الارهاب والكباب
إخراج: شريف عرفة
Sherif Arafa a réalisé Terrorisme et Kebab (Al-Irhab Wa Al-Kabab) en 1992.
Distribution : Adel Imam (Ahmed Fatah Al Bab), Kamal Al Shennawi (ministre de l’intérieur), Nagy Saad (le général adjoint du ministre de l’intérieur), Yousra (Hind), Ahmed Rateb (Shalabi), Mohamed Youssef (un employé), Ashraf Abdel Baky (Hilal), Alaa Wali El Din (Samir), Hamdi Youssef (le premier ministre), Nasser Chahine (un militaire), Alaa Morsi (un militaire), Mohamed Sabri (l’enfant), Enam Salosa (un agent administratif), Magda Zaki (Mounira, la femme d’Ahmed), Aïcha El Kilany (la mère de l’enfant), Fouad Farghaly (le directeur de la sécurité), Gamal Hussein (un agent de sécurité)
Scénario : Wahid Ahmed
Musique : Modi El Emam
Production : Essam Imam (le frère d’Adel Imam)
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Yousra et Adel Imam |
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Ahmed Rateb |
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Adel Imam et Ahmed Rateb |
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Kamal Al Shennawi |
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Adel Imam |
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Ahmed Abo Abeya |
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Kamal Al Shennawi |
Résumé
Ahmed, un citoyen ordinaire
souhaite que ses enfants change d’école. Pour cela, il doit
se rendre au Mogamma, le bâtiment qui regroupe
tous les services administratifs du Caire.
Malheureusement, l’employé chargé des
inscriptions scolaires est absent. Ahmed
revient le lendemain mais le fonctionnaire
n’est toujours pas à son poste.
Prenant son mal en patience,
le brave citoyen se présentera au bureau le
jour suivant puis les autres jours. En vain. Les collègues de l’employé lui
donnent à chaque fois une explication différente à ces absences répétées :
tantôt, il est en vacances, tantôt il est aux toilettes. En errant dans les
couloirs encombrés du Mogamma, Ahmed fait la connaissance d’un cireur de
chaussures qui lui révèle que l’employé qu’il recherche est souvent absent car
il a pris pour habitude de se rendre aux toilettes dans un autre établissement gouvernemental.
Ahmed commence à avoir des soucis avec son
patron qui lui reproche son manque d’assiduité. Ahmed essaie de lui expliquer
la situation. L’homme ne veut rien savoir. Ahmed n’en peut plus.
Il se rend encore une fois au Mogamma
et constatant à nouveau l’absence de l’employé
il s’en prend violemment à ses deux collègues. Les gardes interviennent. Dans
la confusion, Ahmed s’est emparé de l’arme de l’un d’eux . Par inadvertance, un
coup part. Personne n’est blessé mais la panique est générale. . A l’étage où
se trouve notre héros,
les personnes présentes
sont convaincues que celui-ci est un terroriste et qu’il les a prises en otage.
Tous les autres étages de l’établissement sont évacués et les gardes ont fui. Peu
après, les forces de police encerclent le bâtiment. Le ministre de l’intérieur
dirige lui-même les opérations. Il établit le contact avec le « terroriste »
et lui demande ses revendications. Ahmed exige qu’un kebab soit servi à lui,
à ses « complices » et à ses « otages ». Il exige que le service soit assuré par le personnel de l'Hôtel Semiramis. Progressivement, l'atmosphère se détend entre tous les occupants du Mogamma. Ahmed s’explique : il n’est pas un terroriste, il est seulement un citoyen
qui n’en peut plus d’être méprisé par l’Etat
et ses fonctionnaires. Ses auditeurs sont rassurés et tous lui expriment leur
sympathie. Quand enfin, ils devront quitter l’établissement, Ahmed se mêlera au
groupe des » victimes» et personne ne le dénoncera.
Critique
Pour réaliser cette comédie politiquement très engagée, Sherif Arafa et son scénariste Wahid Ahmed semblent avoir joui d’une totale liberté et ils s’en donnent à cœur joie. La satire ne s’embarrasse d’aucune nuance. La caricature est sans merci. Aucune complaisance, aucune autocensure. Et le caractère sympathique du film vient du ton libertaire adopté par les auteurs, un ton assez proche de celui cultivé par les réalisateurs de comédies italiennes dans les années soixante-dix.
Leur cible principale est l’Etat, ses institutions mais aussi ses agents, du ministre au plus petit fonctionnaire.
La bureaucratie est dénoncée à travers les mésaventures d’un petit bourgeois (Adel Imam) qui pour effectuer une formalité administrative anodine va connaître l’enfer. En entrant dans le Mogamma (bâtiment administratif où travaillent des dizaines de milliers de fonctionnaires), il plonge dans un univers kafkaïen aux couloirs interminables et aux milliers de portes closes. Il est happé par la foule qui a envahi tous les étages du bâtiment et qui tourne indéfiniment toujours dans le même sens. . Et quand enfin, le héros parvient à pousser la porte du service auquel il doit s'adresser, c’est pour découvrir que l’employé habilité à traiter sa demande est constamment absent. Dans le bureau restent deux fonctionnaires : une femme qui est pendue toute la journée au téléphone pour des conversations privées et un islamiste qui passe plus de temps sur son tapis de prière qu’à son bureau. Et aucun des deux n'accepte de remplacer leur collègue absent. Adel Imam représente ici le simple citoyen confronté à la désinvolture des agents de l’état.
Les auteurs s’en prennent aussi à la police et à ses chefs. Ils se moquent de leur paranoïa aiguë. Avant même de s’assurer de ce qui s’est réellement passé dans le Mogamma, le gouvernement fait encercler le bâtiment par des milliers de militaires lourdement armés et les opérations sont dirigées par le ministre de l’intérieur lui-même. Ce dernier nous est présenté comme un individu fébrile et sans scrupules. Bien que convaincu d’avoir affaire à de dangereux terroristes, il n’hésite pas à envoyer un enfant dans le bâtiment pour connaître les revendications des prétendus preneurs d’otages. Et le pauvre ministre perd tous ses repères quand l’enfant revient avec la seule exigence formulée par les « criminels » : kebab pour tout le monde !
L’audace des auteurs apparaît enfin dans la manière directe avec laquelle ils évoquent la sexualité et la prostitution. Le héros, un égyptien ordinaire, conjugue toutes les frustrations : mal considéré et mal payé par son patron, mal traité par l’administration, et puis méprisé par sa femme avec qui tout rapport sexuel est devenu problématique. Alors quand malgré lui, il devient le chef d’un commando terroriste, il est tout de suite séduit par la jeune femme affriolante qui se propose de l’aider dans son combat. De même, une courte scène aborde le sujet de la prostitution masculine : dans les toilettes, le héros se retrouve nez à nez avec un homme mûr et un jeune garçon efféminé qui viennent d’avoir un rapport. C’est le genre de scène qui vous attire immanquablement les foudres des islamistes. Rappelons que quelques années plus tard, Hosni Moubarak lancera les grands procès contre les homosexuels pour complaire à la frange la plus conservatrice de la population égyptienne. Notons en passant que Sherif Arafa et Adel Imam ont compté parmi les soutiens les plus fidèles d'Hosni Moubarak et cela explique sans doute la bienveillance dont a bénéficié Terrorisme et Kebab auprès des autorités.
Le film connut un immense succès à sa sortie et il figure dans la liste des quinze meilleurs films égyptiens de tous les temps.
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin