أين المفر ؟ﺇﺧﺮاﺝ: حسين عمارة
Hussein Emara a réalisé
Où Fuir ? en 1977.
Distribution : Mahmoud Yassin (Ali), Soheir Ramzy (Layla), Mohamed Subhi (Abbas), Mimi Gamal (Salwa), Sayed Abdel Ghani (Samir), Aziza Helmy (la mère d’Ali), Abdallah Farghaly (Mansour), Farouk Youssef (Hamido), Fakry Abaza (Shawki), Fifi Youssef (la mère de Layla), Hussein Orabi (docteur Ibrahim), Abdel Moneim El Marsafy (Suleiman)
Scénario : Hussein Emara et Mostafa Moharam
Production : les Films Mohamed Emara
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Soheir Ramzy |
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Mahmoud Yassin |
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Sayed Abdel Ghani |
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Aziza Helmy et Mahmoud Yassin |
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Mahmoud Yassin et Soheir Ramzy |
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Mimi Gamal |
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Farouk Youssef et Mohamed Subhi |
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Abdallah Farghaly et Mohamed Subhi |
Résumé
Ali Abdel-Ghaffar est professeur à la Faculté d’Agriculture. Il se rend à l’aéroport pour accueillir son collègue Samir qui rentre d’une mission à l’étranger. Samir est accompagné de sa femme Salwa. Ali n’a jamais beaucoup apprécié la compagne de son ami. L’attitude très libre de celle-ci choque ses valeurs conservatrices. A l’aéroport, il fait la connaissance de Layla, une grande amie de Salwa qui a tenu elle aussi à accueillir le couple. Après cette première rencontre, il faut très peu de temps pour que Layla et Ali se retrouvent mari et femme. Mais entre les deux tourtereaux, les premières tensions ne tardent pas à faire leur apparition. Ali ne goûte guère le comportement en public de sa femme. Elle fréquente toujours le même groupe d’amis qui affichent en paroles et en actes une liberté, une audace qui déplaisent foncièrement à Ali. Quand ils vont en boîte, Ali refuse qu’elle danse avec d’autres hommes. Et il n’apprécie pas non plus les tenues qu’elle arbore au sein de leur club. Un jour, alors qu’elle joue au tennis, Ali surprend une conversation entre deux inconnus. Ils commentent de manière trop élogieuse les formes de sa femme mises en valeur par une jupe très courte et un sweatshirt moulant. Cela met Ali hors de lui. Quand il se retrouve tous les deux, l’ambiance devient irrespirable. Layla ne supporte plus la jalousie de son mari et Salwa l’encourage à rompre. Layla se réfugie chez sa mère.
Pour sauver son couple, Ali a une idée. Avec l’autorisation de son président, il part en mission dans un endroit reculé près d’Alexandrie pour y étudier la nature des sols. Layla accepte de l’accompagner. Ils résideront dans une villa isolée au bord de la mer. Dans cet environnement estival, leur amour semble renaître. A leur service, il y a un jeune homme, Abbas, plein de bonne volonté malgré son léger handicap physique et intellectuel. Abbas se rend souvent dans le village voisin où il retrouve ses deux amis, Hamido, le vendeur de journaux et Mansour, le projectionniste du cinéma de la commune. Ensemble, ils passent leurs soirées à boire de l’alcool pour tromper leur ennui.
Dans sa nouvelle maison, Layla commence à trouver le temps long. Ali est accaparé tout le jour par ses recherches loin de chez eux. Abbas est donc la seule compagnie de la jeune femme. Avec lui, elle s’occupe de son intérieur, joue au ballon dans le jardin ou bien va sur la plage. Si Layla n’éprouve aucune attirance pour Abbas, il n’en est pas de même pour le jeune homme. A force de côtoyer cette jeune femme séduisante, arborant toujours des tenues légères ne cachant rien de son anatomie avantageuse, il a fini par ressentir sinon de l’amour, du moins un désir sans cesse croissant. Le jour où elle s’est intéressée à son apparence en lui prodiguant des conseils pour être plus séduisant, Abbas a cru qu’elle était attirée par lui. Il est vrai qu’entre eux, la complicité est devenue totale.
Un soir, Laya a une heureuse surprise : tous leurs amis du Caire sont venus faire la fête dans leur villa. On danse, on chante, on boit et on flirte. Si Ali reste très en retrait devant le spectacle de tous « ces excès », Layla ne cache pas sa joie de pouvoir de nouveau s’amuser. Abbas lui aussi se mêle aux invités et boit sans mesure. Ali finit par intervenir et lui ordonne de retourner dans sa chambre. Abbas, la mort dans l’âme, obéit.
Le lendemain matin, tous les convives repartent pour Le Caire tandis qu’Ali prend la direction de son lieu de travail. Après avoir fumé et bu avec ses deux amis, Abbas rentre à la villa où il retrouve Layla. Le jeune homme finit par tenter le tout pour le tout : il embrasse celle qu’il désire depuis si longtemps mais elle le repousse et le gifle violemment. Abbas se confond en excuses et Layla lui promet de ne rien dire à son mari.
Ali veut mettre terme à sa mission, il comprend que maintenir sa femme dans une telle solitude finira par avoir raison de leur couple. Il se rend au Caire pour accomplir toutes les formalités nécessaires à leur retour. Il retrouve son ami Samir et il est avec lui quand celui-ci reçoit un coup de téléphone lui révélant que sa femme lui est infidèle. Accompagné d’Ali, il retourne à son appartement où il surprend Salwa et son amant.
Pendant ce temps-là, la villa s’apprête à être le théâtre d’un drame. Les deux amis d’Abbas ont décidé d’aider leur camarade à se venger. Layla est dans la salle de bain quand la sonnerie du téléphone retentit. Quand elle se rend au salon pour répondre, elle voit deux hommes grimaçant à sa fenêtre. Prise de peur, elle appelle Abbas qui apparaît et se jette sur elle. Elle parvient à décrocher le téléphone : au bout du fil, c’est Ali. Il entend les hurlements de sa femme. il reprend aussitôt la route et fonce vers la villa. Layla est parvenue à se débarrasser d’Abbas mais ses deux compagnons se sont introduits dans la maison. Ils l’entraînent dans la chambre et la violent.
Pris de remords d’avoir laissé ses deux compères abuser de sa patronne tant aimée, Abbas les tue à coups de carabine puis se noie dans la mer. Quand Ali arrive enfin chez lui, il découvre sa femme, toujours vivante mais le corps ensanglanté.
Critique
Avec Où Fuir ?, Hussein Emara a voulu faire un film ambitieux qui embrasserait les grands problèmes moraux de son époque : le conflit entre modernité et valeurs traditionnelles ; les relations compliquées entre hommes et femmes avec un machisme vacillant sous les coups d’un féminisme naissant ; les relations tendues entre les classes sociales ; la question de la sexualité dans la société égyptienne des années soixante-dix avec ce tableau contrasté : libération dans les classes aisées, frustration dans les classes plus modestes.
Même si la mise en scène n’est pas toujours à la hauteur de l’ambition, reconnaissons à ce film le souci de présenter honnêtement tous les aspects des problèmes évoqués, sans parti pris et sans apriori. Le dénouement d’ailleurs reste d’une grande ambiguïté et c’est en cela qu’il est intéressant. Il semble dans un premier temps pencher du côté d’une morale conservatrice : le collègue d’Ali découvre que la liberté qui régnait au sein de son couple a fait son malheur puisque sa femme le trompe. Dans un deuxième temps, la dernière séquence semble accabler le mari conservateur qui en voulant garder pour lui sa femme l’a jetée dans les griffes de deux violeurs. En fait, Hussein Emara ne propose aucune morale définitive car il est un observateur avant d’être un moraliste.
Le réalisateur s’intéresse à une classe sociale qui a profité comme d’autres de l’ouverture de la société sous le règne d’Anouar El Sadate. Les personnages d’Où Fuir ? appartiennent à la bourgeoisie intellectuelle. Ils sont assez proches de ceux que l’on retrouve à la même époque dans les films du réalisateur français Claude Sautet. Ce sont des personnages qui ont réussi leur vie professionnelle, qui sont bien insérés dans la société mais qui sont confrontés à des problèmes de couple, à des problèmes personnels. Ils sont plongés dans des situations qui les fragilisent et certains d’entre eux, ont la sensation angoissante qu’â tout moment leur univers confortable peut vaciller.
Ali, le héros de Où Fuir ? est un universitaire brillant qui reste pourtant attaché à certaines valeurs et il condamne la libération des mœurs qu’il voit se répandre tout autour de lui. Ali est en fait la réplique moderne d’Alceste, le personnage principal du Misanthrope de Molière : même dégoût de ses contemporains, même désir de fuir la société corruptrice, même raideur morale, mais aussi même ambivalence à l’égard de la femme aimée : Ali comme Alceste condamne sa « coquetterie » alors que c’est sans doute cette « coquetterie » qui a séduit et continue de séduire l’un et l’autre. Quand se termine le film, la question posée par le titre n’a pas trouvé de réponse définitive. Encore quelques années et sans doute qu’Ali opterait pour la voie religieuse, comme bon nombre de ses contemporains.
Quant au personnage d’Abbas, disons d’abord que c’est une copie fidèle de Kenawi, le héros de Youssef Chahine dans Gare Centrale (1958). On a dans les deux œuvres, un homme disgracieux, légèrement infirme qui est obsédé par l’amour et le sexe au point de tapisser sa chambre d’images féminines. Il devient passionnément amoureux d’une femme très désirable et la frustration sexuelle le conduira à envisager le pire. Hommage ou plagiat ? Peu importe car ce personnage d’Abbas est vraiment le point faible du film. Dans de nombreuses productions des années soixante-dix dès qu’il s’agit d’évoquer un individu handicapé ou fou ou simplement marginal, les acteurs adoptent un jeu outré et caricatural parfois pénible à voir. C’est le cas ici avec ce personnage grotesque joué par Mohamed Subhi. La chronique sociale verse alors dans le Grand Guignol et c’est bien dommage !
Appréciation : 3/5
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Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin