mercredi 20 novembre 2013

Le Bain de Malatili (Hammam al-Malatili, 1973)

حمام الملاطيلي
إخراج :  صلاح أبوسيف



Le Bain de Malatili (sous-titre : une tragédie égyptienne) a été réalisé par Salah Abou Seif en 1973.
Distribution : Muhammad Al-Arabi (Ahmed), Youssef Chaban (Raouf), Chams Al-Baroudi (Naïma), Naemet Mokhtar (la femme de Badawi), Fayez Halawa (Badawi, le propriétaire du hammam), Nahid Samir (la mère d’Ahmed), Ibrahim Kadri (le masseur)
Scénario : Salah Abou Seif, Mohsen Zayed 
d'après un roman d’Ismaïl Waly Eddin 
Musique : Gamal Salamah 
Production : Salah Abou Seif

Muhammad Al-Araby
                                                                                                      


Muhammad Al-Araby et Chams Al-Baroudi
          



Youssef Chaban et Muhammad Al-Araby
                                                                                        


Résumé

Ahmed a quitté son village natal afin de poursuivre ses études de droit au Caire. Ses parents se sont sacrifiés pour lui et Ahmed compte bien ne pas les décevoir : il leur fait la promesse de revenir un jour auprès d’eux, riche et célèbre. Mais à peine arrivé dans la capitale, il doit déchanter : il ne trouve ni travail, ni logement. Sans un sou, il doit très vite quitter l’hôtel modeste où il résidait. Heureusement, il fait la connaissance de Naima, une jeune prostituée qui le prend sous son aile. Un jour, dans l’une de ses errances à travers les rues du Caire, Ahmed entre par hasard dans un établissement de bain, le Hammam El Malatili. Badawi, le patron l’accueille chaleureusement et accepte de l’héberger. Ahmed comprend vite que l’établissement est un peu particulier : des notables y retrouvent de jeunes garçons qui se prostituent. C’est en fait un bordel pour homosexuels. Raouf, un riche client ami du patron tombe amoureux d’Ahmed et tente de le séduire. En vain.. 
Ahmed sympathise avec les autres employés de Badawi. Deux d’entre eux, Samir et Fathi lui raconteront comment la misère les a conduits à se prostituer. 
De son côté, Naima est de plus en plus amoureuse d’Ahmed. Elle ne parvient plus à faire l’amour avec des hommes qu’elle n’aime pas. Elle refuse même de coucher avec un client important de la maison close dans laquelle elle travaille. 
Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’elle a une rivale : la femme de Badawi, le patron d’Ahmed. Celle-ci parvient à devenir la maîtresse du jeune homme. Un nuit, tandis que les deux amants sont ensemble, Naima attend dans la rue celui qu’elle aime passionnément. Malheureusement, son oncle et son cousin sont en embuscade. Après une brève poursuite, les deux hommes la tuent pour venger l’honneur de la famille. 

 
Critique

A sa sortie, le Bain de Malatili à sa sortie fit sensation car pour la première fois dans le cinéma égyptien, on évoquait sans fard l'homosexualité et la prostitution aussi bien féminine que masculine. Salah Abou Seif, conscient de manipuler une matière hautement explosive, ne fit aucune concession au goût de l’époque pour la polissonnerie si bien que son film le plus audacieux fut paradoxalement l’un des plus "chastes". Même Chams Al-Baroudi dans son rôle de prostituée touchée par l’amour se montre moins impudique qu’à son ordinaire. De toute manière si le titre Hammam Al Malatili, pouvait nous entraîner à l’évocation d’images lascives, le sous-titre, Une Tragédie Egyptienne nous ramenait très vite dans le droit chemin ! L’érotisme est tout de même présent dans une scène : celle où la patronne d’Ahmed décide de faire du jeune homme son amant. L’actrice Naemet Mokhtar y arbore une poitrine à laquelle le héros ne pourra résister bien longtemps ! 

Le Bain de Malatili est donc un film intéressant qui nous présente une étude sociologique totalement inédite. D’un point de vue esthétique, ce n’est pas l’œuvre la plus réussie de Salah Abou Seif. Il n’a pas su éviter certains clichés, notamment dans l’évocation de la relation amoureuse entre Ahmed et Naima. On tombe parfois dans un sentimentalisme un peu mièvre. Mais c’était sans doute une manière de montrer qu’au milieu de la « débauche » et de la « dépravation » des sentiments forts et purs peuvent naître entre les individus. Ce que nous dit Salah Abou Seif c’est que grâce à l’amour désintéressé, tous les réprouvés et tous les parias peuvent retrouver une forme d’innocence. Un message de tolérance auquel les autorités morales ont été peu sensibles. Le film fit l’objet dès sa sortie de condamnations sans nuances et traîne depuis une réputation sulfureuse. Il est toujours interdit de diffusion sur la plupart des chaînes de télévision arabes.

 On trouve une analyse très complète du film dans  l'ouvrage de Samar Habib : Female Homosexuality in the Middle East : Histories and Representations (Routledge, 2007). Cette étude est en partie consultable sur le net.


Appréciation : 3/5
***

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

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