إخراج : حسن رضا
Hassan Reda a réalisé Je ne Reviendrai pas en 1959.
Hassan Reda a réalisé Je ne Reviendrai pas en 1959.
Distribution : Samira Ahmed (Nahed), Kamal Al Shennawi (Fathi), Abbas Fares (Shakar), Abdel Moneim Ibrahim (Mohsen), Taheya Carioca (Alya), Rhaireya Rhairy (la tante Zeinab), Shafik Nour El Din (l’oncle Radwan), Fayza Ibrahim (la chanteuse), Fifi Salama (la danseuse), Layla Yousri, Nadia Nour, Soheir El Bably, Abdel Hamid Badawi
Scénario : Hassan Reda et Kamal El Hafnawi
Musique : Abdel Aziz Salam et Baligh Hamdy
Production : Ahmed Kamal Hafnawi
Samira Ahmed et Kamal Al Shennawi |
Shafik Nour El Din et Kamal Al Shennawi |
Samira Ahmed |
Taheya Carioca |
Kamal Al Shennawi |
au centre, Abdel Moneim Ibrahim |
Taheya Carioca |
Résumé
Shakar est un industriel prospère. Il s’est pris d’affection pour un jeune ingénieur Fathi. Il lui a confié le poste de directeur général adjoint et l’a logé dans un appartement près du sien. Ce qu’il ne sait pas, c’est que le jeune ingénieur est aussi l’amant de sa femme, Alya. Fathi s’absente pendant trois mois afin d’ acheter des machines ultra-modernes pour la nouvelle usine en construction. Durant son absence, un ami de son patron meurt laissant derrière lui une jeune fille, Nahed. Shakar décide de lui venir en aide. Il l’emploie chez lui comme intendante. Fathi est revenu de l’étranger et a repris son existence de jeune ingénieur brillant et séduisant. Outre sa relation avec la femme de Shakar, il se rend régulièrement avec l’un de ses collègues dans un cabaret où il se divertit entouré de danseuses aux mœurs légères.
La présence de Nahed ne laisse pas indifférent Fathi. Il entreprend de la séduire et un jour, croyant sa nouvelle proie prête à succomber, il tente de l’embrasser. Celle-ci se débat, le gifle violemment et s’enfuit. Fathi comprend qu’il est tombé amoureux de la jeune femme et qu’il a fait fausse route. Il tente par tous les moyens de se faire pardonner. Il invite régulièrement l’élue de son coeur à sortir avec lui et il parvient à la convaincre de la sincérité de ses sentiments. Malheureusement, un soir, de sa fenêtre, Nahed voit Alya se rendre en cachette chez Fathi. Celui-ci n’est jamais parvenu à rompre avec sa vieille maîtresse et il continue à la recevoir régulièrement dans son appartement. Nahed est bouleversée. Elle décide de quitter la maison de Shakar et de s’installer chez son oncle Radwan et sa tante Zainab. Radwan qui travaille à l’usine révèle à Fathi où s’est réfugiée la jeune femme. L’ingénieur prend deux décisions : il rompt avec sa maîtresse et demande en mariage Nahed. La jeune fille cette fois-ci croit en l’amour de son soupirant et accepte sa proposition. Quand Shakar apprend la nouvelle, il est aux anges et son épouse est obligée de cacher la fureur qui l’étreint. Après leur mariage, le jeune couple doit s’installer en Syrie car Fathi doit superviser le lancement d’une nouvelle usine. Le patron veut profiter de la création de la République Arabe Unie pour étendre son activité.
Mais Alya n’a pas pour autant renoncer à récupérer son amant. Elle s’est toujours ingéniée pour conserver la confiance de Nahed . Elle lui a même appris à conduire. Un jour, alors qu’elles se trouvent toutes les deux dans un restaurant situé tout en haut d’une falaise à Mokattam, elle trouve un prétexte pour que l’épouse de son ex-amant prenne seule le volant. Elle a auparavant sectionné le tuyau du liquide de frein. Alors que Nahed s’apprête à démarrer, surgit Fathi qui se propose de faire lui-même la course dont l’a chargée Alya. La jeune femme accepte et retrouve son amie à l’intérieur de l’établissement. Désespérée, cette dernière se précipite à l’extérieur du restaurant et assiste à la sortie de route de la voiture qui plonge dans le vide. Elle-même se jette du haut de la falaise. Elle meurt. Fathi survivra à l’accident et pourra fonder une famille avec la femme qu’il aime.
Critique
Ce n’est pas la première fois que Taheya Carioca joue les vieilles maîtresses abusives et cela ne sera pas non plus la dernière. Evidemment, on pense d'abord à son rôle dans La Sangsue de Salah Abou Seif en 1956 mais il y en eut bien d'autres. Et il faut avouer que dans ce registre, elle est tout bonnement magistrale. Il aura fallu qu’elle arrête de danser pour que le public comprenne à quel point, c’était une remarquable actrice qui dans son jeu atteignait une vérité et une profondeur peu communes. Dans Je ne reviendrai pas, Taheya Carioca montre la grande tragédienne classique qu’elle aurait pu être (On aurait rêvé la voir dans le rôle de Phèdre !) notamment, dans les scènes où, seule, sans témoin, elle exhale sa souffrance et sa fureur.
Je parlais plus haut des grandes similitudes entre les deux personnages joués par l’actrice dans La Sangsue et dans ce film. Mais ici s’arrêtent les convergences entre les deux œuvres. En effet, Salah Abou Seif et Hassan Reda font évoluer leurs personnages dans des univers radicalement opposés. Très loin du réalisme cher au premier, le second nous offre un mélodrame hollywoodien. Nous sommes entre gens aisés, roulant en grosses voitures et résidant dans des villas modernes. En soirées, les femmes portent des robes élégantes et en leur compagnie, les hommes boivent et fument sans modération pour oublier leurs longues journées de travail.
Mélodrame ne signifie pas roman-photo : Hassan Reda s’intéresse à la société de son temps et à son évolution. Il brosse ici le tableau d’une classe sociale, celle de ces bourgeois diplômés qui sont bien décidés à profiter du nassérisme, du panarabisme et de la création de la république arabe unie (union de l’Egypte et de la Syrie) pour développer leurs activités et s’enrichir. Fathi, le jeune héros du film, est un jeune égyptien ambitieux qui a tout pour réussir : c’est un ingénieur brillant et un redoutable séducteur. Il est le représentant de tous ces jeunes loups qui à l’aube des années soixante, dans le monde arabe et au-delà, nourrissent des rêves de puissance et de fortune, le représentant de tous ces petits Rastignac à qui la prospérité économique semble donner des ailes. Pourtant le réalisateur refuse de tomber dans la caricature. Il fait de son héros un portrait tout en nuance, loin des stéréotypes attendus. Au contraire, on assiste à sa rédemption et ce qui sauve Fathi du cynisme et de la vanité, c’est tout simplement l’amour.
Dans ce film, Hassan Reda manifeste un grand sens de la progression dramatique. Chaque scène est une nouvelle étape vers la catastrophe, et ce n’est que dans les ultimes instants du dénouement que tout bascule. C'est aussi un fin psychologue : il montre comment l’adultère, jeu mondain entre adultes consentants, se transforme inexorablement en passion destructrice conduisant au meurtre et au suicide.
Enfin, il faut absolument évoquer la beauté sidérante de certains plans, de certaines séquences, que ce soit les scènes nocturnes de la première partie où l’on voit la vieille maîtresse, folle de désir, filant sans bruit à travers la maison ou le jardin pour retrouver son jeune amant, que ce soit dans la seconde partie, les scènes de plein jour, dans le paysage blanc et minéral de Mokattam, hommage à la Grèce antique, mère de la Tragédie.
Dans les dernières minutes du film, le réalisateur adopte une esthétique proche de celle des grands classiques d'Alfred Hitchcock : le héros est au volant d’un splendide cabriolet et il roule à vive allure dans la lumière éblouissante du jour. Il se sent heureux et léger, alors que sur la route qui serpente parmi les rochers, il devra affronter la mort.
Dans les dernières minutes du film, le réalisateur adopte une esthétique proche de celle des grands classiques d'Alfred Hitchcock : le héros est au volant d’un splendide cabriolet et il roule à vive allure dans la lumière éblouissante du jour. Il se sent heureux et léger, alors que sur la route qui serpente parmi les rochers, il devra affronter la mort.
Appréciation : 4/5
****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin
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