mercredi 28 août 2019

Les réalisateurs : Mohamed Khan (1942-2016) suite

محمد خان

Pour la biographie de Mohamed Khan, se reporter à l'article du mardi 26 juillet 2016.


Sept films de Mohamed Khan ont fait l'objet d'une présentation dans ce blog.



La Pastèque (Elbatikha, 1972)



La Pastèque est un court-métrage. Il dure 9mn30 et il est en noir et blanc. 
Interprétation : Mohamed Kinawy
Sujet : après une journée de travail, un petit fonctionnaire quitte son bureau et rentre chez lui à pied. En chemin, il achète une pastèque qu'il mangera au dîner avec sa femme et ses trois enfants. 
Ce court-métrage est très important dans la carrière de Mohamed Khan. On y trouve présentée de manière presque pédagogique sa conception d'un cinéma réaliste et on peut y relever les codes d'une esthétique qui restera la sienne jusqu'à son dernier film. 


Rendez-vous à dîner (maowid ala ashaa, 1981)
avec Soad Hosny (Nawal), Hussein Fahmy (Ezzat), Ahmed Zaki (Shoukry), Zouzou Madi (Raïfa, la mère de Nawal), Ragaa Al-Geddawy (Enayat), Eglal Zaki (Soad), Adawy Gheith (Ryad), Amal Ibrahim (Shawya), Sami Sarhan (le gérant de salon de coiffure), Hafez Amin (l’avocat Rafaat), Khairy Beshara (l’acquéreur du tableau à la vente aux enchères), Marwa Al-Khatib (la secrétaire d’Ezzat), Alia Ali‏ (la gynécologue), Hussein Al Sharif (l’inspecteur de police), Haridi Omran (le mathoun)
Scénario : Mohamed Khan et Bashir El Dik
Musique : Kamal Bakir
Production : Al-Jawhara Films


Nawal est mariée depuis plusieurs années avec Ezzat, un riche homme d’affaires. Ils se sont connus alors qu’elle était encore étudiante. Pour lui, elle a abandonné ses études et a endossé le rôle de l’épouse docile. Cette union a fait le bonheur de sa mère : après la mort du père, la vieille femme percevait une maigre pension qui l’obligeait à faire bien des sacrifices. Grâce à son gendre, elle a pu mener l’existence dont elle avait toujours rêvé. Mais voilà : Nawal n’est pas heureuse. Ezzat est constamment accaparé par son travail et ne lui prête aucune attention. Autre sujet de friction entre le mari et la femme : ils n’ont pas d’enfant malgré le désir maintes fois exprimé par Ezzat d’en avoir. Nawal a consulté une gynécologue : sur le plan physiologique rien n’empêche une grossesse mais le médecin explique que cette stérilité a des causes exclusivement psychologiques. Ce constat ne fait que renforcer la détermination de Nawal : elle veut divorcer. Elle ne peut plus attendre, elle se rend au bureau de son mari pour l’en informer. La secrétaire lui dit qu’Ezzat est parti au restaurant. Elle y court. Quand elle entre dans l’établissement, elle découvre que son mari déjeune en galante compagnie. Malgré la situation embarrassante, Nawal informe Ezzat de sa décision. Elle a peu après une discussion avec sa mère. Celle-ci est furieuse et elle exige de sa fille qu’elle renonce à son funeste projet. Le soir, Nawal et Ezzat dînent dans un restaurant espagnol avec des amis. Une fois rentrés chez eux, l’épouse réitère son souhait d’une séparation, le mari s’emporte et gifle à plusieurs reprises sa compagne puis il l’entraîne dans la chambre conjugale et lui impose une relation sexuelle. Mais rien ne fera changer d’avis Nawal. Ezzat finit par accepter le divorce car il est convaincu que cette séparation sera de courte durée. Nawal refuse l’appartement et la pension alimentaire que lui offre son mari. Elle veut être totalement autonome. Elle suit une formation pour devenir secrétaire. Au début, tout semble lui sourire : elle trouve un emploi chez son avocat et elle se réconcilie avec sa mère. Cette dernière ne supporte plus la solitude et a décidé de se remarier avec un ami de son défunt mari. Nawal accueille avec joie cette nouvelle. Malheureusement, sa mère meurt subitement alors qu’elle se trouvait dans le salon de coiffure où sa fille l’avait conduite…

Notre avis : dans ce film, Mohamed Khan dépeint la condition féminine avec des couleurs très sombres. Le constat est sans appel : dans l’Egypte des années 80, une femme ne peut prétendre à l’indépendance et au bonheur. Pour elle, le choix est simple : la soumission ou la mort. Pour illustrer ce point de vue très pessimiste, le réalisateur nous conte l’histoire tragique d’une femme de grand bourgeois qui décide de divorcer pour vivre et aimer comme elle l’entend. Mais son ex-mari aura le dernier mot et détruira impitoyablement son nouveau bonheur. Dans le rôle du mari et de la femme, nous retrouvons Soad Hosny et Hussein Fahmy. Dans les années soixante-dix, ils incarnèrent à plusieurs reprises le couple moderne bien décidé à s’aimer malgré les interdits et les tabous de la société. Je pense notamment aux deux comédies musicales d’Hassan Al Imam, « Méfie-toi de Zouzou » (1972) et « Amira Mon Amour » (1975) qui firent de Soad Hosny et d’Hussein Fahmy, les symboles de la libération des mœurs. Dans « Rendez-vous à dîner », changement radical de registre. Les deux acteurs mettent tout leur talent au service du projet artistique sans concession de Mohamed Khan. Hussein Fahmy est impressionnant en grand bourgeois froid et calculateur. C’est certainement l’un de ses plus grands rôles, loin des play-boys de bonnes familles auxquels on l’a trop souvent cantonné. La force de ce drame réside aussi dans le peu de paroles échangées entre les protagonistes. Tout passe par le regard, et celui de Soad Hosny est souvent d’une intensité déchirante.


Le Professionnel (El Harif, 1984)
avec Adel Imam (Fares), Ibrahim Kadri (Bakr, le père de Farès), Samiha Tawfiq (Narges, la seconde épouse de Bakr), Ferdoos Abdel Hamid (Dalal, la femme de Farès), Haneim Mohamed (la mère de Dala), Ali Qaoud (le patron de Farès), Zizi Mostafa (Aziza, la collègue de Farès), Haytham Abdel Hamid (le fis de Fares), Hosny Abdul Jalil (Anwar, un collègue de Fares), Walaa Farid (Soad, la voisine de Fares), Najah Al Muji (Abdallah), Sabry Abdel Monem (officier de police judiciaire), Abdallah Farghaly (l’entraîneur de Fares), Hafez Amin (Abdul Majid), Farouk Youssef (Shabaan, l’ancien footballeur dans reconverti dans le trafic de voitures )
Scénario : Bashir El Dik et Mohamed Khan
Musique : Hani Shenouda et Iman Younis
Voix off : Ahmed Zaki
Production : Dalia Films


Fares travaille comme ouvrier dans une usine de chaussures. Depuis son divorce, il vit seul dans un petit appartement au dernier étage d’un immeuble. Cela fait trois ans qu’il est séparé de sa femme mais il l’aime toujours. Son fils aussi lui manque et il espère qu’ils pourront un jour reprendre la vie commune. Dans son existence, Fares n’a qu’une seule passion : le football. Il joue régulièrement lors de matchs organisés dans la rue et il fait partie des meilleurs joueurs de son district. Malheureusement, le jeune homme semble avoir la guigne et sa situation ne cessera de se dégrader. Au football, il est exploité par son « manager » qui ne lui reverse qu’une part infime des sommes gagnées grâce aux paris ; à l’usine, le directeur qui ne supporte plus ses retards et ses absences finit par le licencier. Déboire supplémentaire : un meurtre a été commis dans son immeuble et il fait partie des suspects…

Notre avis : l’une des œuvres les plus accomplies de Mohamed Khan, le chef de file de cette fameuse Génération 80 dont les réalisations ne furent pas toujours à la hauteur des espoirs qu’elle suscita. Néanmoins, celle-ci nous a laissé un certain nombre d’œuvres très intéressantes et parmi elles, on trouve la plupart des films de Mohamed Khan. Dans « Le Professionnel » , on suit les pérégrinations d’un loser taciturne, prétexte à une évocation à la fois réaliste et poétique de certains quartiers populaires du Caire. La prise de vue ne privilégie jamais les personnages au détriment du cadre dans lequel ils évoluent. Le cinéaste s’intéresse au paysage urbain avec l’œil d’un photographe et plus d’une fois, on pense aux photographies de Raymond Depardon (notamment à sa série de clichés sur New-York r réalisée en 1981 pour le compte du quotidien Libération). A la sortie du film, le public fut très déçu : il découvrait Adel Imam dans un rôle dramatique, à l’opposé de ses emplois habituels. « Le Professionnel » fut un demi-échec sur le plan commercial, bien loin du triomphe qui accueillait chaque comédie de la star. D’ailleurs, Adel Imam ne jouera plus jamais pour Mohamed Khan. Dommage car il est ici tout simplement fabuleux !


La Femme d'un Homme Important (Zawgat Ragol Mohim, 1988)
avec Ahmed Zaki (Hisham), Mervat Amin (Mona), Ali Ghandour (le père de Mona), Alyah Ali (la mère de Mona), Zizi Mustapha (Samiha), Hassan Hosni (le brigadier Yousri), Thuraya Ezzelddin (la femme du brigadier Yousri), Nazim Sharawi (le directeur de la sécurité de l’état), Nahed Samir (la tante d’Isham), Othman Abdel Moneim (le directeur de la sécurité de la ville), Abdel Ghany Nasser (le député), Khairy Beshara (le mari de Samiha), Mohamed Dardiry (l’écrivain Magdy Ezz Al-Arab), Tarek Mandour (le chauffeur d’Hisham)
Scénario : Raouf Tawfiq
Musique : Georges Kazazian
figure dans la liste des quinze meilleurs films égyptiens de tous les temps


Dans l'Egypte des années soixante-dix. Mona Ismaïl est une jeune fille romantique qui adore le chanteur Abdel Halim Hafez. Son père est ingénieur et pour des raisons professionnelles, il a dû s’installer avec toute sa petite famille à Minieh, une ville de Haute-Egypte. C’est là que Mona rencontre Hisham, un officier de police ambitieux et autoritaire. Elle est séduite par sa personnalité et elle accepte de l’épouser. Peu après le mariage, le jeune couple s’installe au Caire. Mona découvre très vite que son mari est un jeune homme brutal et arrogant qui exige d’elle une soumission totale. Parallèlement, Hisham comprend peu à peu les règles impitoyables de l'ascension sociale et il compte bien en user sans état d’âme. Les 18 et 19 janvier 1977 des émeutes éclatent dans tout le pays à cause de la hausse subite des prix d’un grand nombre de produits de première nécessité. Hisham veut exploiter ces troubles au profit de sa carrière personnelle...

Notre avis : l’un des meilleurs films de Mohamed Khan. Bien qu’il soit question des émeutes qui ébranlèrent le régime d’Anwar El Sadate en 1977 et que le personnage principal soit un officier de police cynique et violent, «La Femme d’un Homme Important » est davantage un drame psychologique qu’un film politique. Le réalisateur s’est surtout intéressé à la lente décomposition d’un couple, la situation sociale et politique du pays n’est évoquée que pour montrer comment elle influe sur la vie personnelle des deux héros. Ahmed Zaki et Mervat Amine sont impressionnants de justesse et de vérité dans des rôles particulièrement difficiles. On pourra regretter le caractère excessivement mélodramatique du dénouement.
 

Les Rêves de Hind et Camilia (Ahlam Hind wa Camilia,1988)
avec Nagla Fathy, Ahmed Zaki, Ayda Reyad, Hassan El Adl, Mohamed Kamel, Othman Abdel Moneim, Muhja Abdel Rahman, Khairy Beshara
Scénario : Mohamed Khan
Dialogues : Mostafa Goma
Musique : Ammar El Sherei
figure dans la liste des cent films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien


L'histoire de deux amies qui malgré les difficultés n'ont pas renoncé au bonheur. 
Hind est une jolie jeune veuve qui travaille comme servante. Elle rêve de trouver l’homme parfait qui l’aidera à sortir de la misère. Elle rencontre Eid. C’est un escroc. Elle tombe enceinte au moment même où il est incarcéré. Ils n’ont pas eu le temps de se marier. 
Camilia est une femme divorcée qui travaille aussi comme servante. Elle vit dans un appartement avec son frère et toute sa famille. Camilia ne supporte plus cette situation. Elle épouse un vieil homme cupide qui la contraint à voler. C’est grâce à elle qu’Hind et Eid vont pouvoir se marier. 
Hind accouche d’une petite fille qu’elle prénomme Ahlam (Rêve). Malheureusement, Eid retourne en prison après avoir volé une grosse somme d’argent. Hind et Camilia trouvent le butin que l'homme avait caché. Elles décident de l'utiliser pour enfin passer du bon temps. Avec Ahlam, elles prennent un taxi pour Alexandrie. Le chauffeur de taxi parvient à les droguer et s’enfuit avec leur argent. Quand elles se réveillent sur la plage, elles ont tout perdu.


Monsieur Karaté (Mister Karate, 1993)

avec Ahmed Zaki (Salah), Nahla Salama (Nadia), Ibrahim Nasr (Hassan, l’entraineur), Mamdouh Wafi (l’ingénieur Sherif), Othman Abdel Moneim (Omar, l’ancien collègue du père de Salah), Nader Nour Alddin (Samir), Amr Mohammed Ali (Fathi), Zouzou Nabil (la vieille dame), Azza Kamel (la fille de la vieille dame), Wagih Agamy (Mahmoud), Hassan El Adl (un policier corrompu), Adawy Gheith (Monsieur Aziz), Moustafa Darwish (un mari jaloux), Fouad Farghaly (le fonctionnaire)
Scénario : Raouf Tawfik
Musique : Yasser Abdul Rahman
Production : les films El Sobky


Salah quitte son village natal pour travailler au Caire. Il trouve un emploi dans le garage où son défunt père avait lui aussi travaillé. Près du garage, il y a un vidéo club tenu par Nadia, une jeune femme très jolie. Salah sympathise rapidement avec elle. Le matin, il l’aide à ouvrir sa boutique tout en conversant. Nadia lui fait découvrir les films de karaté. Salah est subjugué par les exploits des héros de ces films et il rêve de devenir lui aussi un champion de karaté comme Bruce Lee. Il fait alors la connaissance d’un ancien entraineur qui l’initie à cet art martial. C’est lui qui donne à Salah le surnom de «Mister Karaté». Malheureusement, un terrible accident va mettre un coup d’arrêt aux rêves et aux projets du jeune homme. En essayant d’arrêter un véhicule conduit par un adolescent, il fait une chute et une roue de la voiture lui broie l’une de ses jambes. Il est hospitalisé. La convalescence sera longue, il pourra à nouveau marcher sans béquilles mais en boîtant...

Notre avis : une réflexion intéressante sur le caractère aliénant d’un certain cinéma commercial véhiculant des mythes trompeurs et des modèles illusoires. Après son accident, le héros du film devra abandonner ses rêves de gloire et affronter la misère et la corruption qui gangrènent la société. Le réalisateur nous invite à suivre son personnage dans ses pérégrinations à travers une capitale dont les rues et les bâtiments ne sont que décrépitude et délabrement, une capitale qui est devenue le terrain de jeu des trafiquants et des corrompus. En fait, Mohamed Khan dans ce film nous raconte l’histoire d’un homme simple qui s’est libéré de ses chimères pour se convertir au réel et à l’action.


Factory Girl (Fatat El Masnaa, 2014)
avec Yasmin Raeis, Hany Adel, Salwa Mohamed Ali, Salwa Khattab, Ebtehal El Sority, Khairy Beshara, Souad El Kady, Batool Al Haddad, Raghda Saïd, Gehad Mahdy, Samar Abdel Wahab
Une histoire de Wesam Soliman
Musique : Yousra El Hawary, Georges Kazazian


Hiyam est une jeune femme de 21 ans qui travaille dans une usine de vêtements. Un nouveau directeur arrive à la tête de l’entreprise. Il s’appelle Salah, il est jeune, beau et célibataire. Hiyam en tombe aussitôt amoureuse. La complicité entre les deux jeunes gens croît très rapidement. Un baiser est échangé. Hiyam est heureuse même si elle sait qu’il lui sera difficile de se faire accepter par la famille de Salah. Son destin bascule quand on retrouve dans une poubelle de l’usine un test de grossesse. Ses collègues sont persuadées qu’il lui appartient et qu’elle a donc eu des relations sexuelles avant d’être mariée. Hiyam refuse de se défendre…


Avant la cohue de l'été ( Kabl Zahmet el Seif, 2015)
avec Maged El Kedwany, Hana Shiha, Ahmed Dawood, Lana Mushtaq, Hany El Metnawy, Lana Mushtaq, Salwa Mohamed Ali, Khairy Beshara
Scénario : Ghada Shahbander
Dialogues : Nora El Sheikh
Musique : Layal Watfeh


Nous sommes dans une petite station balnéaire de la côte nord, au mois de mai. Face à la plage, des chalets. Deux sont déjà occupés par des vacanciers souhaitant fuir la cohue de l’été. Dans le premier, nous trouvons le docteur Yahya al Qadi et sa femme Magda. Dans le second, une jeune divorcée qui est rejointe par son amant, un comédien sans talent. Pour veiller à leur quiétude, il y a bien évidemment un gardien, serviable et toujours présent. On découvre progressivement que tous ces personnages ont un point en commun : leur frustration et leur insatisfaction. On sent bien qu’ils sont tous là pour échapper, même un court instant au malheur qui pourtant ne manquera pas de les rattraper…




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