dimanche 18 septembre 2016

L'Honneur de ma Femme (Karamet Zawgaty, 1967)

كرامة زوجتى
إخراج : فطين عبد الوهاب



Fateen Abdel Wahab a réalisé L'Honneur de ma Femme en 1967.
Distribution : Adel Imam, George Sedhom, Sherifa Mahear, Shadia, Mahmoud Rashad, Salah Zulficar, Camilia, Ragaa El Geddawy, Thoraya Helmy
Scénario et dialogues : Mohamed Abou Youssef et Mohamed Mostafa Samy
Adaptation d'un roman d'Ihsan Abdul Quddus
Musique : Fouad El Zahiri
Production : Ramsès Naguib

Adel Imam et George Sedhom

Sherifa Mahear

Mahmoud Rashad et Shadia

Salah Zulficar et Shadia

Shadia

Salah Zulficar et Adel Imam

Ragaa El Geddawy et Salah Zulficar


Camilia

Résumé

Mahmoud est un riche avocat qui multiplie les conquêtes amoureuses mais qui se refuse à envisager le mariage. Ses proies, il les déniche dans le club privé qu’il fréquente. C’est là qu’il retrouve Layla, une artiste peintre qui a toujours résisté à ses avances. Pourtant, elle n’est pas insensible au charme du jeune avocat mais elle refuse de nouer toute relation en dehors des liens du mariage. Mahmoud est obligé de s’avouer qu’il est vraiment tombé amoureux de Layla et finit par lui demander sa main. La jeune femme met une dernière condition à leur union : si elle apprenait qu’il l’avait trompée, il devrait accepter qu’elle agisse de la même manière. Mahmoud, sûr de son amour, y consent. Au début tout se passe au mieux pour les deux jeunes mariés. Mais un jour, une cliente au physique avantageux se présente au cabinet de l’avocat. Elle reviendra plusieurs fois et n’aura de cesse de provoquer Mahmoud. Ce dernier tente de résister puis cède. Cette liaison ne reste pas longtemps secrète : Layla découvre dans la poche du pantalon de son mari un mouchoir maculé de rouge à lèvres. Elle décide de passer à l’action. Avec la complicité de l’assistant de son mari, elle fait croire à celui-ci qu’elle a un amant avec qui elle échange des lettres enflammées. Pour Mahmoud, la situation devient vite insupportable, la jalousie le torture. Heureusement, il finit par apprendre la vérité : sa femme n’a jamais été infidèle mais elle a voulu lui donner une bonne leçon. Mahmoud lui promet de ne plus jamais la tromper.


Critique

Fateen Abdel Wahab est sans doute le meilleur auteur de comédies du cinéma égyptien. Même si cet Honneur de ma Femme ne fait pas partie de ses œuvres les plus marquantes, on retrouve la patte d’un cinéaste qui a toujours voulu parler de l’Egypte de son temps aux Egyptiens de son temps. Dans le monde un peu conformiste du divertissement, Fateen Abdel Wahab fut un moderne. On peut même affirmer qu’en matière de libération des moeurs, il fut aux avant-postes et cela sans jamais se couper du public populaire (sans doute moins conservateur que celui d’aujourd’hui). Dans ses comédies, il osait aborder des questions taboues comme celles de la liberté sexuelle, de l’homosexualité ou du transgenre. Evidemment, il était assez fin pour ne pas heurter frontalement les convictions rétrogrades d’une partie non négligeable du public, mais, par le rire, il parvenait à faire passer des idées qui aujourd’hui lui vaudraient un déluge d’anathèmes et de menaces.
Dans l’Honneur de ma Femme Fateen Abdel Wahab et de Ehsan Abd El Kodos partent d’un constat : en ce milieu des années soixante, les relations entre hommes et femmes ne sont plus régies par la tradition ou la religion, du moins dans les classes aisées. La femme revendique les mêmes droits et les mêmes libertés que ceux dont jouit l’homme. Et ce dernier voit avec une certaine angoisse vaciller l’état ancien qui lui garantissait tous les privilèges.
Dans ce film, la femme est artiste peintre, elle vit de manière totalement indépendante et n’attend pas du mariage un confort et une aisance financière qu’elle possède déjà. Si bien qu’elle peut imposer ses conditions à son soupirant. Notamment cette clause proprement révolutionnaire : toute infidélité de la part de son futur mari sera payé de la même infidélité de sa part. L’homme accepte le contrat. Mais après une courte période de félicité conjugale, il ne résiste pas longtemps à la tentation et ce sera le début de ses tourments. La femme inflexible le soumet à des épreuves terribles comme celle qui consiste à faire poser devant elle un homme à la musculature de gladiateur pour réaliser un tableau. Le modèle porte pour tout vêtement un slip très moulant et passe ainsi accoutré des journées entières avec l’épouse trompée sans que le mari ne puisse protester.


Ici comme dans d’autres scènes, Fateen Abdel Wahab a réussi à faire rire sans rien concéder à la morale traditionnelle. La femme est seule juge de ses actes et de ses choix et si l’homme en souffre, il doit s’en prendre à lui-même. D’ailleurs, à la fin, le héros de l’Honneur de ma femme capitule et accepte le nouveau rapport de forces qui régit la vie du couple. Ce film aurait pu s’intituler «La Défaite du Mâle Egyptien ».
Le caractère progressiste de la fable est tout de même tempéré par le fait que si le mari trompe effectivement sa femme, en revanche l’épouse se contente de faire croire à son infidélité selon une conviction bien ancrée que l’infidélité de l’homme est forcément une faute mineure alors que celle de la femme constitue toujours un crime irrémédiable.
Une comédie somme toute sympathique, jamais stupide, mais qui manque d’un grain de folie pour être une totale réussite.

Note : les deux acteurs principaux, Shadia et Salah Zulficar, se connaissent bien :  ils sont mari et femme dans la vie et ils ont eu souvent l'occasion de jouer ensemble.

Appréciation : 3/5
***
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

mercredi 14 septembre 2016

Le Millionnaire (El Millionaire, 1950)

المليونير
إخراج : حلمى رفلة




Helmy Rafla a réalisé Le Millionnaire en 1950.
Distribution : Ismaël Yassin (Assim El Isterliny/Gamiz), Zinat Sedki (la sœur d’Assim El Isterliny), Soad Mekawy (Soukra, la cuisinière), Stephan Rosti (Zaki), Farid Shawki (Farid), Hussein Issa (Hussein), Wedad Hamdy (Sonia), Serag Mounir (Antar Bin Shaddad, le frère de Sonia), Ryad El Kasabgy (l’infirmier-chef de l’hôpital psychiatrique), Camilia (Rouh Al Fouad Hanem), Nour El Demerdash (le frère de Rouh Al Fouad Hanem), Victoria Hobeika (la tante d’Assim El Isterliny), Abdel Moneim Ismail (le chauffeur d’Assim El Isterliny), Ahmed Darwich (le docteur Darwich), Salah Mansour (un fou), Mahmoud Lotfi (un fou), Eskandar Mansy (un fou), Mohamed Tawfiq (un fou), Abdel Hamid Zaki (le directeur du théâtre) Scénario et dialogues : Mamoun Al Shinnawi, Abou Al Seoud Al Ebiary, Anwar Wagdi
Musique : Izzat El Gahely et Mohamed Al Bakkar
Assistant du réalisateur : Atef Salem
Monteur : Kamal El Sheikh
Production : Anwar Wagdi


Ismaël Yassin et Camilia


 











Stephan Rosti















Ismaël Yassin


  












Soad Mekawi
















Ahmed Darwich
















Nour El Demerdash




   














Résumé

Assim El Isterliny est un millionnaire despotique et jaloux. Ses gardes ont capturé un homme qu’ils avaient surpris en compagnie de sa femme Rouh Al Fouad Hanem. Fou de rage, Assim le tue de plusieurs coups de pistolet (On apprendra plus tard que le pistolet était chargé à blanc et que l’homme est en réalité le frère de sa femme). Ses gardes lui conseillent de se cacher le temps que les choses s’apaisent. Il se rend dans un cabaret où se produit un artiste du nom de Gamiz. L’ombrageux millionnaire se rend compte que l’individu est son parfait sosie. Il a une idée : il propose à Gamiz de prendre sa place quelque temps. Le pauvre chanteur accepte, séduit par la perspective de vivre dans le luxe et l’oisiveté. Gamiz se rend dans le palais d’Assim. Il fait la connaissance de l’épouse et de la sœur de son double. Mais celle qui l’attire immédiatement, c’est la femme de chambre, Soukara. Gamiz découvre que la vie d’Assim n’est pas aussi enviable qu’il l’imaginait. Outre les récriminations permanentes de la sœur, il doit affronter un grand nombre d’importuns. Grâce à sa malice et à son sens de la répartie, il parvient à s’en débarrasser, mais tout cela commence à le fatiguer. Il décide de tout avouer à Rouh Al Fouad Hanem. Celle-ci croit que son mari est devenu subitement fou. Elle appelle un médecin qui décide de placer le faux millionnaire dans un hôpital psychiatrique. Pour en sortir, celui-ci prétend avoir recouvré la raison et affirme être celui qu'on veut qu'il soit. Mais une fois libre, il va convier tous les proches d'Assim à se rendre dans le cabaret où il travaille. Il chante et danse devant eux pour les convaincre qu’il est bien Gamiz, l’artiste de music-hall et non l'autre, son double richissime. La vérité éclate enfin. Assim retrouvera Rouh Al Fouad Hanem et Gamiz épousera Soukara.


Critique

C’est la première comédie dans laquelle Ismael Yassin tient le rôle principal. Pour lancer celui qui deviendra l’acteur comique le plus célèbre du monde arabe, les producteurs n’ont pas lésiné sur les moyens. Ils ont constitué une équipe de choc avec des personnalités choisies parmi les plus talentueuses du moment. Au scénario, Anwar Wagdi (acteur, metteur en scène, producteur) et Abo El Seoud El Ebiary (scénariste prolifique qui écrira la plupart des succès d’Ismael Yassin dans les années cinquante) ; à la réalisation, Helmy Rafla (un artisan expérimenté spécialisé dans la comédie populaire), comme assistant, Atef Salem (réalisateur qui signera un grand nombre de films devenus des classiques) . Même le montage est confié à un grand nom du cinéma égyptien, Kamal El Sheikh. Mais le plus incroyable, c’est le casting. On a rassemblé les acteurs les plus célèbres de l’époque pour entourer Ismaël Yassin : Stephan Rosti, Serag Mounir, Farid Shawki, Salah Mansour. Et bien d’autres encore comme dans la fameuse scène de l’hôpital psychiatrique.
Et parmi les actrices, outre Zinat Sedki et Soad Mekawy, on compte Camilia, qui est l’une des étoiles montantes du grand écran. Malgré son jeune âge celle-ci traîne derrière elle une réputation sulfureuse. Certains prétendent qu’elle était la maîtresse du roi Farouk et qu’elle avait été recrutée par Israël comme espionne. Précisons qu’elle meurt tragiquement cette même année 1950 dans un accident d’avion.
Bref, il fallait que ce film soit un succès et il le fut.
L’idée sur lequel repose le scénario (un homme pauvre, sosie d’un homme riche, prend la place de celui-ci et découvre la vie difficile des nantis) semble emprunté au film de Niazi Mostafa avec Naguib Al Rihani, Monsieur Omar (1941). Une parenté qui n’est peut-être pas le fruit du hasard. Naguib Al Rihani meurt l’année précédente, en 1949. Les deux films ont dix ans d’écart et ouvrent l’un et l’autre une décennie. N’a-t-on pas voulu signifier qu’Ismaël Yassin serait le comique des années cinquante comme Naguib Al Rihani fut celui des années quarante ? Et nous aurions alors comme passeurs de relais Serag Mounir et Stephan Rosti qui apparaissent dans les deux films.
Dans le Millionnaire, Ismaël Yassin use de tous les procédés qui constitueront sa marque de fabrique mais cela ne tourne pas encore à la caricature de lui-même comme ce sera le cas dans les années à venir. Il grimace ici avec une certaine sobriété et son jeu ne se réduit pas à des mimiques et autres tics horripilants. Ismaël Yassin fut un grand acteur, un grand showman et il le prouve ici.
Au-delà de la prestation du nouveau roi du rire, ce qui demeure aujourd’hui du Millionnaire, ce sont ses incroyables scènes dansées et chantées. Elles rassemblent toujours un grand nombre de comédiens et malgré cela les chorégraphies sont exécutées avec un dynamisme et une précision remarquables. Les chansons de Mohamed El Bakkar et d’Azat Al Jahly par leur entrain et leur gaîté sont en phase avec le tempo débridé de l’ensemble.
La séquence la plus mémorable (et la plus longue), c’est celle de l’hôpital psychiatrique où une trentaine de comédiens chantent et dansent, comme emportés dans un délire collectif . Les uns sont revêtus du pyjama réglementaire, les autres déguisés au gré de leurs obsessions ou phantasmes. Tout le monde s’en donne à cœur joie jusqu'à l’apparition de l’infirmier qui siffle la fin de la récréation et le retour à la triste réalité.
A ma connaissance, c’est la première fois qu’un film égyptien évoque ainsi l’univers de la folie et c’est sans doute ce qui explique le succès remporté par le Millionnaire à sa sortie. Le fou jouit d’une liberté d’action et de parole dont le citoyen ordinaire est totalement dépourvu. Et le spectacle de ces cinglés se livrant à toutes les excentricités qui leur passent par la tête a dû exercer une séduction immédiate sur les spectateurs. Par la suite l’hôpital psychiatrique deviendra un cliché de la comédie égyptienne tout comme le travestissement dont Ismaïel Yassin sera aussi un précurseur (Dans Madame Hanafi, le chef d’oeuvre comique de Fateen Abdel Wahab en 1954)

Appréciation : 4/5
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

mardi 13 septembre 2016

Les films à la télé (Rotana Classic du 13 au 27 septembre)

روتانا كلاسيك

Les films qui ont été cités dans ce blog et qui sont diffusés sur Rotana Classic (heure de Paris).


1) Monsieur le Concierge de Hassan Ibrahim (Al Bih Al bawwab, 1987)
     avec  Sayed Zayan, Ahmed Zaki, Fouad El Mohandes


Mardi 13 septembre à 11h


 2) Le Mari Célibataire de Hassan El Seifi  (El zoj el azeb, 1966)
      avec Farid Shawki, Hind Rostom, Mahmoud El-Meliguy et Naemet Mokhtar
      appréciation : 3/5


Mardi 13 septembre à 14h 
Mercredi 14 septembre à 3h


3)  L'Histoire de mon amour d'Henry Barakat (Qissat Houbbi, 1955)
      avec Farid Al Atrache, Serag Mounir, Imane


Mardi 13 septembre à 20h
Mercredi 14 septembre à 9h


4) Le Clerc pris dans une histoire de fraude de Hassan El Seifi (al Ardahalgui fi qadiyyat nasb, 1987)
     avec Saïd Saleh, Sabrine, Hassan Mostafa


Mercredi 14 septembre à 23h 
Jeudi 15 septembre à 11h


5) La lumière de la nuit  de Raymond Nassour ( Nour el lail,1959)
    avec Mariam Fakhr Eddine, Salah Zulficar, Ahmed Mazhar


Lundi 19 septembre à 23h
Mardi 20 septembre à 11h


6) L'Evasion d'Atef El Tayyeb (Al-Huroub-1991)
     avec Ahmed Zaki, Salah Abdallah, Abu Bakr Ezzat
     figure dans la liste des 100 films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien


Mercredi 21 septembre à 16h 


7)  Si j'étais riche d'Henry Barakat (Law kunt ghani, 1942)
      avec Assia Dagher, Ehsane El Gazaerli, Abdel Fatah Al Kasri


Mercredi 21 septembre à 20h


8)  La Bonne Terre de Mahmoud Zulfikar (el ard el tayeba, 1954)
     avec Mariam Fakhr Eddine, Kamal Al-Shennaw, Hussein Riad


Mercredi 21 septembre à 23h 


9) Une mission très difficile réalisé par Hussein Omara ( wa yabqa al hob, 1987)
     avec Mariam Fakhr Eddine, Farouk El Feshawi, Noura


Jeudi 22 septembre à 16h
Vendredi 23 septembre à 5h

   
10) Le Fantôme de ma femme de Fateen Abdel Wahab (Ifrit Mirati,1968)
       avec Hassan Mostafa, Shadia, Imad Hamdi


Jeudi 22 septembre à 18h
Vendredi 23 septembre à 7h


11) Princesse Aziza de Tolba Radwan (El Safira Aziza,1961)
       avec Wedad Hamdy, Soad Hosny, Abdel Moneim Ibrahim, Chukry Sarhan, Adli Kasab
        appréciation : 4/5

 

 Vendredi 23 septembre à 3h

 
 12) Dahab d'Anwar Wagdi (1953)
       avec  Anwar Wagdi, Fayrouz,  Ismaël Yassin


Vendredi 23 septembre à 18h
Samedi 24 septembre à 7h


13Lutte sur le Nil d'Atef Salem (Seraa fil Nil, 1959)
        avec Hind Rostom, Rushdy Abaza, Omar Sharif, Ahmed El Haddad
       figure dans la liste des 100 films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien
       appréciation : 5/5


Vendredi 23 septembre à 23h 
Samedi 24 septembre à 11h 


14) C'est Toi que j'aime d'Ahmed Badrakhan (Ahebbak Inta, 1949)
       avec Samia Gamal et Farid Al Atrache 


Dimanche 25 septembre à 14h
Lundi 26 septembre à 3h

  

 15) La Petite Poupée d'Ahmed Badrakhan  (El aroussa el saghira, 1956)   
       avec Salah Sarhan, Mariam Fakhr Eddine, Serag Mounir
       appréciation : 3/5


Dimanche 25 septembre à 20h
Lundi 26 septembre à 9h


16) Hassan et Nayma d'Henry Barakat (1959)
       avec Muharram Fouad, Soad Hosny, Mohammed Tawfik
       figure dans la liste des 100 films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien


Lundi 26 septembre à 14h


17) Fleur de Henné  de Hussein Fawzi (Tamr Henna, 1957)
       avec Naïma Akef, Rushdy Abaza, Ahmed Ramzy
       figure dans la liste des 100 films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien


Mardi 27 septembre à 18h




La Page Facebook de Rotana Classic

Tout le programme à l'adresse suivante : le guide Tv du site elcinema

Salah Abou Seif par Cinematology

سينماتولوجي


Mohamed Abou Soliman consacre sa onzième vidéo à l'analyse du chef d'oeuvre de Salah Abou Seif, La Seconde Epouse (Al-Zawja.Al-Thania - 1967)
Distribution : Soad Hosny (Fatima), Chukry Sahran (Abul Elan, le mari), Sanaa Gamil (Hafiza, la première épouse), Abdel Moneim-Ibrahim (Hassan), Salah Mansour (le maire)


 Synopsis de la Seconde Epouse : c’est l’histoire d’un vieux maire de village qui est marié mais sans enfant et qui souhaite avoir un héritier. Pour cela, il doit épouser une seconde femme. Son dévolu tombe sur Fatima,la jeune épouse d’un paysan pauvre. Elle est jolie et a déjà deux enfants. Pour la contraindre à se soumettre à son désir, il accuse son mari de vol et le fait arrêter par la police. Il n’accordera sa grâce que s’ils divorcent. Le couple ne peut s’opposer au chantage. C’est ainsi que Fatima quitte son foyer et épouse le maire. Mais elle n’a pas dit son dernier mot! Elle va utiliser la jalousie féroce de la première femme du notable pour échapper à son devoir conjugal. A chaque fois que le vieil homme tentera de consommer leur union, un incident fera tout échouer. Pendant ce temps, Fatima continue à voir en cachette son premier mari. Elle tombe enceinte. Le maire comprend alors qu’il a été berné. Désespéré, il tombe malade et meurt. La jeune femme retrouve sa famille et son dernier enfant hérite de la fortune du vieil homme.




Cinematology est une page Facebook créée en juin 2015 par Mohamed Abou Soliman. Le projet de celui-ci est d'y poster des vidéos d'analyses filmiques.
On la trouve à cette adresse : https://www.facebook.com/cinematologyofficial

Les précédentes vidéos :

vidéo n°1 : la perspective dans l'oeuvre de Youssef Chahine.
vidéo n°2 : le thème de la jeunesse notamment dans le film Dérive sur le Nil de Hussein Kamal d'après un roman de Naguib Mahfouz.
vidéo n°3 : les "motifs visuels" dans  Le Voleur et les Chiens de Kamal El Sheikh toujours d'après un roman de Naguib Mahfouz
vidéo n°4 :  les symboles dans La Terre de la Peur de Daoud Abdel Sayed
vidéo n°5 : l'art du gros plan dans l'oeuvre de Mohamed Khan
vidéo n°6 : la psychologie dans Ma Femme et le Chien de Saïd Marzouk 
vidéo n°7 : la carrière de l'acteur comique Ismaël Yassin
vidéo n°8 : la trilogie morale (la Honte, La Drogue et la Course des fauves, trois films d'Ali Abdel Khalek)
vidéo n°9 : l'Histoire du Cinéma en 6 minutes 30
vidéo n°10 : le miroir et le théâtre dans la série Afrah El Kuba d'après un roman de Naguib Mahfouz (traduction française : Les Noces du Palais)
 

vendredi 2 septembre 2016

Méfie-toi de Zouzou (Khally ballak men ZouZou, 1972)


خلى بالك من زوزو
ﺇﺧﺮاﺝ: حسن الإمام


Hassam Al Imam a réalisé Méfie-toi de Zouzou en 1972. 
Distribution: Soad Hosny, Taheya Carioca, Hussein Fahmy, Shahinaz Taha, Nabila El Sayed, Samir Ghanem, Shafik Galal, Mohye Ismaïl, Mona Qattan, Wahid Seif, Abbas Fares, Zouzou Chakib, Azza Sherif
Scénario : Salah Gahin et Hassan Al Imam
Musique : Fouad El Zahry, Kamal Al Tawil, Shaban Abu Saad, Ibrahim Ragab, Sayed Mekawi

Soad Hosny

Soad Hosny et Taheya Carioca

Soad Hosny

Soad Hosny et Hussein Fahmy

Nabila El Sayed, Taheya Carioca, Shahinaz Taha

Soad Hosny et Samir Ghanem

Soad Hosny et Hussein Fahmy

Soad Hosny

Shafik Galal


Résumé

Zouzou est une jeune fille qui mène une double vie. Le jour, elle est une étudiante brillante, très populaire parmi ses condisciples. Le soir, elle danse et chante dans la troupe de sa mère pour des soirées privées.  A l’université, Zouzou a toujours dissimulé cette activité considérée comme déshonorante.  Elle a du talent , elle éprouve un grand plaisir à à participer à toutes ces représentations en compagnie des autres danseuses et chanteurs de sa mère. Néanmoins, elle sait que si les professeurs et les autres étudiants  apprenaient sa véritable condition, ce serait un terrible scandale qui la conduirait immanquablement au ban de la société. C’en serait fini de ses études universitaires.
Un jour, un nouveau professeur de théâtre fait son apparition à l’université. Il est beau, il est jeune et il a un charisme magnétique. Il s’appelle Saïd. Entre lui et Zouzou, c’est le coup de foudre. Le jeune professeur rompt avec Nazek, sa fiancée tandis que Zouzou est bien décidée à abandonner la danse.
Malheureusement, Nazek a découvert le secret de sa rivale. Un membre de la famille du professeur doit se marier. Pour animer la cérémonie, elle engage la troupe de Naima. Le jour du mariage, Zouzou qui est une invitée de Said voit la compagnie de danse arriver. Elle est médusée. Tout le monde découvre le lien entre Zouzou et Naima. Les amis de Nazek se mêlent aux danseuses et aux chanteurs de la troupe pour les humilier. Submergée par la honte, Naima ne peut plus danser. Aussitôt, Zouzou prend la place de sa mère et assume fièrement sa condition de danseuse.
L’affaire fera grand bruit à l’université mais ce sera peine perdue pour l’ex-fiancée : Saïd et Zouzou resteront unis et afficheront leur amour aux yeux de tous.


Critique

A sa sortie, le film a eu un succès considérable. Il restera à l’affiche pendant plus d’un an. Les chansons écrites par Kama El Tawil et le poète Salah Jaheen sont devenues des classiques . En Egypte, tout le monde connaît « Khali Balak min Zuzu’ » (la chanson qui donne son titre au film) ou «Ya Wad Ya Te’eel ». Pressentant l’importance de cette comédie musicale pour la suite de sa carrière, Soad Hosny a pris très au sérieux ce rôle d’étudiante qui mène une double vie. Elle qui ne savait pas danser a très vite appris et les nombreuses chorégraphies qu’elle exécute dans ce film font désormais partie du patrimoine de la danse orientale.
Mais au-delà de la performance artistique de la star, c’est la dimension sociale du personnage qui passionne le public de l’époque. A l’aube des années 70, Zouzou est une jeune femme moderne qui lutte contre les préjugés et les conservatismes de tous bords. Elle refuse le destin qu’on lui prépare : en tant que femme, elle est condamnée à un rôle subalterne, éternelle servante de l’homme, en tant que danseuse, elle est vouée à l’opprobre, ravalée au rang de prostituée.
Ainsi, le début du film se présente comme un manifeste revendiquant haut et fort l’émancipation pour les femmes égyptiennes. On découvre Zouzou participant à une course à pied. Elle est vêtue d’un maillot très échancré et d’un short blanc. Bien entendu, elle remporte la compétition. Sur le plan suivant, elle brandit la coupe de la victoire tandis que la caméra scrute de haut en bas le corps de la championne (le short comme symbole politique !) pour s’arrêter sur le chiffre 1 inscrit sur le podium. Ensuite, Zouzou retourne à l’université et avec ses amis, elle affronte le porte-parole des étudiants conservateurs (qui à l’époque ne portent pas encore la barbe mais la cravate comme tout le monde !) . Celui-ci fait piètre figure. Et il est bien seul face à tous ces jeunes gens énergiques et enthousiastes que Zouzou entraîne dans sa danse. Cette parabole de la modernité terrassant la tradition peut nous sembler naïve par son optimisme forcené mais elle rend bien compte aussi de l’état d’esprit qui régnait à l’époque parmi les jeunes gens diplômés de la capitale. Evidemment, tout cela nous semble inconcevable aujourd’hui et même l’étudiant conservateur qui s’oppose à Zouzou passerait pour gauchiste dans l’Egypte actuelle.

Autre élément qui fait de ce Méfie-toi de Zouzou, une petite révolution, c’est que l’héroïne ne tombe pas amoureuse d’un médecin ou d’un ingénieur comme c’était la règle pour toutes les jeunes filles dans le cinéma des années cinquante et soixante mais d’un professeur de théâtre qui roule en voiture de sport décapotable ! Et, comble de hardiesse, c’est elle qui prend l’initiative, provoquant les rencontres avec son bien-aimé. Dans cette histoire, elle est l’élément moteur tandis que son partenaire reste passif, un sourire engageant aux lèvres comme pour inciter la jeune femme à aller plus loin. Bref, les rôles sont inversés.

L’aspect le plus intéressant du film, c’est sa dénonciation de l’hypocrisie de la société. Dans les années soixante-dix, une partie de la jeunesse rêve de briser le carcan de la morale traditionnelle ; on aspire à  la liberté et à l’épanouissement personnel. On veut un monde dans lequel la religion sera cantonnée à la sphère privée, un monde plus tolérant qui permettra à chacun de s’exprimer comme bon lui semble. Et pourtant, les préjugés demeurent et ils gardent toute leur virulence. Quand l’activité secrète de Zouzou est révélée au grand jour, une partie des étudiants manifeste son hostilité et son mépris. Certes, ces jeunes gens souhaitent vivre à l’occidental mais ils partagent la vision du monde de leurs parents : on ne touche pas à l’édifice social et les danseuses resteront des parias comme elles l’ont toujours été. Malgré son happy end, la dernière partie du film fait un constat amer de l’état de la société égyptienne et tranche avec l’optimisme un peu benêt du début.

Zouzou restera l’un des plus beaux rôles de Soad Hosny mais du coup on oublie souvent de saluer la performance de Taheya Carioca. On la reconnaît à peine tellement elle a grossi mais elle est parfaite dans ce rôle de mère qui ne pouvant plus danser exploite sans état d’âme la beauté et le talent de sa fille pour continuer à vivre de son art. Un personnage à la fois monstrueux et pathétique.
En revanche, la production n’a pas gâté Hussein Fahmy qui doit jouer le bellâtre inconsistant scène après scène. C’est un peu « Sois beau et tais-toi. »

Appréciation : 4/5
****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin