jeudi 27 août 2015

Gamal Abdel Nasser au cinéma


جمال عبد الناصر

Pour le soixante-troisième anniversaire de la révolution de 52, Adham Youssef a écrit un excellent article sur Nasser au cinéma. Il a été posté sur le site Ahram Online (version anglaise) et il est intitulé :  La révolution du 23 juillet : une histoire à travers des classiques du cinéma égyptien

Nasser en 1960

(Pour la traduction française des titres des différentes oeuvres citées, j’ai repris ceux figurant dans le répertoire des films du catalogue Egypte 100 ans de cinéma. Les illustrations de ce compte rendu ne sont pas celles de l'article original.)
La révolution du 23 juillet 1952 est menée par le Mouvement des Officiers Libres qui renverse le roi Farouk. A la tête de ce mouvement Mohamed Naguib et Gamal Abdel Nasser.

Adham Youssef ouvre son exposé par Lasheen de Fritz Kramp (1938). Certes c’est un film qui a été réalisé quinze ans avant la révolution mais on peut dire qu’il l’annonce : le réalisateur et son scénariste ont construit leur intrigue sur l’opposition entre le roi et sa cour corrompue d’un côté et de l’autre l’armée commandée par Lasheen, un héros militaire sensible aux malheurs du peuple. Pas étonnant que le régime ait censuré le film de Fritz Kramp dès sa sortie.

Lasheen de Fritz Kramp


L’auteur dresse ensuite la liste des films qui après la révolution ont dénoncé les vices de l’ancien régime.
Le Caire 30 de Salah Abou Seif (1966) d’après un roman de Naguib Mahfouz (La Belle du Caire pour la traduction française),
Un Homme dans Notre Maison d’Henri Barakat (1961)
Mort parmi les Vivants de Salah Abou Seif, (1960) d’après un autre roman de Naguib Mahfouz

Le Caire 30 de Salah Abou Seif

Après la révolution, des cinéastes se sont lancés dans des histoires patriotiques avec des héros positifs prêts à se sacrifier pour le peuple. 

Rends moi mon âme de Ezzel Dine Zulficar (1957), film qui se présente un peu comme une biographie romancée de Gamal Abdel Nasser.

Dieu est avec nous d’Ahmed Badrakhan (1955)
Ces deux films mettent en scène des officiers d’origine modeste qui souhaitent venger la défaite de 1948. Pourtant celui d’Ahmed Badrakhan fut très vite retiré des salles. Adham Youssef explique que le héros de ce film ressemble à Mohamed naguib et qu’à cette époque ce dernier est en résidence surveillée sur ordre de Nasser. 

Rends moi mon âme de Ezzel Dine Zulficar

Après l’élimination politique de Naguib, Nasser garde seul les rênes du pouvoir. Il a besoin que des intellectuels et des artistes montrent aux masses combien il fait bon vivre dans la nouvelle société.
Adham Youssef évoque le film de Mahmoud Zulficar Les Mains Douces (1964) dont les personnages semblent copiés sur ceux de la propagande soviétique avec son esthétique réaliste socialiste. Le film montre comment Nasser a permis aux classes moyennes d’accéder à ce qui était autrefois le monopole de l’aristocratie. 
Dans Ma femme est P.D.G de Fateen Abdel Wahab (1966), Shadia représente ces femmes qui grâce au nouveau régime peuvent quitter l’univers clos du harem oriental pour exercer la profession de leur choix.

L’auteur cite aussi comme œuvres alimentant la mythologie nassérienne :

Gare centrale de Youssef Chahine (1958) avec le syndicaliste joué par Farid Shawki
La lutte des héros de Tewfik Saleh (1962) avec le personnage du médecin qui se consacre aux plus pauvres et qui les aide à se libérer de la maladie, de l’ignorance et de la misère.
L’auteur mentionne enfin le film Les gens et le Nil réalisé par Youssef Chahine en 1969 mais qui ne sortira sur les écrans qu’en 1972. Cette œuvre méconnue évoque la construction du barrage d’Assouan achevé en 1970.

Ma femme est P.D.G de Fateen Abdel Wahab

Outre la construction du plus grand barrage du monde, la nationalisation du canal de Suez en 1956 fut l’autre grand succès du régime. Quand Nasser annonce sa décision d’expulser la compagnie franco-britannique qui gère le canal, la Grande-Bretagne, la France et Israël déclarent la guerre à l’Egypte. L’invasion tourne à la déroute totale. Nasser ressort du conflit plus prestigieux que jamais. Il devient le héros de la lutte anticolonialiste. 
Le film Port Saïd de Ezzel Dine Zulficar (1957) sort quelques semaines après la défaite de la force tripartite. La dernière scène présente des combattants égyptiens qui encerclent un camp britannique en clamant le nom de Nasser. On y voit aussi une séquence d’actualité montrant la destruction de la statue de Ferdinand de Lesseps à Port Fouad. 
C’est pour glorifier le héros de la cause panarabique que Youssef Chahine réalise en 1963 Saladin qui est en quelque sorte un Nasser du Moyen-Age reprenant Jérusalem aux croisés matérialistes et corrompus.

Saladin de Youssef Chahine
  
Pour l’auteur, l’épisode le plus difficile à dépeindre fut la défaite de 1967 contre Israël. 
Dans son film de 1972, Chanson sur le Passage, Ali Abdel Khaleq raconte comment cinq soldats égyptiens abandonnés par leurs officiers refusent de déserter et continuent le combat.
La même année, Youssef Chahine dans Le Moineau explique que la défaite est due à la corruption qui gangrenait le pouvoir et à l’oppression que celui-ci exerçait sur le peuple

Chanson sur le Passage d'Ali Abdel Khaleq

Septembre 1970: mort de Gamal Abdel Nasser
L’auteur énumère les nombreux documentaristes qui ont évoqué les obsèques de Gamal Nasser. Ils ont montré au monde ces images de tout un peuple en larmes accompagnant son dirigeant bien-aimé jusqu’à sa dernière demeure.
En 1975, dans Le Retour du fils prodigue Youssef Chahine évoque aussi la mort du grand chef d’état. Il en profite pour critiquer la politique de son successeur Anouar el Sadate qui a abandonné les principes socialistes du nassérisme.

Le Retour du Fils Prodigue de Youssef Chahine

Toujours en 1975 commence toute une campagne orchestrée par des intellectuels et relayée par de nombreux journaux contre la politique de Nasser et contre tout ce qui fut accompli à partir de la révolution de Juillet 52.
Trois films dénoncent la police de Nasser, sa brutalité et sa cruauté qui n’ont fait que croître après la défaite de 67 :
Al Karnak de Ali Badrakhan en 1975
Derrière le Soleil de Mohamed Radi en 1978
Nous, ceux de l’autobus de Hussein Kamal en 1979

Derrière le Soleil de Mohamed Radi

Les années passant, les supporters de Nasser firent à nouveau entendre leurs voix, notamment pour critiquer la politique d’Anouar Al Sadate. Adham Youssef ne cite qu’un seul film : le Citoyen Masri de Salah Abou Seif en 1991. Le réalisateur montre comment Nasser avait permis aux paysans pauvres d’acquérir des terres et comment Sadate les leur avait reprises pour les restituer aux grands propriétaires.

Le Citoyen Masri de Salah Abou Seif

Dernier film mentionné par l’auteur : La Boutique de Shehata de Khaled Youssef (2009) qui évoque de manière nostalgique le héros du panarabisme. 
L’article entier peut être consulté sur le site de Ahram On line. (posté le 23 juillet 2015)

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