jeudi 7 mai 2015

Terrorisme et Kebab (Al-Irhab Wa Al-Kabab, 1992)

الارهاب والكباب
إخراج: شريف عرفة


Shérif Arafa a réalisé Terrorisme et Kebab en 1992.
Distribution : Adel Imam, Kamal Al Shennawi, Yousra, Ahmed Rateb, Mohamed Youssef, Ashraf Abdel Baky, Ahmed Akl, Alaa Wali El Din, Enam Salosa, Majda Zaki, Youssef Dawood, Aesha El Kilany, Sami Sarhan, Mohammed Alsoni, Abdelazim Abdelhaqq, Fouad Farghaly, Ahmed Abo Abeya
Scénario : Wahid Ahmed
Musique : Modi El Emam

Yousra et Adel Imam

Ahmed Rateb

Adel Imam et Ahmed Rateb

Kamal Al Shennawi

Adel Imam

Ahmed Abo Abeya

Kamal Al Shennawi


Résumé

Ahmed, un citoyen ordinaire souhaite que ses enfants change d’école. Pour cela, il doit  se rendre au Mogamma, le bâtiment qui regroupe tous les services administratifs du Caire.  Malheureusement, l’employé chargé des inscriptions scolaires est absent. Ahmed  revient le lendemain mais le fonctionnaire  n’est toujours pas à son poste.  Prenant son mal en patience,  le brave citoyen se présentera au bureau le jour suivant puis les autres jours. En vain. Les collègues de l’employé lui donnent à chaque fois une explication différente à ces absences répétées : tantôt, il est en vacances, tantôt il est aux toilettes. En errant dans les couloirs encombrés du Mogamma, Ahmed fait la connaissance d’un cireur de chaussures qui lui révèle que l’employé qu’il recherche est souvent absent car il a pris pour habitude de se rendre aux toilettes dans un autre établissement gouvernemental.  Ahmed commence à avoir des soucis avec son patron qui lui reproche son manque d’assiduité. Ahmed essaie de lui expliquer la situation. L’homme ne veut rien savoir. Ahmed n’en peut plus.  Il se rend encore une fois au Mogamma  et constatant à nouveau l’absence de l’employé il s’en prend violemment à ses deux collègues. Les gardes interviennent. Dans la confusion, Ahmed s’est emparé de l’arme de l’un d’eux . Par inadvertance, un coup part. Personne n’est blessé mais la panique est générale. . A l’étage où se trouve notre héros,  les personnes présentes sont convaincues que celui-ci est un terroriste et qu’il les a prises en otage. Tous les autres étages de l’établissement sont évacués et les gardes ont fui. Peu après, les forces de police encerclent le bâtiment. Le ministre de l’intérieur dirige lui-même les opérations. Il établit le contact avec le « terroriste » et lui demande ses revendications. Ahmed exige qu’un kebab soit servi à lui, à ses « complices » et à ses « otages ». Il exige que le service soit assuré par le personnel de l'Hôtel Semiramis. Progressivement, l'atmosphère se détend entre tous les occupants du Mogamma. Ahmed s’explique : il n’est pas un terroriste, il est seulement un citoyen qui n’en peut plus d’être méprisé par l’Etat et ses fonctionnaires. Ses auditeurs sont rassurés et tous lui expriment leur sympathie. Quand enfin, ils devront quitter l’établissement, Ahmed se mêlera au groupe des » victimes» et personne ne le dénoncera.


Critique

Pour faire ce film, Sherif Arafa et son scénariste semblent avoir joui d’une totale liberté et ils s’en donnent à cœur joie. La satire ne s’embarrasse d’aucune nuance. La caricature est sans merci. Aucune complaisance, aucune autocensure. Et le caractère sympathique du film vient du ton libertaire adopté par les auteurs, un ton assez proche de celui cultivé par les réalisateurs de comédies italiennes dans
les années soixante-dix. 
Leur cible principale est l’Etat, ses institutions mais aussi ses agents, du ministre au plus petit fonctionnaire. 
La bureaucratie est dénoncée à travers les mésaventures d’un petit bourgeois (Adel Imam) qui pour effectuer une formalité administrative anodine va connaître l’enfer. En entrant dans le Mogamma (bâtiment administratif où travaillent des dizaines de milliers de fonctionnaires), il plonge dans un univers kafkaïen aux couloirs interminables et aux milliers de portes closes. Il est happé par la foule qui a envahi tous les étages du bâtiment et qui tourne indéfiniment toujours dans le même sens. . Et quand enfin, le héros parvient à pousser la porte du service auquel il doit s'adresser, c’est pour découvrir que l’employé habilité à traiter sa demande est constamment absent. Dans le bureau restent deux fonctionnaires : une femme qui est pendue toute la journée au téléphone pour des conversations privées et un islamiste qui passe plus de temps sur son tapis de prière qu’à son bureau. Et aucun des deux n'accepte de remplacer leur collègue absent. Adel Imam représente ici le simple citoyen confronté à la désinvolture des agents de l’état.
Les auteurs s’en prennent aussi à la police et à ses chefs. Ils se moquent de leur paranoïa aiguë. Avant même de s’assurer de ce qui s’est réellement passé dans le Mogamma, le gouvernement fait encercler le bâtiment par des milliers de militaires lourdement armés et les opérations sont dirigées par le ministre de l’intérieur lui-même. Ce dernier nous est présenté comme un individu fébrile et sans scrupules. Bien que convaincu d’avoir affaire à de dangereux terroristes, il n’hésite pas à envoyer un enfant dans le bâtiment pour connaître les revendications des prétendus preneurs d’otages. Et le pauvre ministre perd tous ses repères quand l’enfant revient avec la seule exigence formulée par les « criminels » : kebab pour tout le monde !
L’audace des auteurs apparaît enfin dans la manière directe avec laquelle ils évoquent la sexualité et la prostitution. Le héros, un égyptien ordinaire, conjugue toutes les frustrations : mal considéré et mal payé par son patron, mal traité par l’administration, et puis méprisé par sa femme avec qui tout rapport sexuel est devenu problématique. Alors quand malgré lui, il devient le chef d’un commando terroriste, il est tout de suite séduit par la jeune prostituée qui se propose de l’aider dans son combat. De même, une courte scène aborde le sujet de la prostitution masculine : dans les toilettes, le héros se retrouve nez à nez avec un homme mûr et un jeune garçon efféminé qui viennent d’avoir un rapport. C’est le genre de scène qui vous attire immanquablement les foudres des islamistes. Rappelons que quelques années plus tard, Hosni Moubarak lancera les grands procès contre les homosexuels pour complaire à la frange la plus conservatrice de la population égyptienne.

Le film connut un immense succès. Ce fut essentiellement dû au personnage incarné par Adel Imam auquel tous les Egyptiens pouvaient s’identifier. 
Terrorisme et Kebab figure dans la liste des quinze meilleurs films égyptiens de tous les temps. L’honneur qui lui est fait me semble exagéré. Certes la comédie de Sherif Arafa ne manque pas de qualités mais de là à parler de chef d’œuvre… Pour ma part, je trouve la réalisation assez brouillonne et l’esthétique franchement médiocre (mais il est vrai qu’on pourrait dire la même chose de bon nombre de productions des années 80-90)

Appréciation : 4/5
****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

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