mercredi 23 novembre 2016

Le Fleuve de l'Amour (Nahr el Hub, 1960)

نهر الحب 
إخراج : عز الدين ذو الفقار




Ezzel Dine Zulficar a réalisé Le Fleuve de l'Amour en 1960.
Distribution : Faten Hamama (Nawal), Omar Sharif (Khalid), Zaki Rostom (Taher Pasha), Omar El-Hariri (Mamdouh), Zahrat Al Oula (la femme de Mamdouh), Ahmed Farahat (le fils de Mamdouh), Amina Rizq (Madame Fatima), Fouad El Mohandes (l'ami de Khaled), Ahmed Bali ( le psychiatre), Soheir El Bably (Mervat), Mohamed Reda (un miltaire), Abdel Azim Kamel (le médecin)
Scénario : Ezzel Din Zulficar et Youssef Issa
Adaptation du roman Anna Karenine (1877) de l'écrivain russe Léon Tolstoï.
Musique : Andre Ryder
Production : Helmy Rafla


Zaki Rostom et Faten Hamama

Fouad El Mohandes et Omar Sharif

Faten Hamama

Faten Hamama et Zaki Rostom

Faten Hamama

Omar El Hariri

Faten Hamama et Omar Sharif




Résumé

Taher Pacha est un vieil homme riche et puissant. Il tombe amoureux de Nawal et souhaite l’épouser. Mamdouh est le frère de Nawal. Il a accumulé les dettes et se trouve dans une situation très délicate. Pour le sauver du déshonneur et de la prison, Nawal accepte de se marier avec Taher Pacha. Celui-ci se révèle un homme dur, incapable d’amour et obsédé par sa carrière politique. L’existence de Nawal est celle d’une femme riche mais solitaire et désoeuvrée. Elle donne naissance à un garçon. Elle se consacre entièrement à son éducation. Les années passent. Un jour, Nawal reçoit une lettre de son frère qui s’est installé à Assouan avec sa femme et ses deux enfants : lui et son épouse sont au bord du divorce et il lui demande de l’aider à sauver son couple. Avec l’autorisation de son mari, Nawal décide de passer quelques jours chez Mamdouh. Dans le train qui la conduit à Assouan, elle fait la rencontre d’un jeune officier prénommé Khaled. C’est le coup de foudre. Ils se retrouvent à plusieurs reprises dans des réceptions, une première fois à Assouan puis au Caire. Ils ne peuvent plus cacher les sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. Taher Pacha est informé de l’infidélité de sa femme. Il a très peur que cette liaison nuise à sa carrière politique. Il exige que Nawal rompe avec l’homme qu’elle aime. Lors d’un concours hippique, Khaled fait une grave chute. Il est hospitalisé. Nawal n’y tient plus : elle veut divorcer pour être aux côtés de son amant. Taher Pacha propose un compromis : il souhaite que le divorce soit prononcé après les élections. D’ici là, il autorise Nawal à retrouver Khaled mais pour éviter le scandale, il exige que les deux amants partent en voyage au Liban. Nawal accepte malgré le chagrin qu’elle éprouve à l’idée de se séparer de son fils.
En fait, Taher Pacha prépare sa vengeance. Une fois les élections passées, il menace Nawal d’un procès pour adultère : elle doit disparaître si elle et son amant souhaitent éviter la prison. Nawal trouve refuge chez son frère tandis que Taher Pacha fait croire à son fils que sa mère est morte.
La guerre est déclarée : Khaled doit rejoindre le front. Il meurt dans les combats. Désespérée, Nawal tente de retourner chez Taher Pacha pour revoir son fils. Son mari ne la laisse pas entrer dans sa demeure : il ne faut pas traumatiser leur enfant qui la croit morte. Elle préfère renoncer. Ayant perdu ses deux raisons de vivre, elle erre sans but près de la voie ferrée. Soudain, elle croit voir son fils qui l’appelle de l’autre côté de la voie. Elle traverse tandis qu’un train arrive à vive allure.


Critique

Ce film est un peu particulier dans la filmographie de son metteur en scène et de ses deux principaux interprètes. Omar Sharif et Faten Hamama ont formé le couple le plus célèbre du cinéma égyptien. Ils se sont rencontrés en 1954 sur le tournage du film Ciel d’Enfer de Youssef Chahine. A cette époque, Faten Hamama est déjà une grande vedette tandis que le futur Docteur Jivago débute sa carrière d’acteur. Ils vont très vite devenir amants puis se marier une fois Faten divorcée et Omar converti à l’islam. Six ans ont passé et ce Fleuve de l'Amour est le cinquième et dernier film que ces deux monstres sacrés tourneront ensemble. De nouveau, on les retrouve ici dans des rôles spécialement écrits pour eux : ceux de deux amants qui ne peuvent vivre leur amour au grand jour et que la société condamne au malheur et à la souffrance.
Si ce tournage dut être différent des autres pour le cinéaste, c’est qu’il fut le premier mari de Faten Hamama, celui qu’elle a quitté pour épouser Omar Sharif. Ils s’étaient mariés en 1947 : Faten avait 16 ans, lui 28. Ils eurent une fille, Nadia. On peut donc imaginer que cette histoire d’une jeune mère de famille qui quitte son vieux mari, riche et puissant, pour un jeune inconnu a dû réveiller bien des souvenirs dans l’âme du réalisateur ! (Après leur divorce, Ezzel Din Zulficar et Faten Hamama étaient cependant restés bons amis et avaient continué à tourner ensemble dans quelques films.)
Ces trois personnalités sont réunies pour une production à haute valeur culturelle : l’adaptation d’un chef d’œuvre de la littérature russe, Anna Karénine. L’exercice comporte des risques et on pouvait craindre au final un produit empesé et académique. Heureusement, Ezzel Din Zulficar ne s’est pas laissé impressionner par le génie de Tolstoï. Il a adapté son roman à la société égyptienne de l’après-guerre (Khalid meurt au combat pendant le conflit israelo-arabe de 1948) et cela fonctionne plutôt bien.
De nombreuses scènes de ce « drame romantique » sont restées dans la mémoire collective : celle de la première rencontre des deux futurs amants dans le train suivie du déjeuner en tête à tête dans le wagon-restaurant, une scène traitée de manière presque hitchcockienne ; celle de leur deuxième rencontre lors d'un bal costumé qui rappelle par son atmosphère certains films italiens et puis, dans un style purement hollywoodien, celle de leur premier baiser au réveillon du nouvel an ; enfin, retour au drame à l'égyptienne  avec la dernière confrontation entre la femme et son ex-mari : elle, désespérée, qui vient de perdre son amant et qui supplie le vieil homme de lui laisser voir son fils et celui-ci qui refuse au nom du traumatisme que cela provoquerait chez l’enfant. Des scènes d'anthologie qui illustrent parfaitement ce que fut l'âge d'or du cinéma égyptien.
Ezzel Din Zulficar joue en virtuose des codes et des procédés du mélodrame. Il est aidé en cela par une équipe d’acteurs exceptionnels. Faten Hamama est sublime dans ce rôle de femme qui aspire à l’amour et au bonheur et qui perdra tout. Omar Sharif campe avec aisance le jeune officier séduisant au destin tragique (type de personnages dont il mettra longtemps à se défaire, tant celui-ci lui « colle à la peau » !). Mais n’oublions pas l’immense Zaki Rostom en tyran méthodique qui écrase sans scrupule tous ceux qui osent s’opposer à lui. Par son jeu, sa voix et sa présence physique, l’acteur donne à son personnage une dimension proprement shakespearienne !
Le Fleuve de l’Amour, un mélodrame classieux. 

Appréciation : 4/5
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

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