samedi 1 novembre 2025

A la télé : les films du jour (Rotana Classic du 1er au 4 novembre)

روتانا كلاسيك

Quels films peut-on voir sur la chaîne Rotana Classic ? Les horaires donnés sont ceux de l'après-midi ou de la soirée (heure de Paris). La plupart des films sont ensuite rediffusés le lendemain matin.
Rotana Classic a remplacé Rotana Zaman en 2012. Cette chaine fait partie du groupe Rotana basé en Arabie Saoudite et spécialisé dans le divertissement (télévision et musique). Celui-ci a été créé par le prince Al-Walid ben Talal ben Abdelaziz Al Saoud, membre de la dynastie Al Saoud et petit-fils du fondateur de l'Arabie Saoudite. Comme son nom l’indique, Rotana Classic diffuse essentiellement les grands classiques du cinéma égyptien. Disponible en France.


Mardi 4 novembre à 22h

Entre ciel et terre de Salah Abou Seif (Bayna as-sama wa al ard, 1959)
avec Hind Rostom (Nahed Shukry, la star), Abdel Salam Al Nabulsi (l’aristocrate), Mahmoud El Meleigy (le gangster), Abdel Moneim Ibrahim (le fou), Said Abu Bakr (le harceleur), Zizi Mustafa (Sonia), Yacoub Mikhail (le mari de la femme enceinte), Ahmed Louksor (le metteur en scène), Abdel Ghani El Nagdi (le serviteur), Mahmoud Azmy (l’amant), Naïma Wasafi (la femme enceinte), Amin Wahba (le vieillard), Kadreya Kadry (la femme infidèle), Nahed Samir (l’épouse du vieillard), Samia Rushdy (Zakia), Abdel Moneim Madbouli (le voleur)Scénario : Naguib Mahfouz et El Sayed Badeir
Musique : Fouad El Zahry
appréciation : 5/5


Apologue. Dans la chaleur estivale d'un vendredi après-midi au Caire, un groupe d'individus représentant toute la société égyptienne restent bloqués dans l'ascenseur d'un grand building de Zamalek (Lebon Building construit en 1952) durant plus d’une heure. Parmi les passagers, on trouve une star de cinéma (Hind Rostom) accompagnée de son chien, un aristocrate sans le sou (Abdel Salam Nabulsi) un chef de gang (Mahmoud El Meleigy), un picpocket (Abdel Moneim Madbouly), un fou échappé de l’asile (Abdel Moneim Ibrahim), une femme infidèle (Kadreya Kadry) et son amant (Mahmoud Azmy), un cuisinier (Abdel Ghani El Nagdi), une femme enceinte (Naïma Wasafi) et son mari, un obsédé sexuel (Saïd Abou Bakr), un vieil homme (Amin Wahba) qui doit épouser une très jeune femme, une lycéenne (Zizi Mostafa) qui doit rejoindre son amoureux. Le huis clos tourne au psychodrame. Pendant ce temps-là, l’équipe de cinéma installée sur la terrasse du bâtiment attend sa vedette pour tourner une scène et le metteur en scène se montre de plus en plus fébrile tandis que des gangsters s’apprêtent à forcer le coffre-fort d’une grande compagnie dont le siège se trouve aussi dans l’immeuble.

Notre avis : si nous devions considérer le film d'ascenseur comme un genre en soi, nous n'hésiterions pas à classer cet Entre Ciel et Terre parmi ses plus belles réussites, à égalité avec Ascenseur pour l'Echafaud de Louis Malle qui date de 1958. Ce film de Salah Abou Seif dont le scénario est signé Naguib Mahfouz est un chef d'oeuvre d'intelligence et d'humour servi par une troupe d'acteurs exceptionnels. Comment est-il possible que soixante-cinq ans après sa sortie, il reste aussi méconnu en Occident ?


Lundi 3 novembre à 18h30

Tous Sont Mes Enfants d'Ahmed Diaa Eddine ( Kollohom Awlady,1962)
avec Chukry Sarhan (Amin), Salah Zulficar (Salem), Hassan Youssef (Mehdat), Zizi Al Badraoui (Karima, la cousine des trois frères), Amina Rizq (la mère des trois frères), Tawfik El Deken (le chef des voleurs), Abdel Khalek Saleh (le père des trois frères), Mimi Gamal (une amie de Mehdat), Abdel Salam Mohamed (Izzat, un ami de Mehdat), Mahmoud Mustafa (Magdy, un ami de Mehdat), Abdel Rahman Abo Zahra (Ibrahim, un ami de Mehdat), Abdel Ghani El Nagdi (le serviteur)
Scénario : Farid Shawki et Kamal Ismaïl
Production : Naguib Khoury


Amin, Salam et Mehdat sont trois frères. Le premier est en dernière année de droit, le second est un tout jeune officier de police et le troisième, le plus jeune, souhaite devenir ingénieur mais dans ses études, il manque singulièrement de sérieux. Toute la famille est réunie pour le dernier déjeuner avant leur départ. C’est la fin des vacances, et ils doivent tous les trois retourner au Caire. Autour de la table, outre les trois frères, il y a leur mère qui les adore, leur père qui a toujours été d’une sévérité extrême et leur cousine Karima qui est amoureuse de Medhat. Le repas terminé, les trois jeunes gens prennent la route de la gare.
De retour au Caire, Medhat renoue avec ses mauvaises fréquentations. Il passe ses journées à boire et à jouer aux cartes. Il perd beaucoup d’argent. Très vite, il se retrouve dans une situation inextricable : il ne sait plus comment honorer ses dettes…

Notre avis : une chronique familiale qui évoque l’affrontement entre trois frères aux parcours divergents. Le dispositif paraîtra un peu schématique : l’opposition est frontale entre le cadet, jeune policier, et le benjamin qui a plongé dans la délinquance ; en revanche l’aîné qui est avocat (évidemment !) adopte une attitude de tolérance et de conciliation. « Tous sont mes enfants » est un film à thèse qui remet en cause l’autorité paternelle. Pour les auteurs*, l’autoritarisme du père est le premier responsable des dérives des enfants. Soit ! Malgré cette volonté de prouver et de démontrer que l’on retrouve dans chaque scène, ce film n’est pas aussi indigeste qu’on pourrait le craindre. Sans doute, est-ce dû à la qualité de l’interprétation et notamment au jeu si sensible de la jeune et frêle Zizi Al Badraoui.
*On est étonné de trouver comme scénariste pour ce film, l’acteur Farid Shawki qui a toujours incarné à l’écran les hommes virils et dominateurs !


Dimanche 2 novembre à 18h30

Le Faux Millionnaire d'Hasan El Seifi (Al milioneer al mozayaf, 1968)
avec Fouad El Mohandes (l’ingénieur Hamdi/Sayed, le mexicain), Shwikar (Zahra, la femme d’Hamdi), Abdel Monem Madbouly (Hosny, l’avocat), Lebleba (Nifin, la fille du ferrailleur), Abbas Fares (le ferrailleur), Bader Eddin Jamgome (Afifi, le secrétaire), Nagwa Fouad (Samiha), Samir Sabri (Samir), Hassan Mostafa (le robot Mac Mac), Mohamed Shawky (l’huissier), Fifi Youssef (la belle-mère d’Hamdi), Abdel Ghani El Nagdi (l’assistant de l’avocat), Sayed Ibrahim (le policier), Anwar Madkor (le constructeur automobile)
Scénario : Abdel Monem Madbouly, Samir Khafagi, Nabil Gholam
Musique : Helmi Bakr
Paroles des chansons : Fathy KouraProduction : Hassan El Seifi, Société de production cinématographique du Caire


Comédie musicale. Hamdi est professeur à l’Institut National de Recherche mais c’est avant tout un inventeur et sa spécialité ce sont les moteurs automobiles. Il s’apprête à rendre public sa dernière invention : le moteur Nafissa 2900. Pour ses travaux, il s’est endetté auprès d’un ferrailleur qui souhaiterait devenir son partenaire. Hamdi a toujours refusé cette association car il tient à garder son indépendance. Malheureusement, sa situation financière est de plus en plus critique et pour ne rien arranger, son épouse continue à dépenser sans compter. Enfin la présentation officielle de son nouveau moteur a lieu en présence de grands constructeurs internationaux mais la démonstration vire à la catastrophe : le prototype se casse en deux dès le démarrage. Peu après cet échec cuisant, un miracle a lieu. L’avocat Hosny informe Hamdi que son frère aîné, exilé au Mexique, vient de mourir et lui lègue toute sa fortune. Si Hamdi ne se manifestait pas, l’héritage irait à Sayed, leur cousin mexicain…

Notre avis : en cette année 1968, Fouad El Mohandes est partout, au cinéma, à la télévision et au théâtre. Il est enfin devenu le roi de la comédie populaire, digne successeur d’Ismaïl Yassin qui a quasiment disparu des écrans. Avec sa femme Shwikar, ils forment le couple le plus célèbre du cinéma égyptien de l’époque et on les retrouve mari et femme dans cette gentille comédie d’Hassan El Seifi. La cible de ce « Faux Millionnaire » est clairement le public familial et il s’agit de plaire avant tout aux enfants. D’où ces personnages et ces situations qui rappellent l’univers de la bande dessinée. Un film divertissant à voir en compagnie de très jeunes spectateurs.


Samedi 1er novembre à 22h

Gare centrale de Youssef Chahine (Bab El Hadid, 1958)
avec Youssef Chahine (Kenaoui) , Hind Rostom (Hanouma) , Farid Chawki (Abou Siri), Hassan El Baroudi (Madbouli), Abdel Aziz Khalil (Abou Gaber), Hussein Ismaïl (le passager du train), Safia Tharwat (Alawatim), Ahmed Abaza (Mansour), Abbas El Dali (Abbas Al Shayyal)
Scénario : Abdel Hai Adib
Musique : Fouad El Zahry
figure dans la liste des 15 films les plus importants du cinéma égyptien


Classique. Le boiteux et simple d’esprit Kenaoui vend des journaux à la gare centrale du Caire. Incapable de séduire une femme, il vit dans une frustration sexuelle permanente. Il a couvert les murs de sa cabane d’images de pin-ups et de femmes dénudées. Dans la gare, il rencontre régulièrement Hanouma, la pulpeuse vendeuse de limonade et il en est tombé follement amoureux. Malheureusement pour Kenaoui, Hanouma n’a d’yeux que pour Abou Siri, un bagagiste costaud et fort en gueule. Un jour, les deux amoureux se disputent en présence du vendeur de journaux. Ce dernier pense que la voie est libre : il déclare sa flamme à Hanouma et lui offre un bijou qui avait appartenu à sa mère. La jeune femme le rabroue sans ménagement. Kenaoui veut se venger…

Notre avis : le meilleur film de Youssef Chahine. Si aujourd’hui « Gare Centrale » est considéré comme une réussite incontestable par le public et les critiques, il n’en fut pas de même à sa sortie. Sans doute est-ce dû au fait que le cinéaste avait osé provoquer la morale traditionnelle et les conventions du cinéma commercial des années cinquante en choisissant comme personnage principal un handicapé obsédé sexuel. Non sans un certain panache, Chahine décida d’incarner lui-même cet être difforme et déconcertant. Autre objet de scandale : la puissance érotique du personnage joué par Hind Rostom. Ce film contribua grandement à faire de l’actrice « la Marylin Monroe » égyptienne. « Gare Centrale » est une œuvre unique, en ce sens où elle reprend certains thèmes familiers du cinéma de l’époque tout en rompant avec les codes et les stéréotypes de celui-ci. Pour la réalisation de son douzième film, le jeune cinéaste de trente-deux ans a revendiqué et obtenu une liberté totale. Il a ainsi montré la voie aux grands réalisateurs des décennies suivantes.


Cléopâtre

كليوباترا


Taheya Carioca en Cléopâtre 
dans la comédie J'aime les Erreurs d'Hussein Fawzy (1942)






Depuis juin 2025, l’Institut du Monde Arabe consacre une exposition à Cléopâtre, dernière souveraine d’Égypte. Intitulée « Le Mystère Cléopâtre », cette manifestation explore les multiples facettes d’une figure historique dont la légende, tissée de faits et de fictions, continue de captiver plus de deux millénaires après sa disparition.

Le cinéma s’est très tôt emparé de ce mythe. Dès 1899, Georges Méliès réalise un court-métrage de deux minutes évoquant la reine égyptienne. Parmi les œuvres marquantes qui lui sont consacrées, citons La Reine des Césars (1917) de J. Gordon Edwards, avec Theda Bara, premier sex-symbol du grand écran ; Cleopatra (1934) de Cecil B. DeMille, portée par la flamboyante Claudette Colbert ; et bien sûr le somptueux Cleopatra (1963) de Joseph L. Mankiewicz, où Elisabeth Taylor incarne une Cléopâtre inoubliable et devient l’archétype de la reine d’Égypte pour des générations de spectateurs.

Paradoxalement, le cinéma égyptien s’est peu intéressé à cette figure pourtant emblématique. Peut-être jugeait-on que cette souveraine, jalouse de son pouvoir et farouchement libre dans ses amours, heurtait de manière trop provoquante les normes morales traditionnelles. Pourtant, le cinéma égyptien de l’âge d’or n’a pas hésité à mettre en lumière des héroïnes audacieuses, affirmant leurs désirs face aux hommes. Il est plus probable que des raisons économiques aient freiné les ambitions : les péplums exigent des budgets colossaux. Rappelons que le Cleopatra de Mankiewicz a failli précipiter la 20th Century Fox dans la faillite.

Il existe néanmoins une Cléopâtre égyptienne, réalisée en 1943 par Ibrahim Lama, aujourd’hui malheureusement perdue. En guise de consolation, on peut se tourner vers la comédie J’aime les Erreurs (1942) d’Hussein Fawzy. Ce film ne raconte pas directement la vie de Cléopâtre, mais suit l’ascension d’une jeune actrice, incarnée par Taheya Carioca, qui accède à la célébrité en jouant le rôle de la maîtresse de César et de Marc-Antoine. Une séquence mémorable montre la projection du film dans le film : une dizaine de minutes muettes, avec accompagnement musical, où l’on assiste aux dernières péripéties de l’existence de Cléopâtre. Le charisme, la beauté et le jeu de Taheya Carioca y sont éclatants, à la hauteur des plus grandes actrices ayant incarné la reine. On ne peut s’empêcher de regretter qu’aucun cinéaste n’ait songé à lui confier le rôle principal dans une véritable fresque dédiée à Cléopâtre.