Mohamed Karim est né le 8 décembre 1896 au Caire. Juste après la première guerre mondiale, il voyage en Italie et en Allemagne, notamment pour étudier l’art cinématographique. De retour en Egypte, il se lance dans la réalisation et devient une figure majeure du septième art égyptien où en ce début des années trente, il faut tout construire, tout inventer.
Il réalise en 1930 Zeinab, le premier long métrage entièrement égyptien. Le film est produit par Youssef Wahbi qui venait de créer sa société de production, les Films Ramsès.
Toujours avec Youssef Wahbi, il tourne en 1932 Fils d’Aristocrates, l’un des premiers films parlants égyptiens.
C’est encore lui qui réalise en 1934 La Rose Blanche, la première comédie musicale en langue arabe. Ce film dont le héros est incarné par le musicien Mohamed Abdel Wahab connaîtra un succès considérable dans tout le monde arabe.
Puis en 1956, Mohamed Karim signe le premier film arabe en cinémascope. C’est une comédie musicale intitulée Dalila, avec dans le rôle principal, le chanteur Abdel Halim Hafez.
De 1957 à 1967, il dirige l’Institut Supérieur du Cinéma du Caire.
Cinq films de Mohamed Karim ont fait l'objet d'une présentation dans ce blog :
La Rose Blanche (Al-Warda Al-Bida, 1933)
avec Mohamed Abdel Wahab, Samira Kholoussi, Soliman Naguib, Mohamed Abdel Quddus, Dawlat Abyad, Zaki Rostom, Riad El Sonbati, Tawfiq Al Mardanli
Scénario et dialogues : Tawfiq Al Mardanli et Soleiman Naguib
Paroles des chansons : Ahmed Rahmi
appréciation : 3/5
Raga, une jeune fille, s’ennuie dans la grande demeure bourgeoise où elle vit avec son père, Ismael Bey et sa belle-mère. On la voit jouer avec son chat et danser sur un air d’accordéon. Sa belle mère fait irruption dans la pièce et éteint la radio : elle interdit la musique occidentale dans sa maison.
Un jeune homme se présente à la porte. Il est reçu par le père de Raga. C’est Galal Effendi, le fils d’un couple d’amis aristocrates, morts récemment après avoir dilapidé leur fortune. Le pauvre orphelin doit abandonner ses études pour travailler et il est venu demander son aide à Ismaël Bey. Celui-ci lui propose de devenir l’assistant de son gestionnaire. Galal accepte avec joie. Sa tâche consistera à récupérer les loyers impayés des nombreux appartements que possède Ismaël Bey.
Le jeune homme fait la connaissance de Raga au retour de sa première tournée. Alors qu’il franchit le portail de la demeure de son bienfaiteur, la jeune fille descend en courant le monumental escalier du perron. Le fil de son collier rompt et les perles se répandent tout alentour. Galal aide Raga à les récupérer. Dès le premier regard échangé, c’est le coup de foudre.
Amour Interdit (Mamnou Al Hob, 1942)
avec Mohamed Abdel Wahab, Ragaa Abdo, Hassan Kamel, Abdel Wares Asar, Aziza Badr, Zinat Sedki, Thuraya Fakhry
Une histoire d’Abbas Allam
Scénario : Mohamed Karim
Musique : Aziz Sadek, Mamoun Al Shinnawi, Mohamed Abdel Wahab, Hussein El Sayed
appréciation : 4/5
Aziz est un jeune homme qui mène une vie mondaine très intense, entouré de nombreux amis. Un jour, il reçoit un télégramme lui annonçant la mort de son père. Dans le train qui le conduit au village où réside sa famille, il rencontre Fakria une jeune fille qui elle aussi doit retrouver les siens à cause du décès soudain de son père. Au fil de la conversation, ils découvrent qu’ils habitent dans le même village et que le père de chacun était le plus grand ennemi de l’autre.
En arrivant à destination, les deux jeunes gens s’aperçoivent que les deux chefs de famille sont bien en vie et qu’ils ont été les victimes d’une mauvaise plaisanterie.
Si dès le début, Aziz exprime son souhait que les deux clans se réconcilient, Faakria semble partager la haine de ses parents. Il n’empêche qu’entre les deux héros, l’amour apparaît. Aziz finit par proposer le mariage à Faakria. Il est persuadé que cela permettra aux deux familles de se réconcilier.
La Folie de l’Amour (Gounoun al hob, 1954)
avec Raqiya Ibrahim (Nadia et Soheir), Anwar Wagdi (docteur Hussein), Imad Hamdi (l’écrivain Mohamed Iman), Suleiman Naguib (le chef de gare), Abdel Wares Asr (Oncle Ibrahim), Ferdoos Mohamed (Oum Raouf), Hussein Asar (le gardien de la villa)
Scénario : Mohamed Karim et Abdel Wares Asr
Production : Ramses Naguib et Mohamed Karim
Drame. Nadia a tenté de se suicider en se jetant dans le canal. Elle raconte au docteur Hussein et à son ami Mohamed ce qui l’a conduite à ce geste désespéré. Cela remonte à l’enfance. Entre elle et sa sœur jumelle Soheir, les tensions sont apparues très tôt. Leurs parents manifestaient une affection beaucoup plus grande pour Nadia que pour Soheir. Cette dernière avait fini par croire que le monde entier la détestait. Et quand elles sont devenues des jeunes filles, les garçons qui courtisaient Soheir se détournaient d’elle dès qu’ils faisaient la connaissance de Nadia. Au fil des années, la rancœur de Soheir a viré à la haine et après la mort de leurs parents, elle a perdu toute mesure et s’est comportée comme un véritable tyran à l’égard de sa sœur. Le désarroi de Nadia n’a cessé de croître et son équilibre mental a été fragilisé par la situation. Elle a fini par croire que non seulement elle était responsable des malheurs de sa sœur mais qu’elle avait été la cause de la mort de ses parents…
Ce drame psychologique à la tonalité très hitchcockienne a été réalisé par Mohamed Karim, un cinéaste à qui l’on doit des films qui constituèrent des jalons essentiels dans l’histoire du septième art égyptien (Il a notamment tourné en 1932 la première comédie musicale égyptienne, « La Rose Blanche »..). « La Folie de l’Amour » est digne d’intérêt à plus d’un titre mais surtout parce c’est la dernière apparition au cinéma de l’immense actrice Raqiya Ibrahim. Après le tournage de ce film elle s’installera aux Etats-Unis et abandonnera sa carrière artistique. Comme le prouve cette ultime prestation sous la direction de Mohamed Karim, cette retraite (forcée ?) fut une grande perte pour le cinéma. Alors laissons de côté toutes les rumeurs et les polémiques qui ont accompagné son départ et admirons une dernière fois le talent de cette grande dame.
Dalila (1956)
avec Ferdoos Mohamed,
Shadia, Abdel Halim Hafez, Abdel Wares Asr, Rushdy Abaza, Zubaïda Tharwat,
Fawzia Ibrahim
Scénario : Ali Amin
Musique et chansons : Mounir Mourad, Mohamed Almogi, Kamal
Al Tawil, Hussein El Sayed
Dalila, premier film arabe en cinémascope reposant sur une
histoire conventionnelle de la comédie musicale égyptienne : le lutte d’un
jeune chanteur débutant qui rêve de connaître la gloire et qui pour cela doit
affronter de nombreux obstacles.
Le jour, Mahmoud travaille dans une boutique d’électricité
et le soir il chante et compose. Il tente de se faire connaître dans le milieu
musical mais sans succès pour l’instant. Heureusement, il n’est pas seul. Il
est soutenu par Dalila, sa jeune voisine. Elle l’aime et elle n’a de cesse de
l’encourager car elle est convaincue de son talent. Pourtant, Mahmoud est à
deux doigts de tout abandonner : il ne croit plus en la réalisation de ses
rêves de gloire. Mais un jour, il fait par hasard la rencontre d’une musicienne
qui est impressionnée par sa voix. Elle le met en contact avec un producteur
célèbre : sa carrière est enfin lancée ! C’est à ce moment-là qu’on apprend la
maladie de Dalila. Elle a la tuberculose et son traitement nécessite beaucoup
d’argent. Mahmoud consacre son temps et tous ses revenus à sa bien-aimée. Mais
cette situation est insupportable aux yeux de la jeune femme : elle comprend
que Mahmoud sacrifie sa carrière à son bien-être et à sa guérison. Elle
disparaît brusquement en laissant une lettre dans laquelle elle annonce son
suicide. Le jeune chanteur est effondré. Il se jette à corps perdu dans le
travail.
Un Cœur d’Or (Qalb Men Dahab, 1959)
avec Maryam Fakhr El-Din (Nadia Sadiq), Imad Hamdi (Dr. Adel Abdel Razek), Abdel Wareth Asar (Abdel Karim, le grand-père de Nadia), Ferdoos Mohamed ( la grand-mère de Nadia), Aziza Helmy (Bahija, la sœur du Dr Adel), Sabry Abdel Aziz (Zaki, l'ami d'Adel), Sanaa Jamil (Awsaf, l'amie de Nadia), Salah Al-Masry (le directeur de la société de transport), Badr Nofal (employé de la société de transport), Nazim Shaarawy (un enquêteur)
Scénario : Mohamed Karim et Abdel Wareth Asar
Production : Hassan RamzyNadia est une jeune fille active qui vit avec ses grands-parents. Elle est secrétaire de direction dans une société de transport. Un soir, elle rentre chez elle avec sa petite voiture alors que la pluie est de plus en plus intense. La visibilité est nulle et Nadia poursuit sa route avec de grandes difficultés. Soudain, elle a l’impression d’entrer en collision avec quelque chose. Elle sort de son véhicule pour savoir ce qu’elle a heurté. Elle ne voit rien er reprend le volant, rassurée. Ce n’est que le lendemain matin, une fois à son bureau qu’elle apprend par le journal la vérité : elle a écrasé l’épouse d’un médecin qui est morte sur le coup. Cette femme laisse derrière elle deux jeunes enfants. Nadia est effondrée. Elle décide de cacher sa responsabilité dans l’accident mais entreprend de venir en aide au veuf et aux deux orphelins…
Notre avis : c’est le dernier film que réalise Mohamed Karim, ce pionnier du septième art égyptien à qui l’on doit de grands classiques. En 1959, il abandonne la réalisation pour devenir le premier directeur de l'Institut supérieur du cinéma de Gizeh. « Un Cœur d’Or » est un drame un peu étrange, à la fois conventionnel et singulier. L’intérêt majeur du film repose sur le personnage de Nadia magnifiquement interprété par Mariam Fakhr Eddine qui n’a jamais été aussi belle. On suit avec une certaine fascination le cheminement chaotique de cette jeune femme naguère heureuse qui bascule brusquement dans la tragédie. En concevant ce projet un peu fou de remplacer auprès des siens la femme dont elle a provoqué la mort, Nadia devient une usurpatrice dont le spectateur attend fébrilement la chute inévitable.