vendredi 28 octobre 2016

Le Chuchotement du Diable (Hamset Al Shaytan, 1969)


همسة الشيطان
إخراج : سيد طنطاوى





Sayed Tantawi a réalisé Le Chuchotement du Diable en 1969.
Distribution : Marina (Souad), Imad Hamdi (Aziz), Ahmed Ramzy (Sélim), Randa (Doria), Layla Karim (la mère de Sélim), Abdullah Timor (Ehsan)
Ce film libano-égyptien est sorti sous le titre Les Maudits.
Scénario : Abdulaziz Salam
C'est une adaptation très libre du roman de D.H. Lawrence L'Amant de Lady Chatterley (1928).


Imad Hamdi
















Ahmed Ramzy

















Randa et Imad Hamdi

















Ahmed Ramzy et Marina

















Randa et Layla Karam

Randa
















Timor Abdullah
















Randa

















Résumé

Aziz est un homme riche et puissant qui vient d’épouser la jeune et jolie Doria. Il possède une grande propriété où il élève des chevaux. Ceux-ci sont soignés par deux garçons d’écurie, Ehsan et Sélim. La mère de ce dernier travaille aussi chez Aziz, comme servante. Sélim est fiancé à Souad, la fille du forgeron.
Un jour, Aziz monte un cheval particulièrement nerveux. L’animal se cabre et le fait tomber. L’homme, blessé, est transporté dans sa chambre. Il souffre terriblement. Le médecin assure qu’il s’en sortira mais la convalescence sera longue. Une chose est certaine : Aziz restera impuissant.
Tandis que son mari passe ses journées dans son lit, Doria s’ennuie. Elle essaie de se rapprocher de Sélim. Celui-ci garde ses distances d’autant plus que Souad est harcelée par Ehsan. Il a même tenté de l’embrasser mais Sélim est accouru à temps et a corrigé son rival. Quand tout le monde dort dans la grande maison, Doria a pris l’habitude de se rendre à l’écurie où Sélim s’est aménagé une petite chambre. Elle l’observe alors qu’il dort torse nu. Une nuit n’y tenant plus, elle se jette sur lui mais le jeune homme repousse ses avances. Ils finissent tout de même par devenir amants, pour la plus grande joie de la mère du jeune homme.
Aziz, qui s’est rétabli, a remarqué la nouvelle complicité entre sa femme et son employé. Il a l’imprudence de s’en ouvrir auprès de la mère de celui-ci. La vieille femme sent la menace qui pèse sur son fils. Elle passe à l’action. Une nuit, elle injecte à l’aide d’une seringue un produit toxique dans la croupe de la jument préférée d’Aziz. Le lendemain, quand l’homme monte la pouliche, celle-ci devient folle et part au galop. Aziz fait une chute mortelle. La mère de Sélim est aux anges : son fils va devenir le maître du domaine en épousant Doria. Mais celui-ci a compris le rôle joué par sa mère dans cette fin tragique. Rongé par le remords, il quitte le domaine.
De son côté, Souad a rompu avec Sélim et a accepté d’épouser Ehsan. Mais le soir de la cérémonie, l’ex-fiancé reparaît et enlève celle qu’il n’a jamais cessé d’aimer. Toute la famille du marié se lance à la poursuite des deux fuyards. Ehsan est armé. Il tire. La mère de Sélim qui avait rejoint le couple s’effondre et meurt dans les bras de son fils. Ehsan est arrêté. Sélim épouse Souad et devient l’assistant de son beau-père à la forge.


Critique

Ce qui reste du roman de Lawrence, l’Amant de Lady Chatterley dans ce Chuchotement du Diable ? Peu de chose sinon la trame : une femme dont le mari est devenu impuissant retrouve le plaisir dans les bras  d’un employé du domaine de celui-ci. Avec ce sujet, tout est possible, le pire comme le meilleur et, en l’occurrence, nous pouvions craindre le pire :  le film a été tourné au Liban (rarement un gage de qualité à l’époque, les cinéastes égyptiens y commettant leurs réalisations les plus médiocres) et on pouvait s’attendre à une production bâclée destinée au public mâle et adulte venant dans les salles obscures pour soulager sa frustration et ses tourments.
En fait, ce Chuchotement du Diable se laisse voir sans déplaisir, si l’on aime les films de série B ou…Z. C’est une sorte de western érotique dont l’atmosphère sensuelle doit beaucoup à la présence de  Randa. Cette chanteuse et actrice libanaise va tourner dans une dizaine de films dans les années soixante avant de disparaître brutalement des écrans. Ici, elle joue une jeune femme qui s’ennuie dans la propriété de son vieux mari. Toute la journée elle déambule dans les différentes parties du domaine, arborant  des robes, bien peu rustiques, qui soulignent ses formes avantageuses. Et dès que l’occasion se présente, elle  découvre sa poitrine opulente et ses larges cuisses . Elle affole ainsi Imad Hamdy avant de jeter son dévolu sur le pauvre Ahmed Ramzy qui n’en peut mais. Car elle brûle de désir et semble vouloir propager l’incendie sur tout ce qui l’entoure.
Les chevaux, les écuries, les nuits torrides, tout cela peut faire penser aux comédies érotiques de Russ Meyer (en beaucoup plus timide, évidemment). Et sans doute que les scènes les plus réussies sont celles des rencontres nocturnes entre la femme et le palefrenier. Ce dernier pétrifié subit les assauts de l’épouse adultère et, entre ses mains, devient un simple objet sexuel.  
Concernant l’érotisme, ce film use d’un procédé que l’on retrouve fréquemment  à partir des années soixante.  Dans le cinéma égyptien, le corps de la femme ne se dévoile que de manière partielle et furtive, la nudité féminine étant rigoureusement proscrite En revanche, pour l’homme, la Loi est plus clémente. Si bien que dans les scènes d’amour, c’est le mâle qui dénude son torse et qui l’offre à la femme (voir dans ce film comment Ahmed Ramzy abandonne sa poitrine nue aux embrassements avides de Randa). Ainsi les rôles sont inversés : l’homme devient l’objet désiré qui est vu et la femme le sujet désirant qui regarde (avec les spectatrices et, peut-être, les spectateurs !). Ce renversement,  permet au cinéaste de créer une atmosphère érotique tout en respectant les règles très strictes de la bienséance. Et dans les années soixante et soixante-dix, parmi les acteurs qu’on déshabille le plus volontiers, nous trouvons, comme ici, Ahmed Ramzy mais aussi Rushdy Abaza et Hassan Youssef.  


Comme dans toute série B qui se respecte, nous avons  un certain nombre de maladresses et j’ai relevé une erreur de montage :

Plan A : le cheval est gris.



Plan B :  le cheval devient noir et c'est maintenant la main droite qui tient les rênes !



Plan C : on retourne au gris !


Appréciation : 3/5
***
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

mercredi 26 octobre 2016

Les Journées Cinématographiques de Carthage (Tunisie)

أيام قرطاج السينمائية


La 27ème édition du Festival du Film de Carthage se tiendra du vendredi 28 octobre au Samedi 5 novembre 2016. La manifestation fête cette année ses cinquante ans d'existence, ce qui en fait la doyenne des festivals cinématographiques dans le monde arabe.
Les Journées Cinématographiques de Carthage ont été créées en 1966 par le critique Tahar Cheriaa (1927-2010).

"Tahar Cheriaa, à l'ombre du baobab" de Mohamed Challouf

Cette édition présentera un grand nombre de films égyptiens. Dans la sélection officielle, nous retrouvons des oeuvres déjà primées cette année  un peu partout dans le monde :

Clash de Mohamed Diab (long-métrage)

Dry Hot Summer (Har Gaf Sayfan) de Sherif El Bendary (court-métrage)

We have Never Been Kids de Mahmoud Soliman (documentaire)

Plus un petit nouveau dans le circuit des festivals, Les Péchés de la Chair (Haram El Gasad) de Khaled El Hagar


On pourra aussi revoir des films égyptiens qui ont été sélectionnés lors d'éditions passées du festival de Carthage :

La Momie de Shadi Abdessalam (1969)

les Dupes de Twefik Saleh (Tanit d'or1972)

La sueur des palmiers  de Radhouane El Kachef  (Tanit d'argent 1998)

Microphone d'Ahmed Abdallah (Tanit d'or 2000)

La Main de Qamar (Kaf El Kamar) de Khaled Youssef (2011)

Hysteria de Adel Adeeb (1996)


Enfin, un hommage sera rendu à Youssef Chahine à travers la projection de six de ses longs-métrages :

Le Choix (Al Ikhtiyar, Tanit d'or 1970)

C'est toi mon amour (Inta habibi, 1957)

Le Démon du Désert (Shaytan Al Sahra, 1954)

Gare Centrale (Bab Al hadid, 1958)

L'Aube d'un jour nouveau  (Fagr Yom gedid, 1964)

La Terre (Al Ard, 1969)


mercredi 19 octobre 2016

Les films à la télé (Rotana Classic du 19 au 30 octobre)

روتانا كلاسيك

Les films qui ont été cités dans ce blog et qui sont diffusés sur Rotana Classic (heure de Paris).


 1) Monsieur Omar de Niazi Mostafa (Si Omar, 1941)
     avec Zouzou Chakib, Naguib Al Rihani, Mohamed Kamal El Masry
     appréciation : 3/5


Mercredi 19 octobre à 16h
Jeudi 20 octobre à 7h


2) La Volonté  de Kamal Selim (Al Azima, 1939)
    avec Abd Al-Aziz Khalil, Hekmet Fahmy, Fatma Rouchdi
   figure dans la liste des quinze meilleurs films égyptiens de tous les temps


Mercredi 19 octobre à 20h


3) Méfie-toi de Hawa  de Fateen Abdel Wahab (Ah min Hawwa, 1962)
    avec Rushdy Abaza, Madiha Salem, Abdel Moneim Ibrahim


Jeudi 20 octobre à 18h
Vendredi 21 octobre à 7h 


 4) Princesse Aziza de Tolba Radwan (El Safira Aziza,1961)
      avec Wedad Hamdy, Soad Hosny, Abdel Moneim Ibrahim, Chukry Sarhan, Adli Kasab
      appréciation : 4/5 


Vendredi 21 octobre à 18h
Samedi 22 octobre à 7h


5) Le Coeur a ses Raisons de Helmi Halim ((al-'alb lu ahkam, 1956)
     avec Abd El Fatah El Quossary, Ali El Moaawen, Mohamed Nabih, Faten Hamama
     appréciation : 2/5

 
Vendredi 21 octobre à 20h
Samedi 22 octobre à 9h


6)  Poursuite Amoureuse de Nagdi Hafez (Moutaradah gharamiyyah, 1968)
      avec Fouad Al Mouhandes, Hassan Mostafa, Chweikar


Samedi 22 octobre à 18h
Dimanche 23 octobre à 7h


7) Le Mari Célibataire de Hassan El Seifi ( El zoj el azeb, 1966)
    avec Farid Shawki, Hind Rostom, Mahmoud El-Meliguy et Naemet Mokhtar
    appréciation : 3/5


Samedi 22 octobre à 20h
Dimanche 23 octobre à 9h


8) Antar et Abla de Niazi Mostafa (Antar wa Abla, 1945)
    avec Kouka, Seraj Mounir,  Ferdoos Mohammed
     figure dans la liste des 100 films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien


Dimanche 23 octobre à 14h
Lundi 24 octobre à 3h 


9) Leila, Fille de la Plage d'Hussein Fawzi (Laila bent el shateaa, 1959)
    avec  Leila Fawzi, Abbas Fares, Mohamed Fawzi, Fayza Ahmed


Mardi 25 octobre à 20h
Mercredi 26 octobre à 9h


10) Une Cigarette et un Verre de Niazi Mostafa (Sigarah wa kas - 1955)
      avec Samia Gamal, Nabil Al Alfi, Seraj Munir, Kouka, Dalida
      appréciation : 4/5


Mercredi 26 octobre à 23h 
Jeudi 27 octobre à 11h


11) 7 heures de Togo Mizrahi (El sa'a saba, 1937)
      avec Ali Al Kassar, Bahiga El Mahdy, Ibrahim Arafa


Jeudi 27 octobre à 20h
Vendredi 28 octobre à 9h  


12) Comment te débarrasser de ta femme de Abdel Meneim Choukri (Kayfa tatakhallas min zawgatik, 1969)
      avec Hassan Mostafa, Hassan Youssef, Zubaïda Tharwat


Vendredi 28 octobre à 20h
Samedi 29 octobre à 9h


13) Dérive sur le Nil de Hussein Kamal (Thartharah fawq al-Nil, 1971)

       avec Adel Adham, Mervat Amine, Magda El-Khatib, Imad Hamdi, Ahmed Ramzy
       appréciation :  5/5


Vendredi 28 octobre à 23h
Samedi 29 octobre à 11h 


 14) Lutte sur le Nil d'Atef Salem (Seraa fil Nil, 1959)
        avec Hind Rostom, Rushdy Abaza, Omar Sharif, Ahmed El Haddad
       figure dans la liste des 100 films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien
       appréciation : 5/5 


Samedi 29 octobre à 23h
Dimanche 30 octobre à 10h


15) L'Inspecteur Général d'Helmi Rafla (Al-Mufatish Al-’Aam, 1956)
      avec Taheya Carioca, Ismail Yassin, Mahmoud El-Meliguy
      figure dans la liste des 100 films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien


Dimanche 30 octobre à 17h

 


La Page Facebook de Rotana Classic

Tout le programme à l'adresse suivante : le guide Tv du site elcinema

dimanche 16 octobre 2016

"Clash" (Eshtebak) de Mohamed Diab au festival de Fameck

اشتباك
إخراج : محمد دياب


affiche française
affiche égyptienne

 Les jurés du 27e festival du film arabe de Fameck ont révélé leur palmarès hier soir.
À l’unanimité, le jury, présidé par Tahar Ben Jelloum, a décerné le Grand prix du festival à Clash de Mohammed Diab.

Mohamed Diab a réalisé Clash en 2016
Distribution : Nelly Kerim, Tarik Abdel Aziz, Hany Adel, Ahmed Malek, Mohamed Alaa, Khaled Kamal, Atef Ammar, Mohamed Elswasi
Argument : Nous sommes au Caire en 2013. Deux après la révolution égyptienne, le président islamiste Morsi a été destitué. De violentes émeutes secouent la capitale. Un jour, des dizaines de militants aux convictions radicalement opposées se retrouvent enfermés ensemble dans un fourgon de police. Ce huis-clos qui réunit un échantillon (représentatif ?) de la société égyptienne n'est pas sans rappeler celui de Entre Ciel et Terre réalisé par Salah Abou Seif en 1960 sur un scénario de Naguib Mahfouz. Dans le film de Mohamed Diab, le fourgon de police a remplacé l’ascenseur.


Lors de sa sortie en Egypte, Clash a été l'objet de critiques virulentes venant de tous côtés : évidemment les islamistes n'ont pas aimé, mais les opposants aux Frères Musulmans n'ont pas apprécié non plus, et du côté du pouvoir, on a failli interdire le film car on trouvait qu'il donnait une image trop négative de la patrie.  Il fut notamment la cibles d'attaques venant de la présentatrice Amany Al Rhayat dans son émission Ana Masr (Je suis l'Egypte) diffusée sur la chaîne gouvernementale Nil-TV. La journaliste a reproché au cinéaste de salir son pays pour plaire aux occidentaux. Elle a conclu sa diatribe ainsi : " Est-ce que Diab ou n'importe qui d'autre, même s'il a du talent, a le droit de cacher le poison de ses pensées et positions personnelles sous l'apparence séduisante d'une oeuvre cinématographique, surtout quand ces pensées ne sont pas conformes à ce que la plupart des Egyptiens croient ?"
Alors on se dit qu'avec de tels ennemis, le film ne peut pas vraiment être mauvais.

jeudi 13 octobre 2016

La Ruelle de l'Amour (Darb al Hawa, 1983)

درب الهوى
إخراج : حسام الدي مصطفى



Houssam Al-Din Mustafa a réalisé La Ruelle de l'Amour en 1983.
Distribution : Ahmed Zaki (Abdel Aziz), Madiha Kamel (Samiah), Mahmoud Abdel Aziz (Saleh), Hassan Abdin (Pacha Abdel Hafez), Farouk El Feshawi (Mourad), Shwikar (Madame Hosnia), Farouk Falawkas (Souksouk), Yousra (Elham), Ibrahim Abdelrazek (le frère d'Elham), Qadria Kamel (la mère d'Elham), Salwa Khattab (Safinaz)

Ahmed Zaki

Madiha Kamel

Mahmoud Abdel Aziz

Hassan Abdin et Farouk El Feshawi,

Shwikar et Farouk Falawkas,

Mahmoud Abdel Aziz et Shwikar

Yousra

Madiha Kamel

Yousra et Ahmed Zaki

Ibrahim Abdelrazek et Qadria Kamel

Salwa Khattab

Farouk El Feshawi et Madiha Kamel


Résumé

Dans les années trente la prostitution est légale en Egypte. Madme Hosnia tient un établissement appelé Hôtel des Princesses, rue de l’Amour. Saleh proxénète et amant de Madame Hosnia dirige la petite entreprise d’une main de fer.
Parmi les pensionnaires, on découvre :
Zinat qui a cinq enfants et un mari malade ;
Elham dont le père est mort et le frère emprisonné pour drogue. Elle doit donc subvenir au besoin de sa mère et de sa sœur. Elle a commencé comme couturière, femme de chambre puis a terminé comme prostituée.
Enfin, Samia qui a fui les mauvais traitements que lui infligeait sa belle-mère. Elle est entrée à l’hôtel comme femme de chambre puis est devenue elle aussi prostituée. Samia est l’objet des assiduités de Saleh mais elle a toujours refusé de coucher avec lui.
Au service des filles de l’hôtel, il y a un garçon efféminé Souksouk.
Parmi ses clients les plus importants, Madame Hosnia est fière de compter le pacha Abdel Hafez, dirigeant du parti au pouvoir, amateur de pratiques masochistes. Il se rend régulièrement à l’hôtel des Princesses pour se faire insulter par les prostituées. Zinat est sa fille préférée. A l’extérieur, le pacha Abdel Hafez se présente comme un homme de morale et de principes. Sa devise est « Vertu et Honneur ». Dans ses meetings, il exige l’interdiction de la prostitution en Egypte.
Abdel Hafez a un neveu, Abdel Aziz. Il est professeur de philosophie à l’université. Dans ses cours, il montre que le criminel ne naît pas criminel mais que le milieu joue un rôle majeur dans son évolution. Abdel Aziz doit épouser sa cousine Safinaz. Celle-ci est une jeune femme frivole et délurée qui entretient en secret une relation amoureuse avec Mourad, un ami d’Abdel Aziz. Mourad est un jeune homme pauvre, très ambitieux. Il souhaiterait entrer au service du Pacha et compte bien profiter de l’amitié d’Abel Aziz pour y arriver. En attendant, il se fait entretenir par Safinaz.
Un jour, Abdel Aziz et Mourad se rendent à l’Hôtel des Princesses. Le professeur de philosophie y rencontre Elham dont il tombe aussitôt amoureux. Il retrouve régulièrement la jeune femme pour parler. C’est lors de l’une de ses visites, qu’il découvre que son oncle est un habitué de l’établissement. Abdel Aziz veut épouser la jeune prostituée et décide de rompre avec sa cousine, Safinaz ce qui lui attire la colère de tous ses proches. De son côté, Mourad fait la connaissance de Samia. Il lui promet le mariage mais voilà, il est pauvre. Samia a une idée : elle fait croire à Saleh qu’elle lui accordera tout ce qu’il désire s’il vole les bijoux d’Hosnia. Mais une fois le trésor entre ses mains, Samia retrouve Mourad, celui qu’elle aime vraiment pour le lui confier. Découvrant la trahison de Samia, Saleh fait irruption chez Mourad et menace les deux tourtereaux d’un long poignard. Mourad parvient à désarmer Saleh. Renversement des alliances : Mourad décide de lâcher Samia pour fuir seul avec l’argent. La jeune femme est folle de rage. Profitant d’une chute de Mourad, Samia le poignarde. Hagarde, elle se laisse entraîner par Saleh hors de l’appartement. Le proxénète veut fuir avec elle et les bijoux, loin du Caire.
Pendant ce temps-là, Abdel Aziz se marie. Il a dû céder à la pression familiale. Mais lors de la cérémonie, il comprend qu’il est en train de faire une erreur. Soudain, il se lève et s’en prend à son oncle. Il révèle publiquement sa fréquentation régulière de l’établissement d’Hosnia. Après avoir provoqué ce scandale, il court rejoindre Elham. Malheureusement, le frère de celle-ci est sorti de prison et a retrouvé sa trace. Il s’est fait passer pour un client de la maison et quand il se retrouve face à sa sœur, il l’égorge. Abdel Aziz arrive trop tard.


Critique

Houssam El Din Mostafa signe ce film resté célèbre pour avoir été interdit à sa sortie. La censure a réclamé que certaines scènes soient supprimées. Une fois les suppressions effectuées, on a trouvé en haut lieu que les scènes de sexe étaient encore trop nombreuses et l’interdiction fut maintenue. Il fallut au producteur une action en justice pour qu’enfin le film put être projeté en salle. 
Madame Anastasie a toujours conféré aux œuvres qu’elle poursuit un prestige considérable, aussi bien auprès du public, ainsi alléché, qu’auprès de la postérité. Grâce à son zèle un peu brouillon, elle a sauvé bien des œuvres dont les qualités seules n’auraient pas suffi à leur éviter le bannissement éternel dans les ténèbres de l’oubli. Alors qu’en est-il de cette Ruelle de l’Amour ? Est-elle digne de l’honneur que lui fit en son temps la censure ? 
Ce film a bien des atouts. C’est l’adaptation d’un roman d’Ismaïl Wali El Din. Ce dernier est connu pour aborder dans ses oeuvres des thèmes sulfureux. Il est notamment l’auteur du Bain de Malatili adapté au cinéma par Salah Abou Seif, roman qui évoque de manière explicite l’homosexualité masculine. Dans La Ruelle de l’Amour, l’écrivain veut dénoncer la manière dont sont considérées les prostituées dans la société égyptienne. Il s’en prend notamment à ces hommes politiques réactionnaires qui face à leurs électeurs se font les chantres de la rigueur morale et qui ensuite vont passer leurs soirées dans les maisons closes les plus huppées de la capitale. Houssam El Din Mostafa ne gomme rien de la virulence de l’œuvre originale et sa satire de la classe politique à travers le personnage du pacha Abdel Hafez joué par Hassan Abdin est tout à fait réjouissante. 
Autre qualité : pour son film, le réalisateur a convoqué les plus grands acteurs du moment. On a loué à juste titre la prestation de Mahmoud Abdel Aziz en maquereau cynique et brutal et celle de Yousra en prostituée au grand cœur (un rôle qui sera déterminant pour sa carrière.) mais celle de Shwikar en tenancière de bordel est tout aussi digne d’éloges. 
Enfin, et le contraire aurait été étonnant de la part de Houssam El Din Mostafa, la satire sociale n’a pas étouffé le sens du spectacle dont a toujours fait preuve celui-ci. La reconstitution de toute une époque à travers les décors et les costumes a été réalisée avec soin. On a privilégié les couleurs criardes et les matières satinées si bien que l’ensemble baigne dans une vulgarité chatoyante qui sied bien au propos. 
Néanmoins, cette Ruelle de l’Amour comporte aussi bien des défauts : la caricature est parfois outrancière et l’intrigue comporte quelques invraisemblances un peu gênantes. L’auteur du roman n’a pas du tout apprécié cette adaptation de son œuvre (Il le rappelait encore dans un entretien de 2015). Pourtant je ne suis pas sûr que le roman soit totalement exempt des faiblesses constatées dans le film. Prenons par exemple la satire sociale qui reste toujours dans des limites « acceptables » par le plus grand nombre. Dans le cinéma égyptien, il y a une règle intangible : une femme qui s’est livrée à la prostitution est condamnée à mourir. Quelles que soient les raisons qui l’ont poussée à ce métier, quelles que soient les qualités morales dont elle a fait preuve, elle ne peut espérer un retour à l’existence banale de la femme honnête, mariée et mère de famille. On feint de s’apitoyer sur le sort de ces travailleuses du sexe exploitées par les hommes mais on finit toujours par légitimer l’opprobre dont elles sont l’objet. Pour ces femmes, pas de rédemption sinon par la mort. Cette Ruelle de l’Amour n’échappe pas à cette règle. Là encore, il s’agit sans doute de ne pas heurter l’hypocrisie du grand public en cette matière. 

Appréciation : 3/5
***
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

dimanche 9 octobre 2016

Leila, Fille de la Plage (Laila bent el shateaa, 1959)


ليلى بنت الشاطئ 
إخراج :حسين فوزي


Hussein Fawzi a réalisé Leila, Fille de la Plage en 1959.

Distribution : Leila Fawzi, Abbas Fares, Mohamed Fawzi, Fayza Ahmed, Anwar Mohamed, Wedad Hamdy, Kamal Hussein, Thuraya Fakhry, Abdel Moneim Ismaïl, Anwar Mohamed, Ahmed Bali, Hafez Amin, Helen 
Scénario : Hussein Fawzi
Dialogues : Al Sayed Ziada
Musique : Mohamed Al Mogi et Mohamed Fawzi



Leila Fawzi

















Fayza Ahmed et Mohamed Fawzi

















Mohamed Fawzi et Abbas Fares

















Leila Fawzi et Wedad Hamdy

















Kamal Hussein


















Résumé

Mohsin Ahmed travaille comme pêcheur sur un bateau appartenant au vieux Aweys. Il est amoureux de la fille de son patron tandis que son meilleur ami Karmouti fréquente Narguis, la femme de chambre de celle-ci. Le soir, Mohsin chante dans un café du village. Son talent a fait de lui une personnalité très populaire.
Un jour apparaît dans cette petite communauté de pêcheurs, le jeune Attia, fils de Maître Abu Saïd, un ancien collègue du vieux Aweys. Ce dernier l’accueille chaleureusement. Attia est arrivé avec des projets bien précis : prendre la direction des affaires d’Aweys et épouser Leila. Ce qu’il n’a pas dit à l’ami de son père, c’est qu’il travaille pour un gang dirigé par Maître Hassouna. Son intention est d’utiliser le bateau pour convoyer de la drogue.
Entretemps, Mohsin a fait une rencontre qui va changer sa vie. Karmouti a invité Ilham, une célèbre chanteuse et son impresario (joué par le réalisateur du film, Hussein Fawzi) à venir écouter son ami dans le café où il se produit tous les soirs. Les deux étrangers sont impressionnés par les dons de Mohsin. Ils lui proposent de les suivre au Caire. Le jeune homme refuse car il ne veut pas s’éloigner de celle qu’il aime. Mais quand le vieux Aweys lui signifie avec des mots blessants que jamais il n’acceptera de lui donner la main de sa fille, il décide de rejoindre ses nouveaux amis. Il fait part à Leila de sa décision. Celle-ci a une violente discussion avec son père. Le vieil homme fait un malaise. Leila décide de ne plus le contrarier. Mohsin quitte le village en compagnie de son ami Karmouti. Grâce à Ilham, Mohsin devient vite une vedette. Sa protectrice lui manifeste une affection de plus en plus grande mais il parvient à maintenir leurs relations sur le plan amical. Au village, Leila passe ses journées à lui écrire des lettres qui restent sans réponses : Karmouti les intercepte de peur que Mohsin décide d’abandonner sa carrière. N’y pouvant plus, Leila se rend au Caire avec Nargis. Elle rencontre Ilham qui lui annonce qu’elle et Mohsin sont fiancés. La jeune femme rentre au village, totalement désespérée. Elle accepte d’épouser Attia. A peine la cérémonie a-t-elle commencé que la police fait irruption dans la salle de mariage. Le vieux Aweys est arrêté, soupçonné d’être à la tête du trafic de drogue sur lequel les policiers enquêtaient depuis quelque temps. Attia disparaît. Informé de la situation, Moshen se rend au village et parvient à faire libérer Aweys. Karmouti apprend où se cachent Attia et son gang. Moshin et lui les retrouvent. Entre le chanteur et le bandit une lutte s’engage tandis que Karmouti prévient la police. Moshin et Leila sont à nouveau réunis.


Critique

C’est une comédie musicale bien conventionnelle que cette Leila, Fille de la Plage. Pour composer son histoire, le scénariste a puisé dans le gros catalogue des clichés à la disposition des auteurs fatigués. Il en a sélectionnés quelques-uns et les a mis bout à bout, ce qui nous donne ce gentil navet. On a donc la fille qui veut épouser celui qu’elle aime, un jeune chanteur à la voix d’or mais à la bourse bien plate, et un papa qui ne veut pas. La fille aime bien son papa qui est de santé très fragile. La moindre contrariété provoque aussitôt un malaise. Leila est une gentille fille, elle obéit donc. Le chanteur pauvre s'éloigne mais heureusement il reviendra au village couvert de gloire pour corriger le méchant garçon qui avait abusé de la crédulité du papa. On a aussi l’opposition traditionnelle entre le village de pêcheurs et la grande ville. Devenu citadin, le héros est à deux doigts de succomber au charme de la célèbre chanteuse qui allie élégance et sophistication mais il saura résister et retrouver sa robuste villageoise qui l’a toujours attendu.
Ce joli conte est prétexte à entendre les roucoulades de Mohamed Fawzi qui est un grand chanteur et un compositeur estimé mais un acteur limité. D’ailleurs, l’ambiance rappelle certaines comédies chantées réalisées en France dans les années cinquante, notamment celles avec Luis Mariano. Nous sommes dans l’univers acidulé de l’opérette avec ses bons sentiments et ses artifices.
Le choix de Leila Fawzi pour jouer le rôle principal est un peu étonnant. On la découvre ici à contre emploi. Considérée comme l’une des plus belles actrices égyptiennes, elle est rarement employée pour jouer les femmes du peuple mais plutôt les princesses et les aristocrates. On se souvient notamment de son interprétation de la princesse de Krak de Moab, épouse de Renaud de Châtillon, dans le Saladin de Youssef Chahine (1963).
Plus étonnant encore, son personnage est celui d’une toute jeune fille alors qu’en 1959, l’actrice a tout de même trente-six ans et on peut trouver un peu cocasse cette scène où sur son petit lit de vierge candide, elle écrit une lettre d’amour à son chéri parti chercher la gloire et la fortune au Caire.
Mais après tout Mohamed Fawzi qui joue le jeune chanteur a quarante-un ans au moment du tournage. Alors au diable le réalisme et la vraisemblance !

R : Le réalisateur, l’acteur et l’actrice principaux de ce film portent le même nom Fawzi mais, à ma connaissance, ils n’ont aucun lien de parenté.

Appréciation :2/5
**

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin