أين عمري
إخراج : أحمد ضياء الدين
Où est ma vie ? a été réalisé par Ahmed Diaa Eddine en 1956.
Distribution : Yehia Chahine (Docteur Khaled), Magda al-Sabahi (Aliah), Zaki Rostom (Aziz), Ahmed Ramzy (Adel), Mimi Chakib (Houria Hanim), Ferdoos Mohamed (la gouvernante) Scénario : Ali El Zorkani
Où est ma vie ? est la première adaptation au cinéma d’un roman de l'écrivain Ihsan Abdul Quddus (sans doute l’auteur qui a inspiré le plus grand nombre de cinéastes égyptiens : plus de quarante de ses œuvres ont été portées à l’écran).
Musique : Edvard Grieg (Peer Gynt)
Production : Magda al Sabahi
figure dans la liste des 100 films les plus importants du cinéma égyptienMagda Al Sabahi et Ferdoos Mohamed |
Ahmed Ramzy et Magda Al-Sabahi |
Magda Al Sabahi et Mimi Chakib |
Résumé
Aliah vit entre sa mère et sa gouvernante dans une villa confortable d’Héliopolis (ville créée par le baron Empain au début du XXe siècle. Avec l’extension du Caire, c’est devenu un quartier cossu de la capitale). Elle est scolarisée dans une institution pour jeunes filles de bonnes familles. Malgré cette situation privilégiée, Aliah est lasse de sa vie de petite lycéenne. Et quand Aziz, un ami de ses parents la demande en mariage, elle est folle de joie. Malgré la grande différence d’âge, sa mère consent à l’union. Il est vrai que celle-ci connaît des difficultés financières et que son futur gendre jouit d’une grande fortune.
Malheureusement, très vite, Aziz va révéler son véritable caractère : jaloux et violent. Il installe sa jeune femme dans l’une de ses propriétés loin du Caire. Y vivent déjà ses deux sœurs, vieilles filles aigries et méchantes. Aliah se sent prisonnière.
Lors d’une escapade à cheval, elle rencontre un jeune médecin. Elle en tombe aussitôt amoureuse. Elle ne peut le dissimuler à son mari. Ce dernier devient de plus en plus violent. Il la séquestre et la bat régulièrement. Un soir n’en pouvant plus, Aliah se sauve à cheval du domicile conjugal. Elle pense trouver refuge chez le docteur Khaled mais celui-ci refuse de l’accueillir : ce serait contraire à la morale, elle doit retourner chez son mari. Il referme sa porte, laissant la pauvre Aliah face à Aziz qui l’avait suivie. Alors qu’il s’apprête à la frapper, le cheval qu’Aliah tenait par la bride se cabre et le projette à terre. Le jaloux meurt sous les coups de sabots de l’animal.
Aliah, veuve, est retournée vivre chez sa mère. Le docteur Khaled a tenté de renouer avec la jeune femme mais celle-ci lui en veut de l’avoir abandonnée quand elle lui demandait de l’aide. Bien qu’il se soit installé dans le même quartier que sa mère, elle refuse de le revoir. Elle passe ses journées à se promener. Lors d’une de ses sorties elle rencontre un jeune homme prénommé Adel. Ils conviennent de se retrouver à la terrasse d’un café pour faire plus ample connaissance. Leur entrevue a un témoin très intéressé : Houria, une femme qui tient un club où de riches hommes mûrs rencontrent des jeunes filles peu farouches. Elle entre en contact avec Adel et le convainc de venir dans son club avec son amie.
Aliah est destinée à l’un des meilleurs clients d’Houria et tout est mis en œuvre pour que la jeune femme tombe dans ses bras sans résister. Adel a bu plus que de raison et n'est plus en état de la défendre. C’est sans compter sur le Docteur Khaled qui fait son apparition au moment le plus critique. Il distribue quelques coups de poing aux hommes présents et raccompagne Aliah chez sa mère.
Au milieu de la nuit, Adel, ivre mort, s’introduit dans la chambre de la jeune femme et tente de la violer. Aliah parvient à échapper à son emprise et sort de la maison. Son agresseur saute dans sa voiture et la poursuit alors qu'elle se dirige vers le domicile du docteur Khaled en hurlant son nom. Celui-ci sort aussitôt de chez lui, Aliah se jette dans ses bras.
Critique
Un très beau mélodrame de facture classique avec des actrices et des acteurs de grand talent. Où est ma vie ? évoque le destin d'une femme au lendemain de la chute de la monarchie et de la prise de pouvoir par les officiers libres. Aliah, l'héroïne, est un personnage tragique dont toutes les tentatives pour échapper aux hommes sont vouées à l'échec. On la voit fuir, à pied, à cheval, on la voit frapper du poing des portes pour qu'enfin elles s'ouvrent. Rien n'y fait. Elle ne quittera pas la prison à laquelle sa condition de femme la condamne. Et on se doute que son sauveur, le docteur Khaled, ne sera pas plus "progressiste" que son premier mari.
A propose de Où est ma vie ? Kamal Ramzi écrit dans le catalogue de l'exposition Egypte, Cent Ans de Cinéma (Editions Plume, 1995) : "Le film s'accorde avec le climat psychologique de l'époque : quatre ans à peine se sont écoulés depuis la révolution, et les idées d'indépendance politique, d'équité sociale et économique sont à leur faîte. La certitude confiante de pouvoir dépasser le pessimisme, les difficultés du passé, de déterminer librement son destin collectif et individuel prédomine. (...) Outre son vieux mari égoïste, [l'héroïne] affronte tout son entourage, faisant fi des interdits, résolue à sauver les années qui lui restent à vivre."
Commentaire un peu étrange ! Difficile de trouver dans cette oeuvre d'Ahmed Diaa Eddine, une vision optimiste de la condition féminine dans l'Egypte nassérienne. Au contraire ! Le dénouement affirme nettement que le désir de la femme de se libérer de l'emprise de l'homme est illusoire. Tout est fait pour convaincre la femme qu'elle ne trouvera la sécurité et le bonheur qu'auprès d'un mari. Hors du mariage, point de salut ! Aliah devra donc abandonner tous ses rêves d'émancipation et d'indépendance.
Et si l’on souhaite
vraiment considérer Où est ma vie ? comme un indicateur de l’état d’esprit qui régnait
en Egypte au milieu des années cinquante, il faudrait plutôt parler de
scepticisme généralisé qui tend à regarder le mouvement des officiers libres de
1952 comme une révolution en trompe l’œil. Quatre ans après la prise de pouvoir
par Nasser et ses amis, les fondements traditionnels de la société sont plus
solides que jamais et ce que nous montre très bien ce film, c'est que les femmes n'ont pas grand chose à attendre de cette nouvelle ère politique. Un constat d'une lucidité rare !
Appréciation : 4/5
****
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