Orients
Editions est une toute jeune maison d’édition créée par Ysabel Saïah Baudis. Elle
publie des ouvrages illustrant le
patrimoine culturel du monde arabo-musulman et elle présente ainsi son projet :
« Essais,
textes inédits et traductions, calligraphies, dessins, photo et bande
dessinée, tout ce qui dit l’intemporalité de cette terre marquée par le
terrestre et le céleste et son renouveau libéré constitueront cette collection,
Orients. »
Ysabel
Saïah Baudis est elle-même l’auteur d’une biographie d’Oum Kalthoum « Oum
Kalsoum, l’étoile de l’orient » aux Editions du Rocher.
Parmi
les nouvelles parutions d’Orients Editions, il y a ce petit ouvrage Nilwood
rassemblant 38 affiches de l’âge d’or du cinéma égyptien en format carte
postale.
Ces
affiches ont été choisies par Mohammad Bakri, professeur d‘arabe et webmestre
du site ministériel « Langue et cultures arabes ».
Mohammad
Bakri survole 50 ans de cinéma égyptien. Il ouvre sa collection avec « Les
Mille et une Nuits » de Togo Mizrahi qui date de 1941 et la clôt avec « Le Citoyen : égyptien » que
Salah Abou Seif réalisa en 1991. Comme il se doit, il fait la part belle aux
années 50 et 60.
On
lit en quatrième de couverture que « ce livre présente les plus grands
films », affirmation un peu étrange car on n'y trouve aucun de ce que d’ordinaire
l’on considère comme les chefs d’œuvre du
cinéma égyptien mais sans doute n’était-ce pas non plus l’intention de l’auteur
que de présenter un tel palmarès. L’affiche de cinéma occupe une place éminente
dans l’art populaire égyptien du XXe siècle et son intérêt n’est pas subordonné
à la qualité du film qu’elle doit illustrer. Ainsi, on découvre dans cet ouvrage la
reproduction de l’affiche réalisée pour la comédie Une Fille Turbulente
d' Houssam
Al Din Mustafa (1967) Elle est chatoyante, pétillante, d’une
sensualité provocante alors que le film est un sinistre nanard qui baigne dans
une atmosphère grisâtre (A ce niveau, on peut presque parler de tromperie sur
la marchandise !). Mais ceci obéit à une certaine logique économique :
un bon film n’a pas forcément besoin d’une belle affiche. En revanche, c’est vital
pour un navet tourné à la va-vite et les producteurs égyptiens l’avaient fort bien compris.
D’aucuns affirment même qu’il est arrivé que l’affiche coûte plus cher que la
réalisation du film lui-même.
Si
les films évoqués dans ce Nilwood ne sont donc pas tous des chefs d’œuvre, en
revanche les affiches présentent toutes de grandes qualités artistiques. Elles
étaient souvent l’oeuvre de peintres arméniens ou grecs formés aux techniques
occidentales de l’illustration et de la publicité. Le cahier des charges qui
leur était soumis laissait peu de place à l’originalité. D’où le caractère un
peu répétitif des motifs : par exemple, on retrouve souvent l’actrice
principale en petite tenue entourée de ses partenaires mâles qui n’apparaissent
qu’en buste. Mais sur un modèle très contraignant, les artistes ont su réaliser
de véritables petits chefs d’œuvre à la gloire de la beauté féminine et de tout ce qui constitue les plaisirs de la vie. Un art hédoniste résolument
kitsch qui égayait les murs des grandes villes arabes et qui aujourd’hui a
totalement disparu. Mohammad Bakri conclut ainsi son petit texte de
présentation : « C’est un âge d’or haut en couleur qu’installa
Nilwood durant plusieurs décennies, abordant sans tabous ni exceptions tous les
sujets sociétaux du moment, avec un esprit ouvert, espiègle, profane,
spirituel, moderne, multicolore, civilisé, humain et surtout tolérant et
cosmopolite. Cet esprit éclairé manque cruellement aujourd’hui. » On ne peut que souscrire à une telle
déclaration.
De
toute façon, au tournant des années quatre-vingt quatre vingt-dix, le cinéma
égyptien abandonne l’affiche peinte au profit de la photo, ce dont témoigne l’avant-dernière
carte postale de Nilwood (Le Marionnettiste d’Hani Lachine, 1989).
Des
collectionneurs de par le monde consacrent leur vie à rassembler ces vestiges d’un
monde qui n’est plus. Parmi eux, citons Abboudi Abou Jaoudé, un libanais qui a amassé plus de
20 000 affiches !
Nilwood de Mohammad Bakri, Orients Editions, 2016
Sur
le site « Langue et Cultures Arabes », Mohammad Bakri a posté d’autres
affiches du cinéma égyptien.
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