إخراج : حسام الدي مصطفى
Houssam Al-Din Mustafa a réalisé La Ruelle de l'Amour en 1983.
Distribution : Ahmed Zaki (Abdel Aziz), Madiha Kamel (Samiah), Mahmoud Abdel Aziz (Saleh), Hassan Abdin (Pacha Abdel Hafez), Farouk El Feshawi (Mourad), Shwikar (Madame Hosnia), Farouk Falawkas (Souksouk), Yousra (Elham), Ibrahim Abdelrazek (le frère d'Elham), Qadria Kamel (la mère d'Elham), Salwa Khattab (Safinaz)
Ahmed Zaki |
Madiha Kamel |
Mahmoud Abdel Aziz |
Hassan Abdin et Farouk El Feshawi, |
Shwikar et Farouk Falawkas, |
Mahmoud Abdel Aziz et Shwikar |
Yousra |
Madiha Kamel |
Yousra et Ahmed Zaki |
Ibrahim Abdelrazek et Qadria Kamel |
Salwa Khattab |
Farouk El Feshawi et Madiha Kamel |
Résumé
Dans les années trente la prostitution est légale en Egypte. Madme Hosnia tient un établissement appelé Hôtel des Princesses, rue de l’Amour. Saleh proxénète et amant de Madame Hosnia dirige la petite entreprise d’une main de fer.
Parmi les pensionnaires, on découvre :
Zinat qui a cinq enfants et un mari malade ;
Elham dont le père est mort et le frère emprisonné pour drogue. Elle doit donc subvenir au besoin de sa mère et de sa sœur. Elle a commencé comme couturière, femme de chambre puis a terminé comme prostituée.
Enfin, Samia qui a fui les mauvais traitements que lui infligeait sa belle-mère. Elle est entrée à l’hôtel comme femme de chambre puis est devenue elle aussi prostituée. Samia est l’objet des assiduités de Saleh mais elle a toujours refusé de coucher avec lui.
Au service des filles de l’hôtel, il y a un garçon efféminé Souksouk.
Parmi ses clients les plus importants, Madame Hosnia est fière de compter le pacha Abdel Hafez, dirigeant du parti au pouvoir, amateur de pratiques masochistes. Il se rend régulièrement à l’hôtel des Princesses pour se faire insulter par les prostituées. Zinat est sa fille préférée. A l’extérieur, le pacha Abdel Hafez se présente comme un homme de morale et de principes. Sa devise est « Vertu et Honneur ». Dans ses meetings, il exige l’interdiction de la prostitution en Egypte.
Abdel Hafez a un neveu, Abdel Aziz. Il est professeur de philosophie à l’université. Dans ses cours, il montre que le criminel ne naît pas criminel mais que le milieu joue un rôle majeur dans son évolution. Abdel Aziz doit épouser sa cousine Safinaz. Celle-ci est une jeune femme frivole et délurée qui entretient en secret une relation amoureuse avec Mourad, un ami d’Abdel Aziz. Mourad est un jeune homme pauvre, très ambitieux. Il souhaiterait entrer au service du Pacha et compte bien profiter de l’amitié d’Abel Aziz pour y arriver. En attendant, il se fait entretenir par Safinaz.
Un jour, Abdel Aziz et Mourad se rendent à l’Hôtel des Princesses. Le professeur de philosophie y rencontre Elham dont il tombe aussitôt amoureux. Il retrouve régulièrement la jeune femme pour parler. C’est lors de l’une de ses visites, qu’il découvre que son oncle est un habitué de l’établissement. Abdel Aziz veut épouser la jeune prostituée et décide de rompre avec sa cousine, Safinaz ce qui lui attire la colère de tous ses proches. De son côté, Mourad fait la connaissance de Samia. Il lui promet le mariage mais voilà, il est pauvre. Samia a une idée : elle fait croire à Saleh qu’elle lui accordera tout ce qu’il désire s’il vole les bijoux d’Hosnia. Mais une fois le trésor entre ses mains, Samia retrouve Mourad, celui qu’elle aime vraiment pour le lui confier. Découvrant la trahison de Samia, Saleh fait irruption chez Mourad et menace les deux tourtereaux d’un long poignard. Mourad parvient à désarmer Saleh. Renversement des alliances : Mourad décide de lâcher Samia pour fuir seul avec l’argent. La jeune femme est folle de rage. Profitant d’une chute de Mourad, Samia le poignarde. Hagarde, elle se laisse entraîner par Saleh hors de l’appartement. Le proxénète veut fuir avec elle et les bijoux, loin du Caire.
Pendant ce temps-là, Abdel Aziz se marie. Il a dû céder à la pression familiale. Mais lors de la cérémonie, il comprend qu’il est en train de faire une erreur. Soudain, il se lève et s’en prend à son oncle. Il révèle publiquement sa fréquentation régulière de l’établissement d’Hosnia. Après avoir provoqué ce scandale, il court rejoindre Elham. Malheureusement, le frère de celle-ci est sorti de prison et a retrouvé sa trace. Il s’est fait passer pour un client de la maison et quand il se retrouve face à sa sœur, il l’égorge. Abdel Aziz arrive trop tard.
Critique
Houssam El Din Mostafa signe ce film resté célèbre pour avoir été interdit à sa sortie. La censure a réclamé que certaines scènes soient supprimées. Une fois les suppressions effectuées, on a trouvé en haut lieu que les scènes de sexe étaient encore trop nombreuses et l’interdiction fut maintenue. Il fallut au producteur une action en justice pour qu’enfin le film put être projeté en salle.
Madame Anastasie a toujours conféré aux œuvres qu’elle poursuit un prestige considérable, aussi bien auprès du public, ainsi alléché, qu’auprès de la postérité. Grâce à son zèle un peu brouillon, elle a sauvé bien des œuvres dont les qualités seules n’auraient pas suffi à leur éviter le bannissement éternel dans les ténèbres de l’oubli. Alors qu’en est-il de cette Ruelle de l’Amour ? Est-elle digne de l’honneur que lui fit en son temps la censure ?
Ce film a bien des atouts. C’est l’adaptation d’un roman d’Ismaïl Wali El Din. Ce dernier est connu pour aborder dans ses oeuvres des thèmes sulfureux. Il est notamment l’auteur du Bain de Malatili adapté au cinéma par Salah Abou Seif, roman qui évoque de manière explicite l’homosexualité masculine. Dans La Ruelle de l’Amour, l’écrivain veut dénoncer la manière dont sont considérées les prostituées dans la société égyptienne. Il s’en prend notamment à ces hommes politiques réactionnaires qui face à leurs électeurs se font les chantres de la rigueur morale et qui ensuite vont passer leurs soirées dans les maisons closes les plus huppées de la capitale. Houssam El Din Mostafa ne gomme rien de la virulence de l’œuvre originale et sa satire de la classe politique à travers le personnage du pacha Abdel Hafez joué par Hassan Abdin est tout à fait réjouissante.
Autre qualité : pour son film, le réalisateur a convoqué les plus grands acteurs du moment. On a loué à juste titre la prestation de Mahmoud Abdel Aziz en maquereau cynique et brutal et celle de Yousra en prostituée au grand cœur (un rôle qui sera déterminant pour sa carrière.) mais celle de Shwikar en tenancière de bordel est tout aussi digne d’éloges.
Enfin, et le contraire aurait été étonnant de la part de Houssam El Din Mostafa, la satire sociale n’a pas étouffé le sens du spectacle dont a toujours fait preuve celui-ci. La reconstitution de toute une époque à travers les décors et les costumes a été réalisée avec soin. On a privilégié les couleurs criardes et les matières satinées si bien que l’ensemble baigne dans une vulgarité chatoyante qui sied bien au propos.
Néanmoins, cette Ruelle de l’Amour comporte aussi bien des défauts : la caricature est parfois outrancière et l’intrigue comporte quelques invraisemblances un peu gênantes. L’auteur du roman n’a pas du tout apprécié cette adaptation de son œuvre (Il le rappelait encore dans un entretien de 2015). Pourtant je ne suis pas sûr que le roman soit totalement exempt des faiblesses constatées dans le film. Prenons par exemple la satire sociale qui reste toujours dans des limites « acceptables » par le plus grand nombre. Dans le cinéma égyptien, il y a une règle intangible : une femme qui s’est livrée à la prostitution est condamnée à mourir. Quelles que soient les raisons qui l’ont poussée à ce métier, quelles que soient les qualités morales dont elle a fait preuve, elle ne peut espérer un retour à l’existence banale de la femme honnête, mariée et mère de famille. On feint de s’apitoyer sur le sort de ces travailleuses du sexe exploitées par les hommes mais on finit toujours par légitimer l’opprobre dont elles sont l’objet. Pour ces femmes, pas de rédemption sinon par la mort. Cette Ruelle de l’Amour n’échappe pas à cette règle. Là encore, il s’agit sans doute de ne pas heurter l’hypocrisie du grand public en cette matière.
Appréciation : 3/5
***
Texte : © Ciné Le Caire/Philippe Bardin
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