samedi 11 juin 2016

Aucune Entente (Mafish Tafahom, 1961)

مافيش تفاهم
إخراج : عاطف سالم


Atef Salem a réalisé Aucune Entente en 1961.
Distribution : Nabila Ebeid, Olwwiya Gamil, Ahmed El Haddad, Soad Hosny, Hussein Riad, Zinat Sedki, Hassan Youssef, Amin Mokhtar, Mohamed Shawki, Zaki Ibrahim, Ali Kamal, Abdel Ghany El Nagdi
Scénario : Nayrouz Abdel Malak
Musique : Ali Ismaïl


Amin Mokhtar

Olwiyya Gamil et Hussein Riad

Soad Hosny

Hassan Youssef

Hassan Youssef et Soad Hosny

Zaki Ibrahim

Zinat Sedki et Ahmed Shoukry

Hussein Riad et Soad Hosny

Soad Hosny

Soad Hosny, Olwiyya Gamil, Zinat Sedky

Nabila Ebeid


Résumé

Le film raconte l’histoire d’une famille qui réside à Port Saïd. Esmat Hanem, la mère, exerce une autorité inflexible sur son mari, Shehata, sa fille, Laïla et son fils Samir. Pour fuir le despotisme de sa femme, Shehata se réfugie au café où il retrouve ses amis. Samir s’ingénie à tromper la surveillance de sa mère pour contempler la jeune voisine qui devant sa fenêtre a l’habitude de faire de la gymnastique en tenue légère. Laila, quant à elle, a fait la connaissance de Sami, un jeune docteur. Ils se retrouvent régulièrement sur le bac qui la conduit à son lycée et passent ensemble des après-midis entiers sur la plage. Malheureusement, Laila sait que sa mère n’acceptera jamais qu’elle épouse un jeune homme qu’elle a elle-même choisi. Elle a alors une idée : elle demande à son père de feindre d’être gravement malade. Ainsi, Esmat Hanem, bouleversée de voir disparaître son époux, lui manifestera à nouveau de l’affection et on fera venir comme médecin, Sami. Quand l’épouse éplorée constatera que le jeune homme a sauvé Shehata, elle ne pourra que lui vouer une gratitude infinie et accepter le mariage. Le plan fonctionne à merveille jusqu’à l’arrivée de Sami. Ce dernier n’est pas médecin, comme le croyait Laïla, mais ingénieur. Il a bien du mal à jouer le praticien sous le regard acéré d’Esmat Hanem…


Critique

Une comédie en forme de chronique familiale. La mère est un tyran à l’air revêche. Elle terrorise mari et enfants qui inventent mille stratagèmes pour échapper à sa surveillance. Le mari passe ses journées au café à jouer avec ses amis tandis que le fils et la fille tentent avec plus ou moins de finesse de mener à bien leurs projets amoureux respectifs. Pour ce faire, ils peuvent toujours compter sur la complicité de la bonne, femme simple au grand cœur.
On devine que l’originalité n’est pas la qualité première de ce film. Nous retrouvons des situations et des personnages maintes fois exploités. Chaque comédien exécute une partition qu’il connaît par cœur. Hussein Riad est le père faible mais bon, Amin Mokhtar, l’adolescent perturbé par une voisine trop aguichante, Souad Hosny, la jeune fille dynamique et sentimentale. Evidemment le rôle de la servante ne pouvait revenir qu’à Zinat Sedky qui est la Bonne du cinéma égyptien des années cinquante et soixante (statut qu’elle partage avec Wedad Hamdy). On notera aussi que les quiproquos avec un faux malade et un faux médecin sont empruntés à la comédie classique, ce qui donne un aspect très théâtral à cette Aucune Entente. Enfin pour plaire à la jeunesse, les auteurs ont inséré quelques scènes à la plage avec Laïla et son amoureux en maillot de bain.
C’est léger, très léger mais on peut se laisser séduire par cette petite comédie car la réalisation est soignée (le metteur en scène est tout de même Atef Salem) et l’interprétation solide.

Ce film nous semblera familier car il présente bien des similitudes avec des comédies populaires françaises de la même époque. Dans Aucune Entente, nous avons un univers familial totalement laïcisé. La famille de Shehata est une famille bourgeoise qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celles que l’on trouve par exemple tout au long des années soixante dans les pièces et les films avec Louis de Funès (Oscar, Pouic-Pouic, les Grandes Vacances). Les personnages et la nature de leurs relations sont identiques, à ceci près que c’est le père qui se conduit en tyran et non la mère. La seule différence notable, et elle est de taille, c’est que malgré leurs talents respectifs, aucun des comédiens d’Atef Salem ne peut rivaliser avec le génie comique de l’acteur français.
 
C’est dans ce film qu’apparaît pour la première fois à l’écran Nabilla Ebeid. Elle joue la jolie voisine qui fait de la gymnastique à sa fenêtre. Sa participation est bien modeste car le rôle est totalement muet. Atef Salem l’a découverte alors qu’elle est encore lycéenne. En 1961, date de la sortie du film, elle a seize ans. Deux ans plus tard, Atef Salem l’épouse alors qu’il a plus de 45 ans. Leur union ne durera pas, le réalisateur se montrant de plus en plus jaloux et possessif. Il lui demandera même d’abandonner le cinéma. Elle préférera divorcer.
Appréciation : 2/5
**

dimanche 29 mai 2016

le Festival du Film Faten Hamama (Le Caire)

مهرجان فاتن حمامة السينمائي


Depuis vendredi se déroule au Hanager Arts Center de Zamalek  la seconde édition du festival du film Faten Hamama. La manifestation a pris ce nom en hommage à la grande actrice décédée l'année dernière.
La fondatrice du festival est la cinéaste Maggie Anwar. La programmation est essentiellement tournée vers les courts-métrages et les documentaires. Pour cette édition, une trentaine de films ont été sélectionnés. Le but de ce festival est de faire connaître les jeunes talents d'Egypte et des autres pays arabes.
Un hommage sera rendu à Faten Hamama à travers la projection de deux courts-métrages du début des années 70 : "Je veux cet homme" d'Henry Barakat (1972) et "la Sorcière" (1971)


samedi 28 mai 2016

Sublime Amour (Houb Hatta al Ibadah, 1959)


حب حتى العباده
ﺇﺧﺮاﺝ: حسن الإمام


Hassan Al Imam a réalisé Sublime Amour en 1959.
Distribution : Zizi Al Badraoui, Salah Zulficar, Ferdoos Mohamed, Taheya Carioca, Hussein Riad, Zouzou Nabil, Wedad Hamdy, Kamal Anwar, Mounir Al Fangary, Mohamed Soleiman, Abdel Moneim Ismaïl
Scénario : Youssef Issa et Hassan Al Imam
Musique : Fouad El Zahry 


Zizi Al Badraoui et Salah Zulficar

Ferdoos Mohamed

Taheya Carioca et Salah Zulficar

Salah Zulficar et Hussein Riad

Salah Zulficar et Taheya Carioca

Zouzou Nabil

Zizi Al Badraoui

Salah Zulficar et Omar El Hariri


Résumé

Hussein travaille comme ingénieur dans une usine de textile à Alexandrie. Il aime une jeune fille prénommée Nehmat. Il est très apprécié par ses collègues et ses ouvriers pour son activité syndicale. Mais il a un rival : Ahmed Fahmy qui souhaiterait prendre sa place, et dans le syndicat et dans le cœur de Nehmat. Ahmed ne cesse de poursuivre la jeune femme mais celle-ci reste sourde à ses avances. De son côté, Hussein prie son père Abdul Hamid de demander pour lui la main de sa bien aimée à sa mère Latifa Hanim. Le père ne veut pas en entendre parler et il ordonne à son fils d’oublier cet amour. Le vieil homme se rend chez Latifa et tente de la convaincre de refuser le mariage. Il la menace même de révéler certains secrets. Abdul Hamid a gagné : le mariage ne se fera pas. Hussein est blessé par l’attitude de son père et il s’installe au Caire. Pour tromper sa solitude, il fréquente les champs de courses. C’est lors d’une de ces sorties qu’il fait la connaissance d’Aïcha, une grande danseuse d’âge mûr. Entre eux, l’entente est immédiate et ils tombent amoureux l’un de l’autre, malgré la différence d’âge. Hussein est descendu dans le même hôtel que la danseuse et il occupe la chambre voisine de la sienne. Un jour, après avoir eu une longue conversation avec Nehmat Abdul Hamid rend visite à son fils. Dans le hall de l’hôtel il tombe sur Aïcha. Elle l’invite dans son appartement. Le spectateur a découvert plus tôt que la danseuse est la mère de Hussein. Au tour d’Aïcha et de Hussein de l’apprendre. Ils sont d’abord bouleversés puis fous de bonheur, l’un d’avoir retrouvé une mère, l’autre un fils. Mais les événements ont eu raison du cœur fragile d’Abdul : il décède brutalement. Hussein et sa mère retournent à Alexandrie pour l’enterrement et s’installent dans la maison paternelle. A l’usine, la situation est tendue : ce sont les élections syndicales et Hussein doit affronter Ahmed Fahmy son rival. Malgré la campagne de dénigrement orchestré par Ahmed, Hussein triomphe et, avec la bénédiction de sa mère, il pourra épouser Nehmat.


Critique

Ce film de 1959 fait parties de ces œuvres que tous les arabes de plus de quarante ans ont vues au moins une fois. Sublime Amour est sans cesse rediffusé par les chaînes satellitaires et ce succès jamais démenti lui confère une place de choix dans le patrimoine de la culture populaire arabe du XXe siècle. Pourtant cette réalisation de Hassan El Imam ne peut que déconcerter une spectateur occidental par son recours aux procédés grossiers du mélodrame et par son manque assumé d’unité esthétique. Les tenants du classicisme en art seront sans doute effrayés mais ce qui fait à mes yeux le prix d’un tel film comme de bien d’autres dans le cinéma égyptien, c’est cette totale indifférence à « la sobriété », à «la retenue », à « la cohérence » qui sont la marque des œuvres de qualité en Occident. J’aime cet art du patchwork et du collage, ce goût pour l’outrance et le scabreux (au risque, pas toujours évité, du grand n’importe quoi).
Reconnaissons que tout commence fort mal avec un titre ridicule et totalement hors-sujet : « Sublime Amour ». Et pourtant, à bien y réfléchir, il n’est pas si mal, ce titre, avec son caractère kitsch qui évoque celui d’un (très) mauvais roman-photo ou le nom d’un parfum oublié dans l’armoire d’une vieille dame. Nous allons assister à un drame, il sera question d’amour, de trahison, de jalousie. Rien de bien neuf dira-t-on. Certes mais le scénariste a ajouté dans son intrigue des éléments moins communs ce qui fait de Sublime Amour un film plus original qu’il n’y paraît.

Ce film se divise en trois parties bien distinctes.

La première est dans le style néo réaliste italien : une histoire d’amour chez des gens ordinaires avec de nombreuses scènes se déroulant dans l’usine où travaille le héros. Rivalités amoureuse et professionnelle sont intrinsèquement liées. Mais ce premier volet s’ouvre sur une séquence (très réussie) qui rappelle plutôt la Nouvelle Vague : Hussein (Salah Zulficar) et Nehmat (Zizi al Badroui), les deux amoureux, courent sur la jetée d’Alexandrie battue par les vents à la recherche d’un café pour s’abriter et s’embrasser loin des regards. On se souvient alors que ces deux personnages sont les exacts contemporains de ceux incarnés par Jean-Pierre Léaud et Marie-France Pisier (dans Antoine et Colette réalisé par François Truffaut en 1962). Le ton est résolument léger. Rentrée chez elle, Nehmat danse avec sa bonne sur un succès italien joué sur l’électrophone familial. La vie lui sourit, l’avenir est à elle. Evidemment, elle va vite déchanter…

La seconde partie constitue le cœur du film. Apparaît enfin Taheya Caroioca et nous plongeons en plein drame. Pour créer le suspens, ce volet est construit sur un quiproquo : Aïcha et Hussein finissent par s’aimer mais ils ne savent pas qu’ils sont mère et fils. En revanche, le spectateur, lui, le sait. Si bien qu’à chaque scène où les personnages se retrouvent seuls dans une chambre celui-ci retient son souffle.  Heureusement, à chaque fois un incident empêche l’étreinte incestueuse.
Et la scène fameuse dans laquelle Aïcha chante tandis que Hussein, seul à une table, la dévore des yeux a dû mettre à rude épreuve bien des âmes sensibles. Le réalisateur filme en gros plan les yeux du jeune homme et on peut y voir les feux du désir qui monte tandis que la femme chante et danse entre les tables du cabaret, vêtue d’une robe étincelante qui épouse ses courbes généreuses et on lit aussi dans ses yeux à elle qu’elle consentira enfin à céder au désir de son jeune amoureux. Cette nuit, après le spectacle, c’est sûr, ils s’appartiendront. La scène suivante se déroule dans la chambre avec comme seule lumière, celle des étoiles que l’on voit à travers la fenêtre. Les deux personnages sont face à face. Tout va chavirer mais soudain le tonnerre gronde et la foudre brise la vitre. Les deux « amants » sont rejetés loin l’un de l’autre. Encore une fois le crime ne sera pas consommé. Une analyse plan par plan de cette scène montrerait à quel point Hassan El Imam fait preuve ici d’une grande maîtrise dans l’art du récit cinématographique.

En revanche je suis moins convaincu par les deux danses exécutées par Taheya Carioca au début de cette seconde partie. Je trouve les chorégraphies un peu pataudes (il est vrai aussi que Taheya n’a plus la silhouette de ses débuts !) et carrément ridicule celle qui fait évoluer la diva autour d’une bougie géante.(même si son caractère hautement symbolique peut faire sourire)

Dans la troisième partie, on retrouve l’usine à Alexandrie. Cette dernière séquence se déroule presque entièrement dans une grande salle où est rassemblé tout le personnel de l’entreprise pour élire le prochain dirigeant du syndicat et donc le directeur de l’usine. On est en plein réalisme soviétique. Hussein fait figure de héros positif et Ahmed représente l’arriviste petit bourgeois sans scrupules. L’issue de la lutte est donc prévisible : dans un premier temps conspué par la foule, Hussein reçoit moult projectiles puis grâce à son discours, il retourne la situation en sa faveur. Ahmed reconnaitra sa défaite et prêtera allégeance au nouveau chef. On peut trouver sympa de convoquer les masses pour assister au triomphe final du héros mais on est en droit de préférer les deux premières parties.

Remarque : le générique nous apprend que la maison de production s’appelle Dinar Film, et la société de production, Dollar Film : les intentions des producteurs sont claires. 

Appréciation : 3/5
***

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

lundi 23 mai 2016

Les films à la télé (Rotana Classic du 24 mai au 5 juin)


 روتانا كلاسيك

Les films qui ont été cités dans ce blog et qui sont diffusés sur Rotana Classic (heure de Paris).


1) La Volonté  de Kamal Selim (Al Azima, 1939)
      avec Abd Al-Aziz Khalil, Hekmet Fahmy, Fatma Rouchdi

 
Mardi 24 mai à 13h
Mercredi 25 mai à 4h


2) Avec les Souvenirs de Saad Arafa (Ma' al-dhikrayat, 1961)
    avec Ahmed Mazhar, Mariam Fakhr Eddin, Nadia Lotfi


 Mardi 24 mai à 18h
Mercredi 25 mai à 8h


3) Si j'étais riche d'Henry Barakat (Law kunt ghani, 1942)
    avec Assia Dagher, Ehsane El Gazaerli, Abdel Fatah Al Kasri


Mercredi 25 mai à 20h
Jeudi 26 mai à 10h


4) Nous ne sommes pas des anges de Mahmoud Farid (lasna mala'ikah, 1970)
     avec Hassan Mostafa, Adwaa Al Masrah, Chahinaz


Vendredi 27 mai à 20h
Samedi 28 mai à 10h


 5) Une demi-heure de mariage de Fateen Abdel Wahab (Noss Saha Jawaz, 1969)
      avec Rushdy Abaza, Shadia, Adel Imam, Magda El-Khatib, Hassan Mostafa


Mardi 31 mai à 20h


6) Rencontre au crépuscule de Saad Arafa (Liqa fil ghouroub, 1960)
    avec Mariam Fakhr Eddin, Rushdy Abaza, Adli Kasab


Samedi 4 juin à 10h


7) Princesse Aziza de Tolba Radwan (El Safira Aziza,1961)
avec Wedad Hamdy, Soad Hosny, Abdel Moneim Ibrahim, Chukry Sarhan, Adli Kasab


Samedi 4 juin à 18h
Dimanche 5 juin à 8h


8) Rendez-vous avec un inconnu d'Atef Salem (Maweed maa maghoul, 1959) 
    avec Omar Sharif, Samia Gamal, Hala Shawkat, Fakher Fakher


Samedi 4 juin à 20h 
Dimanche 5 juin à 10h




                                                 La Page Facebook de Rotana Classic

                        Tout le programme à l'adresse suivante : le guide Tv du site elcinema
 

dimanche 22 mai 2016

Nilwood de Mohammad Bakri

ملصقات السينما المصرية


Orients Editions est une toute jeune maison d’édition créée par Ysabel Saïah Baudis. Elle publie  des ouvrages illustrant le patrimoine culturel du monde arabo-musulman et elle présente ainsi son projet : « Essais, textes inédits et traductions, calligraphies, dessins, photo et bande dessinée, tout ce qui dit l’intemporalité de cette terre marquée par le terrestre et le céleste et son renouveau libéré constitueront cette collection, Orients. »
Ysabel Saïah Baudis est elle-même l’auteur d’une biographie d’Oum Kalthoum « Oum Kalsoum, l’étoile de l’orient » aux Editions du Rocher.
Parmi les nouvelles parutions d’Orients Editions, il y a ce petit ouvrage Nilwood rassemblant 38 affiches de l’âge d’or du cinéma égyptien en format carte postale.
Ces affiches ont été choisies par Mohammad Bakri, professeur d‘arabe et webmestre du site ministériel « Langue et cultures arabes ».

Mohammad Bakri survole 50 ans de cinéma égyptien. Il ouvre sa collection avec « Les Mille et une Nuits » de Togo Mizrahi qui date de 1941 et la clôt avec  « Le Citoyen : égyptien » que Salah Abou Seif réalisa en 1991. Comme il se doit, il fait la part belle aux années 50 et 60.
On lit en quatrième de couverture que « ce livre présente les plus grands films », affirmation un peu étrange car on n'y trouve aucun de ce que d’ordinaire  l’on considère comme les chefs d’œuvre du cinéma égyptien mais sans doute n’était-ce pas non plus l’intention de l’auteur que de présenter un tel palmarès. L’affiche de cinéma occupe une place éminente dans l’art populaire égyptien du XXe siècle et son intérêt n’est pas subordonné à la qualité du film qu’elle doit illustrer. Ainsi, on découvre dans cet ouvrage la reproduction de l’affiche réalisée pour la comédie Une Fille Turbulente d' Houssam Al Din Mustafa (1967) Elle est chatoyante, pétillante, d’une sensualité provocante alors que le film est un sinistre nanard qui baigne dans une atmosphère grisâtre (A ce niveau, on peut presque parler de tromperie sur la marchandise !). Mais ceci obéit à une certaine logique économique : un bon film n’a pas forcément besoin d’une belle affiche. En revanche, c’est vital pour un navet tourné à la va-vite et les producteurs égyptiens l’avaient fort bien compris. D’aucuns affirment même qu’il est arrivé que l’affiche coûte plus cher que la réalisation du film lui-même.

Si les films évoqués dans ce Nilwood ne sont donc pas tous des chefs d’œuvre, en revanche les affiches présentent toutes de grandes qualités artistiques. Elles étaient souvent l’oeuvre de peintres arméniens ou grecs formés aux techniques occidentales de l’illustration et de la publicité. Le cahier des charges qui leur était soumis laissait peu de place à l’originalité. D’où le caractère un peu répétitif des motifs : par exemple, on retrouve souvent l’actrice principale en petite tenue entourée de ses partenaires mâles qui n’apparaissent qu’en buste. Mais sur un modèle très contraignant, les artistes ont su réaliser de véritables petits chefs d’œuvre à la gloire de la beauté féminine et de tout ce qui constitue les plaisirs de la vie. Un art hédoniste résolument kitsch qui égayait les murs des grandes villes arabes et qui aujourd’hui a totalement disparu. Mohammad Bakri conclut ainsi son petit texte de présentation : « C’est un âge d’or haut en couleur qu’installa Nilwood durant plusieurs décennies, abordant sans tabous ni exceptions tous les sujets sociétaux du moment, avec un esprit ouvert, espiègle, profane, spirituel, moderne, multicolore, civilisé, humain et surtout tolérant et cosmopolite. Cet esprit éclairé manque cruellement aujourd’hui. »  On ne peut que souscrire à une telle déclaration.
De toute façon, au tournant des années quatre-vingt quatre vingt-dix, le cinéma égyptien abandonne l’affiche peinte au profit de la photo, ce dont témoigne l’avant-dernière carte postale de Nilwood (Le Marionnettiste d’Hani Lachine, 1989).

Des collectionneurs de par le monde consacrent leur vie à rassembler ces vestiges d’un monde qui n’est plus. Parmi eux, citons Abboudi Abou Jaoudé, un libanais qui a amassé plus de 20 000 affiches !

Nilwood de Mohammad Bakri, Orients Editions, 2016 


Sur le site « Langue et Cultures Arabes », Mohammad Bakri a posté d’autres affiches du cinéma égyptien.