Nawal est mariée depuis plusieurs années avec Ezzat, un riche homme d’affaires. Ils se sont connus alors qu’elle était encore étudiante. Pour lui, elle a abandonné ses études et a endossé le rôle de l’épouse docile. Cette union a fait le bonheur de sa mère : après la mort du père, la vieille femme percevait une maigre pension qui l’obligeait à faire bien des sacrifices. Grâce à son gendre, elle a pu mener l’existence dont elle avait toujours rêvé. Mais voilà : Nawal n’est pas heureuse. Ezzat est constamment accaparé par son travail et ne lui prête aucune attention. Autre sujet de friction entre le mari et la femme : ils n’ont pas d’enfant malgré le désir maintes fois exprimé par Ezzat d’en avoir. Nawal a consulté une gynécologue : sur le plan physiologique rien n’empêche une grossesse mais le médecin explique que cette stérilité a des causes exclusivement psychologiques. Ce constat ne fait que renforcer la détermination de Nawal : elle veut divorcer. Elle ne peut plus attendre, elle se rend au bureau de son mari pour l’en informer. La secrétaire lui dit qu’Ezzat est parti au restaurant. Elle y court. Quand elle entre dans l’établissement, elle découvre que son mari déjeune en galante compagnie. Malgré la situation embarrassante, Nawal informe Ezzat de sa décision. Elle a peu après une discussion avec sa mère. Celle-ci est furieuse et elle exige de sa fille qu’elle renonce à son funeste projet. Le soir, Nawal et Ezzat dînent dans un restaurant espagnol avec des amis. Une fois rentrés chez eux, l’épouse réitère son souhait d’une séparation, le mari s’emporte et gifle à plusieurs reprises sa compagne puis il l’entraîne dans la chambre conjugale et lui impose une relation sexuelle. Mais rien ne fera changer d’avis Nawal. Ezzat finit par accepter le divorce car il est convaincu que cette séparation sera de courte durée. Nawal refuse l’appartement et la pension alimentaire que lui offre son mari. Elle veut être totalement autonome. Elle suit une formation pour devenir secrétaire. Au début, tout semble lui sourire : elle trouve un emploi chez son avocat et elle se réconcilie avec sa mère. Cette dernière ne supporte plus la solitude et a décidé de se remarier avec un ami de son défunt mari. Nawal accueille avec joie cette nouvelle. Malheureusement, sa mère meurt subitement alors qu’elle se trouvait dans le salon de coiffure où sa fille l’avait conduite…
Notre avis : dans ce film, Mohamed Khan dépeint la condition féminine avec des couleurs très sombres. Le constat est sans appel : dans l’Egypte des années 80, une femme ne peut prétendre à l’indépendance et au bonheur. Pour elle, le choix est simple : la soumission ou la mort. Pour illustrer ce point de vue très pessimiste, le réalisateur nous conte l’histoire tragique d’une femme de grand bourgeois qui décide de divorcer pour vivre et aimer comme elle l’entend. Mais son ex-mari aura le dernier mot et détruira impitoyablement son nouveau bonheur. Dans le rôle du mari et de la femme, nous retrouvons Soad Hosny et Hussein Fahmy. Dans les années soixante-dix, ils incarnèrent à plusieurs reprises le couple moderne bien décidé à s’aimer malgré les interdits et les tabous de la société. Je pense notamment aux deux comédies musicales d’Hassan Al Imam, « Méfie-toi de Zouzou » (1972) et « Amira Mon Amour » (1975) qui firent de Soad Hosny et d’Hussein Fahmy, les symboles de la libération des mœurs. Dans « Rendez-vous à dîner », changement radical de registre. Les deux acteurs mettent tout leur talent au service du projet artistique sans concession de Mohamed Khan. Hussein Fahmy est impressionnant en grand bourgeois froid et calculateur. C’est certainement l’un de ses plus grands rôles, loin des play-boys de bonnes familles auxquels on l’a trop souvent cantonné. La force de ce drame réside aussi dans le peu de paroles échangées entre les protagonistes. Tout passe par le regard, et celui de Soad Hosny est souvent d’une intensité déchirante.
Vendredi 14 novembre à 18h30
Ismaël Yassin dans la Police de Fateen Abdel Wahab (Ismaïl Yassin fel Police, 1956)
avec Ismail Yassin (Zaki), Hussein Qandil (un officier de police), Ellen Deatto (la voisine de Zaki), Zahrat Al Oula (Sania), Zinat Sedki (la mère de Gamala), Roshdy Abaza (Roshdy, le fiancé de Gamala), Sherifa Mahear (Gamala), Reyad El Kasabgy (un agent de police), Mohamed Shawki (un soldat), Hassan Hamed (un voleur), Mohsen Hassanein (un agent de police), Ali Rushdy (le père de Sania), Noura (la danseuse), Ali Abd El Al (le pharmacien), Salah Abdel Hamid (le chanteur)
Scénario : Fateen Abdel Wahab, El Sayed Bedeir, Mahmoud Sobhy
Musique : Fouad El Zahery
Production : Abbas Helmy
Zaki est un policier débutant, plein de bonne volonté mais très maladroit. Une nuit alors qu’il patrouille, il tombe sur deux malfrats en train de dévaliser l’appartement de madame Shamma. Il arrête l’un des voleurs mais son complice parvient à s’échapper. De retour au commissariat, Zaki conduit son homme en cellule puis accompagne au bureau de l’officier enquêteur un autre individu. Il ne sait pas que ce dernier qu’il prend pour un malfrat travaille en fait pour la police. Il est justement chargé d’infiltrer le gang auquel appartient le voleur que Zaki a arrêté. Epuisé par cette nuit bien remplie, notre policier débutant rentre chez lui. Dans son immeuble, il retrouve la jeune femme dont il est amoureux. L’entrevue tourne à la dispute : la demoiselle lui reproche ses horaires de travail et elle ne lui cache pas qu’elle est très attirée par un autre garçon qui habite l’immeuble. Zaki est évidemment très déçu. Sur le plan professionnel, la situation va aussi se dégrader : une nuit, il arrête l’homme rencontré au commissariat alors que celui-ci a pris en filature le chef du gang qui terrorise la ville. Par son intervention, Zaki fait échouer toute l’opération…
Notre avis : Fateen Abdel Wahab et Ismaël Yassin vont tourner entre 1955 et 1959, six films à la gloire de l’armée et de la police. Le premier, c’est en 1955, « Ismaël Yassin à l’armée ». Le deuxième, c’est celui-ci, « Ismaël Yassin dans la police ». Il débute par un texte dans lequel les producteurs remercient le ministère de l’intérieur de son aide et déclarent que leur principal objectif a été de changer l’image des policiers en montrant qu’ils sont des citoyens ordinaires, des êtres humains avec leurs soucis et leurs joies. Effectivement, ce qui est tout à fait étonnant dans ce film, c’est qu’on n’assiste pas à une « héroïsation » des forces de l’ordre. Bien au contraire, le personnage principal incarné par Ismaël Yassin est un policier au bas de l’échelle d’une incompétence absolue (même si le dénouement lui donnera l’occasion de se racheter). De sorte que la comédie ne cède jamais devant les exigences de la propagande et que l’on peut encore apprécier ce film de commande. Une autre singularité d’ « Ismaël Yassin dans la Police », c’est son rythme débonnaire. Pas d’actions d’éclat, pas de courses poursuites, pas de bagarres mais on nous montre des policiers paisibles, au travail et surtout dans leur vie quotidienne. Et c’est ainsi que l’œuvre de propagande annoncée devient une chronique attachante sur des hommes et des femmes d’un quartier populaire de la capitale.
Jeudi 13 novembre à 14h
Traces dans le sable de Gamal Madkoor (Athar Fi al-Rimal, 1954)
avec Faten Hamama (Ragia), Emad Hamdy (Ibrahim Mohsen), Hamdy Gheith (le docteur Ahmed Zaki), Wagdi Al Atrache (Ibrahim enfant), Zahrat Al Oula (Layla), Mohamed Abdul Qaddus (le cuisinier), Mohamed El Tokhy (le psychiatre), Abdul Aziz Ahmed (le grand-père de Ragia), Wedad Hamdy (Sounia), Aziza Helmy (la mère d’Ibrahim), Ali Roushdy (le père d’Ibrahim), Mahmoud Azmy (le cousin Abdel Rahman), Kawthar Shafik (l’infirmière)
Scénario : Gamal Madkoor et Youssef El Sebaei
Musique : Mohamed Hassan Al Shugai

Drame. Ibrahim Mohsen est un compositeur talentueux qui réside à Alexandrie. Ce jour-là, il doit se rendre chez son ami le docteur Ahmed Zaki. Sur la route, il est victime d’un choc nerveux qui le laisse totalement désorienté. Quand il reprend conscience, il est en compagnie de son ami qui l’emmène chez le psychiatre Tawfiq Mohamed. Ibrahim a totalement perdu la mémoire mais le médecin parvient à reconstituer des éléments de son passé. Le musicien était amoureux de Ragia, sa jeune voisine qui vit avec son grand-père, un homme exerçant de hautes fonctions. Tous les deux partageaient le même amour de la musique. Le médecin convoque la jeune femme. Celle-ci lui fait le récit de leur histoire d’amour. Grâce à elle, le psychiatre va découvir le traumatisme infantile qui est à l’origine de son malaise…
Notre avis : on ne compte plus les films dans lesquels Faten Hamama et Imad Hamdi sont fiancés ou amants. Leur différence d’âge, vingt-deux ans, ne semble pas avoir posé de problème aux producteurs et aux réalisateurs. Il est vrai que pour le public, Imad Hamdi est resté très longtemps l’archétype de l’amoureux romantique et tourmenté et c’est ce personnage que nous retrouvons ici. « Traces dans le Sable » est un joli mélodrame qui baigne dans une atmosphère d’une grande poésie. Les scènes enfantines, la mer, la musique, les voix off, tout concourt à donner un caractère onirique à cette histoire de traumatisme infantile. Le film doit beaucoup à Faten Hamama dont la beauté fragile et la voix inimitable possédaient ce pouvoir magique de plonger le spectateur dans une autre réalité, à la fois plus légère, plus pure et plus intense. Sa présence irradiante nous fait oublier certaines lourdeurs du scénario.
Mercredi 12 septembre à 22h
La Dernière des Folies d'Issa Karama (Akhar Genan,1965)
avec Ahmed Ramzy (Monem), Mohamed Awad (Fathi, le frère de Monem), Zizi El Badraoui (Nabila), Imad Hamdi (Docteur Hamdi), Abdel Monem Madbouly (le père de Nabila), Thuraya Fakhry (tante Sherbat), Amal Zayed (tante Khaira),George Sedhom (Ezzat, le frère de Monem), El Deif Ahmed (El Deif, un fou), Samir Ghanem (Samir, un fou), Zakaria Mowafy (l’officier de police)
Scénario : Hussein Abdel Nabi, Abdel Moneim Madbouly
Inspiré d’Arsenic et Vieilles Dentelles (1941) du dramaturge américain Joseph Kesselring qui en 1944 fera l’objet d’une première adaptation au cinéma réalisée par Frank Capra
Musique : Michel Youssef
Production : les films Karama

Après un long séjour passé à l’étranger pour ses études, Moneim est de retour en Egypte. Pendant ces années, il s’est lié avec sa condisciple Nabila qui elle aussi a terminé ses études. Ils ont fait le voyage ensemble et ils se séparent à l’aéroport du Caire. Moneim promet à sa fiancée de venir la voir à Alexandrie pour faire auprès de son père sa demande en mariage. Il sera accompagné de ses deux tantes et de son frère Fathi. Moneim retrouve ses deux vieilles parentes qui fêtent son retour avec allégresse. Malheureusement, il découvre que son frère Fathi a sombré dans une démence profonde : il se prend tantôt pour Hitler, tantôt pour Napoléon ou bien encore pour Ramsès II. Moneim est d’autant plus bouleversé par cette nouvelle que son autre frère, Ezzat, est toujours interné en hôpital psychiatrique. Ce qu’il craint le plus au monde, c’est lui aussi un jour de devenir fou. Il se rend chez un médecin qui le rassure. L’entrevue avec le père de Nabila se passe au mieux. Moneim avait pris soin de ne venir accompagné que d’une seule de ses tantes. Mais peu après, Nabila et son père se présentent au domicile des deux tantes alors que Moneim est à son travail. Les deux visiteurs font la connaissance de Fathi en pleine crise de démence…
Notre avis : la folie est un thème maintes fois exploité par les auteurs de comédies des années cinquante et soixante (Rappelons qu’en 1958, Issa Karama avait déjà réalisé « Ismaël Yassin chez les Fous ».). La plupart du temps, cela donne des films médiocres dans lesquelles on demande à quelques comiques de faire les pitres affublés de costumes variés. Dans ce genre, « La Dernière des Folies » nous semble un cas d’école. L’intrigue empruntée à « Arsenic et Vieilles Dentelles » n’est qu’un prétexte à empiler les numéros des quatre fantaisistes engagés pour faire rire le public. On a d’abord Mohamed Awad qui se déguise en Hitler (pas franchement du meilleur goût) puis en Napoléon tout en se livrant aux mêmes contorsions et grimaces d’un bout à l’autre du film. Mais il y a surtout le trio comique formé par George Sedhom, El Deif Ahmed et Samir Ghanem. Comme à leur habitude, les trois « copains » exécutent des numéros de music-hall avec application et sans finesse. Le fait qu’ici ils jouent des fous rend leur prestation plus fastidieuse qu’à l’ordinaire. Tous ceux qui ont œuvré à cette « Dernière des Folies » semble avoir oublié une chose : pour déclencher le rire, il ne suffit pas de se déguiser et de faire des grimaces, il faut des gags. Et cette « comédie » en manque cruellement.
Mardi 11 novembre à 18h30
Le Rivage de l'Amour d'Henry Barakat (Chati' al-gharam, 1950)
avec Taheya Carioca (Soheir), Layla Mourad (Layla), Mohsen Sarhan (Raouf, l’ami d’Adel), Hussein Sedki (Adel), Salah Mansour (Kamal), Stephan Rosti (l’oncle d’Adel), Zaki Ibrahim (Taher Effendi, télégraphiste et père de Layla), Mimi Chakib (la tante d’Adel), Mona (Salwa, la cousine d’Adel), Wedad Hamdy (Magda), Edmond Tuema (le directeur de l’hôtel), Samiha Ayoub (Nargis)
Scénario et dialogues : Henry Barakat, Ali El Zorkani et Youssef Issa
Mélodies : Ahmed Sedky, Mohamed Al Qasabgi et Mohamed Fawzy
Production : Abdel Halim Nasr

Comédie sentimentale. Adel est un jeune homme riche qui mène une vie oisive. Il passe son temps dans les cabarets et il entretient une relation amoureuse avec Soheir, une danseuse au tempérament ombrageux. Après une nuit bien arrosée durant laquelle une information a réveillé la jalousie de Soheir, celle-ci prend le volant de la voiture qui doit les ramener au Caire. Tandis que ses passagers, Adel et un couple d’amis, dorment profondément, la danseuse décide de prendre la direction de la station balnéaire Marsa Matruh. Quand Adel se réveille et découvre le lieu où il se trouve, il est furieux car il était attendu au Caire. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Adel accepte de s’installer avec ses trois amis dans un hôtel de la station. Alors que ses camarades sont partis se baigner, Adel rencontre Layla, une institutrice qui chantait seule face à la mer. Le garçon est tellement séduit par sa voix qu’il ne peut s’empêcher d’aborder la jeune femme. Ils vont se revoir souvent et tomber amoureux l’un de l’autre. Soheir et leurs amis sont rentrés au Caire mais Adel est resté auprès de celle qu’il aime. Il finit par demander sa main à son père qui accepte. Le jeune couple passe leur lune de miel en Suisse puis retourne au Caire où la nouvelle de leur mariage s’était répandue comme une traînée de poudre. Cette union ne fait pas que des heureux. Soheir, l’ancienne maîtresse d’Adel n’apprécie pas du tout d’être ainsi abandonnée et sa tante est furieuse : depuis longtemps, elle caressait l’idée d’un mariage entre sa fille Salwa et son neveu afin de mettre la main sur la fortune du jeune homme. Elle fera tout pour séparer Adel et Layla…
Notre avis : l’histoire semblera convenue. Ce n’est pas la première fois ni la dernière qu’on voit un jeune homme de bonne famille abandonner son existence dissolue par amour pour une jeune femme douce et réservée appartenant à un tout autre milieu que le sien. Mais l’intérêt du film est sans doute ailleurs. D’abord dans la beauté du site où se déroule toute la première partie ainsi que le dénouement : cette côte sauvage face à la mer agitée crée une atmosphère d’une incroyable poésie autour des personnages (le film contribuera à rendre célèbre Marsa Matruh, cette station balnéaire située à près de trois cents kilomètres à l’ouest d’Alexandrie et le rocher sur lequel est assise Layla Mourad pour sa première chanson portera officiellement comme nom « le rocher de Layla Mourad ») . Autre qualité du film : la prestation de Taheya Carioca et de Mimi Chakib incarnant avec une jubilation manifeste deux femmes malfaisantes qui veulent détruire leur rivale. La scène du face à face tendu entre Taheya Carioca et Layla Mourad qui se clôt par une gifle assénée par la seconde à la première constitue l’un des moments forts du film. Dernière remarque : on est toujours étonné de voir Hussein Sedky jouer les jeunes amoureux malgré son physique massif de bourgeois épicurien. Lors du tournage de ce film, il a trente-deux ans mais il en fait beaucoup plus. Mystère de la distribution ! Nous n'avons pas évoqué les six chansons interprétées par Layla Mourad. Il va de soi qu'elles sont toutes magnifiques, sans exception.
Lundi 10 novembre à 22h
Ismaël Yassin dans la Marine de Fateen Abdel Wahab (Ismaïl Yassin fil ustul, 1957)
avec Ismaël Yassin (Ragab), Zahra Al Oula (Nadia), Ahmed Ramzy (Mounir), Mahmoud El Meleigy (Abbas Al Zafer), Zinat Sedki (la mère de Nadia), Abdel Wareth Asr (le père de Nadia), Zeinat Olwi (la danseuse), Abdel Moneim Ibrahim (Abdul Bar), Reyad El Kasabgy (le sergent instructeur à bord du navire), Malak El Gamal (l’entremetteuse), Layla Karim (la petite amie de Mounir), Layla Hamdy (épouse d’Abbas Al Zafer), Mary Bay Bay (épouse d’Abbas Al Zafer)
Scénario : Hassan Tawfik et El Sayed Bedir
Musique : Mounir Mourad
Production : Films Memphis/Ramsès Naguib
appréciation : 3/5

Comédie navale. Ragab est un gentil garçon dont le seul défaut est la peur de la mer. Il aime sa cousine Nadia qui est infirmière à l’Hôpital de la marine. Hanfi, le père de Nadia, accepterait que sa fille épouse son neveu, en revanche la mère souhaite que sa fille épouse Maître Abbas Al Zafer, un homme d’âge mûr riche et puissant. Nadia exhorte son amoureux à surmonter sa peur de la mer et l’incite à s’engager dans la marine pour impressionner sa mère. Ragab se rend au centre de recrutement de la Marine. Là, il rencontre deux autres engagés, Abdul Bar et Mounir, avec qui il sympathise tout de suite. Après la visite médicale, les trois jeunes gens commencent leur formation.
Notre avis : nous sommes en 1957, c'est-à-dire juste après la crise du canal de Suez qui a débouché sur sa nationalisation. « Ismaël Yassin dans la Marine » se présente comme un hommage à tous ces marins qui ont rendu possible cette restitution du canal à la mère patrie. Comme « Ismaël Yassin à l’Armée » réalisé deux ans auparavant, ce film ne sombre jamais dans la pure propagande car avec Fateen Abdel Wahab, la comédie ne capitule jamais ! Malgré les uniformes et les canons, il est parvenu à créer un monde plein de fantaisie et de fraîcheur où les éléments les plus opposés cohabitent naturellement. Il faut dire que cette réussite est aussi due au grand talent de ses actrices et de ses acteurs, et notamment de ses deux vedettes, Zahrat Al Oula et Ismaël Yassin. Ce dernier a quarante-cinq ans quand il tourne dans ce film et pourtant il joue le jeune matelot amoureux avec un naturel qui emporte l’adhésion du spectateur. (Un jour viendra où l’on reconsidérera la place d’Ismaël Yassin dans le cinéma égyptien comme ce fut le cas pour Louis de Funès dans le cinéma français.)
Dimanche 9 novembre à 16h
O Mon Pays ! de Hussein Kamal (Ah ya bld... ah, 1986)
avec Hussein Fahmy (Magdy), Farid Shawki (Ayoub), Layla Olwi (Farida), Anwar Ismail (Radwan), Ahmed Morsi (un paysan), Hassan El Yamany (Hassan Fadel), Hassan Mostafa (le paysan Abdel Ati), Taheya Carioca (une ancienne danseuse), Thuraya Ezz Elddin (la femme d’Ayoub), Mohamed Abou Hashish (l’épicier du village), Amir Shahin (le jeune fils d’Ayoub), Atef Makram (le voleur)
Scénario : Saad Eldin Wahba
Inspiré de Zorba le Grec, un film gréco-anglo-américain de Michael Cacoyannis (1964)
Musique : Ammar El Sheraiey
Production : Mohsen Alam El Din

Magdy, un jeune ingénieur, retourne en Egypte pour enterrer son père et il apprend qu’il a hérité d’un terrain à la campagne. Après les obsèques, il décide donc de se rendre dans la localité où se trouve ce terrain pour le mettre en vente. A peine sorti de la gare, Magdy est victime d’une tentative de vol. Heureusement, l’intervention d’un vieil homme lui permet de récupérer sa mallette. Cet homme s’appelle Ayoub, il a combattu l’occupant britannique et il a perdu sa femme et son jeune fils dans des circonstances tragiques. Ayoub conduit le jeune homme chez une amie, la Signora, qui fut autrefois une grande danseuse. Les deux villageois conseillent à Magdy la plus grande prudence dans ses démarches car la région est sous la coupe d’un homme très puissant qui achète à vil prix toutes les terres des environs et qui n’hésite pas à user de violence pour obtenir ce qu’il convoite…
Notre avis : était-il vraiment utile d’aller chercher l’inspiration du côté d’un film grec des années soixante pour bâtir ce scénario qui reprend des thèmes et des péripéties abondamment exploités dans le cinéma égyptien ? Un exemple parmi d’autres : cette histoire comporte beaucoup de similitudes avec « Abou Rabi », un film réalisé en 1973 par Nader Galal. Dans celui-ci, on retrouve d’ailleurs Farid Shawki dans un rôle équivalent. « O mon Pays » a été tourné en 1986 mais il semble sans âge. Peut-être est-ce dû au fait qu’il évoque un monde rural qui quelles que soient les époques, quel que soit le pouvoir en place est confronté aux mêmes difficultés, aux mêmes injustices. Hussein Fahmy qui incarne le héros principal paraît absent, presque en retrait si bien qu’on retiendra surtout la prestation de ces deux monstres sacrés, vieillis mais alertes, que sont Taheya Carioca et Farid Shawki. L’un des moments forts du film est le réveillon du nouvel an que leurs deux personnages passent ensemble et pendant lequel, la boisson aidant, ils perdent toute retenue et toute convenance, rivalisant de fantaisie et d’extravagance.
Samedi 8 novembre à 18h30
Les Femmes ne savent pas mentir de Mohamed Abdel Gawwad (El Settat Mayea'rafoush Yekdebo, 1954)
avec Shadia (Layla), Ismaël Yassin (Noah, huissier et ami de Kamal), Chukry Sarhan (Kamal), Alya Fawzy (la femme de chambre), Zinat Sedki (la cousine de Layla et la femme de Noah), Stephan Rosti (Benayoti), Tawfik El Deken (le psychiatre), Hind Rostom (Nabouhia), Thuraya Fakhry (Oum Yani), Gamalat Zayed (la nourrice), Abdel Ghani El Nagdi (le militaire)
Scénario et dialogues : Badie' Khairy et Ali Reda
Musique : Hussein El Sayed, Ibrahim Ragab, Mahmoud El Sherif
Comédie. Kamal et Layla viennent de se marier. Ils s’aiment passionnément mais le mari découvre très vite que sa femme ment en permanence. Il finit même par croire qu’elle le trompe avec un homme de leur connaissance. Cela le met tellement en colère qu’il décide de s’éloigner. Il s’installe à Paris pour travailler dans la succursale française de son entreprise. Pour faire revenir son mari, Layla a une idée : elle lui envoie une lettre dans laquelle elle annonce qu’elle est enceinte et qu’elle s’apprête à accoucher. Kamal qui a toujours rêvé d’avoir des enfants retourne aussitôt en Egypte. Avec l’aide de sa cousine et de son mari, Layla a fait en sorte qu’à son arrivée, son mari trouve près du lit conjugal un berceau avec dedans un adorable petit bébé…
Notre avis : Mohamed Abdel Gawwad est un réalisateur qui connaît son métier ; son savoir-faire en matière de comédie n’est plus à prouver. Certes, « Les femmes ne savent pas mentir » n’est pas d’une folle originalité. Au fil des péripéties, le spectateur ne peut se défaire d’une impression de « déjà vu ». Le sujet nous rappelle d’autres comédies comme « Mensonge sur Mensonge » de Togo Mizrahi (1944) ou « Dernier Mensonge » d’Ahmed Badrakhan (1950). Et on retrouve certains gags qui ont déjà servi dans bon nombre de productions antérieures. Il n’empêche que cette comédie est un excellent divertissement qu’on a toujours plaisir à revoir : le réalisateur conduit son récit sur un rythme endiablé et dirige ses acteurs, tous excellents, avec une remarquable maestria. Comme d’habitude, la vedette du film, la toute jeune Shadia, nous ravit par sa fraîcheur et sa pétulance et ses deux partenaires masculins, Chukry Sarhan et Ismaïl Yassin, sont tout aussi formidables, chacun dans son registre.
Vendredi 7 novembre à 18h30
La Famille de Zizi de Fateen Abdel Wahab (Aelit Zizi, 1963)
avec Soad Hosny (Sana), Fouad El-Mohandes (Sabawi), Ekram Ezo (Zizi), Aqeila Rateb (la mère), Ahmed Ramzy (Sami), Layla Sheir (Layla, la fille de l’homme d’affaires), Mohamed Sultan (le réalisateur célèbre), Adly Kasseb (l’homme d’affaires), Salwa Saïd (Fawzia), Omar Afifi (Shabrawi)
Scénario : El Sayed Bedir et Lucien Lambert
Musique : Youssef Shouki
Production : Abbas Helmy
Chronique familiale. Zizi est une petite fille de cinq ans, vive et débrouillarde. Elle nous présente sa famille. Sa mère s’occupe seule du foyer et des enfants depuis la mort du père. Ce dernier lui a légué une pension qui permet de faire vivre toute la petite tribu. Sabawi est le frère aîné. Il est ingénieur et il a transformé sa chambre en atelier où il peut réaliser un tas d’expériences. Il vient d’inventer une machine qui transforme le coton en vêtement. Le deuxième fils est Sami, un étudiant en commerce qui délaisse les études pour les bagarres et les filles. Il tombe amoureux de leur voisine Layla et pour lui plaire, il s’initie au yoga. Et enfin, il y a Sana, la grande sœur qui rêve de devenir une actrice célèbre. Elle rencontre un réalisateur dont on devine très vite les mauvaises intentions…
Notre avis : un jour, on s'apercevra que Fateen Abdel Wahab fut l'un des chroniqueurs les plus fins de son époque et qu'à ce titre il doit figurer dans la liste des plus grands réalisateurs du cinéma égyptien. Pour preuve, cette comédie pétillante qui nous conte, avec ironie mais aussi avec empathie, les tribulations de tous les membres d'une famille de la "middle class" aisée.
Dans la carrière de Soad Hosny, ce film constitue un tournant majeur. Jusque là, elle jouait les jeunes filles de bonne famille plutôt sages. Dans « La Famille de Zizi », elle incarne la jeune égyptienne qui aspire à la liberté et qui prend des initiatives pour réaliser ses ambitions. Celle-ci n’attend plus passivement le mariage car elle est convaincue que son bonheur ne dépend que d’elle-même. Ce n’est pas un hasard si les auteurs du film ont pris soin de retrancher toute figure paternelle dans l’existence de leur héroïne : le père est mort et le frère aîné est bien trop occupé par ses recherches pour s’intéresser à ce qu’entreprend sa sœur. Le personnage joué par « la Cendrillon de l’Ecran » peut ainsi agir à sa guise sans crainte des remontrances. Avec ce rôle, Soad Hosny, à vingt ans, devient le modèle de toute une génération qui à l’aube des années soixante rêve d’une autre vie, plus libre, plus intense.
Zizi, la petite fille, est incarnée par Ekram Ezo. Celle-ci manifeste une aisance, un naturel peu communs et le succès du film lui doit beaucoup. Grâce à sa prestation, elle va devenir une star du jour au lendemain. Malgré cela, elle mettra un terme à sa carrière trois ans plus tard. Elle avait dix ans !
Dans la dernière partie, on appréciera la reconstitution satirique d’un tournage de film en costumes avec prince et princesse roucoulant dans un palais en carton-pâte.
Jeudi 6 novembre à 22h
Monsieur Boulboul d'Hussein Fawzi (Bulbul Effendi, 1948)
avec Farid El Atrache (Monsieur Boulboul, le fiancé de Batah), Sabah (Kawakeb/Batah), Hassan Fayek (Muhibou Bey, le mari de Kawakeb), Mokhtar Othman (Mahrous, le réalisateur), Ismail Yassin (Bunduq), Stephan Rosti (Aziz, l’amant de Kawakeb), Samiha Tawfiq (Wafaa, la fille de Muhibou Bey), Kamal Hussein (Mounir, le fiancé de Wafaa), Fathya Mahmoud (la mère de Batah), Ali Abd El Al (un assistant du réalisateur), Ahmed El Haddad (un assistant du réalisateur), Edmond Tuema (réceptionniste de l’hôtel), Liz and Lynn (danseuses)
Scénario : Hassan Tawfiq et Hussein Fawzi
Musique : Farid Al Atrache
Production : Ramsès Naguib
Comédie musicale. Kawakeb est une jeune actrice égocentrique et méprisante. Elle a épousé un homme riche, beaucoup plus âgé qu’elle, qui supporte sans broncher tous ses caprices. Elle tourne un nouveau film mais elle se fâche avec le réalisateur et abandonne subitement toute l’équipe. Le metteur en scène est désespéré : il va devoir renoncer à terminer son film. Heureusement, l’un de ses assistants va trouver une solution. Il lui présente une jeune fille, Batah, qui est le sosie de Kawakeb. Batah est une jeune ouvrière qui vit avec sa mère et qui est fiancée à Monsieur Bulbul, un marchand ambulant. Le réalisateur et ses assistants découvrent qu’elle sait aussi jouer la comédie et chanter. On la coiffe, on la maquille et on l’habille. Le résultat laisse sans voix toute l’équipe : Batah est la doublure parfaite de leur ancienne vedette. Pendant ce temps-là, Kawakeb a décidé de quitter son mari pour s’enfuir à Louxor avec un amant…
Notre avis : à la fin des années quarante, Hussein Fawzi va réaliser un certain nombre de comédies musicales avec en vedette la chanteuse Sabah. La rencontre du cinéaste avec Naïma Akef mettra brutalement un terme à cette collaboration mais ceci est une autre histoire. Monsieur Boulboul est un excellent divertissement à la fois comédie musicale et film d’action. Les péripéties s’enchaînent tambour battant. Le duo comique que forment Farid Al Atrache et Ismaïl Yassin semble monter sur ressort et ne laisse aucun répit aux spectateurs. Sabah qui incarne deux personnages ne manifeste pas moins de fougue et de fantaisie que ses deux partenaires masculins. Pour ce film, Farid Al Atrache a composé l’une de ses plus belles partitions. La chanson « Ya Nagham » interprétée par Sabah et qui débute par un solo de clarinette est un petit chef d’œuvre.
Mercredi 5 novembre à 22h
Al Batiniyah d'Houssam Al Din Mustafa (1980)
avec Nadia El Gendy (Warda), Farid Shawki (Al Akkaad), Mahmoud Yassine (Borai, le bras droit d’Al Akkaad), Farouk El Feshawi (Fathy, le fils d’Al Akkaad), Ahmed Zaki (Sefrot, le policier infiltré), Amr Sahem (le fils de Fathy et de Warda), Abd-El Hamid Al-Monir (Madbouli), Imad Hamdi (le roi de la drogue), Salwa Mahmoud (la femme de Borai), Medhat Ghaly (l’officier de police)
D’après un roman d’Ismail Waly El Din
Scénario : Mostafa Moharam et Sherif Al Menbawi
Musique : Gamal Salamah et Nagib Al Selhdar
Warda est propriétaire d’un café dans le quartier Al Batiniyah, haut lieu du trafic de drogue. Elle entretient une relation amoureuse ave Fathy et elle est enceinte. Malheureusement le père du jeune homme, Al Akkaad, est l’un des trafiquants les plus puissants du quartier et il ne veut pas de Warda comme belle-fille. Fathy doit se soumettre à la volonté paternelle. Alors qu’il épouse la fille d’un autre grand seigneur du marché de la drogue, Warda donne naissance à leur enfant. Le bébé est aussitôt kidnappé par le gang d’Al Akkaad. Ce dernier fera croire à la jeune mère qu’il est mort. En réalité, il l’a confié à l’un de ses hommes pour qu’il soit élevé par la femme de celui-ci…
Notre avis : ce thriller connut un succès considérable lors de sa sortie et fit de son actrice principale une star. Le président Anouar El Sadate lui-même apprécia beaucoupe le film qu'il avait demandé à voir avant sa sortie en salle. Nadia El Gendy y incarne une femme forte qui joue à jeu égal avec les hommes. On notera la similitude avec les personnages joués par Taheya Carioca dans les années cinquante (« La Matrone » d’Hassan Reda). Au risque d’indigner les admirateurs de Nadia El Gendy, nous estimons que celle-ci n’a pas le talent de son aînée et que son jeu manque souvent de nuance. Cela dit, ce premier film conquit le public, ce qui incita l’actrice et le réalisateur à exploiter à plusieurs reprises la même recette. En 2009, « Al Batiniyah » devient une série réalisée par Mohamed Al Naqli, au grand mécontentement de Nadia El Gendy. Le rôle de Warda est repris par la sulfureuse Ghada Abdel Razek.
Mardi 4 novembre à 22h
Entre ciel et terre de Salah Abou Seif (Bayna as-sama wa al ard, 1959)
avec Hind Rostom (Nahed Shukry, la star), Abdel Salam Al Nabulsi (l’aristocrate), Mahmoud El Meleigy (le gangster), Abdel Moneim Ibrahim (le fou), Said Abu Bakr (le harceleur), Zizi Mustafa (Sonia), Yacoub Mikhail (le mari de la femme enceinte), Ahmed Louksor (le metteur en scène), Abdel Ghani El Nagdi (le serviteur), Mahmoud Azmy (l’amant), Naïma Wasafi (la femme enceinte), Amin Wahba (le vieillard), Kadreya Kadry (la femme infidèle), Nahed Samir (l’épouse du vieillard), Samia Rushdy (Zakia), Abdel Moneim Madbouli (le voleur)Scénario : Naguib Mahfouz et El Sayed Badeir
Musique : Fouad El Zahry
appréciation : 5/5
Apologue. Dans la chaleur estivale d'un vendredi après-midi au Caire, un groupe d'individus représentant toute la société égyptienne restent bloqués dans l'ascenseur d'un grand building de Zamalek (Lebon Building construit en 1952) durant plus d’une heure. Parmi les passagers, on trouve une star de cinéma (Hind Rostom) accompagnée de son chien, un aristocrate sans le sou (Abdel Salam Nabulsi) un chef de gang (Mahmoud El Meleigy), un picpocket (Abdel Moneim Madbouly), un fou échappé de l’asile (Abdel Moneim Ibrahim), une femme infidèle (Kadreya Kadry) et son amant (Mahmoud Azmy), un cuisinier (Abdel Ghani El Nagdi), une femme enceinte (Naïma Wasafi) et son mari, un obsédé sexuel (Saïd Abou Bakr), un vieil homme (Amin Wahba) qui doit épouser une très jeune femme, une lycéenne (Zizi Mostafa) qui doit rejoindre son amoureux. Le huis clos tourne au psychodrame. Pendant ce temps-là, l’équipe de cinéma installée sur la terrasse du bâtiment attend sa vedette pour tourner une scène et le metteur en scène se montre de plus en plus fébrile tandis que des gangsters s’apprêtent à forcer le coffre-fort d’une grande compagnie dont le siège se trouve aussi dans l’immeuble.
Notre avis : si nous devions considérer le film d'ascenseur comme un genre en soi, nous n'hésiterions pas à classer cet Entre Ciel et Terre parmi ses plus belles réussites, à égalité avec Ascenseur pour l'Echafaud de Louis Malle qui date de 1958. Ce film de Salah Abou Seif dont le scénario est signé Naguib Mahfouz est un chef d'oeuvre d'intelligence et d'humour servi par une troupe d'acteurs exceptionnels. Comment est-il possible que soixante-cinq ans après sa sortie, il reste aussi méconnu en Occident ?
Lundi 3 novembre à 18h30
Tous Sont Mes Enfants d'Ahmed Diaa Eddine ( Kollohom Awlady,1962)
avec Chukry Sarhan (Amin), Salah Zulficar (Salem), Hassan Youssef (Mehdat), Zizi Al Badraoui (Karima, la cousine des trois frères), Amina Rizq (la mère des trois frères), Tawfik El Deken (le chef des voleurs), Abdel Khalek Saleh (le père des trois frères), Mimi Gamal (une amie de Mehdat), Abdel Salam Mohamed (Izzat, un ami de Mehdat), Mahmoud Mustafa (Magdy, un ami de Mehdat), Abdel Rahman Abo Zahra (Ibrahim, un ami de Mehdat), Abdel Ghani El Nagdi (le serviteur)
Scénario : Farid Shawki et Kamal Ismaïl
Production : Naguib Khoury
Amin, Salam et Mehdat sont trois frères. Le premier est en dernière année de droit, le second est un tout jeune officier de police et le troisième, le plus jeune, souhaite devenir ingénieur mais dans ses études, il manque singulièrement de sérieux. Toute la famille est réunie pour le dernier déjeuner avant leur départ. C’est la fin des vacances, et ils doivent tous les trois retourner au Caire. Autour de la table, outre les trois frères, il y a leur mère qui les adore, leur père qui a toujours été d’une sévérité extrême et leur cousine Karima qui est amoureuse de Medhat. Le repas terminé, les trois jeunes gens prennent la route de la gare.
De retour au Caire, Medhat renoue avec ses mauvaises fréquentations. Il passe ses journées à boire et à jouer aux cartes. Il perd beaucoup d’argent. Très vite, il se retrouve dans une situation inextricable : il ne sait plus comment honorer ses dettes…
Notre avis : une chronique familiale qui évoque l’affrontement entre trois frères aux parcours divergents. Le dispositif paraîtra un peu schématique : l’opposition est frontale entre le cadet, jeune policier, et le benjamin qui a plongé dans la délinquance ; en revanche l’aîné qui est avocat (évidemment !) adopte une attitude de tolérance et de conciliation. « Tous sont mes enfants » est un film à thèse qui remet en cause l’autorité paternelle. Pour les auteurs*, l’autoritarisme du père est le premier responsable des dérives des enfants. Soit ! Malgré cette volonté de prouver et de démontrer que l’on retrouve dans chaque scène, ce film n’est pas aussi indigeste qu’on pourrait le craindre. Sans doute, est-ce dû à la qualité de l’interprétation et notamment au jeu si sensible de la jeune et frêle Zizi Al Badraoui.
*On est étonné de trouver comme scénariste pour ce film, l’acteur Farid Shawki qui a toujours incarné à l’écran les hommes virils et dominateurs !
Dimanche 2 novembre à 18h30
Le Faux Millionnaire d'Hasan El Seifi (Al milioneer al mozayaf, 1968)
avec Fouad El Mohandes (l’ingénieur Hamdi/Sayed, le mexicain), Shwikar (Zahra, la femme d’Hamdi), Abdel Monem Madbouly (Hosny, l’avocat), Lebleba (Nifin, la fille du ferrailleur), Abbas Fares (le ferrailleur), Bader Eddin Jamgome (Afifi, le secrétaire), Nagwa Fouad (Samiha), Samir Sabri (Samir), Hassan Mostafa (le robot Mac Mac), Mohamed Shawky (l’huissier), Fifi Youssef (la belle-mère d’Hamdi), Abdel Ghani El Nagdi (l’assistant de l’avocat), Sayed Ibrahim (le policier), Anwar Madkor (le constructeur automobile)
Scénario : Abdel Monem Madbouly, Samir Khafagi, Nabil Gholam
Musique : Helmi Bakr
Paroles des chansons : Fathy KouraProduction : Hassan El Seifi, Société de production cinématographique du Caire

Comédie musicale. Hamdi est professeur à l’Institut National de Recherche mais c’est avant tout un inventeur et sa spécialité ce sont les moteurs automobiles. Il s’apprête à rendre public sa dernière invention : le moteur Nafissa 2900. Pour ses travaux, il s’est endetté auprès d’un ferrailleur qui souhaiterait devenir son partenaire. Hamdi a toujours refusé cette association car il tient à garder son indépendance. Malheureusement, sa situation financière est de plus en plus critique et pour ne rien arranger, son épouse continue à dépenser sans compter. Enfin la présentation officielle de son nouveau moteur a lieu en présence de grands constructeurs internationaux mais la démonstration vire à la catastrophe : le prototype se casse en deux dès le démarrage. Peu après cet échec cuisant, un miracle a lieu. L’avocat Hosny informe Hamdi que son frère aîné, exilé au Mexique, vient de mourir et lui lègue toute sa fortune. Si Hamdi ne se manifestait pas, l’héritage irait à Sayed, leur cousin mexicain…
Notre avis : en cette année 1968, Fouad El Mohandes est partout, au cinéma, à la télévision et au théâtre. Il est enfin devenu le roi de la comédie populaire, digne successeur d’Ismaïl Yassin qui a quasiment disparu des écrans. Avec sa femme Shwikar, ils forment le couple le plus célèbre du cinéma égyptien de l’époque et on les retrouve mari et femme dans cette gentille comédie d’Hassan El Seifi. La cible de ce « Faux Millionnaire » est clairement le public familial et il s’agit de plaire avant tout aux enfants. D’où ces personnages et ces situations qui rappellent l’univers de la bande dessinée. Un film divertissant à voir en compagnie de très jeunes spectateurs.
Samedi 1er novembre à 22h
Gare centrale de Youssef Chahine (Bab El Hadid, 1958)
avec Youssef Chahine (Kenaoui) , Hind Rostom (Hanouma) , Farid Chawki (Abou Siri), Hassan El Baroudi (Madbouli), Abdel Aziz Khalil (Abou Gaber), Hussein Ismaïl (le passager du train), Safia Tharwat (Alawatim), Ahmed Abaza (Mansour), Abbas El Dali (Abbas Al Shayyal)
Scénario : Abdel Hai Adib
Musique : Fouad El Zahry
figure dans la liste des 15 films les plus importants du cinéma égyptien
Classique. Le boiteux et simple d’esprit Kenaoui vend des journaux à la gare centrale du Caire. Incapable de séduire une femme, il vit dans une frustration sexuelle permanente. Il a couvert les murs de sa cabane d’images de pin-ups et de femmes dénudées. Dans la gare, il rencontre régulièrement Hanouma, la pulpeuse vendeuse de limonade et il en est tombé follement amoureux. Malheureusement pour Kenaoui, Hanouma n’a d’yeux que pour Abou Siri, un bagagiste costaud et fort en gueule. Un jour, les deux amoureux se disputent en présence du vendeur de journaux. Ce dernier pense que la voie est libre : il déclare sa flamme à Hanouma et lui offre un bijou qui avait appartenu à sa mère. La jeune femme le rabroue sans ménagement. Kenaoui veut se venger…
Notre avis : le meilleur film de Youssef Chahine. Si aujourd’hui « Gare Centrale » est considéré comme une réussite incontestable par le public et les critiques, il n’en fut pas de même à sa sortie. Sans doute est-ce dû au fait que le cinéaste avait osé provoquer la morale traditionnelle et les conventions du cinéma commercial des années cinquante en choisissant comme personnage principal un handicapé obsédé sexuel. Non sans un certain panache, Chahine décida d’incarner lui-même cet être difforme et déconcertant. Autre objet de scandale : la puissance érotique du personnage joué par Hind Rostom. Ce film contribua grandement à faire de l’actrice « la Marylin Monroe » égyptienne. « Gare Centrale » est une œuvre unique, en ce sens où elle reprend certains thèmes familiers du cinéma de l’époque tout en rompant avec les codes et les stéréotypes de celui-ci. Pour la réalisation de son douzième film, le jeune cinéaste de trente-deux ans a revendiqué et obtenu une liberté totale. Il a ainsi montré la voie aux grands réalisateurs des décennies suivantes.