lundi 22 juin 2015

La Reine de la Nuit (Malikat el layl, 1971)


ملكة الليل
إخراج : حسن رمزي

 

Hassan Ramzy a réalisé La Reine de la Nuit en 1971.
Distribution : Yehia Chahine (Docteur Mahmoud), Hind Rostom (Karima), Hussein Fahmy (Ahmed), Nagwa Fouad (la danseuse), Abdelalim Khattab (le père d'Ahmed), Madiha Salem (la fille du docteur), Abu Bakr Ezzat (Taher)
Scénario : Mohamed Othman et Hassan Ramzy
Musique : Soleiman Fathallah, Mounir Mourad, Hassan Abou Zayed

Yehia Chahine

Nagwa Fouad

Yehia Chahine et Hind Rostom

Abdelalim Khattab

Hussein Fahmy

Madiha Salem

Hind Rostom

Abu Bakr Ezzat



Résumé

Karima est une chanteuse d’âge mûr qui mène une revue dans un célèbre cabaret. Un jour alors qu’elle est au volant de sa voiture sur une petite route de campagne, un enfant traverse brusquement. Elle ne peut l’éviter, c’est l’accident. Le jeune paysan est projeté au sol et perd connaissance. Dans la voiture qui la suivait, se trouve le docteur Mahmoud. Il s’est arrêté et après avoir constaté que la petite victime est toujours en vie, il la conduit à l’hôpital. Karima et le docteur se retrouvent au commissariat pour faire leur déposition. Celui-ci rassure tout le monde en expliquant que les blessures du jeune garçon sont bénignes et qu’il se rétablira vite. 
Après cet épisode qui aurait pu tourner au tragique, la meneuse de revue fait tout pour rencontrer à nouveau le médecin. Elle sait qu'il enseigne à l'université, qu’il est veuf et qu’il a une fille d’une vingtaine d’années. Elle passe le voir à son bureau, elle l’invite dans son cabaret. Dans un premier temps, le docteur Mahmoud reste très distant au grand désappointement de Karima qui n’a pas l’habitude qu’on lui résiste ainsi. Mais progressivement, il se laisse séduire et une grande complicité naît entre eux. Ils finissent par s’avouer leur amour. On parle mariage. 
Cette situation n’est pas faite pour plaire à l’entourage des deux amoureux. Du côté de Karima, on voit d’un mauvais œil son retrait progressif de la vie de l’établissement dont elle est l’attraction principale. Du côté du docteur Mahmoud, la tension est vive. Sa fille est fiancée à Ahmed, l’un de ses plus brillants assistants. Pour la famille de celui-ci il est impensable que leur fils épouse une fille dont le père s’est remarié avec une femme de mauvaise réputation. Les deux jeunes tourtereaux sont désespérés. Tour à tour, ils essaient de convaincre les vieux amoureux de renoncer à leur projet insensé. Le docteur Mahmoud ne veut rien entendre. En signe d’apaisement, Karima cesse son activité artistique. Mais rien n’y fait : les parents d’Ahmed restent inflexibles. Rongée par la culpabilité, Karima se tue en voiture.  


Critique

Evidemment ce n’est pas un chef d’oeuvre et au départ on est un peu médusé par les danses kitchissimes et les tenues d'Hind Rostom d’un mauvais goût tapageur. On est aussi gêné de la voir physiquement aussi changée. Elle apparaît vieillie, alourdie, boudinée dans des robes trop ajustées. Son visage empâté est rendu presque laid par un maquillage outrancier. Alors on se dit qu’on a encore affaire à l’une de ces stars qui tentent de survivre à leur jeunesse.
Et puis on se rend compte que tout cela est au service d’un scénario plus original qu’il n'y parait. Dans La Reine de la Nuit, les rôles sont inversés : ce ne sont pas des jeunes gens qui doivent renoncer à l’amour pour ne pas déplaire à leurs familles mais deux individus au crépuscule de leur vie. Bien que l’un soit un professeur d’université respecté et que l’autre soit une artiste admirée, cela ne suffit pas pour accéder à la liberté d’aimer. L'opinion dominante ne saurait tolérer la remise en cause des castes qui interdisent les relations amoureuses entre un membre éminent de l’élite intellectuelle et une quasi prostituée. Le réalisateur dénonce le conservatisme de la société égyptienne, un conservatisme dont même pâtissent les citoyens les mieux intégrés. Et ici les principaux représentants de l’ordre moral sont la fille du docteur et son fiancé. Beaux, jeunes, élégants, ils considèrent la liaison du docteur comme une menace insupportable pour leur avenir. Et la plus véhémente est bien la fille du médecin dont le petit visage fermé trahit le désespoir et la fureur.
On comprend mieux ainsi la fonction des tenues extravagantes d'Hind Rostom : son personnage, Karima, est une femme mûre qui ne cache rien de ses rides et de ses kilos en trop. C’est surtout une femme libre. Quand elle fait son apparition à l’université où enseigne le docteur, le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle détonne parmi tous ces étudiants issus des meilleurs familles de la capitale. Elle ne possède pas les codes de la bienséance et de l’élégance, ce qui lui vaut ces regards au mépris à peine voilé. Mais elle n’en a cure et fonce vers sa « proie » sans aucune hésitation.
A la fin, Karima meurt. Le cinéma populaire égyptien n n’a pas la culture du happy end à tout prix. Quand les personnages se retrouvent dans une situation inextricable, face à un problème insoluble, eh bien au mieux, ils s’effacent, au pire ils meurent. Les scénaristes ont la mort facile, parfois par conservatisme, souvent par pessimisme : c’est faire le constat d’une société bloquée qu’aucune initiative individuelle ne peut ébranler. Par delà les révolutions et les guerres, le peuple égyptien reste un peuple tragique.

Appréciation : 3/5 
***
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin



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