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jeudi 16 juin 2022

La Maison n°13 (Al-Manzel Raqam 13, 1952)

المنزل رقم 13
إخراج : كمال الشيخ


Kamal El Sheikh a réalisé La Maison n°13 en 1952. 
Distribution : Faten Hamama (Nadia, la fiancée de Sharif Kamal), Imad Hamdy (Sharif Kamal), Lola Sedky (Sonia Chahine, la maîtresse du docteur Assim Ibrahim), Mahmoud El Meleigy (le docteur Assim Ibrahim), Tawfik Ismail (Saber Amin), Serag Mounir (l’enquêteur), Ferdoos Mohamed (la mère de Sharif Kamal), Wedad Hamdy (la femme de chambre de Nadia), Zaki Ibrahim (le père de Nadia), Fawzia Mostafa (l’infirmière), Alia Ali (la danseuse), Omar Al Gizawi (le serviteur de la victime)
Une histoire de Kamel Attya et de Kamal El Sheikh
Scénario et dialogues : Ali El Zorkani
Production : les Studios Misr

Faten Hamama et Ferdoos Mohamed





Lola Sedky





Mahmoud El Meleigy





Lola Sedky





Faten Hamama





Mahmoud El Meleigy





Serag Mounir et Imad Hamdi





Omar Al Gizawi





Faten Hamama et Imad Hamdi

















Résumé


Thriller. C’est la nuit. Un homme arrive en voiture près d’une villa isolée. Il se gare devant le portail et sort de son véhicule. Il gravit les marches qui mène jusqu’à la porte d’entrée. Il sort une clé de sa poche et l’introduit dans la serrure. La porte s’ouvre, il entre. L’individu se retrouve face à un autre homme qui lit son journal. Il l’abat de plusieurs coups de revolver. Le lendemain matin, on retrouve dans son lit le meurtrier qui vient de se réveiller. Il s’appelle Sharif Kamal, il est ingénieur et il vit avec sa mère dans un grand appartement. On comprend que la scène du meurtre était un rêve. Mais Sharif reste troublé par ce rêve étrange dont les moindres détails lui sont restés en mémoire. Son malaise s’accroît quand il s‘aperçoit qu’il est sérieusement blessé à la main.
Sharif rejoint sa fiancée, la jeune et jolie Nadia et ils se rendent ensemble chez un bijoutier pour acheter un collier. De retour chez la jeune fille, ils retrouvent son vieux père avec qui Sharif échange quelques paroles avant de retourner à son bureau. C’est lors de cette conversation que le futur marié découvre qu’il a dans la poche de sa veste une clé qui ne lui appartient pas. Un peu plus tard, dans un café, il aperçoit une femme dont le portrait ornait l’un des murs de la maison de son rêve. L’inconnue quitte l’établissement et Sharif décide de la suivre. A son grand étonnement, elle se rend dans le cabinet médical de son psychiatre, le docteur Assim Ibrahim. Ce médecin le soigne depuis un certain temps pour une maladie nerveuse et ils sont devenus amis. A l’intérieur du cabinet, Sharif est accueilli par son médecin mais plus trace de la jeune femme. Sharif explique la raison de sa présence puis le docteur Assim Ibrahim lui présente une autre jeune femme qui porte les vêtements de celle que Sharif poursuivait mais le visage n’a rien avoir avec celui du portrait entrevu dans son rêve. En fait, ce que ne sait pas le jeune ingénieur, c’est qu’il est totalement manipulé par son médecin. C’est ce dernier qui par hypnose lui a ordonné de s’introduire chez un homme pour le tuer. Pour quelle raison ? Le docteur Assim Ibrahim entretient une relation amoureuse avec Sonia, une danseuse qui vit en couple avec la victime, un homme très riche qui a souscrit une assurance vie au bénéfice de sa jeune maîtresse. Pour récupérer le magot, le docteur Assim Ibrahim et Sonia ont décidé de supprimer cet homme et c’est ainsi que le psychiatre a eu l’idée d’utiliser son patient.
De retour à son bureau, Sharif tombe sur une revue qui présente en couverture, le visage vu en rêve. Il sait désormais que cette femme existe vraiment et qu’elle est danseuse. Avec son médecin, Sharif se rend dans le cabaret où elle se produit. C’est ainsi qu’il fait sa connaissance tandis que le docteur et Sonia feignent de se rencontrer pour la première fois.
Le lendemain, Sharif et Nadia se marient mais la fête est à peine commencée que le nouveau marié est arrêté et conduit dans la maison où a eu lieu le crime. L’y attend le juge d’instruction qui procède à son premier interrogatoire et qui l’informe des charges qui pèsent contre lui.
L’instruction se poursuit dans le bureau du juge. Malgré les témoignages de ses proches, la culpabilité de Sharif ne fait plus aucun doute. Heureusement, son avocat et sa fiancée ne s’avouent pas vaincus et font leur propre enquête. Ils sont convaincus que Sharif n’était pas maître de sa volonté quand il a tué sa victime. Le témoignage de la mère de l’ingénieur corrobore leur thèse : elle affirme que le psychiatre avait rendu visite à son fils le soir du crime, que ce dernier avait quitté sans un mot l’appartement peu après le départ du médecin et qu’il était rentré dans la nuit, toujours aussi mutique.
Lors du procès, un témoin inattendu vient compléter les déclarations de la mère. C’est leur voisin et il est catégorique : la nuit du crime, il a vu Sharif rentrer chez lui avec un homme qui l’a accompagné jusqu’à sa porte. Cet homme, il pourrait le reconnaître s’il le rencontrait à nouveau. Le docteur Assim Ibrahim qui assiste au procès comprend tout de suite le danger que constitue pour lui ce témoignage. Le soir, il se rend au domicile de ce voisin trop bavard et il le tue de plusieurs coups de couteau. C’est à ce moment-là que Nadia entre dans l’appartement après avoir sonné plusieurs fois. Elle est envoyée par Sharif pour demander à l’homme de ne pas quitter la ville afin de les aider à identifier l’inconnu qu’il a vu la nuit du meurtre. La jeune femme hurle en découvrant le corps sans vie du voisin et se précipite vers la porte d’entrée. Elle tombe nez à nez sur Assim qui lui fait croire qu’il vient d’arriver. Il l’emmène à sa clinique et l’hypnotise. Il lui fait écrire une lettre dans laquelle elle s’accuse d’avoir commis le meurtre du témoin et il lui ordonne de se rendre sur le pont d’Imbaba et de se jeter dans le vide. Heureusement, Sharif a réussi à échapper à ses gardiens lors du transfert du tribunal à la prison. Grâce aux informations données par sa mère et Sonia, il parvient à sauver sa fiancée. Assim est arrêté par la police, Sharif et Nadia peuvent se marier.



Critique


Kamal El Sheikh est l’un des plus grands réalisateurs égyptiens du XXe siècle et il est sans doute celui qui présente la filmographie la plus homogène, la plus cohérente. Beaucoup de ses films sont devenus des classiques et il n’y en a peu qui déçoivent.

Cette Maison n°13 est son tout premier film comme réalisateur et ce n’est pas, comme souvent pour les « œuvres de jeunesse », un coup d’essai uniquement riche de promesses. Kamal El Sheikh y déploie déjà tout son talent et sa maîtrise du langage cinématographique impressionne. C’est d’autant plus remarquable qu’il ne fut pas, à l’instar de tous ses collègues, assistant auprès de certains de ses aînés. Il est passé directement du montage à la réalisation et cette première œuvre est pourtant une très belle réussite.

Cette entrée dans la réalisation s’est faite sous l’égide du grand maître du suspense et de l’angoisse, Alfred Hitchcock. Kamal El Sheikh n’a jamais caché son admiration pour ce dernier et, avec son scénariste Ali El Zorkani, il multiplie les références à son oeuvre. Dès le titre, la filiation est assumée : la Maison n°13 fait explicitement référence au premier film, resté inachevé, d’Alfred Hitchcock, Numéro 13 qui date de 1922.

On pourrait considérer à juste titre cette Maison n°13 comme un brillant exercice de style accompli par un disciple très doué du cinéaste anglo-américain. C’est ainsi que le scénario reprend avec une certaine habileté un grand nombre de motifs chers au réalisateur de La Maison du Docteur Edwardes. Citons pêle-mêle : l’innocent accusé d’un crime qu’il n’a pas commis, la folie et l’univers psychiatrique, le rêve et l’amnésie, le procès, le rôle déterminant de la femme auprès du héros, le dénouement en forme de course poursuite dans l’escalier (l’escalier, une figure majeure de la dramaturgie hitchcockienne)

Mais là, où Kamal El Sheikh se révèle comme un artiste de premier plan, c’est d’abord dans le travail de l’image et le traitement de la lumière pour suggérer une atmosphère oppressante. C’est aussi dans la direction d’acteurs : l’interprétation d’Imad Hamid est remarquable par sa sobriété et sa retenue. Il incarne à la perfection ce personnage lunaire plongé dans un cauchemar qui semble n’avoir pas de fin. Et l’acteur forme avec la toute jeune Faten Hamama un couple qui n’est pas sans rappeler ceux que l’on retrouve dans les films d’Alfred Hitchcock.

Dans La Maison n°13, Kamal El Sheikh s’affirme comme un grand styliste, ce que confirmeront ses films suivants. En s’inspirant du film noir américain, il rompt avec une certaine tradition du cinéma égyptien dont les genres de prédilection étaient jusque alors le mélodrame, la comédie et la comédie musicale. Avec le thriller, Kamal El Sheikh insuffle un air nouveau dans un cinéma qui a toujours eu tendance à se satisfaire des recettes éprouvées. A noter qu’en cette même année 1952, Salah Abou Seif sort lui aussi un thriller, Raya et Sakina mais dans un style bien différent. L’esthète Kamal El Sheikh et le réaliste Salah Abou Seif domineront le cinéma égyptien des années cinquante.

Appréciation : 4/5
****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

samedi 16 janvier 2021

Monter vers l’abîme (Al-Soa'd Ela Al-Hawya, 1978)

الصعود الى الهاوية
إخراج : كمال الشيخ


Kamal El Sheikh a réalisé Monter vers l'Abîme en 1978.
Distribution : Mahmoud Yassin, Madiha Kamel, Gamil Rateb, Ibrahim Khan, Eman, Imad Hamdi, Nabil Nour Eddin, Salah Rashwan, Taysir Fahmi, Nabil El Dessouky, Nawal Fahmy, Mohamed Sultan, Ismaïl Abdel Meged, Jack Meer, Eve Bino, Claude Cernay, Narges Attiya, Abdul Latif bin Jeddo, Abdul Moneim Al Nimr, Hattab Al Dhib 
Scénario : Saleh Morsi et Maher Abdel-Hamid 
Musique : Tarek Sharara

Imad Hamdi et Madiha Kamel



Nawal Fahmy



Gamil Rateb



Mahmoud Yassin



Ibrahim Khan



Mahmoud Yassin et Salah Rashwan



Nabil El Dessouky



Mohamed Sultan



Madiha Kamel



Madiha Kamel et Eman


















Résumé

Nous sommes en 1969, deux ans après la défaite de la guerre des six jours. Abla Kamel est une jeune femme qui souffre de la mésentente de ses parents. Son père est un enseignant, au caractère faible. Il laisse son épouse dépenser toutes leurs économies dans d’interminables jeux de cartes. Abla croit avoir trouvé le bonheur en la personne de Ramzi, un jeune homme riche. Elle l’aimait et elle croyait être aimée. Il lui avait promis le mariage et elle s’est abandonnée à lui. Las ! Il la quitte peu après. Elle est désespérée. Pourtant un autre homme l’aime sincèrement. C’est, Sabri Abdel Moneim, un ingénieur des forces armées mais elle ne ressent rien pour lui sinon de l’amitié. Abla ne supporte plus l’Egypte et elle part en France pour étudier la littérature à la Sorbonne. Elle a trouvé une chambre dans un hôtel bon marché. Sa nouvelle vie la ravit. Elle fait la connaissance de Madeleine qui elle aussi est étudiante. Elle appartient à un milieu privilégié et mène une existence agréable dans la capitale française. Les deux jeunes femmes sortent régulièrement ensemble. Madeleine est homosexuelle et elle ne cache pas son attirance pour Abla. Cette dernière finit par lui céder. En fait, Madeleine est en relation avec les services secrets israéliens. Elle contacte Edmond, un agent du Mossad et lui propose de recruter Abla en précisant que la jeune égyptienne est follement aimée d’un ingénieur travaillant pour l’armée. Ce détail ne manque pas d’intéresser Edmond. Il parvient à faire connaissance avec Abla et très vite à gagner sa confiance. Il lui fait visiter les plus beaux endroits de Paris. Il prétend travailler pour une organisation internationale qui œuvre pour la paix entre les peuples et il lui propose de devenir sa collaboratrice. Les conditions financières sont alléchantes et Abla accepte, heureuse à la perspective de quitter sa petite chambre d’hôtel pour un luxueux appartement. Quand elle comprendra pour qui elle travaille et ce qu’on attend d’elle, il sera trop tard. 

Edmond lui a demandé de se rendre en Egypte. Elle revoit sa mère mais son père était parti travailler en Tunisie. Elle exécute ensuite sa mission : elle retrouve Sabri, lui fait croire qu’elle est amoureuse de lui et couche avec lui. Après cela, l’ingénieur ne pourra plus rien refuser à sa bien-aimée et il est disposé à lui livrer des renseignements ultra confidentiels. Mais c’est sans compter les services secrets égyptiens qui sont déjà à la manœuvre. L’officier Khaled Selim en charge du dossier comprend vite le rôle joué par Sabri dans cette affaire d’espionnage. Il le neutralise en le faisant muter et en lui fournissant de fausses informations. Avec ses hommes, il se rend à Paris. C’est là qu’il rencontre Abla qui, de retour en France, dirige une boutique de mode afin de mieux dissimuler ses véritables activités. Khaled Selim découvre l’incroyable réseau que la jeune femme a réussi à se créer. Elle fréquente les milieux diplomatiques arabes de la capitale française et au besoin, couche avec de hauts responsables pour obtenir toutes les informations qui intéressent l’état hébreu. Pour la mettre hors d’état de nuire, l’officier égyptien a une idée. Avec la collaboration des services secrets tunisiens, il fait croire à Abla que son père est gravement malade et qu’il est hospitalisé à Tunis. Folle d’inquiétude, Abla s’envole pour la Tunisie. A l’aéroport, elle est accueillie par Khaled Selim qui parvient à l’attirer dans un avion privé. Destination finale : l’Egypte. Abla et Sabri seront jugés, condamnés à mort et exécutés.


Informations diverses

Ce film s’inspire de l’histoire d’Heba Selim, une espionne égyptienne au service du Mossad. Elle avait épousé un ingénieur de l’armée et c’est grâce à lui qu’elle communiquait aux Israéliens des informations très précieuses sur l’emplacement des bases anti-missiles des forces armées égyptiennes. Après l’arrestation et la condamnation de Seba et de son mari, Sadate refusera toutes les demandes en grâce. L’espionne sera pendue tandis que son mari sera fusillé. 

Avant de le confier à Madiha Kamel, Kamal El Sheikh avait proposé le rôle d’Abla à Soad Hosni et à Nagla Fathi. La première avait refusé de peur de s’aliéner une partie de son public en jouant une jeune femme qui trahit sa patrie par cupidité. La seconde souhaitait qu’on modifie la fin du film afin de rendre le personnage plus sympathique. Cette fois-là, c’est Kamal El Sheikh qui a refusé. 

"Monter vers l'Abîme" est riche en images de Paris dans les années soixante-dix. Les personnages déambulent à travers les rues et les jardins de la capitale, déjeunent au restaurant, assistent à des spectacles, font du lèche-vitrines. A un moment, Abla et Madeleine vont au cinéma. On les voit sortir de la salle tandis qu’à gauche de la porte, un groupe de jeunes gens semblent commenter la grande affiche fixée au mur. Cette affiche est celle d’un film érotique « Les Enjambées », réalisé par Jeanne Chaix avec Valérie Boisgel et Claudine Beccarie. Petit anachronisme : ce film ne sortira qu’en 1974. Quand la porte se referme derrière les derniers spectateurs, on s’aperçoit qu’il y a à droite une autre affiche : cette fois-ci, c’est celle du premier dessin animé de Lucky Luke qui date de 1971. Il est bien étrange de trouver réunis ces deux films qui ne sont pas tout à fait destinés au même public ! Une devinette : lequel des deux ont été voir les deux amies, "Les Enjambées" ou "Lucky Luke" ? Un indice : dans la scène précédente, quand Madeleine et Abla se retrouvent à l’entrée de la Sorbonne, la première propose d’aller au cinéma. La seconde demande, en français : « Quel film ? » Réponse : « Tu verras ! »


Critique

C'est un film qui se place résolument du côté de l’histoire officielle. Il s’agit d’édifier les masses sur le zèle et l’acharnement que mettent les agents de l’Etat à combattre jour et nuit les ennemis de la patrie. En 1973, l’Egypte a lavé par les armes l’affront subi en 1967 et elle est redevenue la première nation du monde arabe. Chaque Egyptien doit être fier de son pays et le servir fidèlement et quiconque le trahirait pour le compte d’une puissance étrangère doit s’attendre à être châtié sans merci. Voilà le message quelque peu stalinien de Monter vers l’Abîme et cela pourrait suffire à le classer dans les œuvres périssables dont la forte teneur en idéologie interdit toute ambition artistique. Mais ce serait une erreur. Le réalisateur est Kamal El Sheikh à qui on doit de grands classiques du septième art égyptien. Ce n’est certes pas son plus grand film. Le sujet se prête peu à des variations personnelles et pourtant Monter vers l’Abîme n’est pas dénué d’intérêt.

Le réalisateur s’est vraiment intéressé à ses personnages et a su se garder de tout manichéisme. Abla Kamel, l’espionne, nous est présentée dans toute sa complexité, à la fois une jeune fille très naïve qu’on manipule aisément mais aussi une femme cupide qui n’hésite pas à donner son corps en échange de renseignements ultra-secrets. Ce film est avant tout un portrait de femme radiographiée dans toutes ses dimensions, psychologique, sociale et politique. Au final, on peut se demander dans quelle mesure cette espionne n’est pas l’archétype de la jeune femme égyptienne en ce début des années soixante-dix. Abla Kamel, comme toutes ses consœurs issues des classes moyennes ou supérieures, souhaite s’échapper d’une société rétrograde, triste à mourir, et rêve d’une vie libre dans un monde où tout est permis. La découverte de Paris est une révélation. Mille tentations s’offrent à la jeune étudiante mais pour en profiter, il lui faut de l’argent, beaucoup d’argent. Abla Kamel veut goûter à tout mais ce qui la fascine en premier lieu, c’est la liberté sexuelle qui règne dans ce Paris des seventies. Kamal El Sheikh nous montre son héroïne assistant à des spectacles érotiques et faisant l’expérience de l’amour homosexuel avec une condisciple de la Sorbonne. D’ailleurs, c’est par le sexe plus que par l’argent que les services secrets israéliens parviennent à recruter la jeune égyptienne. Sur ce plan, les auteurs du film jouent un peu les moralisateurs : Paris est certes la capitale mondiale du savoir et de la culture mais c’est aussi un lieu de perdition pour les jeunes filles arabes qui y laisseront leur candeur et leur innocence (On n’est pas loin de la Paysanne Pervertie de Restif la Bretonne).

Néanmoins, les scènes avec les deux jeunes femmes sont parmi les plus réussies du film et on ne cache rien de la nature véritable de leurs relations. C’est sans doute à ces scènes « scandaleuses » (Je n’ai pas dit « érotiques ! ») que Madiha Kamel et Enam doivent leurs célébrités soudaines dans tout le monde arabe au lendemain de la sortie du film. Malheureusement, leur duo a laissé dans l’ombre les autres interprètes du film qui pourtant sont tous remarquables, notamment Ibrahim Khan dans le rôle de l’ingénieur fou d’amour. Par son interprétation sensible et subtile, il a su nous rendre attachant ce personnage tragique qui souffre le martyr de n’être pas aimé et qui pour tenir dans ses bras l’être adoré est prêt à trahir sa patrie. Kamal El Sheikh nous rappelle cette règle essentielle : on ne fait pas une œuvre digne de ce nom avec des personnages qu’on méprise ou que l’on hait. Paradoxe : c’est le personnage de l’officier égyptien, incarné par Mahmoud Yassin, qui semble le moins humain ; un personnage schématique et sans épaisseur, un monstre froid au service de l’Etat.

Appréciation : 3/5
***

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

dimanche 9 août 2020

Les Portes de la Nuit (Abwab El Leil, 1969)

أبواب الليل
إخراج : حسن رض




Hassan Reda a réalisé Les Portes de la Nuit en 1969.
Distribution : Youssef Chaban (Mohamed Salameh), Layla Taher (Kawthar, la femme d’Hosni Munir)), Madiha Kamel (Zizi, la maîtresse d’Hosni), Salah Mansour (Hosni Munir), Saïd Saleh (Badran), Said Khalil (le complice d’Hosny et de Kawthar), Zizi Mostafa (Safia), Naima El Saghir (la tenancière du bar), Shafik Nour El Din (Al Haj Salameh, le père de Mohamed), Aleya Abdel Moneim (Amina, la tante de Mohamed)), Hamed Morsi (le chanteur du bar), Abdel Ghani El Nagdi (le voisin), Eskandar Menassa (Sayed, le père de Safia), Ahmed Abou Abia (un ouvrier de l’imprimerie)
Scénario : Saad Mekawy 
Musique : Andre Ryder
Production : Kamel El Hefnawy

Youssef Chaban

Madiha Kamel

Saïd Khalil

Ahmed Abou Abia et Salah Mansour

Salah Mansour et Madiha Kamel

Layla Taher et Youssef Chaban

Abdel Ghani El Nagdi

Shafik Nour El Din

Eskandar Menassa

Zizi Mostafa et Youssef Chaban


Résumé

Mohmed Salameh travaille dans une imprimerie comme dessinateur mais une altercation très violente avec son patron le contraint à quitter son emploi. Mohamed vit avec son père qui est graveur sur métal et il doit épouser Safia, sa cousine. C’est une jeune fille douce et dévouée qui s’occupe du petit kiosque de vente de cigarettes appartenant à son père aveugle. 
Mohamed est un jeune homme tourmenté, sujet à de fréquents maux de tête. Il est sans cesse déchiré entre le désir de sortir de la pauvreté par tous les moyens et la morale très stricte que son père lui a inculquée. Ses soucis professionnels et une rencontre vont le faire basculer dans la délinquance. Il fait la connaissance d’un commerçant, Hosni Munir, qui lui propose de se lancer dans la contrefaçon de billets de banque. Cet homme à l’aspect débonnaire possède une quincaillerie, sa vitrine légale, mais dans l’arrière-boutique, il a installé une presse permettant la fabrication de fausse monnaie. Mohamed accepte de participer à l’entreprise. Hosni est marié à Kawthar, une femme qui n’hésite pas à jouer de sa séduction pour motiver le jeune dessinateur et cela avec l’approbation de son mari qui lui-même entretient une relation adultère avec une jeune femme. Hosni a promis à celle-ci de l’épouser, une fois fortune faite. Kawthar a appris le projet de son mari et pour sa part, elle envisage de s’installer à Alexandrie en espérant que Mohamed l’accompagne. Ce dernier travaille jour et nuit pour produire les faux billets, ce qui ne l’empêche pas d’être assailli par les scrupules. Il n’ose plus revoir ses proches mais Safia qui l’aime toujours le retrouve et tente de le convaincre de regagner le domicile de son père. En vain. Mohamed a terminé le travail pour lequel Hosni l’avait embauché. Ils se partagent les billets et chacun part de son côté. Mais le bonheur des faux-monnayeurs est de courte durée : Hosni et sa femme sont aussitôt arrêtés par la police. Dans le même temps, Mohamed se rend chez son père et découvre que celui-ci est alité, très malade. Il est bouleversé. Il décide alors d’aller de lui-même au commissariat pour se dénoncer. Safia lui promet de l’attendre…

 
Critique

Nous avons donc un drame dans lequel le héros entraîné sur le chemin du crime ne cesse d’être tourmenté par sa conscience. Il a le sentiment douloureux d’avoir trahi les siens et connaît toutes les affres du sentiment de culpabilité. Le bien et le mal sont représentés par deux figures féminines que tout oppose et bien sûr au final, le héros fera le bon choix, celui de la vertu et de la morale. C’est avec ce schéma manichéen et simpliste que l’on fait les bons navets édifiants dont le cinéma égyptien n’est pas avare. Il n’empêche que ce film vaut mieux que son sujet et qu’il serait dommage de le ranger dans le placard aux vieilleries abandonnées. 

On est d’abord frappé par le soin apporté à la réalisation. Chaque scène, chaque plan sont élaborés avec la plus grande rigueur et avec un sens aigu de l’esthétique et on doit louer le travail du directeur de la photographie qui joue avec toutes les possibilités qu’offre le noir et blanc et qui utilise la profondeur de champ avec un certain brio. Et comme c’est souvent le cas dans les grands films égyptiens, nous avons aussi de très beaux portraits des différents personnages. La caméra magnifie chaque visage et en scrute tous les détails afin d’en restituer toute l’humanité et parfois tout le mystère. 

On retrouve cette rigueur dans la conception des scènes oniriques, à la symbolique parfois un peu lourde. Elles sont entièrement tournées en studio et leur atmosphère rappellent certaines comédies musicales des années cinquante : même caractère factice des décors et même choix de la pantomime et de la danse pour le jeu des acteurs. 

Ce qui permet aussi de supporter le caractère un tantinet moralisateur du scénario, c’est que ce drame psychologique est tourné comme un film d’action. Le destin du héros bascule dès les premières minutes du film avec la gifle qu’il assène à son patron et ensuite tout s’enchaîne très vite pour conduire à la chute inévitable. On ne sera donc pas étonné de rencontrer dans ces Portes de la Nuit maintes références au film noir américain. 

Terminons par l’interprétation : elle est remarquable. On considère ce film comme un pic dans la carrière de Youssef Shabaan. Il a su rendre palpable l’angoisse de son personnage sans cesse tiraillé entre des inclinations contraires. Il incarne avec une grande conviction un personnage qui physiquement ne va pas bien et qui semble en permanence au bord de la rupture. Avec conviction mais aussi avec sobriété : il ne tombe jamais dans l’outrance et Dieu sait si le combat du bien et du mal y conduit trop souvent ! 

Pour ma part je retiendrai surtout les prestations de Layla Taher et de Salah Mansour. Tous les deux forment un couple de petits commerçants d’un cynisme et d’un amoralisme affichés. Ce sont deux escrocs médiocres que la perspective de devenir riches plonge dans un état d’euphorie permanente. 

Layla Taher est parfaite dans ce rôle de femme mature sans illusion sur l’amour et les hommes et qui tremble d’une excitation presque sexuelle à la vue de l’argent. Son pouvoir de séduction, son franc parler ainsi qu’une certaine agressivité font de son personnage une sœur de ceux incarnés par l’actrice française Stéphane Audran. 

Et puis il y a Salah Mansour que je considère comme l’un des plus grands acteurs de sa génération. Un embonpoint assumé et un visage tout rond lui donneraient la physionomie d’un personnage sympathique de dessin animé (Je l’imagine très bien dans Oui-Oui au Pays des Jouets !) s’il n’y avait ces petits yeux noirs qui trahissent une perversité hors norme et une indifférence presque animale à la souffrance des autres. Dans ce rôle de quincaillier saisi par le luxe et la débauche, il est magistral ! 

Appréciation : 4/5
****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

vendredi 15 mars 2019

Souvenir d'une Nuit d'Amour (Zokara laila hob, 1973)


ذكرى ليلة حب
ﺇﺧﺮاﺝ: سيف الدين شوكت



Seif El Din Shawkat a réalisé Souvenir d'une Nuit d'Amour en 1973.
Distribution : Salah Zulficar, Nabila Ebeid, Nelly, Mona Wasef, Sabah Al-Jazayri, Maha Al Saleh, Rafiq Subaie, Nadia Arslan, Ziad Mawlawi, Mariam Fakhr Eddine
Scénario : Seif El Din Shawkat
Musique : Suhail Arafa


Salah Zulficar


Salah Zulficar et Nabila Ebeid

Maha Al Saleh et Ziad Mawlawi

Rafiq Subaie


Nelly et Salah Zulficar

Mona Wasef

Nelly

Salah Zulficar et Mariam Fakhr Eddine

Sabah Al Jazayra


Résumé

Adel vit heureux avec son épouse Layla. Celle-ci est gravement malade du cœur et son état nécessite un suivi médical constant. Pour des raisons professionnelles, Adel doit s’absenter un certain temps, loin de sa femme. Alors qu’il dîne dans un cabaret, il retrouve Camilia, une ancienne petite amie qui est la danseuse de l’établissement. Elle est toujours amoureuse de lui et Adel n’est pas insensible à son charme. Il essaie de l’oublier, de penser à autre chose mais un jour, pour échapper à un homme qui la harcèle, elle trouve refuge dans la chambre que loue Adel dans un motel de la ville. Evidemment, ils redeviennent amants. Le lendemain, Adel reprend le chemin du retour. Il a hâte de retrouver sa femme et d’oublier cette malheureuse aventure. Mais Camilia est dans un tout autre état d’esprit : elle veut faire sa vie avec lui. Elle se présente à son domicile alors qu’il s’y trouve seul et menace de tout dire à Layla. Le mari infidèle se précipite sur sa maîtresse et la rudoie de manière si brutale qu’elle s’effondre, inconsciente. Adel court à l’étage chercher de quoi la soigner mais quand il la rejoint, il ne peut que constater son décès. 
Adel est désespéré. Il décide de placer le corps de la jeune femme dans une malle et de jeter celle-ci dans la rivière. Au bout de quelques jours, la police repêche la malle et découvre le corps de la victime. Celui qui est chargé de l’enquête est un officier de police, grand ami d’Adel. Tous les indices finissent par accuser ce dernier. C’est tout à la fin qu’on découvre qu’il n’a pas tué sa maîtresse mais que le coupable est l’homme qui la harcelait. L’assassin s’était introduit dans la maison d’Adel et profitant du fait que Camilia inanimée était restée seule, il l’avait étranglée. Adel est donc innocent. Heureux et soulagé, il peut retrouver Layla.

mardi 6 novembre 2018

Le Malin (El rajul el thaalab,1962)

الرجل الثعلب
ﺇﺧﺮاﺝ : نجدي حافظ

  

Nagdi Hafez a réalisé Le Malin en 1962.
Distribution : Fawzy Darwich, Farid Shawki, Ahmed Tantawi, Mohamed Shaalan, Amina Rizq, Abdel Khalek Saleh, Riri, Cariman, Fayza Fouad, Hussein Issa, Lotfy Abdel Hamid
Scénario : Ismaïl Al Qadi


Fawzy Darwich et Farid Shawki

Ahmed Tantawi

Mohamed Shaalan

Amina Rizq

Abdel Khalek Saleh

Farid Shawki et Mohamed Shaalan

Mahmoud El Sabaa et Riri

Cariman et Fayza Fouad

Hussein Issa

Thuraya Fakhry


Résumé

Farid Sharif appartient à une famille honorable mais il a échoué dans ses études. Il s’est lancé dans le trafic de drogue pour montrer à son père qu’il était capable de réussir aussi bien que les autres. Il vit toujours chez ses parents avec son frère Adel qui est étudiant et sa sœur Afaf. Fardi travaille le jour dans une société commerciale et le soir il rejoint le gang dont il est l’un des membres les plus actifs. Le gang est dirigé par Zidane, Adoui et Marzouk. Farid a comme surnom Le Malin. C’est la police qui l’a baptisé ainsi car il a toujours réussi à échapper à ses filets. Il a aussi réussi un coup de maître en épousant la sœur d’Omar, l’inspecteur qui dirige toutes les actions antidrogue de la police. Et ce n’est pas tout : Omar a de son côté fait la connaissance de sa sœur Afaf et l’a épousée. Le gangster pense ainsi jouir d’une impunité totale. Il va jusqu’à utiliser la voiture de son beau-frère pour transporter la drogue. Mais un enquêteur finit quand même par avoir des soupçons et une perquisition est effectuée dans la maison familiale. Les agents ne trouvent rien car Farid a eu le temps de cacher ailleurs la marchandise.
Le Malin doit aussi combattre ses « amis » : Zidane qui le considère comme un rival dangereux veut l’éliminer. Il charge un complice de placer dans la maison des parents de Farid une valise pleine de drogue et d’appeler la police aussitôt après. Heureusement, une femme a surpris la conversation. C’est Fathya, l'ancienne maîtresse de Farid qui reste follement amoureuse de lui malgré son mariage. Elle se précipite chez Farid avant l’arrivée de la police et s’empare de la valise. En sortant, elle tombe nez à nez avec l'épouse. Une dispute éclate. La mère de Farid qui se trouve dans sa chambre entend les cris. Elle se lève malgré sa très grande faiblesse, conséquence de la perquisition humiliante qu’elle et son mari ont dû subir. Elle veut intervenir mais elle s’effondre et roule dans l’escalier. Elle meurt peu après à l’hôpital. Farid décide de se repentir. Il envoie une lettre à la police dans laquelle il révèle que le gang de Zidane doit réceptionner une grosse cargaison de drogue sur une plage isolée. Il se rend ensuite sur les lieux de l’opération et tente d’intervenir seul contre ses anciens complices. Fathya qui est aussi présente veut l’aider mais elle est abattue par Zidane. Enfin, les garde-côtes surgissent de toutes parts. Après une brève fusillade, tous les membres du gang sont arrêtés.