إخراج : حلمى رفلة
Helmy Rafla a réalisé Le Millionnaire en 1950.
Distribution : Ismaël Yassin (Assim El Isterliny/Gamiz), Zinat Sedki (la sœur d’Assim El Isterliny), Soad Mekawy (Soukra, la cuisinière), Stephan Rosti (Zaki), Farid Shawki (Farid), Hussein Issa (Hussein), Wedad Hamdy (Sonia), Serag Mounir (Antar Bin Shaddad, le frère de Sonia), Ryad El Kasabgy (l’infirmier-chef de l’hôpital psychiatrique), Camilia (Rouh Al Fouad Hanem), Nour El Demerdash (le frère de Rouh Al Fouad Hanem), Victoria Hobeika (la tante d’Assim El Isterliny), Abdel Moneim Ismail (le chauffeur d’Assim El Isterliny), Ahmed Darwich (le docteur Darwich), Salah Mansour (un fou), Mahmoud Lotfi (un fou), Eskandar Mansy (un fou), Mohamed Tawfiq (un fou), Abdel Hamid Zaki (le directeur du théâtre)
Scénario et dialogues : Mamoun Al Shinnawi, Abou Al Seoud Al Ebiary, Anwar Wagdi
Musique : Izzat El Gahely et Mohamed Al BakkarAssistant du réalisateur : Atef Salem
Monteur : Kamal El Sheikh
Production : Anwar Wagdi
Ismaël Yassin et Camilia |
Soad Mekawi |
Ahmed Darwich |
Nour El Demerdash |
Résumé
Assim El Isterliny est un millionnaire despotique et jaloux. Ses gardes ont capturé un homme qu’ils avaient surpris en compagnie de sa femme Rouh Al
Fouad Hanem. Fou de rage, Assim le tue de plusieurs coups de pistolet (On apprendra plus tard que le pistolet était chargé à blanc et que l’homme est en réalité le frère de sa femme). Ses gardes lui conseillent de se cacher le temps que les choses s’apaisent. Il se rend dans un cabaret où se produit un artiste du nom de Gamiz. L’ombrageux millionnaire se rend compte que l’individu est son parfait sosie. Il a une idée : il propose à Gamiz de prendre sa place quelque temps. Le pauvre chanteur accepte, séduit par la perspective de vivre dans le luxe et l’oisiveté. Gamiz se rend dans le palais d’Assim. Il fait la connaissance de l’épouse et de la sœur de son double. Mais celle qui l’attire immédiatement, c’est la femme de chambre, Soukara. Gamiz découvre que la vie d’Assim n’est pas aussi enviable qu’il l’imaginait. Outre les récriminations permanentes de la sœur, il doit affronter un grand nombre d’importuns. Grâce à sa malice et à son sens de la répartie, il parvient à s’en débarrasser, mais tout cela commence à le fatiguer. Il décide de tout avouer à Rouh Al
Fouad Hanem. Celle-ci croit que son mari est devenu subitement fou. Elle appelle un médecin qui décide de placer le faux millionnaire dans un hôpital psychiatrique. Pour en sortir, celui-ci prétend avoir recouvré la raison et affirme être celui qu'on veut qu'il soit. Mais une fois libre, il va convier tous les proches d'Assim à se rendre dans le cabaret où il travaille. Il chante et danse devant eux pour les convaincre qu’il est bien Gamiz, l’artiste de music-hall et non l'autre, son double richissime. La vérité éclate enfin. Assim retrouvera Rouh Al
Fouad Hanem et Gamiz épousera Soukara.
Critique
C’est la première comédie dans laquelle Ismael Yassin tient le rôle principal. Pour lancer celui qui deviendra l’acteur comique le plus célèbre du monde arabe, les producteurs n’ont pas lésiné sur les moyens. Ils ont constitué une équipe de choc avec des personnalités choisies parmi les plus talentueuses du moment. Au scénario, Anwar Wagdi (acteur, metteur en scène, producteur) et Abo El Seoud El Ebiary (scénariste prolifique qui écrira la plupart des succès d’Ismael Yassin dans les années cinquante) ; à la réalisation, Helmy Rafla (un artisan expérimenté spécialisé dans la comédie populaire), comme assistant, Atef Salem (réalisateur qui signera un grand nombre de films devenus des classiques) . Même le montage est confié à un grand nom du cinéma égyptien, Kamal El Sheikh. Mais le plus incroyable, c’est le casting. On a rassemblé les acteurs les plus célèbres de l’époque pour entourer Ismaël Yassin : Stephan Rosti, Serag Mounir, Farid Shawki, Salah Mansour. Et bien d’autres encore comme dans la fameuse scène de l’hôpital psychiatrique.
Et parmi les actrices, outre Zinat Sedki et Soad Mekawy, on compte Camilia, qui est l’une des étoiles montantes du grand écran. Malgré son jeune âge celle-ci traîne derrière elle une réputation sulfureuse. Certains prétendent qu’elle était la maîtresse du roi Farouk et qu’elle avait été recrutée par Israël comme espionne. Précisons qu’elle meurt tragiquement cette même année 1950 dans un accident d’avion.
Bref, il fallait que ce film soit un succès et il le fut.
L’idée sur lequel repose le scénario (un homme pauvre, sosie d’un homme riche, prend la place de celui-ci et découvre la vie difficile des nantis) semble emprunté au film de Niazi Mostafa avec Naguib Al Rihani, Monsieur Omar (1941). Une parenté qui n’est peut-être pas le fruit du hasard. Naguib Al Rihani meurt l’année précédente, en 1949. Les deux films ont dix ans d’écart et ouvrent l’un et l’autre une décennie. N’a-t-on pas voulu signifier qu’Ismaël Yassin serait le comique des années cinquante comme Naguib Al Rihani fut celui des années quarante ? Et nous aurions alors comme passeurs de relais Serag Mounir et Stephan Rosti qui apparaissent dans les deux films.
Dans le Millionnaire, Ismaël Yassin use de tous les procédés qui constitueront sa marque de fabrique mais cela ne tourne pas encore à la caricature de lui-même comme ce sera le cas dans les années à venir. Il grimace ici avec une certaine sobriété et son jeu ne se réduit pas à des mimiques et autres tics horripilants. Ismaël Yassin fut un grand acteur, un grand showman et il le prouve ici.
Au-delà de la prestation du nouveau roi du rire, ce qui demeure aujourd’hui du Millionnaire, ce sont ses incroyables scènes dansées et chantées. Elles rassemblent toujours un grand nombre de comédiens et malgré cela les chorégraphies sont exécutées avec un dynamisme et une précision remarquables. Les chansons de Mohamed El Bakkar et d’Azat Al Jahly par leur entrain et leur gaîté sont en phase avec le tempo débridé de l’ensemble.
La séquence la plus mémorable (et la plus longue), c’est celle de l’hôpital psychiatrique où une trentaine de comédiens chantent et dansent, comme emportés dans un délire collectif . Les uns sont revêtus du pyjama réglementaire, les autres déguisés au gré de leurs obsessions ou phantasmes. Tout le monde s’en donne à chœur joie jusqu'à l’apparition de l’infirmier qui siffle la fin de la récréation et le retour à la triste réalité.
A ma connaissance, c’est la première fois qu’un film égyptien évoque ainsi l’univers de la folie et c’est sans doute ce qui explique le succès remporté par le Millionnaire à sa sortie. Le fou jouit d’une liberté d’action et de parole dont le citoyen ordinaire est totalement dépourvu. Et le spectacle de ces cinglés se livrant à toutes les excentricités qui leur passent par la tête a dû exercer une séduction immédiate sur les spectateurs. Par la suite l’hôpital psychiatrique deviendra un cliché de la comédie égyptienne tout comme le travestissement dont Ismaïel Yassin sera aussi un précurseur (Dans Madame Hanafi, le chef d’oeuvre comique de Fateen Abdel Wahab en 1954)
Appréciation : 4/5
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Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin
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