mardi 31 janvier 2017

Le Voleur et les Chiens (El less wal kilab, 1962)


اللص والكلاب 
إخراج : كمال الشيخ


Kamal El Sheikh a réalisé Le Voleur et les Chiens en 1962.
D'après un roman de Naguib Mahfouz
Distribution : Chukry Sarhan (Saïd Mohamed Mahran), Shadia (Noura), Kamal Al Shennawi (Rauf Alwan), Zein El Ashmawy (Alish Sidra, l’ancien complice de Saïd), Salwa Mahmoud (Naboui, la femme de Saïd), Adly Kasseb (Cheikh Alarah), Salah Gaheen (le marhand de vin), Ikram Izou (Sana, la fille de Saïd), Salah Mansour (le compagnon de cellule de Saïd), Samia Mohamed (la voisine de Noura), Fifi Youssef (une prostituée)
Scénario : Sabri Ezzat
Musique : André Ryder
Chukry Sarhan

Kamal Al Shennawi

Kamal al Shennawi et Chukry Sarhan

Shadia

Kamal Al Shennawi

Zein Al Ashmawi

Salah Gaheen et Shadia

Shadia

Salwa Mahmoud


Résumé

Adapté de l'un des chefs d'oeuvre de Naguib Mahfouz. Une adaptation réalisée à peine un an après la parution du roman.
Said est un voleur. Il est marié et a une petite fille. Il ne sait pas qu’Alish, son associé, entretient une liaison avec sa femme. Lors d’un cambriolage, Alish téléphone au commissariat pour dénoncer Said. Quand ce dernier sort de la maison, il est accueilli par la police. Les juges le condamnent à cinq années de prison. Said sympathise immédiatement avec le détenu qui partage sa cellule. Il se confie et lui raconte comment il a débuté dans la délinquance. 
Il était chargé d’entretien dans une université. Un jour il est accusé d’avoir volé la montre de l’un des étudiants. Il nie mais on retrouve l’objet dans sa chambre. Raouf Elwan intervient et le sauve de ce mauvais pas. Raouf Elwan est un étudiant très brillant qui s’est pris d’affection pour Said. Il l’a incité à se cultiver et à lire des livres, il lui a inculqué sa philosophie : dans une société inégalitaire, le vol des riches par les plus pauvres est non seulement inévitable mais nécessaire. 
Said est libéré avant la fin de sa peine pour bonne conduite. Il retourne dans son quartier et se présente au domicile d’Alish et de son ex-femme. Il souhaite revoir sa fille mais celle-ci ne le reconnaît pas et prend peur quand il tente de l’embrasser. Bouleversé, Said renonce à faire valoir ses droits paternels. Il se rend chez son ancien protecteur, Raouf Elwan. Celui-ci est devenu un célèbre journaliste. Said lui demande de l’aider à trouver un emploi mais Raouf refuse. Pour se venger, la nuit venue, l’ancien voleur pénètre dans la luxueuse maison de son « ami ». Ce dernier le reçoit, pistolet à la main. Il le chasse mais ne prévient pas la police. 
Said voit régulièrement Nour, une prostituée qu’il connaissait avant son incarcération. Avec sa complicité, il vole la voiture de l’un de ses clients. Il en a besoin pour réaliser le projet qui le hante depuis des années : tuer son ex-femme et Alish. Une nuit, il se présente à la porte de son ancien appartement, brise la vitre et tire. Il ne sait pas que le couple avait déménagé. Il a tué le nouveau locataire. Raouf Elwan s’empare de l’affaire et compte l’exploiter pour accroître les ventes de son journal. Said s’est réfugié chez Nour. Malgré le crime qu’il a commis et la campagne de presse orchestrée contre lui par Raouf, il s’active toujours pour retrouver celui qui lui a volé sa femme et sa fille. Nour le supplie d’abandonner : elle ne veut pas le perdre. Mais Said s’obstine : cette vengeance est devenue une idée fixe. Un soir, Nour éprouve des douleurs intolérables à l’abdomen. Said doit chercher de toute urgence un médicament à la pharmacie. Le pharmacien le reconnaît. C’est ainsi que la police retrouve sa trace. Après une longue traque, Said est abattu sous les yeux de Nour.


Critique

Le Voleur et les Chiens est l’un des romans les plus célèbres de Naguib Mahfouz. Il date de 1961. C’est une œuvre très sombre. Le personnage principal est Saïd Mahrane, un voleur. Il a fait quatre ans de prison à cause de son complice qui l’a dénoncé à la police pour pouvoir lui ravir sa femme et sa fille. Après sa libération, ne sachant plus à quoi se raccrocher, Saïd tente de reprendre contact avec Raouf Elouane, l’intellectuel qui lui a enseigné la révolte contre cette société injuste. Désormais celui-ci est devenu une personnalité, il dirige un grand journal et a enterré tous ses idéaux de jeunesse. Il rejette son ancien disciple. Bref Saïd est seul et il ne souhaite plus qu’une chose : se venger de tous ceux qui l’on trahi. A travers ce destin tragique d’un homme qui a tout perdu et qui est emporté dans la spirale infernale du ressentiment et de la haine, Naguib Mahfouz fait un bilan désenchanté du régime nassérien. Dix ans que la révolution a eu lieu et les espoirs qu’elle avait fait naître ont été très vite déçus. Alors le peuple égyptien est retourné à ses vieux démons : le désespoir et le fatalisme.
Le film restitue de manière très fidèle l’esprit du roman de Naguib Mahfouz. Kamal Al Cheikh n’a pas tenté pour des raisons commerciales d’atténuer la noirceur du propos. Il a adopté une esthétique âpre, sans concession. Toutes les scènes baignent dans une atmosphère sinistre : souvent de nuit, dans des lieux fermés. En fait, le personnage principal semble aller de prison en prison et cette impression est renforcée par la présence constante de barreaux dans tous les lieux qu’il traverse : barreaux de lits, de portes d’entrée ou de fenêtres. Poursuivi pour un double meurtre, Saïd finira sa course bloqué dans une mosquée dont le gardien a fermé à clef la grille. Fait comme un rat, il meurt sous les balles des policiers.  Ainsi ce thriller qui use avec brio de tous les procédés du film noir américain rappelle aussi par le retour constant de certains thèmes l’univers de Kafka, parenté qui devient explicite (un peu trop ?) dans la scène fantasmée du procès.
A l’aube des années soixante, Kamal Al Cheikh choisit d’adapter une œuvre dont les deux héros sont un criminel et une prostituée. C’est déjà un véritable révolution pour l’époque mais ce qui fait la grande modernité de l’œuvre, c’est le regard que porte le réalisateur sur ses deux personnages : aucun jugement, aucune condamnation morale. Concernant le personnage de Saïd, il se contente d’en souligner la complexité : à la fois victime (il a été dénoncé, trahi, abandonné, manipulé) et bourreau (il n’éprouve aucun remords quand il tue par erreur des innocents). Mais ce qui sauve celui-ci de l’abjection, c’est sa grande naïveté : il croit en la justice et en la générosité sans voir que ces valeurs n’ont plus cours dans l’Egypte post-révolutionnaire. Il y a aussi une tendresse évidente du cinéaste pour Nour la prostituée qui croit enfin le bonheur à portée de main avant que tout s’écroule (Ironie : Nour signifie lumière en arabe !). De toute manière, elle et son compagnon étaient condamnés d’avance : ils ne sont pas faits pour cette société qui protège les corrompus mais qui n’a aucune pitié pour les plus faibles. Le Voleur et les Chiens est donc à la fois un thriller, une tragédie et un réquisitoire.
Un dernier mot concernant l'interprétation : Shadia et Shukry Sarhan sont deux acteurs exceptionnels. Dans ce film, ils en font la démonstration éclatante.

Le roman de Naguib Mahfouz a aussi fait l'objet d'une adaptation pour une série télévisée en 1975.

Appréciation : 5/5
*****

Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

mercredi 25 janvier 2017

Nuit Egyptienne à Saint-Denis (93)

 انت حبيبي
 إخراج: يوسف شاهين

Après la Soirée Egyptienne du Louxor, le 13 janvier dernier, voici la Nuit Egyptienne de l'Ecran à Saint-Denis.
Ci-dessous, une annonce parue sur la page Facebook de la société "Films Regent Archives Jacques Haïk" dirigée par notre ami Jean-Marie Bonnafous.
Toutes les informations et plus à cette adresse : Films Regent Archives Jacques Haïk


Enta Habibi de Youssef Chahine (1957)  avec Farid Al Atrache, Shadia, Hind Rostom, Abdel Salam Al Nabulsi, Mimi Chakib, Serag Mounir, Abdel Moneim Ibrahim
CINEMA " L'ECRAN"
ART & ESSAI de la ville de Saint-Denis 93200
Vendredi 3 février 2017 20h

mercredi 18 janvier 2017

24 Heures d'Amour (24 saaha hob, 1974)

٢٤ساعة حب
إخراج : أحمد فؤاد





















Ahmed Fouad a réalisé 24 heures d'amour en 1974.
Distribution : Zizi Al Badraoui (Laïla), Adel Imam (Ahmed), Soheir Ramzy (Mona), Samir Ghanem (Samir), Mohie Ismaïl (le voisin célibataire), Lebleba (Amira), Hassan Youssef (Sherif), Sayed Zayan (le notaire), Nabila El Sayed (la mère d’Amira), Aziza Helmy (la mère de Sherif), Khadiga Mahmoud (la servante), Mohamed Reda (le chauffeur)
Scénario : Farouk Saïd
Musique : Fathy Qoura, Ali Ismaïl, Lebleba
Production : Al Masry Films

Zizi Al Badraoui

Soheir Ramzy

Adel Imam et Zizi Al Badraoui

Soheir Ramzy

Adel Imam et Mohie Ismaïl

Samir Ghanem et Lebleba

Samir Ghanem et Lebleba

Soheir Ramzy et Hassan Youssef

Soheir Ramzy et Hassan Youssef

Adel Imam et Hassan Youssef


Sayed Zayan


Résumé

Après six mois passés en mer, trois officiers de marine rentrent chez eux pour un jour de congé. Mais, au lieu de les accueillir avec amour et tendresse, leurs compagnes les fuient car elles sont persuadées qu’elles ont été trompées durant une si longue séparation. Les trois marins ont vingt-quatre heures pour retrouver leurs bien-aimées et jouir enfin du repos du guerrier.


Critique

 Quand on se penche sur les comédies des années soixante et des années soixante-dix on est étonné de constater à quel point le sexe est au centre des intrigues. En fait la comédie tout public des années cinquante (notamment autour de la figure de Ismaël Yassin) a laissé la place à des productions destinées à un public plutôt adulte. Le plus souvent, elles mettent en scène des couples modernes, exclusivement citadins, qui ont des problèmes de couples modernes. La famille élargie (grands-parents, oncles, cousins) reste au second plan et même peut disparaître totalement. D’un point de vue sociologique, cela constitue un progrès indéniable car c’est dans ce cadre restreint, loin du regard des parents, que la femme peut jouir d’un statut égal à celui de son partenaire, notamment sur le plan sexuel. Comme nous le montre Naguib Mahfouz dans sa trilogie du Caire, la sexualité dans la famille traditionnelle est le monopole du père. Celui-ci s’adonne à l’amour physique de manière intensive mais toujours hors du foyer conjugal avec les prostituées des maisons closes qu’il fréquente. La mère de famille après avoir donnée naissance aux héritiers est donc ravalée à la position d’une vieille domestique que son maître ne remarque même plus. A partir des années soixante, on voit se multiplier les films et les romans dans lesquels les jeunes filles se rebellent contre cet ordre traditionnel qui ne fait aucun cas de leurs aspirations et de leurs désirs. Et souvent, elles finissent par triompher. Au début des années soixante-dix, on a l’impression que les auteurs et les scénaristes considèrent que la révolution a eu lieu, que le vieux monde est mort et que désormais les individus jouissent des mêmes droits quelque soit leur sexe. Evidemment, l’histoire montrera que ce fut une belle illusion.
Et justement, ces 24 heures d’amour reposent sur cette illusion. Nous avons trois couples dans lesquels les femmes sont des êtres libres (elles disposent de leur temps comme elles l’entendent), autonomes (elles travaillent) et épanouies (leurs professions respectives leur permettent d’avoir des relations sociales nombreuses et diversifiées). Elles croient que leurs maris leur ont été infidèles et pour se venger, elles n’hésitent pas à entamer une grève du sexe, à la manière des personnages d’Aristophane dans Lysistrata (C’est parfois en s’inspirant de l’antiquité que la modernité triomphe de la tradition !). Les hommes ne savent plus que faire pour reconquérir leurs compagnes. Ils ont bien compris que toute manifestation d’autorité rendrait encore plus improbable une éventuelle réconciliation. Alors, ils trépignent, supplient et courent avec l’énergie du désespoir après leurs bien-aimées qui se dérobent sans cesse à leurs embrassements. Dans son genre, 24 heures d’amour a un petit côté anti-macho presque féministe.
Mais après toutes ces considérations, il est temps de passer à la seule question qui compte : que vaut cette comédie sur le plan artistique ?
Les images du générique du début sont accompagnées par une musique guillerette interprétée au kazoo. C’est à peine supportable et on se dit : tiens, encore un navet ! Et puis, progressivement, on comprend que le film vau mieux que cette entrée en matières. Bien sûr, le déroulement de l’intrigue est assez classique, pas de suspens, pas de surprise. On se doute que les six personnages finiront par se réconcilier et que l’union charnelle tant attendue aura bien lieu (hors caméra !). Mais le rythme de la comédie est vif, sans temps morts. Le spectacle des trois hommes plongés dans les affres de la frustration sexuelle est souvent fort drôle. Des trois couples, c’est celui formé par Hassan Youssef et Soheir Ramzy qui est au centre de la comédie. On les retrouve dans les scènes les plus osées du films, l’un et l’autre faisant preuve d’une énergie et d’une sensualité que les autres acteurs ont bien du mal à égaler. Notons enfin, que le mauvais goût des tenues portées par Soheir Ramzy est véritablement jubilatoire ! Durant la fête improvisée chez Mona (le personnage incarné par Soheir Ramzy), on peut entendre Sex Machine de James Brown : voilà un choix judicieux pour cette comédie érotique furieusement seventies !

Appréciation : 3/5
***
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin

lundi 9 janvier 2017

Soirée Egyptienne au Louxor, palais du cinéma

انت حبيبي
إخراج: يوسف شاهين


Vendredi 13 janvier, Nuit Egyptienne au Louxor, palais du cinéma (170, boulevard Magenta - 75010 Paris) 

En partenariat avec Louxor - Palais du Cinéma, l'Institut des Cultures d'Islam, le PCMMO - Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient et du distributeur FILMS REGENT ARCHIVES JACQUES HAÏK

Projection d'Enta Habibi (C'est toi mon amour), une comédie musicale de Youssef Chahine (1957) avec Farid Al Atrache, Shadia, Hind Rostom, Abdel Salam Al Nabulsi, Mimi Chakib, Serag Mounir, Abdel Moneim Ibrahim

Cette comédie musicale raconte l’histoire de Farid et Yasmina, deux cousins poussés par leurs familles à se marier afin de cumuler les héritages. Tandis que lui fréquente la danseuse du ventre Nana, Yasmina s’entiche de Sensen, un riche propriétaire pétrolier. Tous deux se détestent et multiplient les ruses pour échapper à la volonté de leurs familles…

La projection sera suivie de la présentation du livre La sortie au cinéma, Palaces et ciné-jardins d’Egypte, 1930-1980 en présence de l’auteure, Marie-Claude Bénard, professeure de philosophie et de cinéma.

Hind Rostom

Shadia et Farid Al Atrache

Shadia

lundi 2 janvier 2017

Sherif Arafa et Adel Imam par Cinematology

سينماتولوجي



Mohamed Abou Soliman consacre sa douzième vidéo au cinq films réalisés dans les années 90 par Sherif Arafa avec en vedette Adel Imam. Le scénario de chacun de ces films est signé Wahid Hamed. 

 

Jouer dans la Cour des Grands (Allaeb ma'a alkebar, 1991)

Terrorisme et Kebab (Al-irhab wal kabab, 1992)

L'Oublié (El Mansy, 1993)

Les Oiseaux des Ténèbres (Toyour elzalam, 1995)

Sommeil dans du Miel (El Noom fi el Asal, 1996) 



 


 

 

Une bonne nouvelle pour les amoureux du cinéma égyptien non arabophones : les six premières vidéos de Cinematology sont disponibles en version sous-titrée sur Youtube.