vendredi 31 juillet 2020

Les réalisateurs : Ahmed Yehia (1947-2022)


أحمد يحيى

Ahmed Yehia est encore un enfant quand il fait ses premiers pas dans le cinéma. Il joue aux côtés d’Abdel Halim Hafez dans Histoire d’Amour (1959) et dans Les Filles et l’Eté (1960).
Après des études à l’institut Supérieur du Cinéma, il se forme auprès de grands réalisateurs dont il devient l’assistant. Il réalise son premier film en 1975 et il s’impose très vite comme un cinéaste de premier plan. Il remportera de nombreux prix tout au long de sa carrière. Certains critiques l’ont considéré comme le digne successeur d’Ezzel Din Zulficar.


Trois films d'Ahmed Yehia ont fait l'objet d'une présentation dans ce blog.


La Nuit où pleura la lune (Laila Baka Feha Al Qamar,1980)
avec Sabah (Hanan), Hussein Fahmy (Ahmed), Nazim Sharawy, Nabila El Sayed, Waheid Seif, Menirva, Mohamedd Abu Hasheesh, Nabil El Dessouky, Alia Ali‏
Scénario : Farouk Sabry
Musique et chansons : Gamal Salamah, Mohamed Hamza et Abdelrahman El Abnoudy
Production : Ahmed Yehia


Mélodrame musical. Hanan est une chanteuse célèbre. Un jour, elle tombe en panne en plein désert. Elle est secourue par un jeune homme nommé Ahmed. Malgré leur différence d’âge, ils s’éprennent l’un de l’autre et se marient. Ahmed est un metteur en scène de théâtre qui n’a pas encore réussi à percer. Il compte bien exploiter les relations de sa femme pour lancer sa carrière. 
Cette histoire est inspirée d’un épisode de la vie de Sabah qui avait épousé un homme de treize ans son cadet. Grâce à elle, ce mari était devenu un metteur en scène célèbre mais pour la « remercier », il l’avait trompée avec une femme beaucoup plus jeune qu’elle.


Pour que la fumée ne s’envole pas (Hata la Yatir Al-Dukhan, 1984)
avec Adel Imam (Fahmy Abdel Hamid), Alia Ali (la mère de Fahmy), Soheir Ramzi (Sonia, la femme de chambre), Alsayed Talib (Mahrous, le restaurateur trafiquant de drogue), Fakry Abaza (Medhat Shalaby), Youssef Fawzi (Kamal), Sanaa Chafie (Raouf Mourad), Nadia Arslan (Rhaira Mourad), Mahmoud Rashad (Pacha Mourad, le père de Rhaira et de Raouf), Hamdy Youssef (Rifaat Bey), Nagwa Al Mogy (Lola, la femme de Rifaat Bey)
Scénario : Mostafa Moharam d’après une histoire de l’écrivain Ihsan Abd al-Qudus (1929–1990)
Musique : Gamal Salamah
figure dans la liste des 100 films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien. 


Fahmy Abdel Hamid a quitté son village pour faire des études de droit au Caire. Il devient l’ami de jeunes gens qui sont issus d’un milieu beaucoup plus aisé que le sien. Il ne tarde pas à tomber amoureux de la sœur de l’un d’entre eux. Il aimerait bien l’épouser mais la jeune fille se moque de lui quand elle découvre qu’il porte les vieux habits de son frère. Peu après, la mère de Fahmy tombe malade. Sonia, la femme de chambre de la pension dans laquelle il réside, lui propose aussitôt son aide. En revanche ses nouveaux camarades n’ont aucune compassion. Ils refusent de lui prêter l’argent nécessaire à payer l’opération qui sauverait sa mère. Cette dernière meurt. Fahmy décide de se venger. Une fois son diplôme obtenu, il va user de tous les moyens, même les plus douteux, pour devenir un personnage puissant que l'on respecte et que l'on craint...

Notre avis : un drame social qui dénonce la corruption et l'égoïsme des jeunes bourgeois convaincus que tout leur est dû, que tout leur est permis. Malheureusement, dans cette fable, le trait est parfois très gros. Les dialogues et les situations sont traités de manière trop caricaturale pour être vraiment crédibles. Adel Imam joue un jeune étudiant en droit alors qu'il a quarante-quatre ans au moment du tournage. Sa frêle silhouette et sa chevelure de jais lui permettent d'endosser sans difficulté ce rôle de composition, mais son jeu manque de nuance : durant tout le film, il arbore le même air fermé de celui qui encaisse les coups sans mot dire mais qui un jour saura les rendre. Au passage, relevons une scène qui mettra mal à l'aise plus d'un spectateur d'aujourd'hui. Alors que Fahmy, le personnage joué par Adel Imam, est présent dans l'appartement, l'un de ses condisciples s'enferme dans la chambre avec Sonia, son amie et confidente, pour la violer. La jeune femme hurle, Fahmy tente d'ouvrir la porte en vain puis décide de quitter l'appartement. Quand ils se retrouvent, Fahmy exhorte Sonia à la patience : un jour, elle sera vengée. On est consterné de voir cette dernière acquiescer au discours de celui qui n’a rien entrepris pour la sauver.
On pourrait s'étonner que ce drame figure dans la liste des 100 films les plus importants de l'histoire du cinéma égyptien. Une occasion supplémentaire de rappeler à quel point les films des années quatre-vingt ont fait l'objet d'une bienveillance toute particulière de la part des auteurs de cette liste.


Le Suicide du Propriétaire de l’Appartement (Intihar Saheb Al-shaqqa, 1986)
avec Nabila Ebeid (Farida), Kamal Al Shennawi (Abdel Aziz), Hatem Zulfikar (Hamdi), Taheya Carioca (la belle-mère de Farida), Mimi Gamal (Mervat), Wael Nour (le frère d’Hamdi), Liza (la petite fille), Amel Ibrahim (Sawsan), Samia Mohsen (Fahima, la femme de l’oncle de Farida), Hosny Abdel Jalil (l’oncle de Farida), Etedal Chahine (la directrice d’école)
Une histoire d'Ihsan Abdul Quddus
Scénario : Mostafa Moharam
Musique : Hassan Abo El Suood, Yehia Al Muji


Farida est mariée à Hamdi et tous les deux vivent encore dans l’appartement de la famille de celui-ci. Epoux à la ville, ils sont aussi devenus collègues au bureau. Mais voilà, Farida ne supporte plus l’attitude de sa belle-mère qui fait tout son possible pour monter son fils contre elle. N’y tenant plus, elle finit par quitter son mari et s’installe chez une collègue. Abdel Aziz, le directeur de la société pour laquelle elle travaille ne lui a jamais caché tout l’intérêt qu’il lui portait. Après son divorce, Farida accepte de l’épouser. Elle ne tarde pas à comprendre que son nouveau mari a non seulement un certain penchant pour l’alcool mais que c’est aussi un coureur de jupons invétéré. Après l’avoir quitté une première fois, elle revient avec une idée très précise en tête : devenir l’unique propriétaire du luxueux appartement de son mari…

Notre avis : quoi que l’on puisse penser de l’œuvre littéraire d’Ihsan Abdul Quddus, il faut reconnaître que ses histoires ont su séduire un grand nombre de cinéastes et qu’elles nous ont donné des films parfois très intéressants. Dans ses romans, Ihsan Abdul Quddus traite de la condition féminine dans la société égyptienne de son époque. Il dénonce le machisme triomphant et ses héroïnes sont souvent des femmes qui tentent de se libérer des carcans qui les oppressent. C’est le cas dans ce film d’Ahmed Yehia qui brosse un tableau très sombre des relations entre hommes et femmes. C’est la guerre et il est illusoire d’espérer une fin prochaine des hostilités. Les hommes sont des êtres veules et égoïstes et pour s’en délivrer, l’héroïne doit se montrer dure et impitoyable. Comme le montre le dénouement, la moindre faiblesse conduit à une nouvelle capitulation. Nabilla Ebeid excelle dans ce type de rôles et son partenaire, Kamal El Shennawi est formidable en grand bourgeois saisi par la débauche. Un film fort, sans complaisance, mais à l’esthétique un peu daté.

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