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lundi 28 février 2022

Amour et Vengeance (Gharam wa Intiqam, 1944)

غرام وانتقام
إخراج : يوسف وهبي


Youssef Wahby a réalisé Amour et Vengeance en 1944.

Distribution : Asmahan (Sohair), Anwar Wagdi (Wahid Ezzat), Youssef Wahby (Gamal Hamdy), Mahmoud El Meleigy (Safwat, le cousin de Wahid et le procureur du tribunal), Zouzou Madi (Inayat, l’amie de Sohair), Amina Sherif (Mounira, la sœur de Gamal), Bishara Wakim (le docteur Beshara), Fouad El Rashidi (le procureur), Menassa Fahmy ( le médecin de Gamal Hamdy), Gina (la danseuse), Mohamed Kamel (Oncle Rajab), Fakher Fakher (Badwi), Soad Ahmed (la mère de Gamal Hamdy), Rashad Hamed (le chauffeur), Abbas Rahmy (un admirateur), Ibrahim Hechmat (expert dans la police scientifique)
Scénario : Youssef Wahby
Une histoire inspirée du Cid, la célèbre tragédie du dramaturge français Pierre Corneille (1606-1684)
Musique : Mohamed Al Qasabji, Ryad Al Sunbati, Mohammad Hassan Al Shugai et Farid Al Atrache
Textes des chansons : Ahmed Rami, Bayram El Tunsi, Mahmoud Al Sinnawi
figure dans la liste des 100 films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien

Asmahan



Menassa Fahmy



Mohamed Kamel





Fouad El Rashidi



Bishara Wakim





Youssef Wahby et Bishara Wakim





Mahmoud El Meleigy





Mahmoud El Meleigy, Fakher Fakher, Fouad El Rashidi



Amina Sherif



Anwar Wagdi



Youssef Wahby



Zouzou Madi



Asmahan

















Résumé

Sohair, une chanteuse célèbre décide d’abandonner sa carrière pour épouser l’amour de sa vie, Wahid, un homme à la sulfureuse réputation, alcoolique et coureur de jupons. Malheureusement, celui-ci est assassiné le soir même où elle donne son dernier concert. Sohair est accablée par le chagrin. Safwat, le cousin de Wahid qui est aussi le procureur du tribunal lui promet que le coupable sera rapidement identifié. Le principal suspect est le compositeur Gamal Hamdy. Il est arrêté et interrogé par la police mais on ne trouve aucune preuve contre lui. Il est libéré. Sohair, qui est convaincue de sa culpabilité, croise à nouveau la route du musicien lors d’une fête donnée par Inayat, l’une de ses amies. Elle décide de faire semblant de tomber amoureuse de lui pour connaître toute la vérité et se venger. Sohair invite une première fois chez elle Gamal puis la fois suivante elle se rend chez lui. Elle lui raconte qu’elle est harcelée par Safwat qui veut l’épouser. Elle refuse cette union et pour échapper à ses sollicitations continuelles, elle souhaite partir un certain temps pour un long voyage au Levant. Elle demande au musicien de l’accompagner. Celui-ci accepte. 
Au Liban, leur complicité s’accroit, l’un comme l’autre semble apprécier cette escapade en « quasi » amoureux. Ils font la connaissance d’un médecin poète, le docteur Bishara Tmraya, qui les invite à un mariage puis à une autre fête. A chaque fois, Sohair accepte de chanter pour les invités. Gamal est tombé fou amoureux de la jeune femme et il finit par lui avouer ses sentiments. Pour sa part, Sohair ne peut plus dissimuler l’affection qu’elle éprouve pour celui qu’elle considérait comme l’assassin de son futur époux. Gamal lui promet de lui dire la vérité sur ce qui s’est passé entre lui et Wahid mais seulement à leur retour en Egypte. Une fois rentrée avec son compagnon, Sohair informe Safwat que Gamal est décidé à tout avouer mais elle refuse qu’il en informe la police. Le procureur passe outre et se rend avec des policiers chez Sohair, à l’heure du rendez-vous convenu pour la confession de Gamal . Quand ils arrivent, ils restent dissimulés dans le couloir et écoutent le récit du musicien par la porte entrebâillée : Wahid et Gamal sont des amis d’enfance mais quelque temps avant la mort du premier, cette amitié a été balayée d’un coup : Wahid a séduit la sœur de Gamal et celle-ci, naïve et innocente, s’est abandonnée à lui. Malgré les supplications de la jeune femme, le séducteur a refusé de l’épouser pour la simple et bonne raison qu’il était déjà engagé auprès de Sohair. Quand Gamal a appris la trahison de son ami, son sang n’a fait qu’un tour et il s’est jeté sur lui. Dans la bagarre, Wahid a sorti son pistolet mais Gamal a réussi à détourner l’arme et c’est son adversaire qui a reçu le coup en pleine poitrine. Pour Safwat et les policiers, l’affaire est entendue : c’est bien Gamal le coupable. Ils font irruption dans la pièce et arrête l’homme. Sohair est bouleversée par cette intervention. Elle essaie de convaincre Gamal qu’elle n’y est pour rien.
Gamal est inculpé pour meurtre mais à l’issue de son procès, il est relaxé. Il croit qu’il va pouvoir retrouver Sohair mais celle-ci meurt dans un accident de la route. Gamal, fou de chagrin, est interné dans un hôpital psychiatrique.

Asmahan meurt accidentellement avant la fin du tournage de ce film, ce qui contraint Youssef Wahby à modifier le dénouement de son scénario.


Les chansons interprétées par Asmahan


Première chanson : Douces Nuits à Vienne (Layali el Ouns fi Vienna)

Paroles : Ahmed Ramy 
Musique : Farid Al Atrache


Deuxième chanson : O toi qui dors  (Ayyuhal Na'im)

Paroles : Ahmed Ramy 
Musique : Ryad Al-Sunbati


Troisième chanson : J'aime le café (Ahwa)

Paroles : Mamoun El Shinnawy 
Musique : Farid Al Atrache


Quatrième chanson : O Ma tribu (ya dirati)

Paroles : Zaid Al Atrache (frère du Pacha Al Atrache, chef de la révolte contre les occupants français de la Syrie)
Musique : Farid Al Atrache


Cinquième chanson : Quand comprendrez-vous ? (Emta Hate'ref) 

Paroles : Mamoun El Shinnawy 
Musique : Mohamed Al-Qasabji


Sixième chanson : Je mérite tout ce qui m’arrive (Ana Elli Estahel)

Paroles : Youssef Badros
Compositeur : Mohamed Al-Qasabji

A l'origine, il y avait une septième chanson  "Fille du Nil" mais elle a été supprimée après 1952 car c'était un hymne à la gloire de la famille royale et du roi Farouk.


 

mardi 1 février 2022

Victoire de la jeunesse (intisar al-shabab, 1941)

انتصار الشباب
إخراج : أحمد بدرخان


Ahmed Badrakhan a réalisé Victoire de la Jeunesse en 1941.
Distribution : Asmahan (Nadia), Farid al-Atrache (Wahid), Abdel Fattah El Kosary (Maïtre Al Attar), Fouad Shafik (Gouz, l’un des membres du trio), Hassan Fayek (Louz, l’un des membres du trio), Hassan Kamel (Boundouk, l’un des membres du trio), Mary Mouneib (Oum Ismaïl), Bishara Wakim (le directeur du cabaret, Les Etoiles de la Nuit), Anwar Wagdi (Mahi, le fils du Pacha), Stephan Rosti (Taha Taha, le professeur de musique), Abdel Salam Al Nabulsi (Fawzy, l’ami de Mahi), Rawheya Khaled (Ehsan, la sœur de Taha), Olwya Gamil (la mère de Mahi), Aziz Sadek (le chef d’orchestre), Lotfi El Hakim (le régisseur du théâtre), Mahmoud Ismaïl (Mahmoud, l’employé du cabaret), Samia Gamal (une danseuse)
Scénario : Ahmed Badrakhan, à partir d’une histoire d’Omar Gamae
Dialogues : Badie’ Khairy
Musique : Farid Al Atrache
Production : Les Films du Nil

Abdel Fatah El Kosary

















Hassan Fayek


















Hassan Kamel

















Asmahan

















Bishara Wakim

















Anwar Wagdi

















Anwar Wagdi et Abdel Salam Al Nabulsi

















Farid Al Atrache
















Asmahan

















Stephan Rosti

















Mary Moneib

















Fouad Shafik
















Olwya Gamil

















Asmahan et Anwar Wagdi

















Farid Al Atrache

















Asmahan

















Rawheya Khaled

















Résumé

Wahid et sa sœur Nadia ont quitté la Syrie pour se rendre en Egypte. Ils sont tous les deux chanteurs et ils n’ont pas réussi à percer dans leur pays. Ils espèrent qu’en résidant au Caire, ils auront plus de d’opportunités pour faire reconnaître leur talent. Dans le train, ils font la connaissance de Maître Al Attar qui, une fois arrivés au Caire, les conduit à la pension tenue par Oum Ismaïl. Wahid et Nadia s’y installent. Ils ont pour voisins de chambre, un trio d’artistes sans le sou, Gouz, Louz et Boundouk. Les trois hommes ont entendu chanter Wahid et Nadia et ils incitent ceux-ci à présenter leur candidature avec eux au cabaret Les Etoiles de la Nuit. Bachar, le directeur, hésite puis engage les cinq artistes. Nadia sur scène fait sensation. Dans la salle, se trouve Mahi, un fils de Pacha avec Fawzi, son meilleur ami et quelques connaissances. La beauté de la chanteuse bouleverse le riche héritier et il transmet à la jeune femme une invitation à venir à sa table prendre un verre. Nadia refuse. Mahi se plaint aussitôt au directeur. Ce dernier tente de fléchir Nadia mais elle reste intraitable. Bachar décide de renvoyer le frère et la sœur. Quand Mahi l’apprend, il supplie le directeur de reprendre dans son établissement les deux chanteurs. C’est ainsi que Nadia peut à nouveau chanter sur scène sans avoir à rejoindre dans la salle les clients du cabaret après sa prestation. Un peu plus tard, Mahi invite Nadia à se produire dans son hôtel particulier lors d’une soirée entre amis. Il en profite pour lui exprimer son amour et la demander en mariage. Devenue l’épouse d’un fils de grande famille, Nadia renonce à sa carrière artistique. Bachar n’apprécie guère ce retrait et en représailles, il met à la porte Wahid et le trio comique. Pour eux, la situation devient difficile : ils ne peuvent plus payer leur loyer. Heureusement, Wahid découvre dans le journal une petite annonce informant qu’on recherche des chanteurs pour le cinéma et que des auditions ont lieu chez le professeur de musique Taha Taha. Wahid se rend aussitôt à l’adresse indiquée. Il chante devant le professeur et plusieurs personnalités du monde de la musique. Taha Taha est impressionné par le talent du jeune chanteur mais il se garde bien de lui en faire part. Au contraire, mu par la jalousie, il donne un avis très sévère sur ce qu’il vient d’entendre. Pour autant, Wahid est satisfait de son audition. Il a fait la connaissance d’Ehsan, la jeune sœur du professeur de musique et il en est instantanément tombé amoureux. Mais ce n’est pas tout : l’un de ses auditeurs, le directeur d’une maison de disques a tenu à lui exprimer toute son admiration et veut l’aider à se lancer dans le monde de la musique. C’est ainsi que Wahid se produit à la radio et devient célèbre. Il a pu louer un grand appartement pour lui tout seul mais il n’a pas rompu avec les trois artistes qui sont devenus de véritables amis. De leur côté, la situation s’est aussi améliorée : l’un d’entre eux a épousé Oum Ismaïl et à la pension ils sont désormais chez eux. En revanche, pour Nadia, son bonheur aura été de courte durée : sa belle-mère a appris que son frère était chanteur et qu’elle-même s’était produite sur des scènes de cabarets. La vieille femme ne peut accepter que des saltimbanques fasse partie de sa famille et elle ne cache pas son indignation à sa belle-fille. Elle exige que son fils divorce sur le champ. Malgré l’amour que lui porte son mari, Nadia décide de le quitter et de retourner au Caire. Découvrant la fuite de sa femme, Mahi prend sa voiture et se lance à sa poursuite. Malheureusement, arrivant en trombe sur un passage à niveau, il heurte un train et se retrouve à l’hôpital. Nadia lui rend visite et lui demande de retourner auprès de sa mère. La jeune femme s’installe dans l’appartement de son frère et peu après elle se retrouve nez à nez avec Ehsan, la sœur du professeur de musique. Elle lui fait croire qu’elle est l’épouse de Wahid. Bouleversée par cette nouvelle, Ehsan accepte d’accompagner son frère pour un grand voyage hors d’Egypte. Dans le même temps, Wahid a terminé la composition de son opérette mais il désespère de pouvoir la monter. Pour l’aider, les trois artistes comiques font croire à Bachar, le directeur des Etoiles de la Nuit, que Nadia va divorcer et qu’elle accepterait de l’épouser. Les trois compères conseillent à Bachar de produire le spectacle de Wahid s’il souhaite obtenir au plus vite la main de Nadia. Le directeur de cabaret accepte. La dernière partie du film est entièrement consacrée à la représentation de l’opérette de Wahid. Dans le public se trouvent Ehsan ainsi que Mahi et sa mère. Happy end : Taha Taha accepte que Wahid épouse sa sœur et la mère de Mahi ne s’oppose plus au bonheur de son fils et de Nadia.


Critique

Victoire de la Jeunesse constitue la première apparition d’Asmahan au cinéma. Elle joue avec son frère, Farid Al Atrache qui a aussi composé la musique du film. En 1941, cela fait à peine deux ans que la jeune chanteuse est de retour en Egypte. En 1939, elle a quitté mari et enfant restés en Syrie pour reprendre ses activités artistiques au Caire.

Victoire de la Jeunesse a été réalisée par Ahmed Badrakhan, un pionnier du cinéma égyptien qui a une expérience solide en matière de comédie musicale. Il avait déjà réalisé deux films avec Oum Kalthoum. On raconte d’ailleurs que la diva est entrée dans une colère noire en apprenant que son réalisateur allait tourner avec cette rivale, jeune, belle et terriblement talentueuse.

Dans les années quarante, la comédie musicale est le genre roi en Egypte. Le public populaire va au cinéma pour admirer les danseuses, les chanteuses et les chanteurs qui ont commencé à se faire un nom dans les cabarets de la capitale. La plupart du temps, l’intrigue est secondaire, ce qui importe ce sont les séquences chantées et dansées. Ainsi, dans Victoire de la Jeunesse, l’histoire n'est pas d'une folle originalité. : un frère et une soeur, tous les deux chanteurs, ont quitté leur pays pour s'installer au Caire en espérant y connaître le succès et la gloire. L’intrigue repose sur un cliché que le cinéma usera jusqu’à la corde : les parents fortunés qui s’opposent à ce que leur enfant se marie à un ou une «saltimbanque». Dans Victoire de la Jeunesse, le thème est doublement exploité, le frère et la sœur étant tous deux confrontés à l’hostilité de la famille de leurs bien aimés. Une hostilité qui finira par se dissiper devant le talent éclatant des deux jeunes chanteurs.

Il y a une dimension clairement autobiographique dans ce film, notamment concernant Asmahan. Nadia, le personnage qu’elle joue, a dû abandonner la chanson pour épouser l’homme qu’elle aime. Il lui a fallu aussi quitter son frère, les amis et la vie trépidante du Caire pour se cloîtrer dans la maison de la famille du mari, maison dirigée d’une main de fer par une belle-mère acariâtre. Cela fait écho au mariage d’Asmahan avec son cousin Hassan Al Atrache en 1932. Elle aussi a dû quitter Le Caire et renoncer à ses activités artistiques pour s’enfermer dans le palais de son mari, loin de tout.
A noter que l’art et la réalité continueront à s’ « alimenter » l’un l’autre puisque à l’issu de ce tournage Asmahan épousera le réalisateur Ahmed Badrakhan et que leur brève union (à peine deux mois !) déplaira à leurs familles respectives.

Le film comporte huit chansons, toutes composées par Rachid Al Atrache et les paroles de six d’entre elles ont été écrites par le poète Ahmed Rami. On retiendra surtout la grande réussite sur le plan musical de la dernière partie du film, celle consacrée à l’opérette. Solos, duos, chœurs se succèdent dans un équilibre parfait. Les mélodies mêlant les styles occidental et oriental permettent aux deux chanteurs de donner la pleine mesure de leur talent et la virtuosité vocale d’Asmahan laisse pantois.

Si le frère et la sœur sont des chanteurs exceptionnels, en revanche comme acteurs, ils se révèlent plus limités. L’un comme l’autre semble peu à l’aise et leur jeu manque de naturel. Le visage d’Asmahan est certes d’une grande beauté mais il n’est guère expressif. Pour signifier qu’elle est triste , elle tamponne sans conviction ses yeux avec un mouchoir : service minimum ! Heureusement, ils sont entourés d’acteurs plus aguerris et Beshara Wakim, le Saturnin Fabre égyptien, est incroyable en directeur de théâtre fantasque.
Mais le caractère hiératique du jeu de Farid et d’Asmahan est sans doute dû aussi à la mise en scène. Au début des années quarante, en Egypte, le modèle n’est pas encore la comédie musicale américaine mais l’opérette , d’où le style très théâtral de l’interprétation. Après la guerre, les choses changeront rapidement et l’emblème de ce changement c’est le couple artistique que Farid Al Atrache formera avec la danseuse Samia Gamal : désormais le mouvement doit primer et le drame laisse la place à la comédie. A l’aube des années cinquante, l’Egypte se convertit à l’Entertainment hollywoodien, grâce notamment au réalisateur Henry Barakat.

Victoire de la Jeunesse connut un succès considérable pendant des mois et propulsa Asmahan et Farid au rang de stars. En revanche l’accueil fut plus tiède en Syrie, notamment auprès du peuple druze (Asmahan et Farid Al Atrache appartiennent à l’une des familles les plus puissantes de la communauté druze). Le comportement d'Asmahan était unanimement condamné. Elle avait divorcé et s’était remariée à un non-druze (ce qui est formellement interdit par la tradition) et maintenant, il y avait un deuxième divorce. La coupe était pleine ! Quand Victoire de la Jeunesse fut projetée à Damas et qu'Asmahan fit son apparition sur l'écran, un spectateur dit-on se leva et tira à plusieurs reprises des coups de pistolet dans sa direction, ou du moins en direction de son image. Ambiance !

Appréciation : 4/5
****

 Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin


mercredi 16 juin 2021

Rêves de jeunesse (Ahlam Al-Shabab, 1942)

أحلام الشباب
إخراج : كمال سليم


Kamal Selim a réalisé Rêves de Jeunesse en 1942.
Distribution : Farid Al Atrache (Farid), Taheya Carioca (la danseuse Bahiya Shakashak), Madiha Yousri (Ilham), Mary Moneib (Falah Hanim, la tante d’Elham), Bishara Wakim (Ghadban Al Absi), Abbas Fares (Basiouni, l’oncle d’Elham), Mohamed Kamal El Masry (le vendeur de cigarettes), Hassan Fayek (Wagdi), Abd El Fatah El Kosary (le garde du corps de Ghadban), Sayed Suleiman (le serviteur de Farid), Fouad Fahim (le comptable de Farid), Abdel Halim Morsy (le médecin), Hassan Kamel (le propriétaire du cabaret), Gina (une danseuse du cabaret)
Scénario : Youssef Wahby et Kamal Selim
Dialogues : Badie' Khairy
Paroles des chansons : Ahmed Rami, Youssef Badrous, Aboul Seoud Al Ibiary, Bayram Al-Tunsy
Musique : Farid Al Atrache
Production : les films du Nil

Farid A Atrache et Taheya Carioca



Taheya Carioca et Bishara Wakim


Hassan Fayek



Madiha Yousri et Farid Al Atrache



Abd El Fatah El Kosary et Bishara Wakim



Farid Al Atrache et Mary Moneib



Abbas Fares et Mary Moneib



Madiha Yousri et Mohamed Kamel El Masry


















Résumé

Farid est un jeune homme riche et insouciant. Il a une passion : la musique et la chanson. Il passe l’essentiel de son temps à sortir et à courtiser les femmes. Il est un habitué du cabaret le Salon de la Gazelle Rouge et il est devenu l’amant de la danseuse Bahia, une personne au caractère bien trempé et à la jalousie féroce. Sa vie dissolue l’entraîne parfois dans des situations périlleuses. Un soir qu’il doit fuir au plus vite un appartement, il tombe du balcon et termine sa chute dans le salon du voisin du dessous, non sans avoir brisé en mille morceaux la grande fenêtre de la pièce. Ce voisin, c’est le marchand Basiouni. Il était en train de dîner avec sa femme et sa nièce qu’il a recueillie depuis qu’elle est orpheline. Pour expliquer cette arrivée spectaculaire, Farid prétend qu’il est atteint de somnambulisme. Son pied le fait atrocement souffrir. On fait venir le docteur Metwalli qui habite l’immeuble. Celui-ci impose à Farid une immobilité totale. Basiouni accepte de le garder à son domicile jusqu’à son rétablissement. Et comme Farid a prétendu qu’il était au chômage, il lui propose de donner des cours de piano à sa nièce. La jeune fille qui se prénomme Ilham n’est pas insensible au charme de leur invité surprise et ce n’est pas sans tristesse qu’elle le voit repartir chez lui, une fois qu’il peut à nouveau poser le pied à terre. Dans son hôtel particulier, Farid tombe nez à nez sur son comptable qui une nouvelle fois veut l’alerter sur sa situation financière très inquiétante. Le jeune homme n’écoute que d’une oreille car il n’a qu’une seule idée en tête rejoindre Bahia au Salon de la Gazelle Rouge. 

On découvre que Bahia est aussi courtisée par un très riche marchand, Ghadban Al Absi, qui la couvre de cadeaux et celui-ci n’apprécie guère la présence de Farid. Et quand il surprend les deux amants en train de s’embrasser, il veut aussitôt tuer son rival. Bahia lui fait croire qu’ils étaient en train de répéter un numéro pour le spectacle. C’est ainsi que Farid chante pour la première fois devant un public. Il suscite l’admiration de tous les spectateurs et le directeur du cabaret lui propose un contrat qu’il refuse.
Le lendemain, Farid se rend chez Ilham mais il y retrouve Ghadban Al Absi et son fidèle garde du corps. Basiouni, l’oncle d’Ilham et l’amoureux fortuné de Bahia avaient un rendez-vous d’affaires. Ce dernier révèle à toue la famille que Farid est un chanteur de cabaret. Cette nouvelle n’est pas du tout du goût de Basiouni qui chasse aussitôt le jeune homme. Mais Ilham ne veut pas renoncer à celui qu’elle aime passionnément. Elle se rend au Salon de la Gazelle Rouge et découvre Farid en train de sabler le champagne avec des femmes. Ilham décide de rompre. 

Pour ne rien arranger, les créanciers du jeune homme ont perdu patience. Ils s’emparent de tout ce qui lui appartenait : son hôtel particulier, ses meubles et même sa voiture. Il ne lui reste plus rien. Quand Ilham apprend la nouvelle, elle rejoint Farid pour le soutenir. Ce dernier lui offre la dernière chose qu’il possède encore : un titre de propriété sur des terres que son grand-père avait achetées dans le désert pensant y trouver des gisements d’hydrocarbures. Pour vivre, Farid accepte la proposition du directeur du Salon de la Gazelle Rouge et il devient le partenaire de scène de la volcanique Bahia. Ghadban Al Absi a enfin compris que Farid n’est plus un rival car il aime ailleurs. Il va même intervenir pour que Basiouni accepte de marier sa nièce à son amoureux. Las ! la cérémonie est gâchée par un fâcheux contretemps. La danseuse invitée n’est autre que Bahia et quand celle-ci découvre que le fiancé est Farid elle entre dans une rage folle, apostrophant son ex-amant et cassant tout ce qui se trouve à sa portée. Devant un tel scandale, Ilham s’évanouit. Basiouni chasse Farid pour la seconde fois. 

Ghabdban Al Absi décide de donner une leçon à Bahia. Avec des complices, il perturbe sa prestation sur la scène du cabaret et tout se termine par une bagarre générale. Face à ce déchaînement de violence, Bahia s’évanouit et elle est secourue par Farid. Elle comprend alors qu’elle avait été trop loin lors du mariage. Le lendemain, elle se rend chez Ilham pour s’excuser. Entretemps, la jeune orpheline et son oncle ont découvert que les terres du grand-père de Farid recèlent effectivement des gisements importants d’hydrocarbures. Farid est donc riche. Basiouni se rend lui-même au cabaret pour restituer au chanteur ses actes de propriété. Farid refuse de les reprendre. Alors Basiouni accepte de lui donner la main d’Ilham.


Critique

Rêves de jeunesse est d’abord le film d’une génération. Il réunit un petit groupe de jeunes artistes très talentueux. Le metteur en scène , Kamel Selim, n’a pas encore trente ans (Il mourra à trente-deux ans en 1945) et il a attribué tous les rôles principaux de son film à des acteurs de son âge. A part Taheya Carioca qui a déjà une solide expérience du cinéma bien qu’elle n’ait que 27 ans, tous les autres sont des débutants. Farid Al Atrache a commencé sa carrière cinématographique l’année précédente et c’est son deuxième film. Madiha Yousri a vingt-quatre ans. Elle a été découverte par Mohamed Karim cette même année et comme pour Farid Al Atrache, c’est son deuxième film.

Cette comédie musicale s’intitule Rêves de Jeunesse, un titre à la Charles Trenet et, effectivement, on retrouve dans ce film la légèreté et la fantaisie de l’univers du chanteur français. Dans ce monde, rien n’est grave, rien ne pèse, même la mort est envisagée avec une certaine désinvolture. Le personnage incarné par Farid Al Atrache aurait fort bien pu reprendre à son compte l’un des premiers succès du fou chantant « Je chante » , enregistré en 1937 : "Je chante/Je chante!/Je chante soir et matin,/Je chante sur mon chemin,/Je chante, je vais de ferme en château/Je chante pour du pain je chante pour de l'eau"
Le héros de Kamel Selim connaît des revers de fortune sans en être réellement affecté et pour survivre il devra chanter, comprenant alors que la chanson est sa seule raison de vivre.

On notera que ce personnage est ouvertement inspiré de la propre vie de Farid Al Atrache. A cette époque, le chanteur syrien est devenu une vedette grâce à la radio mais aussi grâce à son premier film, Victoire de la Jeunesse d’Ahmed Badrakhan. . Comme le héros de Rêves de Jeunesse, Farid Al Atrache passe ses nuits dans les cabarets, collectionne les conquêtes féminines et accumule les dettes (il était un joueur impénitent !)

Le héros de Rêves de Jeunesse se montre léger, frivole et parfois très maladroit , mais en toutes circonstances il garde son optimisme et surtout sa générosité. Il n’hésite pas à venir en aide à une maîtresse qui pourtant a fait échouer son mariage et il refuse qu’on lui restitue un acte de propriété qui ferait de lui un homme riche. D’ailleurs dans ce film même les méchants ont un cœur : ils sont capables de pleurer au spectacle de deux êtres qui s’aiment ! Et comme dans les contes de fées, on assiste dans le dénouement à une réconciliation générale faisant le bonheur de tous les personnages.

L’interprétation est bien sûr excellente, aussi bien pour les rôles principaux que pour les secondaires. Farid Al Atrache manifeste une agilité et une exubérance qu’il perdra au fil des années. Bishara Wakim et Abd El Fatah El Kosary forment un duo comique plein de saveur : les deux acteurs semblent beaucoup s’amuser à jouer les méchants d’opérette. Mais c’est Taheya Carioca qui emporte tout : son immense talent et sa sensualité explosive sont les atouts majeurs du film. Pour que le plaisir du spectateur soit complet, elle arbore des costumes qui ne cachent rien de sa plastique impressionnante.

Avec la Volonté sortie en 1939, Kamel Selim avait réalisé le premier film réaliste égyptien. Il y affichait ses préoccupations sociales à travers l’évocation d’un quartier populaire du Caire touché par la crise économique. Avec Rêves de Jeunesse, il prouve qu’il est tout aussi talentueux dans la comédie et il ouvre la voie à d’autres cinéastes comme Abbas Kamel ou Helmy Rafla. Ces deux réalisateurs plus âgés que lui ne tourneront leurs premiers films qu’après sa mort. A la fin des années quarante, ils offriront au public arabe des comédies spirituelles et brillantes, dans le même esprit que Rêves de Jeunesse, avant que ne s’impose sur les écrans un comique plus farcesque et plus populaire avec le règne sans partage d’Ismaïl Yassin.

Appréciation : 4/5
****


Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

mercredi 17 février 2016

la Femme et le Pantin (Lea'bet El Sett, 1946)

لعبة الست
إخراج : ولى الدين سامح


Waley Eddin Sameh a réalise La Femme et le Pantin en 1946.
D'après le roman de Pierre Louÿs paru en 1898.
Distribution : Naguib al Rihani, Soliman Naguib, Mary Moneib, Hassan Fayek, Mahmoud Lotfi, Abd El Fatah El Kosary, Taheya Carioca, Bishara Wakim, Aziz Othman
C’est dans ce film que Taheya Carioca danse sur la célèbre chanson « Taht al Shabbak » (Sous la fenêtre), interprétée ici par Aziz Othman qui en est aussi le compositeur.



Soliman Naguib et Naguib al Rihany

Bishara Wakim et Mary Moneib

Hassan Fayek et Naguib al Rihani

Naguib al Rihani

Mahmoud Lotfi

Abd El Fatah El Kosary

Taheya Carioca

Naguib al Rihani et Taheya Carioca



Résumé

L’action se déroule au Caire pendant la seconde guerre mondiale. Hassan est un pauvre homme sans emploi qui vit dans une petite chambre au dernier étage d’un immeuble. Il erre dans les rues de la capitale cherchant désespérément de quoi vivre. Un jour il se présente dans un grand magasin pour une place de vendeur. Le directeur est impressionné par la franchise et l’honnêteté de ce candidat. Il l’embauche aussitôt. Peu après, une jeune femme nommée Leaba se présente au domicile du nouvel employé. Elle vient voir sa tante qui résidait dans cette chambre avant Hassan. Elle ne savait pas que sa tante avait déménagé. La jeune femme est désemparée : le couvre-feu lui interdit de retourner chez elle. Hassan accepte de l’héberger pour la nuit. Ainsi commence une idylle qui conduira les deux tourtereaux au mariage.
Laeba a été repérée par un réalisateur qui lui fait tourner son premier film. Elle devient une actrice célèbre. Pour des raisons professionnelles, elle doit faire un voyage qui la retiendra loin du Caire pendant plusieurs mois. Elle est accompagnée de ses parents et de son cousin. Hassan, lui, est resté dans la capitale pour travailler. De son épouse, il reçoit régulièrement des lettres qu’il lit et relit. Quand il apprend son retour, il est fou de joie mais son bonheur sera de courte durée : durant son voyage, Leaba a fait la connaissance d’un homme très riche qui souhaite l’épouser. Elle revient donc pour obtenir le divorce. Amer, Hassan accepte la séparation.
Entretemps, la guerre s’est intensifiée et la vie quotidienne en Egypte devient difficile pour une grande partie de la population (Guerre du désert : les Allemands et les Britanniques s'affrontent de part et d'autre de la frontière égypto-lybienne. A plusieurs reprises, les troupes de l'Axe sont à deux doigts d'envahir l'Egypte.). Le patron d’Hassan décide de quitter le pays. Il confie son entreprise à son employé modèle. Hassan est devenu un homme important. En revanche, pour Leaba, c’est la désillusion. Son riche fiancé se retire après avoir appris son comportement avec son précédent mari. La jeune femme comprend qu’elle a mal agi et que ses parents ont exercé une influence négative sur elle. Elle décide de renouer avec Hassan. Celui-ci l’aime toujours. Ils reprennent la vie commune. 


Critique

Ce n’est pas la première fois que Naguib El Rihani adapte avec son scénariste et ami Badeih Khairy une œuvre française. Mais cette fois, il ne reste pas grand-chose du roman original même si le personnage joué par Taeya Carioca emprunte bien des traits à la Conception Perez de Pierre Louys. A travers cette histoire d’homme naïf trompé par une jeune femme trop séduisante, les deux auteurs nous parlent de l’Egypte de leur temps, celle de la guerre avec son lot de misères et de souffrances, même si, comédie oblige, tout cela reste suggéré. Comme dans ces précédents films, Naguib El Rihani incarne un pauvre bougre qui tente de survivre en ces temps difficiles et comme dans ces précédents films, son talent éclate à chaque plan. Son surnom de « Charlie Chaplin de l’Orient » n’est pas usurpé. A l’instar de son modèle, c’était un humaniste qui ne sacrifiait jamais ses convictions à la farce démagogique. Les premières scènes de La Femme et le Pantin dans lesquelles on le voit, costume élimé et tarbouche sur la tête, errant dans les rues à la recherche d’un moyen de subsistance témoignent de cet engagement jamais pris en défaut pour les plus humbles.
L’autre atout du film c’est bien sûr la présence de Taheya Carioca. Elle crève l’écran par sa beauté, son jeu et ses danses, imposant le style « Carioca » tout en nuance et en retenue. Précisons que Taheya Carioca débuta la danse dans le cabaret de Badea Masabny qui fut la femme de Naguib El Rihani.
La Femme et le Pantin est aussi une satire du cinéma, véritable miroir aux alouettes qui pervertit les êtres contre la promesse de la gloire et la fortune. Celui qui joue le réalisateur est Hassan Fayek. C’est avec ce même rôle qu’on le retrouvera un an plus tard dans La Fille du Patron d’Abbas Kamel. Le chanteur et compositeur Aziz Othman apparaît aussi dans les deux films. 

Appréciation : 4/5
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On compte cinq autres adaptations cinématographiques du chef d'oeuvre de Pierre Louÿs :

En 1920, un film américain intitulé The Woman and the Puppet de Frank Lloyd avec Geraldine Farrar



En 1929, un film français intitulé La Femme et le Pantin de Jacques de Baroncelli avec Conchita Montenegro



En 1935, un film américain intitulé The Devil is a Woman de Josef von Sternberg avec Marlène Dietrich



En 1959, un film français intitulé La Femme et le Pantin de Julien Duvivier avec Brigitte Bardot



En 1977, un film franco-espagnol intitulé Cet obscur objet du désir de Luis Buñuel avec Fernando Rey et Carole Bouquet




Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin