samedi 12 novembre 2016

L'Appel du Courlis (Doa al karawan, 1959)

دعاء الكروان
إخراج : هنري بركات


Henry Barakat a réalisé L'Appel du Courlis (ou La Prière du Rossignol) en 1959.
Distribution : Ahmed Mazhar, Hussein Ismail, Faten Hamama, Edmond Tuema, Ragaa El Geddawy, Hussein Asar, Nahed Samir, Abdelalim Khattab, Mimi Shakib
Adaptation du roman de Taha Hussein, L'Appel du Courlis (1934)
Scénario : Henry Barakat et Youssef Gohar
Musique : André Ryder
Ahmed Mazhar

Faten Hamama et Hussein Ismail

Edmond Tuema

Faten Hamama

Faten Hamama

Ragaa El Geddawy et Faten Hamama

Faten Hamama

Faten Hamama et Zahrat Al Oula

Nahed Samir, Ragaa El Geddawy, Hussein Asar

Faten Hamama

Ahmed Mazhar et Faten Hamama

à droite, Abdelalim Khattab

Faten Hamama, Mimi Shakib


Résumé

Drame. Bani Warkan est une petite ville au cœur des montagnes où vit Amina avec sa sœur Hanadi et ses parents, Khader et Zarah. Cette famille de bédouins mène une existence laborieuse mais les trois femmes sont courageuses. Malheureusement, le père est un débauché qui dépense tout son argent dans les plaisirs. Un jour, c'est le drame : il est assassiné. L'oncle Khal Jaber ordonne à sa sœur et à ses nièces de quitter le pays, le temps que les gens oublient le scandale. Les trois femmes se lancent dans un long périple qui les mène dans une ville. Elles louent une petite maison mais il faut trouver du travail au plus vite. Grâce à un intermédiaire, les deux filles sont embauchées comme femme de chambre.. Hanadi doit travailler chez l’ingénieur en charge de l’irrigation tandis qu’Amina entre au service du commissaire de la ville, de sa femme et de sa fille Khadija. Cette dernière a le même âge qu’Amina. Entre les deux jeunes filles, la complicité est totale. Khadija apprend à Amina la lecture et l’ouvre à la culture. Le sort d’Hanadi est moins heureux. Son maître est célibataire et il a profité de son inexpérience pour abuser d’elle. Zarah l’apprend et réagit aussitôt de peur que le déshonneur retombe sur toute la famille. Elle envoie une lettre à son frère pour l’informer qu’elles doivent impérativement revenir au village. En attendant, elles ont trouvé refuge pas très loin de la ville, chez Zanouba. Quelque temps plus tard Khal Jaber vient les chercher. Sur le chemin, il tue Hanadi et l’enterre. On fera croire qu’elle est morte de la peste. Amina est désespérée. De retour à Bani Warkan, la jeune femme ne supporte plus de vivre avec sa mère et son oncle. Elle fuit et retrouve sa place chez le commissaire de la ville. Pendant ce temps-là, Zarah est devenue folle et erre dans le pays à la recherche de ses deux filles. Amina a décidé de venger sa sœur. Les événements à venir vont lui en donner l’occasion. L’ingénieur souhaite épouser la fille du commissaire. Cette demande enchante toute la famille et on parle déjà de fiançailles. Mais Amina informe ses maîtres du comportement passé de leur futur gendre. Le commissaire rompt les fiançailles et demande son transfert dans une autre ville. Une fois la famille partie, Amina demande à Zanouba de la placer chez l’ingénieur. Ce dernier est tout de suite séduit par la beauté de la jeune femme. Il tente de l’agresser plusieurs fois mais il ne parvient jamais à ses fins. Un soir, elle verse du poison dans son vin mais, soudain pris de remords, elle empêche in extremis son maître de le boire. Elle abandonne l’idée de tuer son maître. Elle va voir Zanouba pour qu’elle lui trouve une autre place. Elle prétend ne plus supporter les avances de l’ingénieur. La vieille femme lui fait remarquer que l’attirance qu’éprouve l’ingénieur pour elle lui permettra d’obtenir tout ce qu’elle veut. Amina comprend qu’elle tient sa vengeance et qu’elle pourra le torturer sans commettre un homicide. Elle retourne chez son maître qui se montre de plus en plus gentil à son égard. Et progressivement, elle aussi tombe amoureuse de lui. Mais Hanadi reste une barrière infranchissable entre eux. Le jour où il lui demande de l’épouser, elle lui révèle enfin qu’elle est la sœur d’Hanadi. Jamais elle ne pourra devenir sa femme. Amina décide de quitter définitivement la maison de celui qu’elle aime malgré elle. Le couple a une dernière discussion dans le jardin. Soudain, l’oncle d’Amina surgit. Il est armé et tire sur l’ingénieur qui meurt aussitôt. Sur le dernier plan du film, on entend la voix de l’écrivain Taha Hussein.


Critique

L’Appel du Courlis est un bel exemple de l’injustice dont est victime le cinéma égyptien ignoré ou méprisé par la critique occidentale . Voilà un film qui tourné partout ailleurs dans le monde ferait les beaux jours des ciné-clubs et des cinémathèques. Il serait étudié dans les universités des cinq continents de la planète, on lui consacrerait d’innombrables thèses dans toutes les langues parlées sur cette terre. Mais, c’est un film égyptien, un film arabe. Alors peu importe qu’il ait été réalisé par un très grand cinéaste, Henri Barakat, peu importe qu’il soit l’adaptation d’un classique de la littérature arabe dont l’auteur est Taha Hussein, l’une des figures marquantes de la culture du XXe siècle, peu importe enfin, que le rôle principal soit tenu par l’une des actrices les plus talentueuses de son temps. Le verdict a été rendu sans qu’on ait cru bon de consulter les pièces du dossier : L’Appel du Courlis ne rejoindra jamais la liste des chefs d’œuvre du cinéma mondial en compagnie de Citizen Kane d’Orson Welles ou des Fraises Sauvages d’Ingmar Bergman. Inutile de préciser qu’il n’existe pas non plus de version DVD sous-titrée en français, ce qui, en passant, est bien mal récompenser la francophilie des trois principaux protagonistes de l’œuvre : Taha Hussein a fait une partie de ses études en France et a épousé une Française, Henry Barakat s’est formé à la réalisation dans notre pays et Faten Hamama parlait couramment le français. Navrant.

Dans le style sobre et rigoureux qui sied aux classiques, Henri Barakat nous raconte une tragédie qui se déroule dans l’Egypte de l’intérieur, loin du Caire et de la vie citadine. Cette société aux mœurs archaïques voue les femmes au malheur et ne leur laisse d’autre choix que la soumission. Et malheur à elles si leur père et mari disparaît brutalement ! Qu’elles n’attendent aucune compassion des voisins, des amis ou des parents. Dans l’Appel du Courlis, après le décès du chef de famille, la mère et ses deux filles devront quitter leur village pour tenter de trouver un logement et un emploi dans la ville voisine. Elles pensent ainsi pouvoir commencer une nouvelle vie mais c’est le malheur qui les attend. Henri Barakat restitue scrupuleusement le constat très sévère de Taha Hussein : la campagne égyptienne est un univers faussement paisible, la violence y est omniprésente, notamment celle exercée par les hommes contre les femmes maintenues dans l’asservissement et l’ignorance. Au moindre « écart de conduite », c’est la mort qui attend la fille, la mère ou l’épouse car on ne badine pas avec l’honneur de la famille. Ainsi la sœur aînée sera violée par son maître et assassinée par son oncle pour avoir été violée.

Quand les deux sœurs s’installent dans la petite ville, elles rencontrent des femmes qui s’affranchissent de cette condition misérable : la jeune fille de la famille bourgeoise chez qui travaille Amna prend des cours de français et apprend la musique. Et il y a aussi Zanouba (excellemment jouée par Mimi Chakib), la femme qui dirige le bureau de placement pour les domestiques : elle est la patronne et n’a de comptes à rendre à personne, elle fume, elle danse et s’habille comme elle l’entend. Au début, les deux petites campagnardes illettrées espèrent pouvoir elle aussi gagner enfin leur indépendance mais la tragédie ne tardera pas à les rattraper.

Ce récit est aussi une histoire d’amour et le portrait d’une femme qui s’interroge sur ses propres sentiments. Au début, elle n’est mue que par une seule idée : venger sa sœur mais progressivement, elle comprend qu’elle est tombée amoureuse de celui qui a plongé elle et sa mère dans le malheur. Le talent de Barakat, c’est d’avoir su représenter toute la complexité du personnage tiraillé entre son désir de vengeance et l’amour qui en son cœur croît jour après jour.

Outre le scénario, dans ce film, tout est admirable : la photo, l’interprétation et puis cette inoubliable voix off, celle de Faten Hamama qui décortique les mille variations de son âme déchirée . Un chef d’œuvre à voir absolument.

Appréciation : 5/5
*****
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin


2 commentaires:

  1. Bonjour à tous,
    Je partage absolument le regret de M. Philipe Bardin à propos de la méconnaissance (ou du rejet) du cinéma égyptien en Europe. On pourrait élargir ce point de vue à la littérature égyptienne francophone (ou non) ; je pense en particulier à un romancier qui mérite réellement d'être découvert ou re-découvert, je pense à Albert Cossery (à lire absolument comme disent les libraires). Je pourrais aussi mentionner Tewfik el Hakim auteur de l'inoubliable "Journal d'un substitut de campagne en Egypte" ou Youcef Idriss et tant d'autres.
    Il y a dans le cinéma égyptien deux grandes catégories : d'une part le cinéma vraiment populaire qui fait souvent malheureusement dans le pathos et les intrigues faciles comme il en existe dans tous les pays et l'on n'est pas obligé d'aimer ou de connaître ce cinéma bien qu'il me procure beaucoup de plaisir ; d'autre part, il existe un art plus exigeant dans lequel je classerais ce chef d'oeuvre : "L'appel du courlis" de Henry Barakat qui a su éviter l'écueil du mélodrame et traiter avec beaucoup de sobriété et de rigueur le sujet des mœurs patriarcales de l'Egypte rurale.
    C'est un cinéma que je découvre mais je pourrais citer quelques films qui me semblent vraiment dignes d'attention comme "El Bostagdgi" (Le facteur) de Kamal Usayn, ou "Gare centrale", ou encore pour l'époque actuelle : "Imarat Yacoubian" (L'immeuble Yacoubian).
    Merci pour ce blog très documenté et très utile.
    CORDIALEMENT

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  2. Where's Hanady mum?! ,,, One of the most famous lines in Egyptian cinema ,,

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