mardi 16 juin 2020

Les réalisateurs : Anwar Wagdi (1904-1955)

أنور وجدي

Anwar Wagdi fut à la fois acteur, scénariste, réalisateur et producteur. Il fait partie de ces personnalités qui par leur talent et leur énergie inventèrent le cinéma égyptien. 

Il est né au Caire en 1904 mais sa famille paternelle est d’origine syrienne. Elle avait quitté Alep et émigré en Egypte dans la seconde moitié du XIXe siècle. 
Anwar Wagdi est d’abord scolarisé dans une école française tenue par les frères, une école que fréquentèrent aussi Farid Al Atrache et Naguib Al Rihani. Mais dès l’adolescence, Anwar Wagdi est hanté par la passion du théâtre et le désir ardent de réussir . Il veut aller vite et il déploie une activité inlassable pour réaliser toutes ses ambitions. Il rêve d’aller aux Etats-Unis pour devenir un acteur célèbre d’Hollywood mais ses parents n’obtiennent pas les visas nécessaires. C’est donc en Egypte qu’il connaîtra la gloire. A quinze ans, il rejoint la troupe de Youssef Wahby et fit une première apparition sur scène dans « Jules César ». C’est toujours grâce à Youssef Wahby qu’il fait ses premiers pas au cinéma comme acteur. Pour lui, c’est une révélation : il abandonne définitivement le théâtre pour se consacrer au septième art. Il devient très vite un acteur populaire et joue pour les plus grands cinéastes de l’époque. En 1939, il est à l’affiche de l’un des films les plus importants de l’histoire du cinéma égyptien, la Volonté de Kamel Selim et en 1944, il retrouve Youssef Wahbi qui tourne Amour et Vengeance avec la diva Asmahan. Cette dernière trouve la mort de manière tragique avant la fin du tournage ce qui donnera à ce film une dimension quasi mythique. En 1945, tout en poursuivant sa carrière d’acteur, Anwar Wagdi se lance dans la production et la réalisation. Cette même année, il épouse l’actrice et chanteuse Layla Mourad qui est à cette époque la plus grande star du cinéma égyptien. Avec elle, il réalise six films. Malgré le succès populaire que rencontrent ces productions, les relations entre les deux époux ne cessent de se dégrader. La pauvre Layla doit à la fois supporter le caractère tyrannique de son époux mais aussi ses infidélités à répétition. En quelques années, ils se marierons et divorceront plusieurs fois. 
Après leur séparation définitive en 1953, Anwar Wagdi continue à travailler sur un rythme démentiel. Cette même année il réalise notamment la comédie musicale Dahab dans laquelle il joue aux côtés de la jeune Fayrouz, la Shirley Temple arabe. Il en avait fait une star alors qu’elle n’avait que sept ans en lui confiant le premier rôle de Yasmine en 1950. Les dernières années d’Anwar Wagdi sont assombries par une grave maladie des reins. Il retrouve un peu de bonheur en épousant toujours en 1953 son ancien amour de jeunesse, l’actrice Layla Fawzi. Elle l’accompagne en Suède où il se rend pour être soigné mais l’intervention chirurgicale qu’il subit est un échec. Il meurt, loin d’Egypte, le 14 mai 1955.
Anwar Wagdi est une figure majeure de l’histoire du cinéma égyptien. Ce travailleur acharné fut un artiste authentique mais aussi un homme d’affaires avisé. Il avait le génie de la publicité et n’hésitait pas à user de procédés parfois un peu douteux pour faire la promotion de ses films. Si certains d’entre eux sont devenus de grands classiques comme Flirt de Filles en 1949, d’autres ont un peu vieilli à cause d’un penchant certain de leur réalisateur pour le mélodrame larmoyant. Même réserve pour le jeu d’acteur d’Anwar Wagdi : il force le trait en permanence et dans les scènes « émouvantes », il n’évite pas toujours le ridicule.


Neuf films d'Anwar Wagdi ont fait l'objet d'une présentation dans ce blog :


Mon Coeur me Guide (Kalbi Dalili, 1947)
avec Layla Mourad (Layla), Anwar Wagdi (Wahid), Stephan Rosti (le chef du gang), Zouzou Chakib (Samira, la compagne d’Hamdy Soleiman)), Bashara Wakim (le père de Layla), Hassan Fayek (un collègue de Wahid), Farid Shawki (Farid, un gangster), Saïd Abou Bakr (un gangster), Abdel Aziz Al Ahmed (Hamdy Soleiman), Abdel Hamid Zaki (un gangster), Menassa Fahmy (le chef de la police), Ismaïl Yassin (Ismaïl Yassin), Reyad El Kasabgy (un gangster), Mahmoud Shoukoko (Shoukoko), Mohamed Salman (le chanteur), Nabawya Mostafa (la danseuse)
Scénario : Aboul Seoud Al Ebiary
Musique : Mohamed Al Qasabji et Mohamed Fawzi
Production : Abou Seoud Al Ebiary


Comédie musicale. La police est avertie qu’une jeune femme doit arriver au Caire par le train d’Alexandrie avec une valise remplie de drogue. Les enquêteurs ont la description précise de la criminelle. A la gare, l’officier de police Wahid et ses hommes font le guet. Des gangsters sont aussi présents pour récupérer la jeune femme et son précieux bagage. Quand le train arrive sur le quai, la complice des malfrats remarque immédiatement tous ces policiers qui l’attendent. Elle parvient à leur échapper en restant dans le wagon tandis qu’au même moment en descend Layla, une jeune étudiante en musique. Elle correspond exactement au signalement donné aux enquêteurs et aux gangsters. Elle porte elle aussi une robe blanche, tient une valise d’une main et de l’autre arbore une petite chainette. Les gangsters sont les premiers à l’aborder et elle s’engouffre avec eux dans un taxi. Wahid et ses collègues rejoignent aussitôt leur voiture et filent à leur poursuite…

Notre avis : c’est le troisième film qu’Anouar Wagdi réalise avec sa femme, la plus grande star de l’époque, Layla Mourad. « Mon Cœur me Guide » se présente à la fois comme une comédie musicale, un thriller et un film sentimental. Les auteurs ont su fondre ces trois dimensions avec un souci constant de l’équilibre et de l’harmonie. Le morceau de bravoure de ce film, c’est la grande fête costumée où se retrouvent tous les protagonistes de l’histoire. Anouar Wagdi, en homme de spectacle accompli, excelle dans la réalisation de ces scènes de foules qui chantent et dansent, s’amusent et s’agitent en tous sens, tout en parvenant à y insérer le plus naturellement du monde, les conversations intimes des héros du film.* Dans la dernière partie, il y a à nouveau une scène de fête avec chanteurs et danseuses mais cette fois-ci chez les bandits, donc beaucoup moins « élégante », beaucoup plus populaire mais réalisée avec le même brio. La carte maîtresse d’Anouar Wagdi reste évidemment sa femme, la sublime Layla Mourad qui illumine de sa présence et de sa voix cette comédie musicale tout à fait épatante.

*Une petite remarque en passant concernant le choix des costumes pour certains participants à cette fête : les policiers ont tous revêtu un uniforme d’officier d’opérette viennoise tandis que les gangsters, qui pourtant sont là incognito, ont tous des costumes de bagnards ! Avait-on peur que les spectateurs les confondent ?


 
Le Divorce de Madame Souad (Talak Souad Hanim, 1948)
avec Anwar Wagdi (Wahid Sabri), Aqila Ratib (Souad, la femme d’Hassan), Bishara Wakim (le père de Souad), Mahmoud Choukoko (le complice de Wahid), Farid Shawki (Hassan), Abdel Fatah El Kosary (le représentant des pompes funèbres), Mohamed Kamel (un domestique), Wedad Hamdi (une femme de chambre), Hassan Kamel (le secrétaire du père de Souad), Ibrahim Hechmat, Abdelhamid Zaki, Abdel Hamed Ismaïl, Ferdoos Hassan 
Scénario : Anwar Wagdi et Abou Al Seoud Al Ebiary 
Musique : Abdel Halim Noweira


Comédie. Comme d’habitude, Hassan et Souad se querellent bruyamment dans leur chambre. Tous les domestiques de la maison se pressent contre la porte pour écouter la dispute. Le ton devient si violent que les « auditeurs » finissent par téléphoner au père de Souad. Celui-ci quitte aussitôt son bureau et rentre chez lui. Quand il rejoint tout son personnel devant la porte de la chambre du couple, on entend très distinctement que Hassan répudie Souad. Enfin, la porte s’ouvre. Les deux époux portent des marques de coups et de griffures sur le visage. Devant tout le monde, ils se jettent dans les bras l’un de l’autre et s’embrassent : ils sont réconciliés. Malheureusement, cette fois-ci, les choses ne vont se passer selon le schéma habituel. C’était la troisième fois que Hassan répudiait Souad et la loi est formelle : s’ils souhaitent se remarier, Souad doit d’abord épouser un autre homme puis divorcer. La jeune femme est folle de rage. Elle prend sa voiture et disparaît dans les rues du Caire. Mais le destin s’acharne contre elle : sa voiture renverse un individu. Elle le croit mort. Heureusement un médecin apparaît et la rassure. Il a seulement perdu connaissance. La victime est placée dans sa voiture et, accompagnée du médecin, elle regagne son domicile où l’attendent son père et son ex-mari. Ce qu’elle ne sait pas c’est que le médecin et le blessé sont deux escrocs qui simulent des accidents pour ensuite obtenir des riches automobilistes un confortable dédommagement…


Flirt de jeunes filles (Ghazal Al-Banat, 1949)
avec Layla Mourad (Layla), Anwar Wagdi (Wahid, le pilote d’avion), Youssef Wahby (lui-même), Naguib Al Rihani (Himam), Stephan Rosti (le directeur du cabaret), Ferdoos Mohamed (la gouvernante), Soliman Naguib (le père de Layla), Mahmoud El Meleigy (Anwar, le séducteur malhonnête), Abdel Wareth Asr (le secrétaire du père de Layla), Abdel Meguid Choukry (un domestique), Saïd Abou Bakr (le serviteur de Youssef Wahbi), Abdel Hamid Zaki (le directeur de l’école), Zinat Sedki (l’ex-petite amie d’Anwar), Mohamed Abdel Wahab (lui-même), Farid Shawki (un client du cabaret), Nabila El Sayed (une écolière)
Première apparition à l’écran d’Hind Rostom comme figurante. Elle joue dans la première scène du film, le retour d’une promenade à cheval, et elle se tient à la droite de Layla Mourad.
Scénario : Anwar Wagdi
Dialogues : Naguib Al Rihani, Badie Khairy
Musique : Mohamed Abdel Wahab
Production : Anwar Wagdi 
figure dans la liste des quinze meilleurs films égyptiens de tous les temps


Himam, un modeste instituteur, vient d’être renvoyé de son école pour absence d’autorité. Son moral est au plus bas quand il est engagé par un homme richissime pour donner des leçons particulières à sa fille, Layla. Cette dernière est une jeune fille qui aime chanter, monter à cheval et papoter avec ses amies. En revanche, elle ne manifeste guère d’intérêt pour ses études. Himam est chargé de reprendre en main son éducation et de la faire progresser dans la maîtrise de la langue arabe. Quand il pénètre pour la première fois dans le palais de son futur employeur, le vieil instituteur est ébahi par le luxe qui l’environne. Mais pour lui, les choses commencent fort mal : à cause de sa tenue misérable, il est pris pour un voleur qui aurait dérobé un bracelet. Le malentendu est vite dissipé et Himam peut prendre son poste auprès de Layla qui se révèle une élève agréable, toujours gaie. Elle traite son professeur comme un ami et elle parvient même à lui redonner goût à la vie. L’homme tombe amoureux de la jeune fille mais il se garde bien de lui manifester ses sentiments…
Le film sortira après la mort de Naguib Al Rihani.

Notre avis : Anwar Wagdi réalise sept films* avec en vedette sa femme Layla Mourad. Ils se sont mariés en 1945 et leur collaboration artistique prendra fin avec leur divorce en 1953. « Flirt de Jeunes Filles » est le cinquième film qu’ils tournent ensemble et c’est sans doute le plus célèbre. A cela, plusieurs raisons mais la principale est qu’on y voit pour la dernière fois à l’écran l’immense acteur Naguib Al Rihani qui meurt à peine le tournage terminé. Il joue un vieux professeur qui au soir de sa vie est touché par l’amour. Ce personnage à la fois ridicule et pathétique constitue le testament artistique de Naguib Al Rihani et l’inscrit à tout jamais parmi les légendes du cinéma égyptien.
Sur le film lui-même, ce qui nous frappe, c’est sa grande modernité. La logique du récit est celle du rêve, notamment dans la dernière partie. Les personnages semblent évoluer, comme en apesanteur, dans un univers onirique libéré de toutes les lois qui régissent notre monde. Les événements s’enchainent de manière improbable au fil de rencontres aussi hétéroclites que miraculeuses. A cet égard, la séquence au domicile du grand écrivain prend une dimension quasi surréaliste. Et pour finir, dans la scène du cabaret, le caractère ouvertement fantasmatique des danses n'échappera à personne !

*Layla, fille de Pauvres (1945), Layla, fille de Riches (1946), Mon Cœur me Guide (1947), Anbar (1948), Flirt de Jeunes Filles (1949), L’Amour de mon Cœur (1951), La Fille des Aristocrates (1953)


Yasmine (1950)
avec Anwar Wagdi (Wahid), Madiha Yousri (Soad, la mère de Yasmine), Zaki Rostom (le grand-père de Yasmine), Abdelhalim Nasr, Feyrouz (Yasmine), Mohamed Al Dib (Adel, le père de Yasmine), Reyad El Kasabgy (Antar, chef de gang), Zinat Sedki (la propriétaire de la pension), Aïda Kamel (l’infirmière), Victoria Hobeika (le docteur Shafiqa), Abdel Aziz Khalil (Dabour, chef de gang), Zaki Ibrahim (le chef de la police), Gina (la danseuse), Ali Abdel Al (le propriétaire du cabaret)
Scénario : Anwar Wagdi, Abou Al Seoud Al Ebiary
Musique : Mohamed El Bakkar, Mounir Mourad, Mahmoud El Sherif
Production : Anwar Wagdi


Comédie musicale. Yasmine a été abandonnée à la naissance car son père voulait un garçon. Elle passe ses premières années à l’orphelinat mais à l’âge de six ans, elle s’enfuit. Elle est recueillie par une bande de pickpockets qui l’initient à leur « art ». Avec ses compagnons, Yasmine chante et danse dans des cabarets. Et tandis que les clients sont tout attendris par cette petite fille si talentueuse, elle en profite pour s’approcher d’eux et leur subtiliser argent et objets de valeur. Un jour, alors qu’elle tente d’échapper à la police, elle rencontre Wahid, un trompettiste au chômage. Il lui propose de créer un numéro à deux et lui demande surtout de ne plus voler. Yasmine accepte et s’installe avec son nouveau compagnon dans une maison abandonnée. Malheureusement ce lieu sert aussi de repaire à une bande de voleurs. Alors que ceux-ci sont en train de percer un coffre qu’ils viennent de voler, la police fait irruption dans la maison et embarque tout le monde, y compris Yasmine et Wahid. Le propriétaire du coffre n’est autre que le grand-père de Yasmine, un pacha richissime. Quand celui-ci se présente au commissariat, il est tout de suite attiré par Yasmine car elle semble avoir l’âge de sa petite fille qu’il rêve de retrouver. Wahid prétend être l'oncle de l'enfant et affirme qu’ils sont originaires d’Alexandrie…

Notre avis : c’est le premier film de Feyrouz, l’enfant prodige du cinéma égyptien. Elle a six ans et elle est dirigée par Anwar Wagdi qui a tout de suite saisi le potentiel de sa petite protégée. Et il est vrai qu’elle a un talent incroyable ! Elle chante, danse et joue la comédie avec une aisance exceptionnelle pour son âge. « Yasmine » est moins célèbre que « Dahab » tourné trois ans plus tard, pratiquement sur la même trame narrative et c’est injuste. Cette première comédie musicale nous semble avoir mieux vieilli que sa cadette. Il y a quelque chose de plus frais, de plus spontané et donc de moins calculé dans « Yasmine » alors que « « Dahab » souffre d’un excès de pathos qui finit par étouffer toute émotion véritable. Dans la première partie du film, on pourra noter le caractère un peu brouillon des chorégraphies des numéros présentés sur la scène du cabaret mais sans doute cela ajoute au charme résolument désuet de l’œuvre.


L’Amour de mon Cœur (Habib El Rouh, 1951)
avec Layla Mourad (Layla), Youssef Wahby (Youssef Fahmy), Anwar Wagdi (Wahid), Wedad Hamdy (Fatima), Ibrahim Omara (Cheikh Saber), Mimi Chakib (Sawsan Hanem), Samira Ahmed (Zouzou), Salah Mansour (un invité de la fête), Abdel Monem Basioni (un invité de la fête), Ferdoos Mohamed (la servante), Abdul Nabi Mohamed (le cuisinier), Abdelbadie El Arabi (le journaliste)
Scénario et dialogues : Abou Al Seoud Al Ibiary, Anwar Wagdi
Musique : Ahmed Sedky, Riad El Sonbati, Abdel Aziz Mahmoud
Production : Anwar Wagdi


Comédie sentimentale. Layla est une jolie femme, très élégante. Elle mène une existence heureuse et sans souci avec son mari, Wahid, qui est propriétaire d’un grand garage automobile en ville. Elle a aussi un talent qui fait l’admiration de tout son entourage : elle chante merveilleusement bien. Un jour, l’une de ses amies organise une réception chez elle. Evidemment, elle a demandé à Layla de chanter. Ce que cette dernière ne sait pas, c’est que parmi les invités, se trouve Youssef Fahmy, un musicien célèbre et quand celui-ci entend sa voix, il est tout de suite conquis.
Il est certain que la jeune femme peut devenir une grande chanteuse et il lui propose une collaboration artistique afin de réaliser ce projet. Layla est flattée mais son mari ne goûte guère cette proposition. Il invite néanmoins le musicien à venir dîner chez eux le lendemain. Quand Youssef se présente au domicile de Layla, elle est seule. Wahid a été retenu à son travail. Le musicien en profite pour tenter de convaincre à nouveau son hôtesse de se lancer dans la chanson. Celle-ci n’est pas insensible à ses arguments…

Notre avis : un drame sentimental dans lequel Youssef Wahbi joue un rôle qu’il affectionne tout particulièrement, celui du dandy tentateur portant smoking avec coupe de champagne à la main et gros cigare à la bouche. Face à lui, Anwar Wagdi qui se laisse aller à son penchant pour le jeu outré avec force grimaces et yeux exorbités. Heureusement, il y a Layla Mourad qui chante (Mais il y a aussi Youssef Wahbi qui massacre au piano la « Danse du Sabre » de Khatchaturian !). A noter le caractère légèrement autobiographique de cette histoire : dans la vraie vie, Anwar Wagdi et Layla Mourad furent mariés et leur union fut détruite par la jalousie excessive du premier. Il ne supportait pas que d’autres réalisateurs s’approchent de sa femme et la pauvre Layla devait endurer des scènes épouvantables. Dans le film, le mari finit par « récupérer » sa femme ; dans la vraie vie, après trois divorces, la rupture sera définitive.


Veille de noces (lailet el henna, 1951)
avec Shadia, Kamal Al Shennawi, Serag Mounir, Mary Moneib, Abd El Fatah El Kosary, Stephan Rosty, Ferdoos Mohamed, Mahmoud Reda, Abdel Moneim Ismail, Abdel Hamid Zaki, Abdel Aziz Said, Wedad Hamdy, Abdel Hamid Badawy, Hussein Ibrahim, Hassan Atla, Kitty, Mohamed Sobeih, Ibrahim Hechmat, Zaki Mohamed Hassan, Salah Mansour
Scénario : Anwar Wagdi
Dialogues : Abou El Seoud El Ibiary
Musique : Mahmoud El Sherif, Mounir Mourad, Mohamed El Bakkar


Drame musical. Un jeune homme de bonne famille au volant de sa voiture fonce dans la devanture d’une boutique. A demi-conscient, il est transporté par les passants chez des voisins. La maîtresse de la maison se transforme en infirmière et veille sur le blessé avec une attention constante. Elle est relayée par sa fille, une charmante personne aussi douce que sa mère. Entre celle-ci et leur hôte, les sentiments évoluent très vite et ils tombent amoureux l’un de l’autre. Le conducteur s’est totalement rétabli mais il continue à visiter celles à qui il doit tant et les couvre de cadeaux. Bien que n’appartenant pas à la même classe sociale, le jeune homme n’a pas varié dans ses sentiments à l’égard de la fille de la maison. Il promet de l’épouser, une fois terminées ses études. Mais un soir, il abuse d’elle après l’avoir fait boire et quand le lendemain, la jeune femme tente de le recontacter pour lui rappeler sa promesse de mariage, il rompt brutalement. Au fil des semaines, elle et sa mère tenteront à plusieurs reprises de renouer avec le vil séducteur mais celui-ci reste inflexible. Comble de malheur : la fille abandonnée est enceinte…


Dahab  (1953)
avec Anwar Wagdi (Alfonso), Fayrouz (la petite Dahab), Ismaël Yassin (le propriétaire du théâtre), Serag Mounir (Mounir Bey, le père de Dahab), Magda (Dahab, la nièce de Mounir Bey), Zinat Sedki (Baltia, la logeuse d’Alfonso), Mimi Chakib (la femme de Mounir Bey), Safa El Gamil (le fils de Baltia), Aziza Helmy (la mère de Dahab), Ahmed Darwich (le juge), Mohamed El Tokhy (l’avocat), Horeya Mohamed (une danseuse), Gina (une danseuse), Shafik Nour El Din (l’épicier)
Scénario : Anwar Wagdi
Dialogues : Abou Al Seoud Al Ebiary
Musique : Izzat El Gahely, Ahmed Sabra, Mohamed El Bakkar, Mounir Mourad
Production : Anwar Wagdi


Mélodrame musical. Dahab est le fruit des amours adultères de son père avec une servante. Pour échapper au courroux de sa femme, celui-ci décide de se débarrasser de la petite fille. Il ordonne à sa nièce Dahab de la jeter dans le fleuve. La jeune femme ne peut se résoudre à commettre un tel crime. Elle dépose l’enfant au coin d’une rue puis se cache pour s’assurer que quelqu’un aura assez de cœur pour le recueillir. C’est alors qu’apparaît un individu, pauvrement vêtu mais cheminant gaiement au son d’un petit accordéon. Il s’appelle Alfonso et c’est un musicien au chômage qui gagne sa vie en chantant et en vendant des ballons à travers les rues de la ville. Au grand soulagement de Dahab, l’artiste emporte le nourrisson. Elle décide de le suivre. Alfonso va de refuge en refuge mais aucun n’accepte de prendre en charge l’enfant. Le musicien finit par tomber nez à nez avec Dahab. Il est tout de suite charmé par la beauté de la jeune femme. Il se présente et lui demande son nom. Elle le lui donne. Il lui propose alors le nourrisson mais, évidemment, elle ne peut accepter. Elle s’enfuit. Alfonso décide d’élever lui-même l’enfant. Il la prénomme Dahab en souvenir de cette belle inconnue rencontrée dans la rue…

Notre avis : un film culte pour des générations d’enfants, un « Charlie Chaplin » à l’égyptienne mêlant le rire et les larmes. Il n’empêche que cela a très mal vieilli, sans doute en raison du cabotinage sans limite de la petite Fayrouz et du jeu outrageusement pathétique d’Anwar Wagdi.


La Fille des Aristocrates (Bint Al Akkabir, 1953)
avec Layla Mourad (Layla), Anwar Wagdi (Anwar), Ismail Yassin (Chafchaq, le collègue d’Anwar), Zaki Rostom (Shawkat, le grand-père de Layla), Soliman Naguib (l’oncle Toufiq), Zinat Sedki (Alawyat, sœur d’Anwar), Ibrahim Emara (l’avocat), Mohamed Abdel Moteleb (chanteur), Kitty (danseuse), Mohamed Kamel (Idriss le serviteur)
Scénario : Abou Al Saoud Al Ebiary et Anwar Wagdi
Musique : Ryad Al Sonbati et Hussein El Sayed
Production : Anwar Wagdi


 Layla vit avec son grand-père dans un immense palais. Elle souffre de la solitude qui lui est imposée : les visites et les sorties sont rares.  Un jour son grand-père lui annonce qu’il doit s’absenter pour faire le pèlerinage. Il la confie à l’un de ses oncles. Quand celui-ci s’installe au palais après le départ du pacha, il constate que le téléphone fonctionne mal. Il prévient la compagnie des télécommunications qui lui envoie deux réparateurs. Entre Layla et Nour, l’un des deux ouvriers, c’est le coup de foudre instantané. Le jeune homme cache d’autant moins ses sentiments qu’il pense avoir affaire à l’une des domestiques de la maison.
Dernier film que Layla Mourad et Anwar Wagdi tournent ensemble. Ils divorcent la même année pour la troisième et dernière fois. 

Notre avis : il est amusant de constater que ce dernier film d’Anwar Wagdi avec Layla Mourad s’intitule « La fille des aristocrates » alors que le premier s’intitulait « Layla, fille de pauvres ». Dans ce film de 1953, une jeune fille « de la haute » s’éprend d’un jeune homme pauvre ; dans celui de 1945, une jeune fille pauvre s’éprenait d’un garçon « de la haute ». Mais comme de bien entendu, les deux opus se terminent par le triomphe de l’amour avec comme dernière image, le baiser des deux héros. Au-delà des clichés inévitables dans ce type de productions, « La fille des aristocrates » offre quelques agréments. Layla Mourad chante toujours aussi divinement. Son jeu peut sembler limité mais quand sa voix s’élève, toutes les réserves tombent. Les séquences musicales du film sont restées dans toutes les mémoires. Les facéties d’Ismaïl Yassin ainsi que l’improbable duo formé par Soleiman Naguib et Zinat Sedki empêchent le film de sombrer dans le sentimentalisme lénifiant. Et puis, pour tout dire, nous adorons cette scène incroyable dans laquelle Layla Mourad chante assise sur une balançoire au beau milieu d’un temple grec. Elle est entourée de danseuses en short agitant des voiles blancs et de petits cupidons tremblotants. Sans doute l’un des sommets de l’art kitsch ! Un regret pour finir : la grande danseuse Kitty n’apparaît que quelques secondes dans les dernières images du film. Frustrant !


Quatre filles et un officier (Arba banat wa dabit, 1954)
avec Negma Ibrahim (Sakina, la directrice de la maison de correction), Naïma Akef (Naïma), Anwar Wagdi (Wahid), Zinat Sedki (Oum Samaka), Wedad Hamdy (une pensionnaire de la maison de correction), Abdel Wares Asr (Marzouk), Amina Risk (Amina Hanem), Ragaa Youssef (Ragaa), Awatef Youssef (Awatef), Fouad Fahim (Abdel Kader), Ahmed Darwich (le juge), Zizi El Badraoui (une petite fille), Lebleba (Suzanne)
Scénario et dialogues : Abou Al Seoud Al Ebiary et Anwar Wagdi
Musique : Mounir Mourad, Ahmed Sabra, André Ryder, Fathy Qoura 
Production : Ramsès Naguib et Anwar Wagdi
Quatre filles et un officier est le dernier film d’Anwar Wagdi. Il sort en mars 1954. Peu après, Anwar Wagdi divorce de Layla Mourad et se rend en Suède afin d’être soigné pour la maladie qui l’emportera l’année suivante. Il meurt le 14 mai 1955 à Stockholm. Il s’était remarié quelques mois auparavant avec Layla Fawzi.
 

Comédie musicale. Naima est une jeune orpheline qui a été placée dans une maison de correction dirigée d’une main de fer par Madame Sakinah. Elle est tombée amoureuse de Wahid, l’officier chargé de la discipline et de la sécurité au sein de l’établissement. Celui-ci s’oppose aux méthodes brutales de la direction et fait preuve de bienveillance et de générosité à l’égard de toutes les pensionnaires. Naïma trouve tous les prétextes pour se retrouver en tête-à-tête avec Wahid. Un soir au dortoir, Naima montre à ses trois meilleures camarades la photo que l’élu de son cœur a accepté de lui donner. Pour échapper à la surveillance de la gardienne, elles se sont réfugiées sous un lit et l’une des filles tient une bougie allumée. Soudain, la literie s’embrase. En quelques secondes, les flammes se propagent à l’ensemble des lits du dortoir. C’est l’incendie…

Notre avis : Anwar Wagdi est un homme de spectacle et il le démontre une dernière fois ici. Dans « Quatre filles et un officier », l'influence de la comédie musicale américaine est patente. Une séquence du film est clairement inspirée d'"Un Jour à New-York" de Gene Kelly et Stanley Donen (1949). A voir pour Naïma Akef bien sûr mais aussi pour les deux soeurs Ragaa et Awatef Youssef qui sont épatantes au point d'éclipser leur célèbre consoeur dans certaines scènes. En revanche je serai beaucoup plus réservé sur la prestation de la toute jeune Lebleba qui nous rappelle un peu trop sa petite collègue Fayrouz.

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