موعد مع إبليس
ﺇﺧﺮاﺝ: كامل التلمساني
Rendez-vous avec Satan de Kamel El Telmissany (Maw’id ma’ iblis, 1955)
avec Zaki Rostom (le docteur Ragab Ibrahim), Mahmoud El Meleigy (le docteur Nabil/Satan), Abdel Moneim Ibrahim (Hassan, l’assistant du docteur Ragab Ibrahim), Cariman (Nadia, la fille du docteur Ragab Ibrahim), Wedad Hamdy (la servante), Abdel Ghani El Nagdi (le concierge), Soleiman El Gendy (Adel, le fils du docteur Ragab), Mounir Mourad (Mounir, le neveu du docteur Ragab), Lotfi Al Hakim (le fabricant d’appareils médicaux), Mohamed Shawki (le vendeur de bicyclettes)
Scénario : Galil El Bendary, d'après Faust de Goethe.
Musique : Mahmoud Al Sharif et Mounir Mourad + Rossini, l’Ouverture de l’opéra Guillaume Tell
Production : Films Ahmed Darwish
Mahmoud El Meleigy |
Mounir Mourad |
Zaki Rostom |
Cariman et Zaki Rostom |
Zaki Rostom et Mahmoud El Meleigy |
Soliman El Gendy |
Mounir Mourad et Cariman |
Abdel Moneim Ibrahim et Zaki Rostom |
Mounir Mourad, Wedad Hamdy et Mahmoud El Meleigy |
Cariman et Mahmoud El Meleigy |
Résumé
Le docteur Ragab Ibrahim dirige une clinique privée dans le quartier de la mosquée Hussein. Les affaires ne vont pas bien, les patients aisés se font soigner dans d’autres établissements plus réputés. Les maigres honoraires du docteur suffisent à peine à payer les charges de la clinique. Ragab vit avec sa fille Nadia, son petit garçon, Adel et son neveu Mounir qui s’est installé chez eux depuis la mort de son père. Mounir rêve de devenir chanteur et il très amoureux de sa cousine. Le médecin a perdu sa femme il y a longtemps déjà et après son travail il se consacre tout entier à ses enfants qu’il ne peut gâter comme il le souhaiterait.
Un soir sa voiture tombe en panne sur une route isolée. Il est secouru par un certain docteur Nabil qui en réalité est Satan. La voiture redémarre et le docteur Ragab propose à son confrère de le ramener en ville. Pendant le trajet les deux hommes discutent et sympathisent. Ils promettent de se revoir. Le docteur Ragab se rend chez son nouvel ami. Ce dernier lui fait entrevoir les pouvoirs extraordinaires dont il dispose. A son tour, Nabil est reçu dans la maison de Ragab. Il fait la connaissance de toute la famille. Nadia est tout de suite attirée par la personnalité mystérieuse de leur invité. Elle ne tardera pas à avouer qu’elle est amoureuse de lui. Mais Satan ne perd pas de vue son objectif : faire signer un contrat à Ragab. Il parvient à ses fins en assurant sa victime qu’elle deviendra ainsi riche et célèbre. Dès que le médecin trop naïf a signé, Nabil révèle sa véritable identité. A partir de ce moment, tout change dans la vie du docteur : la clientèle de sa clinique ne cesse de croître, il peut offrir à son fils la bicyclette dont celui-ci rêvait depuis si longtemps, il achète une grosse voiture et il pense agrandir sa clinique. Cette réussite soudaine fait oublier au docteur à qui il la doit : lui et les siens sont enfin heureux et cela lui suffit. Pourtant, ce « bonheur » apparaît tout de suite bien fragile. Nadia, sa fille, revient traumatisée d’une soirée passée chez Nabil. Elle délire toute la nuit. Heureusement, elle se remet vite grâce à son père et à son cousin. Le coup de grâce arrive avec Adel : il tombe gravement malade et il est condamné. Ragab comprend que c’est le prix à payer pour sa fortune soudaine. Mais il ne capitule pas. Il décide de combattre Satan et grâce à Dieu, il finit par le vaincre : son fils est sauvé.
Critique
Nous avions un Faust expressionniste -le Faust de Murnau (1926)-, un Faust dans un style réaliste poétique-La Beauté du Diable de René Clair (1950)- voici le Faust patchwork égyptien.
Ce Rendez-Vous avec Satan, c’est plusieurs films en un :
C’est d’abord une chronique sociale proche du néo réalisme italien avec ce médecin généreux qui soigne les pauvres gratuitement et qui n’a pas les moyens d’offrir à son fils le vélo dont il rêve.
C’est aussi un mélodrame avec un petit enfant, gravement malade et condamné à une mort certaine, dont le père devient aveugle en luttant de toutes ses forces pour le sauver.
La comédie n’est pas non plus oubliée avec le personnage du neveu, un artiste de cabaret qui semble tout droit sorti des Branquignols de Robert Dhery
Mais bien sûr, c’est avant tout une fable fantastique avec notamment le château du Diable, décor en carton-pâte dans la grande tradition des films d’horreur de série B et un dénouement qui vire au grand-guignol en multipliant les trucages simplistes et les gros plans sur des visages grimaçants. Evidemment, tout cela n’est pas à prendre au premier degré : l’intention parodique est évidente et les nombreuses séquences chantées et dansées nous rappellent qu’il ne faut pas prendre trop au sérieux ce Rendez-vous avec Satan.
Et on termine par la touche de glamour hollywoodien avec l’actrice Cariman qui arbore tous les attributs de la pin-up pour GI’s, notamment la poitrine généreuse magnifiée par ce soutien-gorge conique en forme d’obus inventé par le milliardaire Howard Hugues pour Jane Russell. Le cinéaste, un peu espiègle, nous montre Satan le Tentateur lui-même très tenté par les charmes de Nadia, la fille du docteur incarnée par Cariman. Parmi les scènes les plus audacieuses du film, on trouve celles où la jeune femme et Satan se retrouvent dans un café au bord du Nil. Oubliant tous les autres clients de l’établissement, ils sont l’un contre l’autre, Nadia écrasant sa poitrine contre le torse de son séducteur. La première donne tous les signes de l’abandon imminent tandis que le second, frémissant de désir, contemple avec ravissement la créature qui par sa beauté et sa sensualité lui fait perdre tout contrôle de lui-même. Méphistophélès vaincu par Marguerite ?
En dépoussiérant le mythe de Faust et en mélangeant les genres et les registres, Kamel El-Telmissani a réussi à créer une œuvre unique, ne ressemblant à aucune autre. Il ne s’est pas laissé impressionner par l’ombre tétanisante de Goethe, le grand écrivain allemand du XIXe siècle dont les deux Faust constituent des œuvres majeures de la culture universelle. Contournant les références littéraires ou cinématographiques, Kamel El Telmissani a su s’approprier la légende germanique avec une totale liberté et une certaine impertinence pour nous offrir une œuvre pleine d’intelligence et d’humour. Ce Rendez-vous avec Satan constitue l’une des plus belles réussites d’un cinéaste égyptien dont la carrière a été gâchée par bien des vicissitudes.
Appréciation : 4/5
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin
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