans la Marine (1957), Ismaël Yassin dans la Police Militaire (1958), Ismaël Yassin dans l’Aviation (1959). La série se clôt avec Ismaël Yassin dans la Police Secrète (1959). 

Ces six comédies sont donc conçues comme des oeuvres de propagande. Pour Ismaël Yassin à l’Armée, les autorités militaires ont même autorisé, et c’est une première, la production à tourner au sein d’une caserne et les figurants sont tous de vrais soldats réquisitionnés pour les besoins du film. Nasser en personne assistera à la première projection publique d’Ismaël Yassin à l’Armée, projection qui se déroule le 23 juillet 1955, jour anniversaire de la prise de pouvoir par les Officiers Libres (23 juillet 1952). 

Malgré son aspect « officiel », ce premier volet de la série n’a rien du navet édifiant et cocardier. Fateen Abdel Wahab est à la barre et il est l’un des cinéastes plus les doués de sa génération. Certes, dans Ismaël Yassin à l’Armée, il doit mettre son savoir-faire et son talent au service d’un message patriotique qui ne souffre aucune réserve. L’intrigue nous montre comment l’armée métamorphose des êtres craintifs et maladroits en valeureux soldats prêts à se sacrifier pour la nation. Mais dans ce cadre très strict, Fateen Abdel Wahab parvient à défendre les droits de la comédie et du rire, ce qui empêche Ismaël Yassin à l’Armée de sombrer dans le prêchi-prêcha indigeste (ce que, soit dit en passant, n’évitent pas bon nombre de comédies d'aujourd’hui au message très « politiquement correct », mais ceci est un autre débat.). 

On retrouve donc ici l’univers burlesque et satirique cher au cinéaste. Toutes les épreuves auxquelles doivent se soumettre Zaki et ses deux compagnons sont autant de prétextes à gags, parfois un peu convenus mais toujours réalisés avec le plus grand soin. Et comme dans toute comédie militaire qui se respecte, on a un sergent à la mine patibulaire -incarné par l’excellent Reyad El Kasabgy- dont on défie l’autoritarisme borné et que l’on tourne en ridicule. L'esprit est parfois très proche de celui des Gaietés de l’Escadron du dramaturge français Georges Courteline, en moins féroce évidemment. Rien d’original donc mais l’ensemble emporte l’adhésion par un sens du rythme et du spectacle qui est la marque de fabrique de Fateen Abdel Wahab. Ce qui étonne aussi, c’est la maîtrise avec laquelle le cinéaste réalise ses scènes de groupes, très nombreuses. Il transforme un défilé au pas de plusieurs centaines de soldats en un ballet d’une légèreté aérienne ! 

Mais au-delà de son caractère divertissant, l’intérêt principal du film réside dans son aspect documentaire. La vie quotidienne des militaires est évoquée avec une grande précision et un souci constant de vérité. En fait, le véritable héros d’Ismaël Yassin à l’Armée, c’est le simple soldat, engagé ou appelé. Dans toutes les scènes du film, le réalisateur prend bien soin de mêler ses acteurs professionnels aux vrais troupiers qui se préparent au combat. Très habilement, Fateen Abdel Wahab transforme une œuvre de propagande au service du pouvoir en hommage aux sans grade et aux sous-officiers qui paient de leur vie la défense du peuple et de la nation. D’ailleurs, au début du générique, c’est bien eux que la production remercie pour leur participation et non les autorités militaires pour les facilités accordées lors du tournage. 

En fin de compte ce premier opus « patriotique » du duo le plus célèbre de la comédie égyptienne est une réussite si l’on veut bien considérer les limites très restrictives du genre (Pour être juste, il faudrait dire trio : la présence du scénariste Abou Al Seoud Al Ebiary participe aussi à cette réussite.).


Appréciation : 3/5
***

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin


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