dimanche 11 mai 2014

Les 100 films les plus importants (12) Les années quatre-vingt (1)

En 2006, la bibliothèque d’Alexandrie forme un comité de trois spécialistes (Ahmed El-Hadari, Samir Farid et Kamal Ramzi) afin de dresser la liste des 100 films les plus importants  de l’histoire du  cinéma égyptien. 

Les Années quatre-vingt (1)


69) Ouyoun La Tanam (Des yeux toujours éveillés, 1981, Raafat El-Mihi)

عيون لا تنام

Avec Farid Shawki, Madiha Kamel, Ahmed Zaki, Naima Al Soghayar, Ali El Scherif
d'après la pièce du dramaturge américain Eugène O'Neill, Désir sous les Ormes (1925)
 Un garagiste, ainé d'une famille, exerce une véritable tyrannie sur ses frères. Il épouse une orpheline mais il ne parvient pas à avoir d'enfant. Il choisit comme héritier le cadet de la famille et chasse ses autres frères. Ce petit frère devient l'amant de la femme qui tombe enceinte.  
C'est le seul film produit par la "Coopérative des Cinéastes" créée en 1980 par de jeunes réalisateurs.


70) Arzaq ya Duniya (Le Gagne-pain, 1982, Nader Galal)
ارزاق يا دنيا


Avec Nour Al Sherif, Yousra, Sais Saleh, Chweikar, Nadia Ezzat,  Abdel Moneim Elmarsfy,Badria Abd El Gawad,  Nawal Abou El Fotouh,  Zizi Moustafa
Jabar est un villageois miséreux de Basse-Egypte qui a été amputé d'une jambe. Il arrive au Caire pour placer une jeune fille de son village dans une famille bourgeoise. Une fois sa mission accomplie, il erre dans la capitale à la recherche d'un emploi. Il tombe sur Madame Zebeida, la propriétaire d'un café où il s'était arrêté. Elle l'adresse à Maître Chamroukh, un homme violent qui travaille pour madame Chouchou. Cette dernière dirige un réseau se livrant à des activités criminelles. Maïtre Chamroukh est chargé de recruter des hommes sans emploi pour les transformer en dealers...


71)  Al-’Ar (L’Opprobre, 1982, Ali Abdel-Khalek)
العار


avec Nour al Sherif, Hussein Fahmi 
Le père meurt et l'on découvre que ce riche commerçant était en fait un trafiquant de drogue. Ses enfants, un médecin et un militaire abandonnent leurs postes pour reprendre le négoce très lucratif de leur père.Dans ce film, Ali Abdel Khaleq dénonce la situation créée par l'Infitah (politique d'ouverture économique initiée par Sadate après 73. En facilitant les investissements privés et étrangers, le pouvoir va laisser le champ libre à la corruption.)


72) Sawwaq Al-Utoubis (Le Chauffeur de Bus, 1983, Atef El-Tayyeb)
سواق الأتوبيس


Avec Nour Al Sherif, Mervat Amine, Emad Hamdi
Hassan, un ancien soldat (Il a fait la guerre d'octobre et celle du Yemen.) qui travaille en tant que chauffeur de bus, lutte pour sauver la petite entreprise de son père. Son épouse décide de vendre ses bijoux afin d'acheter un taxi qui pourrait les aider à augmenter leurs revenus.
Dans la liste des quinze meilleurs films égyptiens de tous les temps, le Chauffeur de Bus occupe la cinquième place.


73) Al-Afocato (L’Avocat, 1984, Raafat El-Mihi)
الافوكاتو


Avec Adel Imam, Yousra, Essaad Younes
Les relations entre un avocat, un juge, un policier et un professeur illustrent les faiblesses d'une société où la loi n'a que faire de la justice. L'Avocat fut distribué par la société de Youssef Chahine "Misr International Film". Celui-ci fut poursuivi pour avoir diffusé un film qui "calomnie" le monde judiciaire.


74) Hata la Yatir Al-Dukhan (Pour que la fumée ne s’envole pas, 1984, Ahmed Yehia)
حتى لا يطير الدخان


Avec Adel Imam (Fahmy Abdel Hamid), Alia Ali (la mère de Fahmy), Soheir Ramzi (Sonia, la femme de chambre), Alsayed Talib (Mahrous, le restaurateur trafiquant de drogue), Fakry Abaza (Medhat Shalaby), Youssef Fawzi (Kamal), Sanaa Chafie (Raouf), Nadia Arslan (Rhaira), Mahmoud Rashad (le père de Rhaira), Nagwa Al Mogy (Lola)
Scénario : Mostafa Moharam d’après une histoire de l’écrivain Ihsan Abd al-Qudus (1929–1990)
Musique : Gamal Salamah
Fahmy Abdel Hamid a quitté son village pour faire des études de droit au Caire. Il devient l’ami de jeunes gens qui sont issus d’un milieu beaucoup plus aisé que le sien. Il ne tarde pas à tomber amoureux de la sœur de l’un d’entre eux. Il aimerait bien l’épouser mais la jeune fille se moque de lui quand elle découvre qu’il porte les vieux habits de son frère. Peu après la mère de Fahmy tombe malade. Sonia, la femme de chambre de la pension dans laquelle il réside, lui propose aussitôt son aide. En revanche ses nouveaux camarades n’ont aucune compassion. Ils refusent de lui prêter l’argent nécessaire à payer l’opération qui sauverait sa mère. Cette dernière meurt. Fahmy décide de se venger…





mardi 6 mai 2014

Danse : Taheya Carioca, 1936

تحية كاريوكا 



Cette photo est extraite du Le Haffir du Quartier (Khafir al Dark, 1936), un film de Togo Mizrahi avec en vedette, l'acteur comique Ali Al Kassar. Taheya Carioca a vingt et un ans. Sa contribution se réduit à cette apparition dans une courte scène. Sa première expérience cinématographique date de l'année précédente : c'était dans le Docteur Farhat de ce même réalisateur.
On lit sur un grand nombre de sites qu'en 1936 Taheya Carioca aurait dansé pour le roi Farouk à l’occasion du mariage de celui-ci. On retrouve cette information dans le très sérieux Al-Ahram « In 1936 she danced in King Farouk's wedding procession ». Il y  a un petit problème : le mariage du roi Farouk a lieu en 1938. En 1936, il a 16 ans et il succède à son père qui est mort en avril (son couronnement n'aura lieu que l'année suivante.). Il semblerait que c’est le grand Edward Said qui soit à l’origine de cette erreur dans son article "Homage to a Belly Dancer." London Review of Books. 12.17 (1990) : "Um Kalthoum performed at King Farouk’s wedding in 1936, and the lavish party was also Tahia’s debut."

vendredi 2 mai 2014

Le tintement du khoulhal (Ranit Al-Khulkhal, 1955)

رنة الخلخال
 إخراج: محمود ذو الفقار


 

Mahmoud Zulficar a réalisé Le Tintement du Khoulhal en 1955.
Distribution : Berlanty Abdel Hamid (Lawahiz), Mariam Fakhr Eddine (la femme d'Hassan), Zeinat Olwi (danseuse), Chukry Sarahn (Hassan), Abdel Wares Asr (Abou Hassan), Negma Ibrahim (Oum Badoui), Mohamed El Thoukhy (le beau-père d'Hassan)
Scénario : Amin Youssef Ghorab et Mahmoud Zulficar
Musique : Sayed Mostafa, Ahmed Sabra, Abdel Halim Noweira, Fathy Qoura
Production : Mariam Fakhr Eddine


Berlanty Abdel Hamid

















Mariam Fakhr Eddine

















Chukry Sarhan, Berlanty Abdel Hamid, Abdel Wares Asr

















Negma Ibrahim


















Résumé

Hassan travaille dans la boulangerie de son père. C’est un commerce très prospère. Abou Hassan est un homme très pieux et charitable. Un jour, des enfants du quartier lui signalent qu’une jeune fille vit dans la rue. Elle s’appelle Lawahiz. Abou Hassan la recueille chez lui. Apitoyé par son histoire, il l’embauche comme domestique. Lawahiz entreprend de séduire le vieil homme, tant et si bien qu’il finit par l’épouser. Mais la jeune femme est tombée amoureuse de son beau-fils. Dès qu’elle est seule avec lui, elle joue de tous ses charmes et lui fait des avances de plus en plus explicites. Hassan n’est pas insensible au manège de sa belle-mère et plus d’une fois, il est à deux doigts de succomber. Abou Hassan comprend la situation. Il décide de marier son fils avec la fille d’un ami. Lors du mariage, Lawahiz ne cache pas sa fureur. Malgré l’arrivée de la jeune épouse dans la maison, elle reprend de plus belle ses provocations à l’égard d’Hassan. Ce dernier, déçu par l’excessive pruderie de sa femme, est de plus en plus attiré par le corps voluptueux de sa belle-mère. La situation change radicalement quand le médecin annonce au jeune homme qu’il sera bientôt père. Désormais, il se consacre entièrement au bien-être de la future maman et oublie Lawahiz. Mais cette dernière ne s’avoue pas vaincue. Elle prétend qu’elle aussi est enceinte et pour donner plus de crédibilité à son mensonge, elle soudoie Oum Badoui, la gouvernante chargée de veiller sur sa rivale. Officiellement, les deux accouchements auront lieu en même temps. Quand s’approche le terme de la grossesse; Lawahiz charge la vieille femme de trouver un nouveau-né. Celle-ci s’exécute et en rapporte un qu’elle cache dans sa chambre. Mais le nourrisson meurt aussitôt tandis que les cris de joie annoncent la naissance du fils d’Hassan. Dans l’agitation qui suit, Oum Badoui parvient à substituer l’enfant mort à l’autre qu’elle remet à Lawahiz. C’est au tour de la belle-mère de manifester sa joie tandis que les deux autres parents sont terrassés par le chagrin. Au fil des mois, la vie reprend son cours à la boulangerie mais les choses se compliquent pour Lawahiz : Oum Badoui la fait chanter et demande de plus en plus d’argent pour prix de son silence. Les deux femmes ont une dernière conversation sur le palier du premier étage de la maison. Lawahiz tient dans ses bras « son fils ». Son interlocutrice réitère ses menaces. Dans un coup de folie, la jeune femme la pousse violemment contre la balustrade qui cède. Oum Badoui fait une chute de plusieurs mètres mais avant de mourir elle révèle tout à Hassan. Lawahiz, comprenant qu’elle va tout perdre, jette l’enfant dans le vide mais celui-ci est récupéré in extremis par son vrai père.


Critique

Un excellent film dans la veine réaliste qui se développa après la révolution de juillet 1952 grâce notamment à l’abrogation de la loi sur la censure de 1947. Dans l’esprit des nouveaux dirigeants du pays, il s’agissait d’encourager un renouveau de l’industrie cinématographique qui jusqu’alors se contentait d’exploiter les genres traditionnels dont le public égyptien s’est toujours montré friand : le mélodrame, la comédie et la comédie musicale.
Le Tintement du Khoulhal est une fable sur la cupidité, la faim et le désir qui rendent fou . Une femme qui vit dans un dénuement complet s’introduit dans le monde prospère de deux boulangers père et fils. Le premier se consacre entièrement à la religion tandis que le second a repris les rênes de l’entreprise familiale et travaille jour et nuit. Une fois dan la place, la jeune femme veut tout : le pain, la boutique, le père, le fils. Et quand apparaît dans la maison l’épouse du plus jeune, son avidité destructrice redouble d’intensité.
La dernière partie du film est particulièrement réussie. Le spectateur est tenu en haleine par la folie meurtrière qui emporte la jeune femme et la gouvernante qu’elle a soudoyée. Dans le rôle de cette dernière, Negma Ibrahim impose sa présence angoissante que l’on avait découverte dans Raya et Sakina.
On notera les nombreuses similitudes, grandes et petites, entre Le Tintement du Khoulhal et la Sangsue de Salah Abou Seif, tournée un an plus tard. Difficile de croire que ce dernier n’ait pas pensé au film de Mahmoud Zulficar en réalisant le sien.

Ce qui frappe dans ces films réalistes d’après révolution, c’est leur pessimisme. On retrouve ce paradoxe en France, à l’époque du front populaire avec l’essor d’un cinéma réaliste d’une extrême noirceur.

Appréciation : 4/5
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin