jeudi 16 avril 2020

Nadia (1969)

نادية
إخراج: أحمد بدرخان



Ahmed Badrakhan a réalisé Nadia en 1969.
Distribution : Soad Hosny (Mona/Nadia), Ahmed Mazhar (le docteur Medhat), Nour Al Sherif (Sabri), Saif Abdul Rahman (Essam), Abdel Moneim Ibrahim (Gad Allah, l’assistant du docteur Medhat), Josiane Fouad (la mère de Mona et de Nadia), Malak El Gamal (la tante Zakia), Adly Kasseb (l’oncle Suleiman, Edmond Tuema (John), Imad Hamdi (le père de Mona et de Nadia), Rashwan Tawfiq (le diplomate)
Scénario: Ramadan Khalifa 
D’après un roman de Youssef El Sebai (1960)
Musique : Victor Ardashten et Medhat Asem
Production : Helmy Rafla

Soad Hosny 

Nour Al Sherif et Saïf Abdul Rahman

Soad Hosny

Saïf Abdul Rahman

Ahmed Mazhar et Abdel Moneim Ibrahim

Ahmed Mazhar

Imad Hamdi et Adly Kasseb

Josiane Fouad et Soad Hosny

Josiane Fouad

Malak El Gamal

Soad Hosny et Edmond  Tuema

Ahmed Mazhar et Rashwan Tawfiq


Résumé

Nous sommes en 1956, alors que l’Egypte entretient des relations de plus en plus tendues avec les puissances occidentales et son voisin israélien.  L’intrigue commence quelques mois avant la nationalisation du canal de Suez.
Nadia et Mona sont deux sœurs jumelles. Si physiquement, elles sont en tous points identiques, il n’en est pas de même pour le caractère. Nadia est une jeune fille sage et réservée tandis que Mona est exubérante et pleine d’énergie. Mona adore le sport et file le parfait amour avec son fiancé, Essam qui est un jeune et fringant militaire. De son côté, Nadia aime la musique et elle passe des heures à jour Chopin sur le piano de la maison. Elle est aimée de Sabri, un ami d’Essam mais elle soupire en secret pour le docteur Medhat, un célèbre chirurgien de l’hôpital.
Le père des deux filles est préoccupé par la situation politique du pays. Son épouse, la mère de Mona et de Nadia, étant française, il envisage de les envoyer en France le temps que les tensions s’apaisent. Mais c’est alors que le destin va frapper toute la petite famille de manière imprévue. Un soir, alors que Nadia s’apprête à prendre un bain, le chauffe-eau lui explose au visage. Elle est aussitôt conduite à l’hôpital. Quand son père apprend l’accident, il a un malaise et doit s’aliter. A l’hôpital, Nadia reçoit les premiers soins. Si le visage est intact, en revanche le cou est grièvement brûlé. Il restera marqué par de profondes cicatrices. Pour les dissimuler, Nadia devra porter en permanence un foulard. Les jours ont passé. Nadia est rentrée chez elle mais elle ne peut quitter sa chambre. Enfin, on lui enlève ses derniers pansements et elle peut se lever. Elle découvre que son père est au plus mal. Son cœur ne tient qu’à un fil. Il meurt peu après, entouré de tous ses proches. La mère de Mona et de Nadia décide de retourner au plus vite dans son pays d’origine, la France. Le voyage est très long. Elles embarquent d’abord sur un bateau. Pendant la traversée, les trois femmes font la connaissance d’un diplomate égyptien qui n’est pas insensible au charme de Nadia. Elles prennent ensuite le train pour leur destination finale : la petite ville de Gap dans les Hautes Alpes.
Dans leur nouveau lieu de résidence, Mona adopte très vite la vie des jeunes de son âge. Elle retrouve souvent des garçons et des filles au bord du lac situé à proximité de leur domicile. Toute la journée, ils s’amusent, dansent et nagent.  Cela n’empêche pas Mona de continuer à correspondre avec son fiancé. Nadia, elle, a décidé d’écrire une lettre au docteur Medhat. Il lui répond. C’est ainsi qu’ils vont dialoguer par courrier et que le médecin finit par tomber amoureux de sa correspondante. Mais Nadia reste terriblement complexée par ses cicatrices au point qu’un jour elle glisse dans une enveloppe destinée au docteur non sa photo mais celle de sa sœur.
Le jour même de la proclamation par Nasser de la nationalisation du canal de Suez, Mona meurt subitement d’un arrêt cardiaque après s’être longuement baigné dans le lac. Pendant ce temps-là en Egypte, le fiancé de Mona est lui aussi à l’agonie.  Il a été mortellement blessé au combat et les efforts des médecins ont été vains. Il meurt dans les bras de son ami Sabri. Le docteur Medhat a décidé de se rendre en France pour retrouver Nadia. Quand il arrive à la porte de sa maison, c’est la jeune fille elle-même qui le reçoit. Mais elle prend peur et prétend être Mona. Elle lui annonce que Nadia est morte. Le médecin est atterré par cette nouvelle et ils vont se recueillir sur la tombe de la défunte (Visiblement le bon docteur ne s’est pas soucié du nom inscrit sur la pierre tombale !). Peu après la vérité éclate : Medhat comprend que c’est Mona qui a perdu la vie. Nadia est désespérée mais le docteur la rassure : ses cicatrices ne sont pas un problème et il souhaite plus que jamais l’épouser.


Critique

On a pu le constater plus d’une fois : en Egypte, de grands réalisateurs à la filmographie prestigieuse terminent leur carrière par un dernier film raté ou pour le moins médiocre. Ahmed Badrakhan est l’un des plus grands cinéastes égyptiens, un pionnier à qui l’on doit de grands classiques des années trente et quarante, tournés avec les actrices et les acteurs les plus talentueux de son temps. On ne peut donc que déplorer que son ultime contribution au septième art soit ce piètre Nadia.

L’intrigue, tirée d’un roman de Youssef El Sebaï, cumule les pires clichés du mélodrame populaire sans se soucier de cohérence ni de vraisemblance. Dans une atmosphère qui rappelle parfois celle de certains spectacles du Grand-Guignol français de la fin du XIXe siècle, les morts et les drames se succèdent avec la régularité d’un métronome. Ils surviennent sans crier gare, comme pour relancer l’histoire mais sans nécessité véritable. Le père, choqué par l’accident de sa fille, meurt peu après (le cœur !) ; Mona expire en sortant de la baignade (encore le cœur !); le fiancé de Mona succombe à ses blessures (la guerre !). Que de malheurs ! Que de larmes ! Plus étrange : quand le docteur apprend que Nadia a menti sur son identité, la jeune femme veut se suicider en se jetant au fond d’un précipice (Pourquoi une réaction si disproportionnée ? se demande le spectateur, c’est vrai, c’est pas bien de mentir, mais tout de même…). Happy end oblige, cette fois-ci, l’irréparable est évité de justesse !

Pour rien arranger, tout est filmé avec un amateurisme que je qualifierais de radical ! Je ne sais trop quels sont les critères retenus par le chef opérateur pour la réalisation de ses prises de vues mais il est évident que la qualité esthétique n’en fait pas partie. Dès le générique, on est fixés : le réalisateur et son équipe ont décidé de tourner la séquence initiale dans un petit parc de loisirs un peu minable où se retrouvent les principaux protagonistes de l’histoire. Au centre, un carré de pelouse jaunie sur lequel des anonymes jouent au croquet. Il faut un certain temps pour que le spectateur comprenne que le personnage qui joue au premier plan, la chemise ouverte et le pantalon froissé, c’est Ahmed Mazhar ! Ahmed Mazhar qui incarne le grand chirurgien, objet de tous les fantasmes de l’héroïne ! Comme entrée en matière, on ne pouvait guère trouver plus romanesque ! La seconde partie du film se déroule en France, dans les environs de Gap, département des Hautes-Alpes. Cela nous vaut des panoramiques tremblotants sur les lacs et les montagnes de la région, des plans dignes d’un film en super 8 tourné par un touriste maladroit. Et bien que l’action soit censée se dérouler en été, le tournage a dû se faire au sortir de l’hiver : les arbres sont encore nus et le paysage présente des teintes brunes et rousses sans aucun charme, laissant une impression de vide et de tristesse.
Evidemment la musique est tout aussi calamiteuse. L’accompagnement sonore semble assuré par un orchestre de bal où domine un orgue électrique aux sonorités stridentes. Selon les scènes, la musique adopte tantôt un style grec, tantôt un style autrichien. C’est parfait pour créer une ambiance joyeuse et conviviale lors d’une fête à la saucisse en Bavière, en revanche, on ne saisit pas très bien ce que cela vient faire dans un drame !

Mais le plus grave, c’est la direction d’acteurs. Il n’y en pas ! Les comédiens ont été laissés à eux-mêmes et leur prestation est catastrophique. Même Imad Hamdi qui ne fait qu’une brève apparition au début de film trouve le moyen d’être mauvais.
On ne comprend pas non plus ce qui a incité les producteurs à engager Josiane Fouad pour incarner la mère des deux sœurs. On apprend par le site Elcinema que cette dame a participé à deux films en tout et pour tout. Le problème, c’est qu’elle ne sait absolument pas jouer. Dans le cinéma égyptien, elles sont nombreuses, les actrices spécialisées dans les rôles maternels. Alors pourquoi avoir choisi cette « comédienne » qui, de scène en scène, anone son texte en tordant la bouche ? Là où elle est au sommet de son art, c’est quand elle est dans le train les conduisant, elle et ses deux filles, à Gap. Le visage est impassible et les yeux dissimulés derrière d’énormes lunettes noires. Le corps est figé, aussi expressif que celui d’un mannequin en celluloïd. Dort-elle ? A-t-elle l’impression qu’on ne la filme pas ? Non, elle est bien en train de jouer : la caméra se rapproche et on voit une larme couler sur sa joue ! Le plus cocasse, c’est qu’elle est censée incarner une Française alors que de tous les acteurs qui à un moment ou un autre doivent s'exprimer en  français, c’est elle qui se débrouille le moins bien.
Enfin le pire (Oui, il y a pire !), c’est la prestation de Soad Hosny. La star joue les deux sœurs et afin de les distinguer -est-ce elle ou bien le réalisateur qui a eu cette idée incongrue ?- elle adopte deux voix différentes. C’est ainsi que pour incarner Mona, l’actrice prend une voix de crécelle très difficilement supportable. Quand le personnage meurt enfin, on est un peu soulagé : au moins, on ne l’entendra plus ! Cela dit, accordons à Soad Hosny des circonstances atténuantes car, au-delà de l’interprétation, le vrai problème c’est que ces deux sœurs qu’il lui faut incarner sont d’une sottise incommensurable. L’une, Mona, est une adolescente crispante qui crie et saute dans tous les sens, l’autre, Nadia, est une oie blanche d’une niaiserie sans fond. Avec la meilleure volonté du monde que pouvait faire de ces deux nigaudes, la Cendrillon de l’Ecran Arabe? 
En revanche notons que, question jeu, Ahmed Mazhar ne s’en sort pas trop mal : il ne joue pas, il fait acte de présence avec un détachement et une impassibilité qui impressionnent. 

Alors comment expliquer une telle déroute ? Peut-être faut-il l’imputer à l’état de santé du réalisateur. Il meurt quelque temps après le tournage, au mois d’août et le film ne sortira qu’en décembre. Pour la mémoire du grand cinéaste que fut Ahmed Badrakhan, il aurait sans doute été préférable que ce Nadia ne sorte jamais.

Terminons par une note plus rose : c’est lors de ce tournage qu’Ali Badrakhan, le fils du cinéaste engagé comme assistant, et Soad Hosny tombent amoureux l’un de l’autre. Ils se marieront peu après et vivront ensemble onze ans. Comme quoi un mauvais film peut être à l’origine d’une belle histoire !

Appréciation : 1/5
*
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

1 commentaire:

  1. Belle histoire vécue romancé dont l'héroïne est toujours là

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