jeudi 4 août 2016

Elle et les Démons (Heya wal Shayatin, 1969)

هى والشياطين
إخراج : حسام الدي مصطفى 



Elle et les Démons a été réalisé par Houssam Al Din Mustafa en 1969.
Distribution : Ahmed Ramzy (Prince), Chams Al Baroudi (Warda), Adel Adham (Zizou), Nawal Abou El Foutouh (Hamida), Youssef Fakhr Eddin (Kamal), Alya Fawzy (la mère de Warda), Sally Wood (la touriste)
Scénario : Faysal Nada, Sabri Ezzat, Houssam Al Din Mustafa


Adel Adham

Shams Al Baroudi et Youssef Fakhr El Din















Ahmed Ramzy et Nawal Abou El Foutouh















Ahmed Ramzy















Shams Al Baroudi



Résumé

Kamal est le petit ami de Warda qui travaille comme danseuse dans un cabaret. Il rêve de gagner beaucoup d’argent pour l’épouser et lui faire quitter son métier. Son meilleur ami est Prince. Celui-ci travaille dans la région des marais comme pêcheur. Pour accroître ses revenus, il promène les touristes à bord de sa petite barque. Comme Kamal, il est amoureux d’une jeune fille. Elle s’appelle Hamida et tient une petite épicerie tout près de sa cabane de pêcheur. Lui aussi rêve d’épouser sa bien-aimée mais il n’a pas le sou.
Zizou est une connaissance de Kamal. C’est un voleur spécialisé dans la contrebande. Il propose une affaire à l’amoureux de Warda : Petro, un chef de gang, l’a chargé de transmettre la somme de 250 000 dollars à Georges, un complice qui se trouve sur un bateau à 8 kilomètres des eaux territoriales. Pour ne pas attirer l’attention de la police, il faut parcourir la distance à la nage avec l’argent caché dans une ceinture. Malgré la difficulté de la mission, Kamal l’accepte aussitôt. Les 250 000 dollars n’arriveront jamais à destination. Kamal a décidé de les garder pour lui et les a cachés sur un îlot au milieu des marais salants. Petro est furieux. Il fait corriger sévèrement Zizou par ses complices mais celui-ci n’a aucune information sur ce qu’est devenu l’argent. Zizou parvient à échapper au gang. Il dénonce à la police Petro et Georges puis retrouve Kamal. Sous la menace d’une arme, ce dernier doit lui remettre la carte qu’il avait griffonnée pour localiser la cache du butin. Une fois obtenu le précieux document, Zizou le poignarde. Agonisant, Kamal parvient à se trainer jusqu’à l’immeuble où réside Warda. Il meurt dans les bras de sa bien-aimée.
Cette dernière est bien décidée à se venger. Elle se rend dans les marais salants et fait la connaissance de Prince. Elle se présente comme une touriste souhaitant visiter la région et aimant la pêche. Au même moment, Zizou fait son apparition. Il s’est installé dans l’une des cabanes de la zone pour récupérer au plus vite le butin. Il est tout de suite séduit par Warda dont il ignore les liens avec Kamal. Tous les deux, ils font de longues promenades en barque au milieu des marais. C’est lors de l’une de ces sorties que Zizou finit par retrouver l’endroit où sont cachés les 25000 dollars. Il met dans la confidence celle qu’il aime. Warda braque un revolver dans sa direction et dévoile son identité. Zizou parvient à désarmer la jeune femme. Une lutte s’engage. L’homme fait un faux pas et tombe dans des sables mouvants. Il disparaît. Prince a rejoint Warda et ils regagnent ensemble la zone des cabanes. Les y attendent des anciens complices de Zizou, prêts à tout pour s’emparer de l’argent. Bagarres et courses-poursuites ne prendront fin qu’avec l’intervention de la police.


Critique

Houssan El Din Mustafa est un cinéaste inégal : dans sa filmographie on trouve le pire et le meilleur (le pire l’emporte quand même). Il fut très souvent la cible des critiques qui lui reprochèrent son manque d’ambition artistique et son recours aux procédés les plus grossiers du cinéma commercial. Sa marque de fabrique, c’est la violence et l’érotisme. Et reconnaissons que dans ce registre, il fait preuve d’une certaine efficacité. Houssan El Din Mustahfa avait étudié le cinéma aux Etats-Unis et il en a gardé un sens de l’action et du mouvement qui manque cruellement à bon nombre de ses pairs. Chez lui, on ne trouve pas ces scènes interminables dans lesquelles les personnages sagement assis dans des fauteuils déblatèrent à l’infini. Les héros d’ Houssan El Din Mustafa ne causent pas, ils frappent et ils flinguent (s’ils causent, c’est mauvais signe : le film risque d’être mauvais comme c’est le cas pour les Trois Prisonniers de sinistre mémoire !) Et en amour, c’est la même chose : pas de longues déclarations mais des bouches qui se mélangent et des corps qui s’étreignent.
Dans Elle et les démons, la première scène donne le ton : une petite bande tend un piège à un routier pour dévaliser sa marchandise. La séquence est brève, sans fioritures. Le camion vidé, les bandits s’évanouissent dans les champs tandis qu’on suit le chef du groupe et l’un de ses complices s’enfuyant sur une charrette tirée par un cheval au galop. Hommage au western américain et à sa fougue ! Toute la première partie du film est sur ce tempo. Dans la seconde, après le meurtre de Kamal, ça piétine un peu. Dommage !
L’histoire réunit des personnages qui ont le même dessein : changer de vie, sortir une bonne fois pour toutes de la misère. Pour y arriver, ils sont prêts à tout. Alors quand un pactole tombe entre leurs mains, la fièvre s’empare de tous ces hommes et les complices d’hier finiront par s’entretuer. L’essentiel de l’intrigue se passe dans un seul lieu : les marais. C’est un labyrinthe inextricable dans lequel on ne peut circuler qu’en barque entre des îlots couverts d’herbes hautes. Loin de la ville, de la police et des lois, les personnages s’y sentent libres. Comme le montre l’une des premières scènes où l’on voit Prince conduire dans sa barque une jeune touriste étrangère à demi-nue qui offre sans pudeur son corps au soleil et au regard de son guide. Mais en fait, cet eden est piégé : il réserve bien des chausses trappes à tous ceux qui s’y aventurent. Un lieu dangereux aussi car pour le criminel, c’est le cadre idéal pour se cacher ou accomplir ses forfaits en toute impunité. Il faut voir comment Zizou, ce malfrat sans scrupules joué par le toujours excellent Adel Adham, s’y épanouit. Il s’est installé dans une cabane et recherche le butin caché quelque part par Kamal. Il est heureux, Zizou, car il a éliminé tous ses anciens complices et il est le seul à pouvoir récupérer le trésor. Alors il ne se presse pas. Il a adopté le rythme placide de la vie dans ce petit coin de nature à mille lieux du tumulte et de la frénésie des grandes villes.
Mais ce qu’il ne sait pas, c’est qu’on n’échappe pas au marais (cet eden est en fait une prison !) et que son destin sera aussi tragique que celui des autres personnages. Zizou sera happé par les sables mouvants sous les yeux de la fiancée de Kamal. Au final personne ne profitera du butin et les survivants reprendront leur existence laborieuse comme naguère.
Pour finir, ajoutons que l’interprétation masculine est excellente. Les trois principaux acteurs jouent dans un registre différent avec la même énergie et le même naturel.
Et Chams El Baroudi ? A la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, elle est l’une des figures les plus populaires du cinéma égyptien. Son sex appeal ravageur accompagne le mouvement de libération des mœurs que connaît la société égyptienne à cette époque. Dans Elle et les Démons, elle me semble sous-employée, comme n’étant pas vraiment à sa place dans cette histoire d’hommes. Ce qui m’a toujours frappé chez Chams El Baroudi, c’est la passivité des personnages qu’elle incarne. Des personnages qui n’existent qu’à travers le désir que l’actrice suscite chez ses partenaires ou bien chez le réalisateur. Ici, il est évident qu’on ne l’a pas désirée assez fort.

Appréciation : 3/5
***
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

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