dimanche 22 mai 2016

Nilwood de Mohammad Bakri

ملصقات السينما المصرية


Orients Editions est une toute jeune maison d’édition créée par Ysabel Saïah Baudis. Elle publie  des ouvrages illustrant le patrimoine culturel du monde arabo-musulman et elle présente ainsi son projet : « Essais, textes inédits et traductions, calligraphies, dessins, photo et bande dessinée, tout ce qui dit l’intemporalité de cette terre marquée par le terrestre et le céleste et son renouveau libéré constitueront cette collection, Orients. »
Ysabel Saïah Baudis est elle-même l’auteur d’une biographie d’Oum Kalthoum « Oum Kalsoum, l’étoile de l’orient » aux Editions du Rocher.
Parmi les nouvelles parutions d’Orients Editions, il y a ce petit ouvrage Nilwood rassemblant 38 affiches de l’âge d’or du cinéma égyptien en format carte postale.
Ces affiches ont été choisies par Mohammad Bakri, professeur d‘arabe et webmestre du site ministériel « Langue et cultures arabes ».

Mohammad Bakri survole 50 ans de cinéma égyptien. Il ouvre sa collection avec « Les Mille et une Nuits » de Togo Mizrahi qui date de 1941 et la clôt avec  « Le Citoyen : égyptien » que Salah Abou Seif réalisa en 1991. Comme il se doit, il fait la part belle aux années 50 et 60.
On lit en quatrième de couverture que « ce livre présente les plus grands films », affirmation un peu étrange car on n'y trouve aucun de ce que d’ordinaire  l’on considère comme les chefs d’œuvre du cinéma égyptien mais sans doute n’était-ce pas non plus l’intention de l’auteur que de présenter un tel palmarès. L’affiche de cinéma occupe une place éminente dans l’art populaire égyptien du XXe siècle et son intérêt n’est pas subordonné à la qualité du film qu’elle doit illustrer. Ainsi, on découvre dans cet ouvrage la reproduction de l’affiche réalisée pour la comédie Une Fille Turbulente d' Houssam Al Din Mustafa (1967) Elle est chatoyante, pétillante, d’une sensualité provocante alors que le film est un sinistre nanard qui baigne dans une atmosphère grisâtre (A ce niveau, on peut presque parler de tromperie sur la marchandise !). Mais ceci obéit à une certaine logique économique : un bon film n’a pas forcément besoin d’une belle affiche. En revanche, c’est vital pour un navet tourné à la va-vite et les producteurs égyptiens l’avaient fort bien compris. D’aucuns affirment même qu’il est arrivé que l’affiche coûte plus cher que la réalisation du film lui-même.

Si les films évoqués dans ce Nilwood ne sont donc pas tous des chefs d’œuvre, en revanche les affiches présentent toutes de grandes qualités artistiques. Elles étaient souvent l’oeuvre de peintres arméniens ou grecs formés aux techniques occidentales de l’illustration et de la publicité. Le cahier des charges qui leur était soumis laissait peu de place à l’originalité. D’où le caractère un peu répétitif des motifs : par exemple, on retrouve souvent l’actrice principale en petite tenue entourée de ses partenaires mâles qui n’apparaissent qu’en buste. Mais sur un modèle très contraignant, les artistes ont su réaliser de véritables petits chefs d’œuvre à la gloire de la beauté féminine et de tout ce qui constitue les plaisirs de la vie. Un art hédoniste résolument kitsch qui égayait les murs des grandes villes arabes et qui aujourd’hui a totalement disparu. Mohammad Bakri conclut ainsi son petit texte de présentation : « C’est un âge d’or haut en couleur qu’installa Nilwood durant plusieurs décennies, abordant sans tabous ni exceptions tous les sujets sociétaux du moment, avec un esprit ouvert, espiègle, profane, spirituel, moderne, multicolore, civilisé, humain et surtout tolérant et cosmopolite. Cet esprit éclairé manque cruellement aujourd’hui. »  On ne peut que souscrire à une telle déclaration.
De toute façon, au tournant des années quatre-vingt quatre vingt-dix, le cinéma égyptien abandonne l’affiche peinte au profit de la photo, ce dont témoigne l’avant-dernière carte postale de Nilwood (Le Marionnettiste d’Hani Lachine, 1989).

Des collectionneurs de par le monde consacrent leur vie à rassembler ces vestiges d’un monde qui n’est plus. Parmi eux, citons Abboudi Abou Jaoudé, un libanais qui a amassé plus de 20 000 affiches !

Nilwood de Mohammad Bakri, Orients Editions, 2016 


Sur le site « Langue et Cultures Arabes », Mohammad Bakri a posté d’autres affiches du cinéma égyptien.


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